À la page 94, il est écrit ceci : « Le dividende numérique constitue une opportunité historique à saisir pour soutenir l'innovation. » À la page 100, les auteurs recommandent de recourir pour la privatisation des fréquences hertziennes à la « procédure d'enchères comme mode d'attribution du droit d'accès aux ressources collectives. » À la page 130, il est écrit que « s'ajoute un autre impératif : la prise en compte de la convergence entre le secteur des télécommunications et de l'audiovisuel ».
J'ai retenu aussi les deux idées suivantes : « la convergence entre contenu et diffusion », à la page 17, et la nécessité d'« affecter mieux qu'aujourd'hui les fréquences en fonction de leur utilité économique », à la page 131.
Ce rapport a commencé à être appliqué pour les musées et il commence à l'être pour le numérique.
Deuxièmement, avant-hier, lors de l'ouverture du MIPCOM, Mme la ministre de la culture a annoncé le dépôt d'un projet de loi global qui devrait être présenté à la fin du premier trimestre de 2008.
« Tout est positif dans ce projet de réglementation : la hausse des volumes publicitaires, l'assouplissement des obligations de production et la levée des seuils anti-concentration », a déclaré un courtier à la bourse quand il l'eut entendue. L'action de TF 1 a augmenté le même jour de 12, 76 %, celle de M 6 de 8, 25 %, celle de Canal + de 7, 87 %.
Troisièmement, le groupe issu de la fusion en 2006 de l'équipementier des télécommunications Alcatel et de l'américain Lucent Technologies en est à son troisième avertissement sur ses objectifs financiers, avec des licenciements à la clé.
Quatrièmement, dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture, le Président de la République lui demande de veiller « à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant à l'attente du public ». Il précise pour France télévisions : « Un certain nombre de synergies importantes, qui n'ont été que trop longtemps différées, doivent être mises en oeuvre. Pour les permettre, vous expertiserez et nous proposerez les modifications souhaitables de structure. »
Ces quatre évocations indiquent que « l'esprit des affaires prétend s'imposer aux affaires de l'esprit ». La tâche qu'a confiée l'Élysée à Mme la garde des sceaux, Rachida Dati, non seulement d'alléger, mais surtout de dépénaliser le droit des affaires constitue un encouragement dans cette voie.
En vérité, le droit des affaires en est à une étape où la convergence MEDEF-Gouvernement « invente le réel ». Cela me fait penser au temps où Robert Hersant, grand patron de presse, disait fièrement : « J'ai une loi d'avance ».
C'est à cela qu'aboutissent les lobbies, qui deviennent de plus en plus entreprenants et influents. Songez au lobby des trois grands opérateurs de télécoms ! Orange, filiale de France Télécom, SFR, filiale de Vivendi, et donc très proche de Canal +, Bouygues Télécom, filiale du groupe du même nom, intimement lié à TF1, ont obtenu, grâce à la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, le marché de la télévision mobile personnelle - ce qui représente 50 millions d'usagers -, bien qu'ils aient été condamnés un an auparavant pour entente illicite par le conseil de la concurrence.
Je dis et redirai inlassablement cela jusqu'à ce que ce système soit remis en cause. Actuellement, ce mélange technologies - économie apparaît comme victorieux, comme une utopie qui a réussi - Jules Verne dans la vie, en quelque sorte -, alors que l'utopie sociale s'est écroulée. Il faut démystifier ce phénomène, rejeter cette prétendue causalité fatale, cette sorte de destin à accomplir, cette technique instrumentalisée comme un fatum, comme si elle était extérieure à la société qui l'engendre. Il faut rendre à chaque être ce que crie actuellement au théâtre des Bouffes du Nord une femme dans la pièce Je tremble (1), de Joël Pommerat : « Je veux mon avenir ! Je veux qu'on me donne mon avenir ! »
Quand je pense que, au Sénat, il y a quelques années, M. Madelin, lors d'un colloque sur les nouvelles technologies, avait déclaré sans rire ceci : « Les nouvelles technologies sont naturelles comme la gravitation universelle. »