Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 16 novembre 2007 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 68 bis

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

L'article 68 bis supprime la condition d'intentionnalité à la transmission des cas de travail illégal à la sécurité sociale, à la MSA, et aux ASSEDIC par les agents de contrôle.

Pourtant, la rédaction de l'article L. 114-15 du code de la sécurité sociale avait été nuancée lors de l'adoption du projet de loi de finances pour 2006. Il avait été tenu compte du fait que même si les personnes travaillant dans ces conditions sont parfois conscientes de l'illégalité de leur position, elles n'en subissent pas moins la contrainte de la part de leur employeur.

Cela a d'ailleurs été reconnu à l'Assemblée nationale par le Gouvernement, qui a déclaré ceci : « S'agissant du travail au noir, on sait qu'il est, sauf exception, conscient de la part des salariés, mais souvent subi. Est-il alors intentionnel ? On peut en discuter. » C'est ce que nous faisons, puisque l'on nous y invite.

Le travail au noir revêt diverses formes, dont l'emploi totalement clandestin, qui en est la forme la plus rare et la plus grave.

Dans ce cas, même si la condition d'intentionnalité est discutable, la contrainte demeure évidente. C'est donc bien le pseudo « employeur » qu'il faut viser, et non le salarié.

D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous demandons le retrait de cet article.

Le travail illégal peut aussi être exercé par certains bénéficiaires indélicats de minima sociaux ou d'allocations chômage pour compléter des ressources insuffisantes.

Compte tenu du faible montant des minima sociaux, nous sommes presque face à un état de nécessité. C'est d'ailleurs cette observation qui sous-tend en partie la démarche de Martin Hirsch, avec le revenu de solidarité active, le RSA.

Madame la ministre, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez même proposé d'instaurer des cotisations pour les petits travaux réalisés par des personnes en insertion suivies par des associations. Le fait de cotiser est aussi un facteur d'intégration sociale et, accessoirement, il n'est pas sans incidence sur les statistiques du chômage.

Mais je voudrais profiter de cette occasion pour faire une observation. Nous le savons tous, la forme de travail illégal la plus répandue, ce sont les heures non déclarées. Or vous venez de faire voter une loi sur les heures supplémentaires selon laquelle celles-ci seront exonérées socialement et fiscalement. En bonne logique, le salarié qui effectuera des heures supplémentaires et l'employeur qui les exige devraient avoir tout intérêt à les déclarer.

Alors, à quoi sert cet article ? S'agit-il de renforcer l'incitation à déclarer les heures supplémentaires ? Et qui est visé ? Les salariés !

En réalité, madame la ministre, avec ce dispositif, vous abordez la question du pouvoir d'achat. Les personnes qui effectuent des heures supplémentaires, qu'elles soient clandestines ou non, le font en raison de la faiblesse de leur salaire.

Bien entendu, le salarié qui effectue des heures supplémentaires ou complémentaires, en étant payé de la main à la main, est conscient de la situation. Mais si ces heures ne sont pas déclarées, l'argent versé de la main à la main n'apparaît pas sur la fiche de paie et le salarié et sa famille conservent leur droit à telle ou telle prestation sociale.

Si les heures sont déclarées, les prestations disparaissent. Et vous me permettrez de vous faire observer que, s'agissant de personnes qui, souvent, ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu, l'exonération des heures supplémentaires les indiffère totalement. Ce qui compte pour ces familles modestes, c'est de préserver l'accès aux prestations.

Voilà comment, en gagnant plus, elles vont en réalité avoir moins. Seul l'employeur aura tout intérêt à déclarer les heures supplémentaires, mais le salarié, au final, y perdra.

Voilà comment, drapé dans la légalité, on parvient à faire diminuer le revenu des salariés, donc leur pouvoir d'achat, et à bricoler pour économiser quelques prestations sociales.

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