Intervention de Bernard Vera

Réunion du 19 décembre 2006 à 21h30
Loi de finances pour 2007 — Adoption définitive des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances initiale pour 2007 a connu une certaine évolution au fil de ses deux lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Ce ne sont pas moins de 88 articles qui restaient en débat après son examen par le Sénat et qui ont occupé les travaux de la commission mixte paritaire.

Permettez-moi tout d'abord, mes chers collègues, de souligner notre satisfaction de constater que la commission mixte paritaire a supprimé du texte finalement soumis au vote une douzaine d'articles.

Parmi ceux-ci, j'accorderai une attention particulière à l'article 15 ter, ajouté par voie d'amendement sénatorial, et qui nous proposait, sans compensation, d'instaurer une concurrence entre territoires pour accueillir des entreprises du secteur de l'audiovisuel et du spectacle. Ce type de disposition est parfaitement inadapté aux problèmes rencontrés par ce secteur d'activité, qui, au-delà d'aides fiscales à la pertinence non prouvée, aurait plutôt besoin d'un soutien direct, notamment budgétaire, trouvant d'autres formes.

La commission mixte paritaire a également supprimé l'amendement déposé par le président de la commission des affaires culturelles, qui portait sur l'application du régime de solidarité aux intermittents du spectacle et dont l'objectif était d'obtenir, coûte que coûte, la signature des organisations syndicales minoritaires de la profession.

D'autres dispositions ont également été supprimées, et nous ne nous en plaindrons pas.

C'est ainsi que certaines des conditions de la transformation de la Monnaie de Paris en établissement public à caractère industriel et commercial ont été révisées ; elles permettent notamment d'éviter que le lieu de fabrication de nos monnaies ne soit concédé à l'Institut, situation qui n'aurait pas manqué de poser le problème de la pérennité même des activités de l'établissement.

Pour autant, il ne faudrait évidemment pas croire que le « tamis » de la commission mixte paritaire ait été suffisant pour éviter que le contenu et l'orientation de la loi de finances pour 2007 n'échappent aux dogmes libéraux qui ont pu guider sa rédaction initiale.

Cette loi de finances, qui est finalement de peu de poids au regard notamment de la loi de finances pour 2006, qui l'a largement éclipsée en importance, n'est qu'une loi de pure opportunité électorale.

Il faut sans doute craindre que le Conseil constitutionnel, qui a déjà largement révisé le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale, ne procède, une fois encore, à quelques ajustements de dernière instance sur certaines des dispositions qui restent en débat.

Mais le problème principal de cette loi de finances est qu'elle est d'ores et déjà quasiment dépassée par les termes que le débat fiscal prend depuis quelques jours.

Sans doute dans l'espoir d'obtenir le ralliement de certaines couches moyennes de la population française au candidat déclaré de I'UMP, le ministre de l'économie vient d'annoncer bruyamment l'éventualité d'une année fiscale 2008 « blanche » en matière d'impôts sur le revenu. Il s'agirait de mettre en oeuvre un système de retenue à la source sur les revenus du travail et les revenus assimilés, en lieu et place du système déclaratif actuel.

Tout d'abord, on peut se demander comment l'État pourrait « gager » les 30 milliards ou 40 milliards d'euros de décalage de trésorerie qui résulteraient de cette opération.

Mais le choix de la retenue à la source, s'il venait à se confirmer, appelle d'autres observations.

La première, et non la moindre, réside dans le fait que l'architecture de nos prélèvements fiscaux et sociaux est déjà largement marquée par le principe de la retenue à la source. N'oublions pas qu'il existe déjà - opération électorale mise à part - dans notre pays des produits fiscaux qui découlent de retenues à la source, et qui sont autrement plus consistants que le produit de l'impôt progressif. Face aux 57 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée affiche ainsi un rendement de 78 milliards d'euros, complétés par les 5, 5 milliards d'euros de la contribution destinée au remboursement de la dette sociale. La retenue à la source, les salariés non imposables la connaissent donc déjà depuis un certain temps !

N'oublions pas non plus qu'une partie des contribuables de l'impôt sur le revenu a opté pour des modalités de recouvrement, la mensualisation, qui s'apparentent en grande partie au système dont on nous parle aujourd'hui.

Je ferai remarquer que, s'il est facile de mettre en oeuvre ce système dès qu'il s'agit de revenus identifiés et clairement définis, cela l'est beaucoup moins pour des revenus d'activité non salariée ou des revenus de capitaux.

La retenue à la source pose un autre problème qui n'est pas secondaire, celui du coût du recouvrement.

Si l'on décide de confier aux entreprises le suivi du dossier fiscal de leurs salariés, le risque est grand de voir, d'un côté, croître l'idée d'une suppression massive de postes dans les centres des impôts comme dans les perceptions du Trésor Public et, d'un autre côté, constater des déperditions et des retards de recouvrement des sommes dues.

Certaines entreprises ont acquis, qu'on le veuille ou non, de mauvaises habitudes en matière de recouvrement de leurs cotisations sociales obligatoires. Le risque est donc grand qu'on leur offre l'opportunité de faire de même s'agissant du versement effectif de l'impôt sur le revenu dû par leurs salariés.

Ce que nous connaissons par ailleurs en matière de TVA, où les retards de paiement sont monnaie courante, justifie pleinement la plus grande réserve quant à l'idée de confier le recouvrement de plusieurs dizaines de milliards d'euros de recettes fiscales de I'État aux services du personnel ou de la comptabilité des entreprises.

La retenue à la source, enfin, ne fait pas l'économie d'une véritable réforme de l'impôt sur le revenu. Elle ouvre la voie à la flat fax, c'est-à-dire à l'impôt de faible taux et d'assiette large, que certains appellent de leurs voeux pour tordre le cou à la correction qu'apporte la prise en compte des charges de famille. Mais elle ouvre aussi la voie à l'allégement de l'impôt pour les seules familles et ménages aujourd'hui imposés au taux le plus important et qui disposent de la plus grande variété de revenus.

Nous n'avons de cesse, depuis de longues années, de souligner l'urgence de l'égalité fiscale.

Non, monsieur le rapporteur général, il n'est ni juste ni légitime que 20 000 euros de revenus du travail, salarié ou non, soient taxés au barème de l'impôt sur le revenu quand 20 000 euros de plus values de cession d'actifs financiers seraient, en appliquant vos recommandations, dispensés de la moindre contribution au financement des charges publiques ! Célibataire avec 20 000 euros de revenus nets, vous avez déjà acquitté 5 000 euros de cotisations sociales, et vous devez aussi payer près de 1 600 euros d'impôt sur le revenu ! Célibataire avec 20 000 euros de plus-values boursières, vous payez 0 euro de cotisations sociales et 0 euro d'impôt sur le revenu !

Où est la justice ? Où est l'égalité ? Où est la réhabilitation de la valeur travail, quand on favorise les autres formes de revenus que ceux qui proviennent précisément du travail ?

Tout le monde sait pertinemment que la réforme de l'impôt sur le revenu commence par une égalité de traitement entre tous les revenus. Comment expliquer que plus le revenu imposable contient de revenus de capitaux mobiliers ou de revenus tirés de l'exploitation d'un patrimoine immobilier ou foncier, plus le taux de prélèvement réel s'affaisse ?

Mes chers collègues, savez-vous que dans notre pays, notamment dans les quartiers les plus favorisés de la capitale ou de nos grandes villes, des contribuables, chaque automne, reçoivent du Trésor public un chèque important, qui représente le remboursement des crédits d'impôts et qui excède leur contribution personnelle à l'impôt sur le revenu ? Savez-vous que nombre d'entre eux l'utilisent ensuite pour amortir le coût de l'impôt de solidarité sur la fortune qu'ils doivent acquitter ?

Mais ce sont précisément de telles situations qui sont devenues intolérables à la grande majorité de nos concitoyens, cet étalage quasi indécent de la fortune tandis que perdure la misère pour plusieurs centaines de milliers de foyers, que monte la crainte de la pauvreté absolue pour la moitié des salariés et, enfin, que progresse de manière préoccupante l'endettement des ménages !

Ce sont ces préoccupations légitimes que, tout au fil des débats budgétaires, nous avons tentées de traduire, parfois avec quelques limites que je concède aisément, mais toujours avec la sincérité requise. Et ce sont ces préoccupations qui sont dramatiquement absentes du projet de loi de finances pour 2007 tel qu'il ressort de la commission mixte paritaire.

A l'exigence de prise en compte des besoins collectifs et de la justice sociale, vous apportez comme réponse des dispositions opportunistes, des amendements de commande et de maîtrise des dépenses budgétaires dans le sens de leur inexorable déclin.

C'est la raison pour laquelle le groupe CRC ne votera pas le texte qui nous est désormais proposé.

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