Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2006, lorsque nous avons complété la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, j’avais eu l’occasion de rappeler ici même combien il était important de conserver un dispositif suffisamment souple pour s’adapter aux évolutions permanentes de nos sociétés et de leurs environnements internationaux.
À mon tour, je tiens à saluer la richesse et la qualité du rapport de nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam.
Mon statut de réserviste opérationnel et l’implication qui a été la mienne, lorsque j’étais secrétaire d’État à la défense, sur les questions liées à la réserve m’amènent à porter aujourd’hui un regard positif sur cette proposition de loi, même si, comme cela a été dit, ses objectifs sont limités.
Comme l’ont souligné de manière prémonitoire les auteurs de la proposition de loi, la France doit être en mesure de faire face à plusieurs types de crise, y compris des crises qualifiées à juste titre de « majeures » à l’article 1er du texte.
Les événements dramatiques qui se déroulent actuellement au Japon nous rappellent que des catastrophes technologiques peuvent aussi survenir dans notre pays, particulièrement dans une région comme l’Alsace, qui, à l’instar de la Côte d’Azur, est une zone à fort risque sismique. D’ores et déjà, les pouvoirs publics y ont adopté, compte tenu de ces risques technologiques particuliers, des dispositifs de crise adaptés. Ainsi, à Mulhouse, nous avons mis en place un plan communal de sauvegarde, le MO.C.A.MU., qui s’appuie notamment sur des professionnels de la réserve communale. C’est d’ailleurs à cette occasion que je me suis rendu compte de l’utilité que pouvait avoir ce type de réserve, qui permet, en cas de crise, d’apporter une assistance technique et humaine aux personnes sinistrées.
La proposition de loi suggère une interrogation : aurions-nous, le cas échéant, les moyens humains de faire face aux conséquences d’une crise majeure ?
Il est vrai que les forces d’active sont théoriquement en mesure d’affronter une telle situation. Cependant, on sait très bien que, à partir d’une certaine ampleur et d’une certaine durée, le recours aux réservistes serait indispensable, comme il l’est d’ailleurs déjà au bon fonctionnement de l’armée, et pas seulement de la gendarmerie. En effet, les différentes armes ne pourraient assumer leurs missions habituelles ni leurs interventions sur les théâtres d’opération extérieurs si elles étaient privées du concours des réservistes.
Avec un peu plus de 115 000 personnes théoriquement mobilisables, les réserves militaires – y compris celle de la gendarmerie – et civiles constituent donc, sur le plan quantitatif, un apport très important et indispensable à la sécurité nationale.
J’ajouterai que la contribution de la réserve est également essentielle sur le plan qualitatif. Elle constitue un vivier riche de compétences. Cette richesse s’accroît d’ailleurs encore avec le développement des réserves civiles. Je pense ici à la réserve de la police nationale, créée sur le modèle de celle de la gendarmerie, ainsi qu’aux réserves communales, à la réserve sanitaire, à la réserve pénitentiaire.
Tous ces outils, dont la maturation se poursuit en vue de la constitution d’une vaste réserve de sécurité nationale, que suggère le rapport d’information, ont besoin d’être confortés. C’est aussi de cela qu’il est question aujourd’hui, même si, bien entendu, toutes les préconisations du rapport ne sont pas reprises dans la proposition de loi. C’est une première étape, j’espère qu’il y en aura d’autres.
En effet, il faut s’employer à faciliter le déclenchement du dispositif de sécurité nationale en introduisant davantage de souplesse pour la mobilisation et la réquisition des réservistes salariés du privé ou du public. Une crise majeure est généralement soudaine, et la réponse doit être immédiate.
Toutefois, ces dispositifs pouvant apparaître contraignants pour les entreprises qui emploient un ou des réservistes, il est préférable de les assortir d’une protection juridique. Sur ce point, la proposition de loi va également dans le bon sens.
Les réservistes sont des hommes et des femmes animés par l’esprit de défense ou de service, ce qui n’est évidemment pas dans l’air du temps d’une société marquée par l’individualisme et génératrice de nombreuses contraintes professionnelles ou familiales.
Un potentiel existe néanmoins, notamment chez les jeunes : il n’est qu’à voir l’enthousiasme avec lequel un certain nombre d’entre eux s’engagent dans la réserve militaire ou dans d’autres réserves.
C’est pourquoi il est fondamental de ne pas décourager les réservistes, qui s’engagent au service de leur pays et de leurs concitoyens. Il faut leur offrir des garanties juridiques appropriées. Dans le même temps, nous pourrions faire davantage pour encourager de nouvelles vocations. L’esprit de défense n’est pas spontané. Le souvenir des dernières grandes guerres s’éloignant, le lien entre l’armée et la nation s’est effiloché au fil des ans.
Je pense, monsieur le ministre, qu’un important effort de communication pourrait être fait pour promouvoir la réserve de sécurité nationale. La journée nationale du réserviste, qui aura lieu cette année le 4 mai, a le mérite d’exister ; elle prend chaque année un peu plus d’ampleur, mais elle demeure encore trop méconnue. Elle mériterait d’être davantage soutenue et médiatisée. Je sais, monsieur le ministre, que vous ferez des propositions dans ce sens.
Valoriser l’image du réserviste suppose aussi que celui-ci soit plus reconnu. Son parcours citoyen doit être mieux identifié, voire gratifié.
Je n’oublie pas, bien sûr, l’aspect financier, qui contraint sans doute le développement de la réserve.
La commission a supprimé l’article 3 de la proposition de loi qui visait à étendre le dispositif relatif au mécénat aux entreprises mettant des salariés à disposition des réserves pendant les heures de travail. Le président Josselin de Rohan a expliqué dans quel esprit cette décision a été prise. Nous n’aurons donc pas un débat de fond sur le sujet, ce qui est regrettable.
Néanmoins, il n’est pas inutile de rappeler que les moyens budgétaires, quel que soit le degré d’engagement et de satisfaction, sont indispensables au partenariat entre le réserviste et l’employeur, ainsi qu’à la fidélisation des réservistes.
En 2009, alors que cette question était devenue un vrai sujet, je me suis penché sur les conditions de défraiement des réservistes et j’avais lancé le principe d’un « chèque volontariat nation personnalisé », permettant au réserviste de bénéficier du fruit de son travail immédiatement après la période d’instruction, de manœuvre ou d’engagements opérationnels.
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour progresser encore sur ce point, ainsi que sur la question d’une meilleure traçabilité des crédits de l’État intéressant la réserve. On le sait bien, ces derniers font parfois office de variable d’ajustement, ce qui est évidemment préjudiciable.
Parce que comme vous, mes chers collègues, je suis convaincu de l’utilité des réserves militaires et civiles, je souscris, à l’instar de tous les autres membres du RDSE, à la proposition de loi visant à faciliter leur utilisation en cas de crise majeure. Ce texte améliore les conditions de mobilisation de ces réserves et instaure de nouveaux dispositifs de fidélisation très attendus.
Il faudra poursuivre ce débat pour aller plus loin. Je pense notamment – le rapport y fait allusion – à la question de la gouvernance et de la coordination des réserves. En attendant, les membres du groupe RDSE approuveront le présent texte, qui contribue au renforcement du pacte républicain.