Monsieur le secrétaire d'État, les points de vue exprimés sont divers, comme vous avez pu le constater. Leur convergence étant une nécessité absolue, nous attendons de votre part des réponses et des indications de tendance.
Au marché international des contenus audiovisuels, ou MIPCOM, qui s'est tenu à Cannes en début de semaine, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a présenté la mise en chantier de la réforme de l'audiovisuel français, avec la perspective d'un projet de « loi globale » susceptible de remplacer la loi de 1986 et de revenir, notamment, sur les décrets de 2001 de Mme Catherine Tasca.
Dans le même temps, le devenir de l'audiovisuel extérieur français fait l'objet de réflexions stratégiques au sommet de l'État, susceptibles de déboucher sur une définition plus précise, et sans doute plus opportune, des tâches de chacun, dont la presse, aujourd'hui même, se fait l'écho.
C'est dire combien la question de notre collègue Bruno Retailleau, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, nous paraît pertinente.
L'évolution très rapide des technologies, leur utilisation par le grand public, la convergence entre l'audiovisuel et les télécommunications, le rapprochement du contenu et des réseaux et l'utilisation de bandes de fréquences hertziennes identiques pour différents usages - processus sur lesquels la commission des affaires culturelles travaille régulièrement à l'occasion de ses réunions ou par l'intermédiaire du groupe de travail « Médias, nouvelles technologies et société » présidé par Louis de Broissia - appellent à s'interroger de manière insistante sur les modalités actuelles de gestion de la ressource hertzienne, mais également sur l'utilisation future du « dividende numérique », terme désignant les bandes de fréquences progressivement libérées par l'arrêt programmé de la diffusion analogique des services télévisés.
M. Bruno Retailleau a raison de vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur l'usage que le Gouvernement veut faire des conclusions et propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques. Cet excellent travail vient à point et doit nous inciter à mettre de l'ordre dans les structures existantes et à redéfinir les missions de chacune d'entre elles, après en avoir fixé clairement les objectifs.
Le passage au numérique nous en donne une occasion exceptionnelle, qui n'est pas prête de se reproduire. Le concept de gouvernance est à la mode. Nous pouvons l'évoquer ici : il nous faut une gouvernance lucide et efficace du paysage numérique français, sous peine de confirmer la fracture numérique et de l'accroître
Compte tenu de l'intitulé de la question posée, je concentrerai mon propos non pas sur le présent, qui, en matière de technologies de l'information, appartient souvent au passé tellement l'évolution est rapide, mais plutôt sur l'avenir et sur le réinvestissement, l'utilisation de ce dividende, sujet politique et industriel essentiel, et pour le moins sensible.
Cette question a déjà fait l'objet de débats passionnés l'hiver dernier dans cette même enceinte ! C'était à l'occasion de la discussion de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
En dépit de positions a priori antagonistes, défendues par les représentants de la commission des affaires culturelles et ceux de la commission des affaires économiques saisie pour avis, nous avions défini avec succès - cela mérite d'être souligné - une position commune concernant l'attribution de ces fameuses fréquences « en or », qui suscitent déjà tant de convoitises. Cette position repose sur deux principes et deux garde-fous.
J'évoquerai en premier les principes.
Tout d'abord, s'agissant d'une ressource rare faisant partie du domaine de l'État, nous avions décidé, de manière assez traditionnelle et conventionnelle, qu'il appartiendrait au Premier ministre de réaffecter ces fréquences libérées aux administrations, au CSA ou à l'ARCEP.
Ensuite, s'agissant de fréquences libérées par des services audiovisuels, et plus précisément des chaînes de télévisions hertziennes gratuites utilisant cette ressource en contrepartie d'importantes obligations de diffusion et de production d'oeuvres françaises et européennes, nous avions estimé équitable de garantir à ces services la plus grande part des fréquences libérées.
J'en viens aux garde-fous.
Le premier n'est pas négligeable, puisqu'il permet de répondre en partie à la demande de pilotage politique et technique exprimée par notre collègue Bruno Retailleau. Il prend la forme d'un schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique, élaboré par le Premier ministre.
Le second garde-fou est, quant à lui, constitué par une « commission du dividende numérique », comprenant quatre députés et quatre sénateurs désignés parmi les membres des deux commissions chargées des affaires culturelles et des affaires économiques. Aux termes de la loi, cette commission est appelée à se prononcer sur le projet de schéma national de réutilisation des fréquences libérées et peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur le sujet.
À cet égard, je vous indique, monsieur le secrétaire d'État, que les deux commissions du Sénat ont d'ores et déjà désigné les quatre membres appelés à représenter la Haute Assemblée au sein de cette commission. Il appartient, par conséquent, aux commissions concernées de l'Assemblée nationale de faire de même dans les meilleurs délais, afin que cette nouvelle instance puisse, le cas échéant, se saisir des sujets d'actualité susceptibles d'influer de manière directe ou indirecte sur l'affectation future du dividende.
Il est inutile d'évoquer une commission ad hoc et de ne pas la mettre en service. Pour notre part, ayant désigné nos représentants, nous souhaitons qu'elle se mette en place très rapidement.
Parmi ces sujets, il en est un qu'il me semble bon d'évoquer ici. Il s'agit du mandat - déjà cité par M. Bruno Retailleau - qui pourrait être donné à la délégation française conduite par l'Agence nationale des fréquences, l'ANFR, dans le cadre de la Conférence mondiale des radiocommunications qui se déroulera à Genève à partir du 16 octobre prochain. Ce mandat concerne plus particulièrement l'éventuelle identification d'une sous-bande de fréquences UHF destinée aux services innovants de téléphonie mobile.
Alors que les besoins en fréquences des services audiovisuels, tels qu'ils résultent des objectifs fixés par le législateur dans la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, sont très importants, la commission des affaires culturelles restera particulièrement attentive aux signes envoyés aux opérateurs des différents secteurs qui devront faire face à des modifications très profondes.
Je rappelle qu'à moyen terme la bande UHF est appelée à permettre le déploiement et la diffusion dans des conditions optimales des services de la TNT dans les zones les moins densément peuplées et situées par conséquent au-delà des obligations actuelles, des services de la télévision mobile personnelle, la TMP, des services télévisés gratuits diffusés en haute définition, très exigeante en ressource radioélectrique, des services de radio numérique.
Je tiens à souligner, monsieur le secrétaire d'État, que je ne suis pas, par principe, opposé à la définition de cette fameuse sous-bande hertzienne dans le cadre des négociations internationales. D'ailleurs, chacun sait ici que les décisions de l'Union internationale des télécommunications, l'UIT, n'obligent pas les pays membres à mettre en oeuvre le service correspondant à la bande de fréquences identifiée.