Nos échanges ressemblent parfois à un dialogue de sourds.
Il est évident que nous ne sommes pas opposés au tarif social, puisque nous avons contribué, au moins en partie, à le mettre en place, alors que, à l'époque, à l'Assemblée nationale, vos amis y étaient plutôt hostiles ! Il faut le rappeler !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne cessez d'affirmer que la France a besoin d'un « champion » industriel dans le domaine du gaz. Mais, à aucun moment cependant, vous ne nous avez expliqué en quoi un rapprochement entre GDF et Suez répondrait à cet objectif ; du moins n'avons-nous pas été convaincus par les éléments de réponse que vous nous avez apportés.
Je suppose que vous pourriez également affirmer que la France et les Français ont besoin de l'ouverture complète du marché de l'électricité. Je crains cependant que vous n'ayez quelques difficultés à convaincre sur ce point, car tous les analystes, à l'exception de quelques experts sans doute accrédités et souvent proches des dirigeants des entreprises énergétiques, s'accordent sur la future augmentation des prix de l'électricité et du gaz.
La fin du secteur public de l'énergie est synonyme de danger pour les consommateurs, particuliers ou industriels. Qu'importe, direz-vous, puisque les tarifs sont administrés sous la double vigilance du Gouvernement et de la CRE.
Certes, mais il se trouve que les tarifs administrés ont été maintenus assez bas - si l'on peut dire, malgré une hausse de 30 % en dix-huit mois - pour des raisons électorales.
Or, autant l'État actionnaire peut se désintéresser de la rentabilité financière de ses entreprises pour mettre en oeuvre sa politique énergétique, autant une entreprise qui sera détenue à 66 % par des investisseurs financiers saura exiger des tarifs en cohérence avec l'évolution des prix mondiaux du gaz, soumise elle-même de plus en plus à la logique spéculative.
L'expérience vécue dans le secteur des autoroutes comme dans celui de l'eau a prouvé que la puissance publique était beaucoup moins forte face à un opérateur privé que face à un opérateur public : l'opérateur privé aura d'autant plus d'arguments à faire valoir pour obtenir une hausse des tarifs qu'il pourra être poursuivi pour dumping par l'un de ses concurrents s'il maintient une clientèle captive grâce à des tarifs trop bas.
Je vous renvoie à ce qu'a écrit la Commission européenne s'agissant des obstacles à la concurrence : elle considère que le maintien de bas tarifs énergétiques dans notre pays est une barrière à l'entrée de nouveaux producteurs sur le marché !
Aussi, une fois les élections passées, il y a fort à parier que le Gouvernement ne pourra plus ignorer l'évolution des prix des marchés mondiaux. Je ne vous apprends rien : en décidant d'ouvrir complètement à la concurrence le marché de l'électricité, vous ouvrez sciemment la boîte de Pandore. Il est donc parfaitement scandaleux de prétendre, pour des raisons électoralistes, que vous entendez protéger les consommateurs contre les effets pervers de la dérégulation.
Monsieur le ministre de l'industrie, vous justifiez l'augmentation des prix de l'énergie par l'augmentation du prix de la tonne de dioxyde de carbone.
Le raccourci politique est facile : les 48 % d'augmentation des prix de l'électricité en un an ne seraient pas liés à la concurrence, mais seraient dus à l'inflation du prix de la tonne de dioxyde de carbone sur le marché des émissions. Or, de 2002 à 2004, la hausse des prix de gros de l'électricité a été très importante, après la baisse des années 2000 à 2002, alors qu'à cette époque ce marché n'existait pas.
Par ailleurs, il est scandaleux, pour ne pas dire plus, que les opérateurs aient répercuté par anticipation la hausse du prix de la tonne de dioxyde de carbone sur les prix de vente de l'électricité alors qu'il n'y a pas eu de surcoût, les achats de quotas ayant été nuls.
Si cette tendance à la hausse n'est pas uniquement liée aux quotas de dioxyde de carbone, à quoi pouvons-nous l'attribuer ? Nous estimons qu'elle est surtout liée au processus d'ouverture à la concurrence et de privatisation du secteur. Nous devons bien sûr le démontrer ; mais nombreux sont ceux qui ont compris que la concurrence ne faisait pas baisser les prix. Dans ce domaine, nous devons mettre en évidence le caractère atypique d'un secteur en réseau, distribuant un produit vital, non stockable et non substituable.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cet amendement.