L'article 1er, en ouvrant l'éligibilité à tous les consommateurs finals, pose indirectement la question des tarifs, puisqu'il généralise à l'ensemble des foyers de consommation les risques d'augmentation du prix de l'énergie déjà subis jusqu'alors par les professionnels.
Or les conséquences tarifaires de l'ouverture complète du marché de l'énergie n'intéressent-elles pas au premier chef nos entreprises et nos concitoyens ? Nous pouvons dès lors avoir un aperçu de ces conséquences tarifaires en observant les chiffres de la hausse des prix à laquelle ont été soumis les professionnels, qui nous ont été fournis par le cabinet d'étude NUS Consulting.
On précisera en effet, avant de citer ces chiffres, que le gouvernement en place veut franchir un cap décisif avec cette loi sans avoir, au préalable, réalisé le moindre bilan complet des conséquences de la libéralisation des services menée tambour battant depuis dix ans.
Ainsi, on peut constater une augmentation de plus de 75 % des factures énergétiques des professionnels sur les cinq dernières années, et une augmentation de 48 % rien que sur la dernière année 2005-2006. De plus, l'écart entre les tarifs régulés et les tarifs libres de l'électricité atteint 66 % depuis l'année 2002.
Ces chiffres montrent l'impérieuse nécessité de stopper l'ouverture du marché de l'énergie selon de telles modalités. L'urgence est à l'obtention d'un moratoire et d'une renégociation pour sauver nos entreprises, et non, comme vous tentez de nous le faire croire, à la généralisation de ces contraintes tarifaires insupportables, qui sont une course en avant.
On retrouve également cette évolution chez nos voisins européens : plus 91, 5 % au Danemark et plus 80, 7 % en Grande-Bretagne.
À ce titre, permettez-moi de rappeler à l'ensemble du Gouvernement que la France a montré sa détermination à lutter contre la construction d'une Europe ultralibérale, et ce au travers de son vote majoritaire du 29 mai 2005 en faveur du « non » au traité constitutionnel. Et aujourd'hui, après ce refus populaire historique du libéralisme, vous souhaiteriez ouvrir totalement le marché de l'énergie en France et en Europe !
Vous arrive-t-il d'écouter ce que nous disent nos concitoyens ? Apparemment pas, puisque c'est sans les consulter que vous leur imposez ce projet touchant pourtant l'une des plus importantes réussites nationales depuis 1945.
En outre, si les tarifs énergétiques étaient autrefois formés à partir d'un parc national composé essentiellement d'hydraulique et de nucléaire, depuis 2000, ils sont soumis aux mécanismes de l'offre et de la demande, sur la base d'un parc européen composé essentiellement de thermique classique et d'énergies renouvelables, moyens de production beaucoup plus chers.
Si nous essayons maintenant de nous projeter dans l'avenir en observant d'autres entreprises énergétiques libéralisées comme Total, que constatons-nous ?
On constate d'abord qu'en dépit de la demande croissante qui pose la question permanente de l'épuisement des ressources fossiles les grandes compagnies pétrolières ont fait le choix d'utiliser leurs profits pour racheter les actions de leur propre entreprise, afin de doper les cours et de rafler la mise, et ce plutôt que d'investir ces mêmes profits dans le renouvellement des équipements de forage et de raffinage.
Pour résumer, nous sommes passés en six ans d'une situation de quasi-suréquipement à une situation de quasi-pénurie. Créer la pénurie pour faire augmenter les tarifs : le capitalisme connaît très bien ce mécanisme ! La tension engendrée par ces comportements alimente la tendance à la hausse des tarifs et désavantage le consommateur final.
La rémunération des actionnaires pèse donc extrêmement lourd dans les questions énergétiques, comme le montre la comparaison entre la France et la Finlande, pays dans lequel la rémunération du capital est de 2 % et le coût du mégawattheure de 29 euros, alors que notre pays accuse une rémunération de 11 % et un coût du mégawattheure de 43 euros.
L'exemple d'EDF est également très probant, puisque les dividendes versés aux actionnaires en 2005 auraient suffi, à eux seuls, pour créer 40 000 emplois statutaires ou bien pour augmenter le salaire de l'ensemble du personnel de 25 %, cotisations patronales incluses. Ce n'est pas négligeable dans le contexte actuel de l'emploi.