Madame la ministre, dernièrement, le quotidien l'Humanité publiait la cartographie nationale de ce qu'il convient d'appeler une nouvelle « hécatombe économique » dans le secteur industriel, puisque, depuis le début du mois de septembre dernier, 25 000 emplois sont en passe d'être supprimés et 20 000 emplois se voient menacés à court terme.
Délocalisations, restructurations larvées, externalisations, non-remplacement des départs en retraite sont autant de stigmates d'une gestion industrielle qui reste dangereusement destructrice d'emploi, dans un contexte où le secteur des services ne compense plus les pertes d'emplois industriels.
Je souhaite donc attirer votre attention sur les conséquences qu'entraîne cette situation dans la métropole lilloise, madame la ministre. En six mois, pas moins de quinze entreprises ont fermé ou ont prévu de fermer leurs portes. Les plans de restructuration, ou ce que l'on appelle maintenant « les plans de sauvegarde de l'emploi », se multiplient de façon particulièrement inquiétante. Plus de mille salariés sont concernés, et je ne compte pas les emplois indirects.
Encore une fois, c'est le secteur industriel qui est le plus touché : le textile, encore et toujours, mais également - et c'est nouveau - les équipementiers automobiles et l'industrie graphique.
L'usine Plasty de Roubaix en donne un exemple instructif. Elle a été reprise au mois de mars dernier par le groupe tchèque Kartsit, qui, depuis, n'a réalisé aucun véritable investissement. Aujourd'hui, l'entreprise est en redressement judiciaire et quatre-vingt-dix-sept salariés vivent dans l'inquiétude de perdre leur emploi, puisque le groupe envisage de transférer quatre des cinq machines en République tchèque. En reprenant cette usine, la stratégie du groupe Kartsit était-elle de maintenir la production ou bien de récupérer les commandes et les clients de l'entreprise ?
En la matière, il existe un autre exemple particulièrement parlant, celui de la filière graphique, qui met en oeuvre deux stratégies parallèles à l'échelon mondial. La première consiste tout simplement à fermer les unités de production dont la rentabilité est jugée insuffisante, alors même que leur carnet de commande est rempli. La seconde revient à mettre en concurrence les différentes usines à l'intérieur d'un même groupe, afin de faire pression sur les salaires, d'augmenter la productivité et de mettre en concurrence les territoires pour obtenir des aides publiques plus importantes.
À ce jeu, la métropole Lilloise est la grande perdante. La cartonnerie Pacofa d'Halluin licencie trente-cinq salariés. La cartonnerie Sonoco de Marquette-lez-Lille est délocalisée en Grèce ; plus de soixante-deux salariés sont concernés. L'imprimerie Quebecor World d'Hellemmes-Lille est délocalisée à Charleroi, soit cinquante kilomètres plus loin : deux cent soixante-dix salariés seront licenciés. Cette entreprise a été attirée en Belgique par les fonds européens que notre pays n'a plus. La question est donc de savoir à quoi, dans ces conditions, servent les fonds européens.
En citant ces exemples de fermeture et de restructuration, je tiens à montrer de quelle manière et à quelle vitesse se poursuit la désindustrialisation de la métropole lilloise, comme celle de notre pays. Quel que soit le niveau, le déclin industriel de la France s'accentue, sans que rien ne soit réellement entrepris pour enrayer ce processus.
La métropole lilloise s'est lancée depuis de nombreuses années dans le développement de la filière tertiaire, notamment grâce à l'arrivée du TGV et du tunnel sous la Manche. Certes, cette politique a permis la création de nombreux emplois, mais force est de constater que le taux de chômage reste particulièrement élevé, puisqu'il est, pour la zone d'emploi de Lille et celle de Roubaix-Tourcoing, respectivement de 11, 8 % et de 14 %.
La dynamique de compensation des emplois tertiaires n'opère plus. Ainsi, Lille et sa métropole ont enregistré en 2005 un solde d'emploi négatif particulièrement préoccupant.
Si l'économie industrielle locale s'appuyait naguère sur un salariat issu en grande partie du bassin d'emploi de la métropole lilloise et sur ses savoir-faire, cette mutation ne lui permet plus aujourd'hui de remplir ce rôle, en particulier dans les quartiers populaires où le taux de chômage dépasse fréquemment 30 %.
Il faudrait donc réaliser des efforts bien plus importants en termes de formation et de reconversion des salariés. Cela passe, selon nous, par la création d'un dispositif très volontariste de sécurisation des parcours professionnels.
Mais, au-delà de cet aspect, c'est peut-être sur l'ensemble de la politique économique qu'il faut s'interroger. Comme le montre l'exemple de la métropole lilloise, en délaissant l'industrie, notre pays a favorisé l'émergence d'une structure économique déséquilibrée : forte dépendance au secteur tertiaire, tissu économique composé essentiellement de PME-PMI, disparition des grands groupes industriels.
Nous le savons bien aujourd'hui, maintenir et développer une politique industrielle doit permettre de consolider et de diversifier notre économie. C'est à ce titre que je vous demande de nous indiquer, madame la ministre, les mesures que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour s'opposer à cette fatalité, suivant laquelle nous serions impuissants face à cette logique de désindustrialisation.