...mais tous les conjoncturistes s'accordent sur le fait que la croissance, pour 2008 et 2009, s'en trouvera affectée, sans pour autant pouvoir chiffrer avec exactitude cet impact.
En la matière, la Banque centrale européenne, en injectant de la liquidité, s'est portée au secours des banques et des établissements de crédit qui ne pouvaient plus échanger cette liquidité entre eux ; les places bancaires s'en trouvent affectées durablement aujourd'hui.
L'extrême sophistication du traitement du risque par les prêteurs prend une place essentielle dans l'enchaînement fatal dont le déroulement est désormais bien connu. L'inventivité financière étant sans limite, on en arrive à des produits qui sont faits comme une pâte feuilletée, où chaque couche présente un niveau de risque différent, et plus le risque est élevé, meilleure est la rémunération du preneur.
L'opacité est à la mesure de cette sophistication. Le fait de ne plus savoir ce que l'on a en portefeuille conduit à la défiance, dans un secteur où la confiance est vitale. C'est dans un tel contexte que l'on nous demande d'ouvrir en grand les vannes de la titrisation dans le secteur de l'assurance et de la réassurance.
M. le rapporteur général nous invite à ne pas jeter l'opprobre sur une catégorie d'acteurs et de faire « la part des choses » entre la mutualisation et la diffusion ou la dispersion des risques. Il nous propose d'adopter l'article 2 au nom de la compétitivité de la place de Paris. Vous avez utilisé le même argument, madame la ministre.
En tant que Francilienne, je n'ignore pas que la région d'Île-de-France et la Ville de Paris sont partenaires au sein du pôle de compétitivité qui a reçu le label mondial « finance innovation ». Cela ne justifie pas pour autant que nous approuvions ce texte alors que les leçons de la crise bancaire en matière de régulation publique n'ont pas été tirées. Nous ne saurions faire le dos rond en attendant la prochaine crise ; nous savons que chaque année qui se termine par un « 7 », depuis plusieurs décennies, donne lieu à une crise financière et nous avons vraiment l'impression qu'une bulle chasse l'autre, notamment dans le domaine de l'hyperfinanciarisation de l'économie.
Je veux en effet rappeler le principe de la titrisation. Celle-ci a dévié de sa destination originelle qui répondait à une logique de financement. Dans son usage actuel, sa fonction première consiste à éloigner le risque de celui qui le couvre initialement. Dans le domaine de l'assurance, la titrisation existe déjà avec les « cat bonds » du groupe Axa, titres affectés aux risques de catastrophes naturelles. La même compagnie a lancé un programme de couverture du risque de surmortalité en 2006 et une génération nouvelle de titrisation du portefeuille automobile.
Évidemment, le marché n'a pas explosé et la directive pour laquelle vous nous demandez l'habilitation va ouvrir des horizons autrement plus larges que le marché de l'assurance et de la réassurance, en permettant un total accès de ces produits aux marchés financiers.
Ce mouvement banalise le transfert du risque pour les sociétés d'assurances. Au motif du rapprochement des techniques bancaires et assurantielles, il s'agit de sélectionner les risques les plus profitables et de permettre une appréciation de la valeur boursière des sociétés d'assurances. Dans l'attente de la directive Solvabilité II, doit-on bouleverser avec une telle hâte le schéma traditionnel de réassurance ? Nous ne le pensons pas.
Nous mettons en garde le Gouvernement et la majorité qui le soutient, qui veulent légiférer par ordonnance parce qu'ils savent l'important travail législatif qui les attend. Ce faisant, ils encouragent la recherche du gain boursier sans avoir réglé la question de la responsabilité des agences de notation - elles ne sont pas seules en cause, ne cherchons pas de boucs émissaires dans cette affaire -, sans donner les moyens aux autorités publiques de connaître la réalité des bilans en temps réel, sans convaincre nos partenaires européens de la nécessité de nous doter d'un superviseur à l'échelle de l'Union européenne.
Madame la ministre, j'ai bien noté qu'en vue de la prochaine réunion du G7, les 18 et19 octobre prochains, vous appelez à une réglementation plus contraignante sur ces fameux véhicules non comptabilisés dans les bilans et que vous souhaitez une standardisation des degrés de sécurité. Nous ne pouvons que souhaiter que la France soit entendue. Toutefois, compte tenu des intérêts en jeu et des oppositions, madame la ministre, cela demandera du temps.
À notre sens, il faut remettre de la régulation publique dans le jeu des acteurs privés. Je ne suis pas d'accord avec vous, madame la ministre, quand vous affirmez que la régulation existe. Non, il s'agit d'une autorégulation des marchés, et il faut que la puissance publique, sous une forme ou sous une autre, y remette la main. Il convient selon nous de contrôler étroitement les acteurs financiers pour s'assurer qu'ils ne prennent pas des risques excessifs que la collectivité devrait prendre en charge par la suite, comme cela s'est passé avec l'injection de liquidités effectuée par les banques centrales, notamment la BCE, dans la dernière partie de la crise financière.
En attendant que nous y parvenions, vous nous demandez de donner un blanc-seing à une nouvelle marche dans une financiarisation déjà trop excessive : c'est très nettement que nous le refusons !