Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Droit communautaire dans les domaines économique et financier — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Toutefois, et je tenais tout de même à le rappeler, s'il s'agit de protéger les consommateurs, on attend toujours que la banque de détail - je ne mentionne que ce seul exemple -, dont les frais ne cessent d'augmenter, soit en capacité d'adresser un relevé annuel des frais à chaque titulaire d'un compte courant. Comme vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, pas très loin de chez nous, au Royaume-Uni, les tarifs sont plafonnés à l'année. Notre pays a donc encore beaucoup de progrès à accomplir.

En matière de contrats d'assurance, je voudrais à présent évoquer la disposition figurant à l'article 9 et qui est destinée à faire perdurer la discrimination, fût-elle positive, en faveur des conductrices - il s'agit essentiellement des jeunes conductrices -, lesquelles sont plus prudentes que leurs homologues masculins.

Une telle mesure est contraire au principe d'égalité entre les femmes et les hommes tel qu'il est affirmé par les directives européennes. D'ailleurs, dans son rapport, M. le rapporteur général souligne que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, n'a pas été consultée sur le sujet.

À ce propos, permettez-moi de vous rappeler les termes d'une délibération de la HALDE, qui avait alors été saisie par l'une de nos collègues du groupe socialiste, Mme Patricia Schillinger. En l'espèce, une société d'assurances avait lancé une campagne publicitaire à destination des jeunes conductrices selon laquelle celles-ci étant plus prudentes et ayant moins d'accident que leurs homologues masculins, elles pouvaient bénéficier de tarifs préférentiels. Dans sa délibération du 23 avril 2007, la Haute autorité a appelé l'attention du ministère chargé de l'économie et des finances sur la « nécessité de veiller », lors des travaux de transposition de la directive concernée - nous y sommes -, « à la prohibition de la pratique des écarts de tarification à raison du sexe, en matière d'assurance, notamment lorsque les assurances visées sont rendues obligatoires par le législateur ».

Certes, il y a une petite astuce dans le dispositif proposé, puisque l'on peut considérer les actuaires comme une preuve plutôt favorable aux femmes et de nature à justifier une discrimination.

Mais, lorsque j'étais députée, j'ai veillé - cela m'a d'ailleurs valu bien des soucis - à faire en sorte que les dispositions communautaires relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes soient rigoureusement respectées, en particulier en matière de droit du travail. Ainsi, à l'époque du gouvernement Jospin, je suis intervenue sur un dossier lourd, à savoir le travail de nuit. Vous me permettrez donc de souhaiter que les principes communautaires s'appliquent partout, y compris dans le domaine des assurances.

Je passe rapidement sur l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 8. Il s'agit d'une proposition de M. le rapporteur général et je lui en laisse la paternité. L'amendement vise à introduire une faculté de récusation, par toute personne mise en cause, d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers. Lors de nos travaux en commission, j'avais demandé à M. le rapporteur général de me préciser les cas qui étaient visés. La lecture du rapport ne m'ayant pas apporté de réponse claire, peut-être son auteur me fournira-t-il quelques éléments d'explication tout à l'heure.

Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les articles 2 et 5, qui ont tous les deux pour objet d'amener le Sénat à autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance.

C'est une procédure qu'aucun parlementaire n'aime beaucoup, même si elle se révèle quelquefois utile - je le reconnais - pour satisfaire l'intérêt général. Encore faut-il que l'habilitation soit suffisamment encadrée, que son objet ne soit pas laissé à une appréciation technicienne et que la portée en soit pleinement appréciable par le Parlement.

Ainsi, évoquant l'article 5 du projet de loi, qui concerne la reconnaissance des qualifications professionnelles, M. le rapporteur général déclare, à mon sens à juste titre, qu'une telle habilitation est à la fois « tardive et hâtive » et regrette que « le Parlement ait été tenu à l'écart des travaux réalisés par les services » de l'État. Il relève notamment les incertitudes concernant la libre prestation de services, l'absence d'éléments comparatifs de la variable de transposition qu'utilisent les autres États membres, dans la mesure où la directive laisse une latitude à leur appréciation. Il note également que l'on ne connaît ni la liste exhaustive des professions, réglementées ou non, qui seront visées par la transposition ni le lien entre les modifications de la prestation de services et le principe de non vérification des qualifications professionnelles, certaines qualifications pouvant toutefois être soumises à une telle obligation.

Toutes ces raisons le conduisent à relever l'absence de garantie sur les principes retenus par le Gouvernement et à proposer au Sénat, au nom de la commission des finances, la suppression de l'article 5. Nous partageons ce point de vue et nous ne saurions mieux faire que nos collègues du groupe CRC, qui ont également déposé un amendement de suppression.

J'en viens à l'article 2, qui vise à habiliter le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et à moderniser le régime de fonds communs de créances, ceux-ci devenant des fonds communs de « titrisation ».

Dans l'attente de la directive dite « Solvabilité II », qui devrait refondre la régulation prudentielle de l'assurance dans l'Union européenne, la directive 2005/68/CE a un caractère transitoire.

Tout au long des négociations, la France a insisté sur l'importance d'un tel secteur pour la stabilité financière et sur le degré élevé de sécurité qu'elle souhaitait. L'activité de réassurance étant internationale, notre pays insistait notamment sur l'harmonisation du traitement des réassurances extérieures à l'Union européenne. Or la question n'est pas évoquée par la transposition. Madame la ministre, qu'en est-il ? De même, la clause de nantissement est-elle ou non maintenue dans la transposition ?

Mais je veux insister surtout sur la titrisation en matière d'assurance, et ce dans le contexte des turbulences financières de l'été, turbulences que l'on peut - je crois que M. le rapporteur général a raison d'employer un tel vocable - qualifier de « crise financière ».

Tel le battement d'ailes du papillon, la crise commence par le défaut de paiement des ménages à Sacramento, à Detroit et dans d'autres citées des États-Unis, mais elle aboutit à contraindre les banques centrales - et notamment la Banque centrale européenne - à injecter plusieurs centaines de milliards d'euros sur le marché monétaire.

Au moment même où nous débattons, nous ne pouvons encore apprécier les conséquences de cette crise sur l'économie réelle, ...

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