Intervention de Philippe Marini

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Droit communautaire dans les domaines économique et financier — Article 5

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Or cette directive s'organise autour de deux volets : d'une part, la libre prestation de services, c'est le titre II ; d'autre part, la liberté d'établissement, c'est le titre III

La libre prestation de services, c'est le cas de figure où le prestataire étranger intervient de manière temporaire et occasionnelle. La directive met alors en place un nouveau système en adoptant un principe général de non-vérification des qualifications professionnelles. Mais ce principe peut faire l'objet de corrections.

La liberté d'établissement, c'est le cas de figure où le prestataire étranger intervient de manière stable et permanente, ce qui le contraint à faire reconnaître sa qualification. La directive consolide, sur cet aspect, les textes existants.

Donc, l'article 5 du projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance cette directive dont l'entrée en vigueur est fixée au 20 octobre 2007. Nous sommes un peu en retard. Le Gouvernement ne s'est pas précipité pour saisir le Parlement, notamment vos prédécesseurs, madame le ministre. Les autres États européens ne se sont peut-être pas précipités davantage, et sans doute, madame le ministre, allez-vous nous brosser un tableau d'ensemble de la situation.

À ce stade, la commission a adopté un amendement de suppression pour deux raisons majeures.

En premier lieu, le travail de transposition nous semble se réaliser dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.

Initialement éclipsée par les négociations sur la directive Services, la transposition de la directive Qualifications professionnelles est aujourd'hui accélérée parce qu'on arrive en butée sur la date du 20 octobre 2007. Or l'impact des modifications requises pour chaque profession - plus de cent vingt professions seraient concernées, je l'ai dit lors de la discussion générale - est impossible à apprécier. De l'aveu même de vos services, madame le ministre, « l'impact précis n'est pas connu, car cela supposerait de mener des études économiques dans des délais qui n'étaient pas conciliables avec ceux de la transposition en droit interne ».

En second lieu, la rédaction très générale de l'habilitation ne nous donne aucune garantie en termes de principes retenus et applicables pour la préparation de cette ordonnance, s'agissant, notamment, du principe de protection des consommateurs et de préservation de l'intérêt général.

Les modifications dont il s'agit en matière de libre prestation de services représentent un enjeu très important.

Je rappelle que la directive a mis en place un système à géométrie variable, qui est le principe de non-vérification des qualifications professionnelles, retenu sur la base de la confiance mutuelle entre les États membres. Mais ce principe, comme toujours dans le droit communautaire - et nous sommes ici dans le droit « mou », en quelque sorte, dans la soft law -, peut être l'objet de corrections.

Ces corrections peuvent concerner la vérification préalable des qualifications autorisées pour les professions ayant des implications en matière de santé ou de sécurité publique, la déclaration préalable, l'information du consommateur, etc. Tout cela peut justifier des corrections ou, par conséquent, des exceptions au principe de non-vérification des qualifications professionnelles et signifie que, dans certains cas qu'il conviendrait de bien cerner, on peut continuer à vérifier les qualifications professionnelles.

L'utilisation de ces modalités de correction dans le cadre du travail de transposition doit, selon la commission, permettre de concilier trois éléments.

Le premier est, bien entendu, le maintien d'un haut niveau de protection des consommateurs.

Le deuxième élément est la possibilité, et même la nécessité, de moderniser les professions réglementées, ou certaines d'entre elles, en en facilitant l'accès.

Mais, là, nous rejoignons l'un des thèmes du travail qui a été confié par le Président de la République à la fameuse commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali, dont nous n'avons pas encore reçu les conclusions, qui devraient susciter un large débat public. Nous sommes donc quelque peu gênés de prendre des mesures qui préjugeraient de la libre réflexion de cette excellente instance.

Enfin, le troisième élément, qui me paraît essentiel, est la cohérence avec les intentions de transposition des autres États. Ce point est d'autant plus important qu'il serait injustifié que nos concitoyens et nos professionnels souhaitant effectuer une prestation à l'étranger soient soumis à davantage de contraintes que des ressortissants d'autres États membres venant se livrer aux mêmes prestations sur le territoire français.

Si la mise en place de vérifications préalables pourra être contrôlée par la Commission de l'Union européenne, il n'en est pas de même pour l'introduction de déclarations préalables ou d'information du consommateur.

Madame le ministre, notre analyse est donc interrogative et, dès lors que nous ne nous sentons pas assurés sur ce terrain, nous proposons une prime d'assurance qui est la suppression de l'article. Mais comme nous ne tenons pas nécessairement à payer une prime d'assurance

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