Au sein de la commission, nous avons en effet estimé que, dix ans après la création de l'ARCEP, le temps était venu de faire le bilan de l'action de cette autorité de régulation économique sectorielle, première du genre, et de dessiner ses perspectives d'évolution afin qu'elle puisse contribuer à renforcer les positions françaises dans ce secteur de première importance.
Il est devenu essentiel de réfléchir au mode de régulation le plus approprié pour optimiser le potentiel économique que le numérique représente pour la France. La question est d'actualité, à l'heure de la télévision mobile personnelle et de l'arrêt prévu pour le 30 novembre 2011 de la diffusion analogique des chaînes de télévision.
La convergence du secteur des télécoms et de l'audiovisuel pose aujourd'hui de nouveaux enjeux, que le régulateur sectoriel ne pourra résoudre seul.
Le problème est souvent abordé par le thème de la fusion entre le CSA et l'ARCEP. Cependant, notre rapporteur récuse un tel rapprochement, ces deux autorités exerçant des métiers différents. Il préconise plutôt la création d'un commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, qui serait placé sous la tutelle du Premier ministre. Cette nouvelle structure permettrait de donner un pilotage politique aux services de l'État concernés par le numérique, mais éclatés entre des ministères aux logiques concurrentes.
Une meilleure coordination et un rassemblement des forces permettraient de rattraper le manque à gagner de 0, 7 % de croissance annuelle du PIB dû au retard français dans le numérique. Il est aujourd'hui impératif pour notre pays qu'il puisse retrouver toutes ses capacités d'intervention dans le numérique.
Par ailleurs, la France dispose d'atouts qui lui permettraient d'être en tête dans de nombreux secteurs de l'innovation : des ingénieurs de qualité, un tissu dense de petites et moyennes entreprises innovantes, des positions de force dans certains secteurs comme la mobilité, la carte à puces, le logiciel libre, les logiciels embarqués, la simulation, le calcul à hautes performances. Mais ces secteurs sont-ils suffisamment valorisés aujourd'hui ? Telle est la vraie question.
En outre, il est à noter que nous investissons, proportionnellement à notre PIB, deux fois moins que les États-Unis dans les TIC. Si la France investissait autant que les leaders mondiaux, elle pourrait gagner un demi-point de croissance supplémentaire.
Il semble que la priorité doit porter sur le soutien aux petites et moyennes entreprises, puisque seulement 50 % d'entre elles disposent d'un site web en France, contre 82 % en Allemagne et 77 % en Grande-Bretagne ou en Italie.
Il est essentiel d'accroître la masse critique des entreprises innovantes, car sans innovation, il n'y a pas de croissance. La politique du numérique et la politique de l'innovation vont de pair et il est essentiel d'impliquer davantage les collectivités territoriales, les entreprises, les centres de recherche et les universités, en s'engageant avec l'Europe pour développer la société numérique.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont de puissants outils de valorisation des territoires les plus difficiles et les moins denses. La couverture numérique est ainsi un instrument essentiel d'aménagement du territoire, dans un objectif majeur : assurer l'équité et la bonne répartition territoriale des infrastructures et des usages liés aux TIC.
Les technologies de l'information et de la communication recèlent, pour toutes ces entreprises, de très importants potentiels de gains de productivité et de réactivité. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics de saisir cette chance pour la France et de conforter ces gains potentiels pour soutenir la croissance et l'innovation.
À l'automne 2002, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, n'avait pas tardé à prendre la mesure de l'enjeu numérique pour la France en lançant, avec son gouvernement, le plan pour une politique numérique dans la société de l'information, dit plan RE/SO 2007 : il s'agissait d'une première étape ; nous y sommes !
Je me félicite donc des déclarations de M. le Président de la République, qui affiche une vision claire de la politique numérique qu'il souhaite pour notre pays, politique qui nous permettra d'aborder l'étape suivante, laquelle sera déterminante pour l'économie de notre pays.
En s'impliquant davantage dans l'économie numérique, l'État devra être particulièrement vigilant afin que le bouleversement qui accompagnera le passage au tout numérique respecte la satisfaction des besoins futurs des territoires, dans tous les domaines de la communication, et garantisse la qualité des produits audiovisuels proposés. Il devra, dans sa réflexion, anticiper les évolutions et fixer des règles pour l'usage des fréquences. À cette fin, il devra sans doute lui-même réformer ses organes de régulation.
On parle aujourd'hui de réception des chaînes de la TNT en haute définition, de télévision mobile personnelle ou bien encore de l'accès à la téléphonie mobile de troisième génération, alors que des millions de Français sont encore privés de toute possibilité de recevoir la TNT en définition standard ou de disposer de la téléphonie mobile, notamment en zones peu denses ou accidentées, tout simplement par absence de relais. La fracture numérique existe encore bel et bien, et le temps est venu de boucler définitivement le dossier de l'achèvement de la couverture de l'ensemble du territoire en téléphonie mobile et accès à l'Internet à un débit qui soit conforme à ce que nous pouvons attendre aujourd'hui.
Alors que - M. Valade l'a rappelé tout à l'heure - vont s'engager le 20 octobre prochain, à Genève, les discussions de la Conférence mondiale des radiocommunications et que le Gouvernement se prépare à donner à l'Agence nationale des fréquences son mandat de négociation - c'est du moins ce que nous espérons - je tiens à rappeler que la libération progressive, à partir de 2008, des fréquences actuellement occupées par la télévision analogique constitue une opportunité stratégique pour l'accès des Français à l'internet à haut débit fixe et mobile et pour l'aménagement numérique du territoire.
Pour une grande partie des zones rurales, qui représentent 30 % de la population et 70 % du territoire, les technologies filaires, optiques ou satellitaires ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à l'internet à haut débit fixe au-delà de 512 kilobits, ce qui est d'une autre époque.
En outre, pour ces territoires, les fréquences actuellement occupées par la téléphonie mobile de troisième génération sont si élevées qu'elles ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à l'internet à haut débit mobile.
Alors que les initiatives prises depuis cinq ans en faveur de l'extension de l'ADSL et de la couverture des zones blanches de la téléphonie mobile ont connu d'importants succès, une nouvelle fracture numérique risque d'apparaître rapidement entre les zones urbaines, très bien desservies, et les zones rurales, où le très haut débit fixe et le haut débit mobile resteront inaccessibles.
Pourtant, tous nos territoires ont besoin de débit et de mobilité. Les élus locaux qui siègent dans cet hémicycle le savent. Nos territoires « ont soif » de fréquences. Aucun d'eux ne doit être laissé en marge de la révolution numérique. La France numérique doit être aussi bien urbaine que rurale, et c'est même en zone rurale que la connexion numérique est la plus vitale.
C'est pourquoi l'Association des maires de France, dont je suis l'un des vice-présidents, a exprimé le souhait, le 27 septembre dernier, que la France s'engage activement dans les négociations européennes et internationales en cours afin d'identifier une sous-bande de fréquences qui pourrait, le moment venu et selon la procédure prévue par la loi, être affectée à la couverture du territoire par les réseaux fixes et mobiles d'accès à l'internet à haut débit.
Ne pas identifier ces fréquences à l'occasion de la Conférence mondiale des radiocommunications de 2007 conduirait à refermer durablement ces discussions sur le seul usage audiovisuel, alors même que la loi du 5 mars 2007 prévoit au contraire un choix ouvert entre les différents usages possibles, la moitié au moins des fréquences concernées devant revenir à l'audiovisuel, dont les télévisions locales.
À ces conditions, les services numériques de tous ordres devraient pouvoir continuer à croître sur l'ensemble des territoires de notre pays, dans un équilibre globalement maîtrisé. Cette question est essentielle pour l'avenir économique de notre pays et nous n'avons pas le droit de passer à côté.