Intervention de Dominique Mortemousque

Réunion du 19 décembre 2006 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2006 — Article additionnel après l'article 32 bis

Photo de Dominique MortemousqueDominique Mortemousque :

Je présente cet amendement au nom de mon collègue Jean Bizet, qui n'a pas pu être présent parmi nous cette après-midi.

Il est proposé d'instaurer un dispositif permettant l'investissement de personnes physiques au capital de sociétés de financement de la recherche en génomique végétale, à l'instar de ce qui a été mis en place avec un réel succès grâce aux Sofica, les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle.

L'objectif du nouveau dispositif, qui verrait la création de sociétés dénommées « Sofigrains », est de pallier l'insuffisance chronique de l'investissement dans le domaine de la génomique végétale. En effet, dans ce secteur, de nombreux pays comme les États-Unis, l'Allemagne, la Chine, l'Inde ou la Corée du Sud consentent des efforts de plus en plus importants ; la France se trouve en position de retrait alors qu'elle était en pointe voilà encore quelques années. Compte tenu d'une telle situation, qui devient critique, il convient de permettre la mobilisation de ressources privées grâce à une incitation fiscale.

Le gage proposé est conventionnel, mais il faut préciser que ce dispositif ferait l'objet d'un redéploiement de crédits de la part des ministères de la recherche et de l'agriculture. Ces derniers estiment que les dépenses ainsi redéployées seront mieux employées sous cette forme et qu'elles auront ainsi une meilleure efficacité que les crédits de missions équivalents pour servir de levier au développement de la recherche en génomique végétale.

Il faut souligner l'utilité d'une telle dépense fiscale, dont la motivation repose sur l'ardente nécessité de relancer cette activité stratégique pour l'avenir de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire françaises, pour le développement de sources d'énergie alternatives issues de la biomasse, ainsi que pour la défense de la place de la France au sein de la recherche en génomique végétale.

Premièrement, une telle activité est spécifique au rayonnement et au savoir-faire français puisque la recherche en génomique végétale française se situait jusqu'en 2002 au deuxième rang mondial, avant de connaître une chute de financement due au retrait de certains investisseurs privés.

Deuxièmement, une telle activité nécessite un engagement marqué de la collectivité nationale, car cette recherche constitue un outil indispensable pour le développement durable de l'agriculture et du secteur agroalimentaire. Grâce à ces nouvelles techniques, les scientifiques pourront améliorer l'efficacité de la sélection visant à résoudre certains problèmes agronomiques, comme l'économie de la ressource en eau, la résistance aux maladies et aux pesticides.

Troisièmement, une telle activité est particulièrement sensible à la dépendance extérieure, ce qui peut conduire rapidement à une « mise sous tutelle » des variétés végétales par des entreprises étrangères, notamment américaines.

Ces principes sont conformes aux objectifs en matière de recherche et développement fixés par le Conseil européen de Barcelone de mars 2002 et révisés par le Conseil européen qui s'est tenu au printemps 2004.

Le dispositif proposé aurait pour vocation de permettre l'augmentation des investissements de source privée et d'assurer la pérennité du financement de la recherche en génomique végétale pour les dix prochaines années.

Son adoption permettrait également de soutenir l'effort de recherche en vue de préparer l'avenir, conformément aux engagements du Gouvernement fixés dans la loi de programme pour la recherche.

En outre, le bénéfice d'un tel dispositif ne viendrait pas s'ajouter aux avantages existants procurés par des niches fiscales puisque son financement serait assuré par un redéploiement des crédits des ministères de la recherche et de l'agriculture. Or il représente un coût fiscal maximal de 2 millions d'euros pour un premier investissement de 5 millions d'euros. Un tel investissement permettrait de produire l'effet de levier nécessaire à la relance de la génomique végétale et d'éviter, par conséquent, la délocalisation inévitable à très court terme de cette activité de recherche.

Envisagé comme un outil d'investissement utile en faveur d'activités de recherche stratégiques, ce dispositif pourrait, par la suite, être décliné dans d'autres domaines de recherche.

Les programmes susceptibles d'être éligibles aux Sofigrains seront ceux qui assureront un développement effectif du champ de la recherche et de l'innovation. Afin qu'il n'y ait pas d'effet de substitution et que les Sofigrains ne servent pas à développer des programmes qui auraient été financés spontanément par les industriels, afin aussi que le financement issu des Sofigrains ne soit pas l'occasion de réduire à due concurrence les enveloppes publiques de recherche destinées à la génomique végétale, la sélection des programmes pourrait être effectuée par un comité réunissant des représentants du ministère de la recherche, des instituts de recherche dans le domaine agricole - INRA, CIRAD, IRD, CNRS - et des institutions financières servant de relais.

Il est proposé que l'investissement dans les Sofigrains se fasse sur une durée de dix ans. Le remboursement à partir de cette date se ferait en jouant sur plusieurs variables : part des apports investie en trésorerie, pourcentage de garantie de la Sofaris, rentabilité des programmes, pourcentage de capital garanti et mécanisme de remboursement, dont une fraction pourrait être opérée par tirage au sort. Leur association permettra d'atteindre un certain niveau de garantie du remboursement, de l'ordre de 80 % à 85 % et, également, d'éviter que l'État ne donne sa garantie.

Ce projet pourrait avoir un grand retentissement en raison de l'association des particuliers, principalement des exploitants et des acteurs du monde agricole, au financement de la recherche en génomique végétale. À un moment où les changements importants qui affectent le monde agricole sont souvent ressentis avec méfiance et provoquent de réelles interrogations sur l'avenir, un dispositif comme celui des Sofigrains contribuerait, au-delà de ses effets directs, à donner un signal fort d'espoir, de renouveau et de responsabilité.

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