Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, le Sénat entame la discussion, si l'on peut dire, de plusieurs projets de loi visant à transposer dans le droit français un certain nombre de dispositions résultant de directives, de règlements ou de décisions juridiques émanant des instances de l'Union européenne.
Une telle situation appelle plusieurs observations.
La première porte sur la consistance même des dispositions concernées. Elles apparaissent de plus en plus comme ayant été définies dans des conditions moyennement satisfaisantes, les gouvernements et les parlements nationaux des États membres étant peu sollicités dans le cadre de cette procédure. Pourtant, leur importance relative, tout à fait inégale dans le présent texte, mériterait débat et implication des élus de la nation pour ce qui concerne notre pays.
Dans ce contexte, une bonne part de la législation transposée apparaît, en fait, comme étant subie par chacun des États membres. Pour l'essentiel, elle ne procède que de la mise en cohérence des grandes orientations de l'Union européenne, définies par des traités dont nous ne pouvons encore que rappeler qu'ils ont été largement rejetés par le suffrage universel dans notre pays.
Pour faire bonne mesure, - ce sera ma seconde remarque - plusieurs articles du projet de loi visent à transposer des textes européens en recourant à la procédure de l'article 38 de la Constitution, c'est-à-dire en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Le problème est qu'on a usé et abusé de cette procédure dans la dernière période, puisque la précédente législature a consacré une véritable inflation d'ordonnances.
En 1997 et 1999, aucune ordonnance n'avait été prise en vertu de l'article 38 !
Entre 2002 et 2006, 196 ordonnances ont été promulguées, dont 85 pour la seule année 2005 !
L'année 2007, quant à elle, n'a pas été avare de nouvelles ordonnances avec 14 nouvelles promulgations, dont nous retrouvons d'ailleurs trace pour partie dans le présent projet de loi.
Venons-en au fond.
Les textes européens dont il est question dans le cadre de ce projet de loi visent, pour l'essentiel, à atteindre l'un des objectifs de l'Union, à savoir l'instauration d'un marché des capitaux - et des services d'investissement en découlant - suffisamment libre, transparent et sécurisé, en tout cas au sens où l'entendent les concepteurs profondément libéraux de ce marché.
Certaines des remarques formulées dans son rapport par M. Marini montrent d'ailleurs les préoccupations tout à fait légitimes qui animent aujourd'hui les acteurs au regard de cette évolution vers une plus forte intégration encore des activités financières à l'échelle de l'Union.
L'actualité récente est sans équivoque. Elle montre, faits à l'appui, les risques et les dérives qui demeurent dans toute démarche de libéralisation et de réglementation pour le moins allégée concernant les activités financières.
Les dispositions que nous examinons aujourd'hui, dans des conditions peu satisfaisantes, nous conduisent naturellement à parler des risques systémiques induits par cette intégration croissante des établissements financiers et des entreprises d'investissement.
C'est évidemment la crise des subprimes provoquée aux États-Unis qui a constitué l'actualité des marchés financiers dans la dernière période. Il semble d'ailleurs, au-delà de la situation de l'établissement britannique Northern Rock, où les clients ont massivement retiré leurs liquidités, qu'un certain nombre d'établissements de crédit de base français sont clairement impliqués dans le système des prêts hypothécaires américains et risquent donc de subir d'importantes pertes. Et ce alors même qu'un article du présent projet de loi porte sur la question de la notation des entreprises d'investissement et des établissements de crédit !
Ce texte, présenté à la va-vite en recourant à la procédure d'urgence, porte sur des matières dont certaines sont particulièrement importantes. Mais rien n'est satisfaisant dans le débat qui nous préoccupe, ce qui nous conduira à rejeter les termes du présent projet de loi.