Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 19 décembre 2006 à 10h00
Questions orales — Place de la laïcité au sein des programmes de l'audiovisuel public

Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire :

Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord de vous transmettre les excuses de mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres, qui est retenu ce matin à Bruxelles pour la promulgation, avec le président de la Commission européenne, de la charte pour la diversité.

Vous évoquez dans votre question l'une des propositions formulées dans le rapport, datant de 2003, de la commission présidée par M. Bernard Stasi, proposition qui visait à « donner aux courants libres penseurs et humanistes rationalistes un accès équitable aux émissions télévisées de service public ».

Certains programmes de l'audiovisuel public apportent une réponse satisfaisante à la question que vous soulevez. À titre d'exemple, France Culture permet ainsi l'expression des différents courants agnostiques, athées, rationalistes ou maçonniques dans le cadre de son émission hebdomadaire Divers aspects de la pensée contemporaine.

Comme vous le rappelez, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication fait obligation, en son article 56, à la société France 2 de programmer le dimanche matin des émissions à caractère religieux. Ces émissions sont réalisées sous la responsabilité des représentants des cultes.

Ne peuvent prétendre au bénéfice de cette disposition que les « principaux cultes pratiqués en France ». Or, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, la pensée rationaliste ne peut être considérée comme en faisant partie.

Une modification de la loi serait donc nécessaire pour accéder à votre proposition et accorder un temps d'antenne régulier à l'expression des familles rationalistes et humanistes.

Si nous partageons bien naturellement votre attachement à la laïcité, nous estimons qu'une telle modification soulèverait d'importantes difficultés.

Cette proposition pose d'abord des problèmes pratiques considérables. Le nombre de courants de pensée se rattachant à l'expression rationaliste et humaniste est en effet beaucoup trop important pour que les chaînes publiques, compte tenu de leurs impératifs de programmation, puissent leur accorder à tous des temps d'émission égaux.

Cette proposition pose ensuite des problèmes juridiques très difficiles tenant à la définition précise de ces courants de pensée permettant d'en réglementer l'accès aux antennes, à supposer la première difficulté résolue.

C'est pour ces raisons que, depuis 1986, le caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion est garanti par d'autres moyens. En dehors, naturellement, des dispositions spécifiques permettant l'expression des formations politiques et des organisations syndicales et professionnelles, la réglementation actuelle renvoie à la responsabilité éditoriale des chaînes publiques le soin d'assurer le respect de l'expression du caractère pluraliste des courants de pensée.

Il s'agit donc non pas d'imposer la diffusion de tels programmes produits sous la responsabilité de tiers, mais de veiller au respect de cette expression au nom de la programmation naturelle de ces chaînes, sous leur responsabilité et sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, instance de régulation indépendante.

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