Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 11 octobre 2007 à 9h30
Politique numérique — Discussion d'un question orale avec débat

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Notre vulnérabilité est d'autant plus inquiétante que la France enregistre un retard. Notre investissement dans les nouvelles technologies est moitié moindre de celui que les États-Unis consentent. Voilà quelque temps, un rapport rendu par le Conseil d'analyse économique estimait que ce retard coûtait 0, 7 point de croissance, ce qui est énorme, et un manque à gagner équivalent à plusieurs centaines de milliers d'emplois. La situation est donc suffisamment grave pour que je m'attarde sur cette question.

En faisant référence au Commissariat à l'énergie atomique, je propose de créer un « commissariat au numérique ». À mon sens, le numérique est au XXIe siècle ce que fut l'atome au XXe siècle. Ce commissariat serait l'incarnation d'une volonté politique très forte, le lieu de l'expertise, d'un pilotage, d'une vraie coordination destinée à donner une impulsion aux différents chantiers. Il devrait être rattaché au Premier ministre, parce qu'une telle action, je citerai tout à l'heure quelques exemples, est nécessairement transministérielle, à tout le moins interministérielle.

Ce commissariat pourrait s'occuper d'un grand nombre de questions numériques très sérieuses. Comme je ne puis toutes les énumérer aujourd'hui, je n'en aborderai que quelques-unes.

Tout d'abord, j'évoquerai les réseaux de nouvelle génération, en particulier la fibre optique, que j'ai citée tout à l'heure. Nous risquons de voir se reconstituer une sorte de monopole naturel sur la boucle locale, car le processus dirimant est l'accès au génie civil. Dans ce domaine, il faudra garantir l'accès au fourreau, sorte de dégroupage des infrastructures passives pour les opérateurs.

Il faudra également, et ce ne sera pas le plus facile, mutualiser le réseau vertical, celui qui est installé dans les immeubles, pour ne pas obliger les Français à faire comme les Américains, qui, pour changer d'opérateur, doivent changer de quartier.

Pour traiter ces problèmes, il est bien sûr nécessaire de faire appel au régulateur ; je lui fais confiance sur ces questions de garantie d'accès et de non-reconstitution d'un monopole de la boucle locale. Mais il faudra également apporter des modifications au droit de la construction, au droit de l'urbanisme, au droit de la copropriété et au code des postes et communications électroniques. On constate donc que ces sujets sont surtout transversaux.

J'en viens maintenant à la gestion du spectre hertzien et aux retombées économiques qui en découlent. Dans le rapport Levy-Jouyet, le flux des revenus de l'utilisation de ces fréquences a été évalué à 2 % du PIB, ce qui n'est pas rien !

Sur un sujet qui passionne aujourd'hui les spécialistes, à savoir le dividende numérique, vous savez que le basculement vers le numérique nous permettra de récupérer des fréquences « en or », qui possèdent des caractéristiques très intéressantes en termes de propagation, de couverture et de pénétration dans les bâtiments.

Aujourd'hui, le débat fait rage, opposant un camp à un autre. Or la loi a prévu une méthode particulièrement sage de répartition de ce dividende. Il faudra s'y tenir et, surtout, ouvrir très largement le débat.

Je formulerai quelques observations.

Première remarque, avant de répartir le dividende, il va falloir l'obtenir. Or, à l'heure actuelle, il n'est pas financé. Les Britanniques, par exemple, qui ont prévu environ 300 millions d'euros pour cette migration, et plusieurs centaines de millions pour les publics fragiles, ont dix-huit mois à vingt-quatre mois d'avance sur nous.

En France, un GIE fréquences est chargé des réaménagements de fréquences au niveau local. On a constaté que le coût de ces réaménagements - il faut persuader la population de migrer d'un canal à l'autre - s'élève à trois euros par habitant. Si l'on multiplie cette somme par les 60 millions d'habitants que compte notre pays, on obtient 180 millions d'euros. Or aucune budgétisation n'est prévue !

Au moment de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, nous avons voté à l'unanimité pour l'objectif cible suivant : 95 % de la population française doit bénéficier d'une diffusion en mode numérique par voie hertzienne terrestre. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a calculé que 1 800 sites environ étaient nécessaires. Si l'on considère la capacité actuelle du CSA à ouvrir des sites nouveaux, on peut en conclure qu'une formidable accélération est indispensable dans ce domaine. Par conséquent, j'insiste sur ce point, avant de répartir le dividende, il va falloir l'obtenir.

Deuxième remarque, le dividende appartient au domaine public. Il s'agit de la propriété de tous les Français, et non pas celle d'un lobby.

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