Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Droit communautaire dans les domaines économique et financier — Article 5

Christine Lagarde, ministre :

Monsieur le rapporteur général, je vous ai écouté très attentivement, comme j'ai d'ailleurs écouté M. Foucaud. En effet, le Gouvernement est toujours extrêmement attentif à vos propositions, qui sont toujours fondées sur un travail d'analyse très précis, très détaillé des textes et sur les conséquences de leur application.

Toutefois, je souhaite relativiser certains points et ramener aux proportions techniques que ces textes méritent le débat qui nous occupe.

En ce qui concerne le champ d'application, la directive Qualifications professionnelles s'applique aux professions dites réglementées, c'est-à-dire à celles dont l'accès ou l'exercice sont subordonnés à la possession de qualifications professionnelles ou à d'autres types de réglementation, comme le bénéfice d'une assurance ou de dépôt de garantie pour en permettre l'exercice. Mais toutes les professions réglementées ne sont pas concernées par le texte qui nous occupe actuellement.

Ainsi, certaines d'entre elles, qui correspondent, en particulier, à des offices publics ou ministériels, qui relèvent de la Chancellerie, comme les notaires, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires ou les huissiers, ne sont pas comprises dans le champ de la transposition de la directive en vertu de l'article 45 du traité. Ces professions participent, en effet, à l'exercice de l'autorité publique et ne sont donc pas concernées par la directive du 20 octobre 2007.

D'autres professions, comme celles du secteur des transports, du contrôle légal des comptes, des intermédiaires d'assurances et des gens de mer, sont déjà régies par des textes spécifiques et ne sont donc pas couvertes par la directive sur les professions réglementées.

Monsieur le rapporteur général, vous avez eu raison de faire une distinction entre la liberté d'établissement et la liberté de prestations de services.

En ce qui concerne la liberté d'établissement, la transposition se traduira, pour de nombreuses professions, par un simple toilettage, par quelques ajustements à la marge. La directive qui nous occupe prévoit, comme vous l'avez souligné, la reprise de quinze directives précédentes, parmi lesquelles trois sont générales et douze sont sectorielles.

Le point qui vous préoccupe particulièrement, c'est celui de la libre prestation de services. Dans le cadre de cette transposition, me semble-t-il, un statut minimal va être mis en place, qui permettra d'organiser l'intervention de ces prestations sur notre territoire.

Il s'agit bien, en l'espèce, de permettre de vérifier la qualification professionnelle des intéressés, comme le nom de la directive l'indique.

Alors, comment cela va-t-il se passer en pratique ? Comme la directive le suggère, chaque ministère négociera avec les professions qui lui sont traditionnellement rattachées les conditions de transposition de cette directive. Mes services traiteront ainsi des coiffeurs, ceux de mon collègue Jean-Louis Borloo des moniteurs d'auto-école, etc. Le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, comme cela lui a été demandé par le Premier ministre, fera la synthèse des travaux menés par chacun des ministères concernés.

C'est pourquoi, si la liste du maximum de professions susceptibles d'être concernées par cette transposition a pu vous être fournie, il serait délicat, alors que les négociations avec les ministères commencent à peine, de préciser la liste exacte des professions qui seront réellement visées par ce texte puisque le travail ne fait que commencer.

Le sujet, évidemment, n'est pas simple. C'est d'ailleurs pourquoi la commission Attali a décidé de s'accorder jusqu'à la fin de l'année pour examiner la situation des qualifications professionnelles et des restrictions posées à l'exercice de certaines professions, plutôt que d'inclure ce volet dans les premiers travaux qui doivent être remis dans les tout prochains jours.

Sur le plan européen, la directive à transposer, fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle, permettra à nos métiers d'être traités dans les mêmes conditions par les autres États membres de l'Union européenne.

Vous m'avez interrogée sur l'effort de transposition entrepris par les autres pays européens. Nos partenaires ne sont pas plus avancés que nous et le dernier état de transposition ne nous incite guère à penser que les uns ou les autres se soient battus pour transposer la directive dans les délais. Je ne connais pas l'état exact de transposition de chacun des pays, mais je sais que tout le monde est un peu en retard, même si la plupart des États mettent actuellement en place les mécanismes de transposition.

Cela étant, j'entends bien votre point de vue, monsieur le rapporteur. Peut-être pourrait-on envisager des palliatifs ou des modifications. En tout cas, le passage du temps et la concertation sont nécessaires.

En effet, vous avez raison de souligner que, dans un certain nombre de professions réglementées, tout un volet financier et relatif à l'organisation de la profession est associé à la réglementation. Par conséquent, il convient, pour apprécier le principe de la transposition et donc de la reconnaissance des professions concernées de manière paneuropéenne, si j'ose dire, de se concerter avec les professionnels français. Prendre l'engagement de ne pas nous précipiter pour procéder à la transposition serait peut-être de nature à répondre au souci exprimé au travers des amendements de suppression de l'article.

Je voudrais ajouter un élément de réponse que j'ai omis d'apporter tout à l'heure à M. le rapporteur général sur l'utilisation de la fiduciaire, concernant l'article 2 et les mécanismes de titrisation.

J'estime comme vous que le mécanisme de la fiducie tel que nous l'avons enfin institué dans le droit français pourrait être un véhicule très utile pour mettre en oeuvre la titrisation. Je ne pense pas, là non plus, que nous devions nous précipiter. Il me paraîtrait utile d'examiner la portée de l'instauration du mécanisme, de demander à nos services d'étudier comment la fiducie a fonctionné jusqu'à présent. Je crois qu'elle n'a rencontré que peu de succès à ce jour, et nous devons nous interroger, me semble-t-il, sur cette situation et sur le point de savoir s'il faut en étendre le champ d'application, dans les conditions que vous avez évoquées tout à l'heure, au bénéfice de certaines professions réglementées.

Dans cet esprit, il convient d'apprécier si la fiducie peut être un véhicule utile, sûr et convenablement réglementé pour la titrisation. C'est là une façon non pas d'éluder le débat, mais au contraire d'approfondir l'examen des conditions d'une bonne utilisation d'un outil juridique très largement employé au-delà de nos frontières.

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