Intervention de Philippe Marini

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Droit communautaire dans les domaines économique et financier — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Sur le fondement de ce vieux principe, nous nous convainquons chaque jour davantage, madame le ministre, que c'est bien une politique de compétitivité et d'attractivité qu'il faut mener. Vous devez donc être totalement soutenue dans vos efforts pour renforcer les caractères propres et l'attractivité de la place financière de Paris.

Je reviens un instant sur la supervision, qui est un élément clé en termes d'attractivité, car celle-ci est le fruit d'un équilibre entre l'activité, ou la fluidité, et la sécurité. S'il faut beaucoup de mouvements, il faut également une grande transparence. Aux yeux des observateurs internationaux et de l'ensemble des investisseurs, l'efficacité de la supervision est une variable clé. Les systèmes de supervision sont mis en concurrence les uns avec les autres, comme tout aujourd'hui dans le monde global.

L'originalité de la crise financière de l'été, c'est le mécanisme à la fois transversal et global de diffusion de l'onde de choc. Pour prendre un exemple, une Landesbank, celle de Saxe, a perdu l'essentiel de ses fonds propres après avoir souscrit à un fonds monétaire dynamique, ou à une série d'instruments de cette nature, dont les actifs comportaient des dérivés de crédits, eux-mêmes représentatifs de risques pris sur des emprunteurs qui se sont révélés non solvables. C'est le fait que les risques ne connaissent plus de frontières qui nous conduit à rappeler, mais vous en êtes convaincue, madame le ministre, que les principes de la régulation doivent évoluer.

Notre système de régulation, même s'il a fait beaucoup de progrès ces dernières années et au fil des lois que nous avons votées, notamment la loi de sécurité financière de 2003, se caractérise par une certaine verticalité.

Les banques sont contrôlées par la Commission bancaire, les assurances par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, les marchés, les entreprises de marché ainsi que les organismes de placement divers et variés étant contrôlés par l'Autorité des marchés financiers.

Nous savons que ces autorités correspondent entre elles, qu'elles ont des rendez-vous réguliers, mais il n'en demeure pas moins que, malgré cette coordination, les règles appliquées sont celles de chaque secteur, ce qui peut, le cas échéant, faire obstacle à une prise en compte globale et réaliste des risques.

Madame le ministre, la commission des finances, qui s'est penchée plusieurs fois sur ces sujets et a exprimé ses convictions, souhaite que l'on veuille bien réfléchir à une évolution de l'architecture de notre système de régulation.

Certes, le président Arthuis et moi n'avons pas toujours les mêmes approches sur l'organisation européenne. En revanche, s'agissant du sujet que je viens d'aborder, nous considérons tous les deux que les régulateurs devront se rapprocher non seulement sur le plan national, mais également à l'échelon européen.

En effet, la Banque centrale européenne a besoin de disposer de tous les tableaux de bord, de tous les éléments d'appréciation et de toutes les données issues du système de régulation, afin que ses interventions soient bien proportionnées, suffisamment réactives et de nature à susciter la confiance des marchés et de l'ensemble des professionnels.

Or deux difficultés structurelles existent encore. Certes, il n'est naturellement pas question ici de critiquer la Banque centrale européenne dans l'exercice de ses responsabilités, responsabilités qui sont précisément décrites par les traités et qu'elle ne peut qu'appliquer. Mais des difficultés réelles existent bien. Je pense notamment, d'une part, au caractère relativement diffus des systèmes de régulation et, d'autre part, au flou, voire au vide, où peuvent se trouver certains interlocuteurs importants pour apprécier la réalité des risques. C'est en particulier le cas pour les agences de notation.

À ce propos, je me permets de vous faire part d'un souvenir tout à fait précis. En 2003, à l'occasion de l'examen du projet de loi de sécurité financière, au nom de la commission des finances, j'avais sollicité un renforcement des compétences de l'AMF à l'égard des professions que je viens d'évoquer. Il s'agissait essentiellement de permettre à cette instance d'examiner leurs activités et de délivrer périodiquement un rapport.

Or, madame la ministre, votre prédécesseur m'avait rétorqué que les analystes financiers et les agences de notation étaient des prestataires privés rémunérés par les entreprises ayant besoin de leurs services, et non des acteurs du système de régulation. Ainsi, et je regrette de le dire, sa réponse revenait en quelque sorte à déclarer : « Circulez, il n'y a rien à voir. »

Or, aujourd'hui, nous sommes éclairés par l'observation de certains phénomènes récents, comme les événements de l'été dernier.

Aussi le rapport que l'AMF diffusera prochainement sur les agences de notation sera-t-il, je le crois, très intéressant. Selon les renseignements dont je dispose, ce document, qui n'aurait pas été simple à rédiger, devrait aborder un certain nombre de questions de fond importantes.

De ce point de vue, demander aux agences de notation de conserver leur dossier de travail pendant quelques années me semble parfaitement logique. En effet, dans certaines circonstances, il sera peut-être utile de réexaminer les conditions d'une appréciation de risques ayant conduit à adopter telle ou telle note pour une créance ou un titre quelconques.

Par ailleurs, la Banque centrale européenne a certainement besoin de s'appuyer sur un dispositif plus complet et plus pertinent que le dispositif actuel, mais elle gagnerait beaucoup, me semble-t-il, à faire preuve de plus de transparence dans ses appréciations, à livrer les comptes rendus de ses réunions internes, à l'instar d'autres banques centrales, ainsi qu'à faire connaître régulièrement son analyse de l'évolution des marchés et à la faire peser non seulement sur la satisfaction de l'objectif de contrôle des prix, mais également sur le niveau de valorisation des actifs à risque.

En outre, madame le ministre, et nous en revenons à la crise financière de l'été dernier et à l'immobilier américain, sommes-nous certains qu'il n'y ait pas, au sein de la zone euro, des poches à risques ou des bulles susceptibles d'éclater sur tel ou tel territoire ou segment de marché ? Le devoir de la Banque centrale européenne n'est-il pas d'examiner régulièrement de tels risques et de communiquer sur les appréciations issues de la délibération de ses instances ? À mon sens, il y aurait là matière à plus ample débat.

Je conclurai en souhaitant que l'on ne caricature pas les propos relatifs aux modes d'action et aux interventions de la Banque centrale européenne. Trop souvent, il existe une sorte de « non-dialogue » convenu entre chacun des pôles. Pourtant, qui oserait affirmer que tout est aujourd'hui parfait dans la mise en oeuvre du système de l'euro ? Qui oserait affirmer que nous n'avons pas besoin de plus transparence et de pluralisme d'opinions dans l'analyse des situations économiques ?

C'est, je le crois, par une telle approche que nous devrions normalement pouvoir sortir de débats trop souvent convenus et, surtout, préparer pour notre pays une place originale au coeur de l'Europe, notamment dans la perspective de l'exercice de la présidence de l'Union européenne au second semestre de l'année 2008.

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