Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme on peut le lire tant dans l'exposé des motifs que dans les dispositions, cet article 1er vise, concrètement, à ouvrir à la concurrence entre opérateurs la fourniture d'électricité, y compris domestique.
À la vérité, chacun le sait, cette orientation nous est proposée par la législation européenne, même si la question est loin d'être tranchée.
Il s'agit d'aboutir, dans des délais brefs - en l'occurrence au 1er juillet 2007 au plus tard - à l'ouverture intégrale du marché de l'électricité, selon les principes mêmes de la législation européenne tels qu'ils ont été fixés par le traité de l'Union.
Au demeurant, dans quelle situation sommes-nous ?
Première observation, qui n'est pas mineure, le traité de l'Union, s'il trouve aujourd'hui à s'appliquer, se situe aussi dans le cadre d'une construction institutionnelle en attente de redéfinition.
Jusqu'à plus ample informé, au printemps 2005, les peuples de deux des États fondateurs de l'Union ont refusé le processus constituant qui leur était présenté, et dont les fondements inspirent - c'est une lapalissade - la plus grande part des directives européennes.
Mais au-delà, sur la question précise qui nous occupe, nous ne pouvons décemment faire comme si de rien n'était. L'ouverture à la concurrence de segments potentiels de marché toujours plus larges est-elle l'indépassable horizon de la construction européenne ?
Les consommateurs ont-ils nécessairement à gagner à voir émerger, dans le domaine de l'électricité, une concurrence entre opérateurs dont il est à craindre que l'un des premiers résultats sera d'engloutir des sommes toujours plus importantes dans des budgets promotionnels en lieu et place de tout effort sur les objectifs fondamentaux de l'alimentation énergétique du pays, qu'il s'agisse de la qualité des infrastructures ou de la prestation fournie ?
Posons la question autrement : les consommateurs domestiques français ont-ils réellement intérêt à choisir d'autres opérateurs que l'opérateur historique EDF, ne serait-ce qu'au travers de l'expérience de l'ouverture à la concurrence d'autres secteurs d'activité et d'autres champs de la vie quotidienne ?
Ainsi, par exemple, nous risquons de parvenir, dans un certain nombre de cas, à l'émergence d'une concurrence stérile et coûteuse entre Électricité de France et Gaz de France sur des segments de clientèle concernés par l'un ou l'autre des coeurs de métier de chacun des deux opérateurs publics.
De la même manière, il conviendrait sans doute, au vu de l'expérience qui a pu se mener en Europe, de s'interroger sur la complète pertinence d'une ouverture des marchés énergétiques qui semble assez loin de répondre aux objectifs en apparence généreux dont elle a été parée par la Commission européenne.
Un examen critique, concret, s'appuyant sur les réalités vécues par les pays ayant mis en oeuvre les actuelles directives, doit être réalisé au plus tôt, et la France peut d'ailleurs être à l'initiative de cette démarche critique nécessaire.
En lieu et place du courage politique, cet article 1er consacre en fait le plus pur suivisme, l'abandon programmé de nombre des principes qui fondent le socle du pacte républicain.
La constitution d'un marché concurrentiel de l'énergie et son ouverture ne sont donc pas qu'une question de simple transposition de mesures s'appuyant sur un traité de l'Union, d'ailleurs remis en cause par le peuple français lui-même.
Cette conception profonde de l'activité économique en ces domaines traduit tout bonnement un abandon de principes bien plus déterminant encore que toute cession partielle de capital d'une entreprise publique.
C'est en effet la nation elle-même que, d'une certaine manière, vous offrez sur un plateau d'argent à la concurrence.