Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder la proposition de loi, je souhaite, au nom du groupe UMP, rendre hommage à Joëlle Garriaud-Maylam et Michel Boutant et les remercier du remarquable travail qu’ils ont fourni au cours de la mission qui leur a été confiée. Leur rapport est, selon moi, lucide, objectif et contient des propositions tout à fait pragmatiques.
Afin de comprendre dans quelle mesure les réserves militaires et civiles contribuent à la gestion de crises majeures, les rapporteurs ont su en dresser un véritable état des lieux. Cette « photographie panoramique » a été accompagnée d’un dialogue approfondi avec les administrations concernées, en particulier avec le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
La multiplicité des échanges qu’ont eus nos collègues avec un très grand nombre d’interlocuteurs illustre tant le large champ que recouvre la problématique des réserves que sa complexité.
Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment particulier : au bilan nécessaire et attendu, nous devons joindre la décision politique.
Dix ans après la professionnalisation des armées, trois ans après le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, deux ans après le vote de la loi du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, il nous faut agir – je dirais presque réagir.
Conformément aux constats du Livre blanc précité, notre pays doit faire face à des menaces plus grandes et plus diffuses.
La France doit en effet être en mesure de répondre à des crises multiples : agression du territoire national ou acte de terrorisme, comme celui du 11 septembre 2001 ; gestion de crises humanitaires sur un théâtre d’opération national ou se déroulant à des milliers de kilomètres ; catastrophes naturelles telles que les tempêtes Klaus ou Xynthia, ou encore inondations, à l’instar de celle qu’a connue le département du Var au mois de juin dernier. Et n’oublions pas non plus les catastrophes technologiques, comme l’accident de l’usine AZF ou, aujourd’hui, celui plus dramatique de la centrale de Fukushima pour les raisons que nous connaissons.
La professionnalisation des armées a mis fin à un système qui fournissait à notre pays une « réserve de masse », pouvant aller jusqu’à 3 millions d’hommes.
Ce que certains appelaient parfois « l’armée fantôme » a été remplacé par des réserves militaires professionnelles, opérationnelles et tout à fait intégrées, de 60 000 hommes. S’y ajoutent les réserves civiles, créées en 2004, et les réserves de la police nationale fortes de 4 000 hommes. Ces dernières, exclusivement composées jusqu’à ce jour d’anciens policiers, devraient s’ouvrir à la société civile, à l’instar des réserves militaires.
Les conclusions du rapport ont débouché sur cinq séries de propositions, qui sont à l’origine du texte que nous examinons. Je ne reviendrai pas sur ce sujet, notre rapporteur, Michel Boutant, et le président de la commission, Josselin de Rohan, s’étant déjà brillamment livré à cet exercice.
D’ailleurs, permettez-moi, monsieur le ministre, de me réjouir du consensus qui a prévalu au sein de la commission, preuve non seulement d’un travail de concertation réalisé en amont, mais également de la nécessité de légiférer en la matière.
Ultérieurement, je reviendrai – brièvement puisqu’elles ont déjà été évoquées – sur les réserves sanitaires et communales de sécurité civile. Je souhaiterais particulièrement attirer votre attention sur ce point.
À cet instant, il est primordial pour l’État, lors de crises graves, de pouvoir tant prévoir la continuité du fonctionnement des services publics que garantir la sécurité et la protection de nos concitoyens.
L’État doit pouvoir s’appuyer sur des réserves qui viennent en soutien des forces actives. Aussi, ces réserves doivent répondre à une double exigence : assurer d’une part, un renfort au plus fort de l’urgence et, d’autre part – cela va de soi –, un relais permettant le repos crucial des forces actives.
Néanmoins, pour que les réserves puissent participer au « continuum sécurité-défense », il est indispensable de revoir les conditions de gestion de leur mobilisation et de répondre aux questions : Qui ? Pour quelle crise ? Pour quels moments de la crise ?
Cela ne peut être envisageable que si les états-majors disposent de bases de données chiffrées – j’insiste sur ce point important – et remises à jour annuellement – cette actualisation est impérative du fait de l’âge de certains réservistes –, avec comme postulat la spécificité et la qualification de ces réservistes.
Ces statistiques, qui sont malheureusement rares, concourraient à une meilleure coordination de chacun des acteurs de la crise et combleraient la déficience relevée par nos collègues.
La gestion de la crise ne peut être optimale sans de telles données, qui permettront l’anticipation et la définition des besoins pour les forces actives et une projection immédiate des réservistes.
Les préfets de zone de défense et de sécurité doivent pouvoir s’y référer, afin de connaître la disponibilité des engagés. En effet, ce point est souligné dans le rapport, les réserves sont sous-employées, ce qui engendre de la démotivation et pousse les réservistes à ne pas renouveler leur contrat d'engagement à servir en leur sein.
La fidélisation des réserves est aussi un défi auquel nous devons faire face. Pour y répondre, nous devons impérativement favoriser les relations avec les entreprises employant des réservistes.
D’aucuns ont évoqué la création d’un « label citoyen », à l’instar de ce qui existe dans le domaine environnemental ou en matière de parité entre hommes et femmes. Ce label ne me paraissant pas suffisamment pertinent, à titre personnel, je n’y suis pas vraiment favorable.
Toutefois, l’engagement des réservistes recoupe des enjeux beaucoup plus grands. Il est l’expression concrète, au quotidien, du lien entre les armées et la nation.
Par ailleurs, au moment où la diminution des effectifs de la fonction publique est indispensable à la réduction des déficits publics, le recours aux réserves prend tout son sens.
Dans cet esprit, la participation de la communauté à la défense et à la sécurité des citoyens se justifie pleinement.
Les départements ruraux doivent faire face à un double phénomène : une désertification médicale et l’augmentation de la dépendance. Lors de pandémies, telles que celle de la grippe, ou lors d’épisodes graves, comme la canicule de 2003, les réserves sanitaires doivent donc jouer un rôle majeur et, bien qu’elles soient au stade embryonnaire, il est primordial qu’elles se développent.
On peut également penser à la saturation des services de secours, en particulier pendant les périodes estivales, du fait de l’isolement des personnes âgées, du coût souvent prohibitif des maisons de retraite, du manque de personnel paramédical, voire de l’absence de famille.
De la même manière, lors de catastrophes naturelles, les réserves communales de sécurité civile doivent être considérées comme des acteurs incontournables. Leur connaissance du terrain, mais aussi leur connaissance « humaine » dépassent le seul stade du soutien.
Je prendrai pour exemple le cas de la tempête Xynthia. Dans le cadre de la mission commune d’information présidée par Bruno Retailleau et chargée d’étudier les conséquences de cette catastrophe, m’étant rendue sur le site trois jours après que celle-ci se soit produite, j’ai pu constater à quel point les réserves communales étaient disponibles et compétentes pour rendre le service que l’on pouvait espérer.
À mon sens, ces réserves ont un rôle très important, tant au début de la crise que dans la phase de l’après-crise. Elles peuvent assurer un rôle de soutien psychologique auprès des populations touchées par des dégâts matériels et ébranlées affectivement. Quand les secours ont quitté les lieux, elles sont indispensables au retour et à la réorganisation de la vie quotidienne dans les zones sinistrées, par exemple, pour assurer le déblayage ou la gestion des personnes déplacées.
Encore faut-il, bien sûr, recenser ces réserves en amont et les organiser…
Les membres du groupe UMP voteront la présente proposition de loi. Ils comptent sur vous, monsieur le ministre, pour que l’immense travail des auteurs de ce texte et du président de la commission soit optimisé. Il vous revient de transformer cet essai législatif. Cet état des lieux minutieux et les préconisations qui en ont découlé doivent être le début d’une réforme de nos réserves, celles-ci devant bénéficier d’une véritable politique de gestion à différents niveaux ministériels.
Pour conclure, je me permettrai un propos familier : monsieur le ministre, à vous de jouer maintenant !