Il est tout à fait normal que, à l'occasion de l'examen du titre IV du projet de loi de financement de la sécurité sociale et alors que nous discutons de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, nous ne traitions pas du cas des fonctionnaires.
Toutefois, on ne peut pas, me semble-t-il, faire l'impasse sur les risques et préjudices subis par ceux qui travaillent pour l'Etat, les collectivités territoriales et les hôpitaux. Je ne peux m'empêcher de regretter les cloisonnements existant entre les régimes en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Pour illustrer mon propos, je rappellerai que les collectivités locales et les hôpitaux emploient environ 2, 6 millions d'agents. Parmi eux, cohabitent ceux qui relèvent de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL - on en compte environ 1, 7 million - et quelque 850 000 non titulaires ou titulaires à temps partiel qui, eux, relèvent intégralement de la CNAM accidents du travail et maladies professionnelles. Pour ces derniers, l'ensemble des collectivités territoriales cotisent à hauteur de 25 millions d'euros par an environ, somme sur laquelle on ne détient aucune statistique, quantitative ou qualitative, en matière de retour financier.
Il existe donc, pour la même catégorie d'employeur, deux catégories d'employés au regard du régime applicable aux accidents du travail et aux maladies professionnelles ; cela ne constitue pas un gage de cohérence en termes de gestion du personnel.
Peut-être considérez-vous que je suis hors du sujet traité ce matin ! Je ne le pense pas. En effet, je suis convaincu que l'Etat devrait fédérer les acteurs en matière de risques professionnels, les rassembler pour confronter les situations, les perspectives, les expériences et surtout mutualiser les réflexions.
Le risque professionnel en matière de santé et de sécurité au travail devrait être traité, non plus sous l'angle réducteur mais nécessaire des normes d'hygiène et de sécurité, mais de manière globale, concertée, pluridisciplinaire, au-delà des statuts.
Il faut insuffler une dynamique et proposer une véritable politique publique de prévention des risques professionnels dans des aspects élargis. Il conviendrait notamment de prendre en compte des thématiques telles que : carrières longues, reclassement, pénibilité, absentéisme ou maintien au travail après un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Permettez-moi en cet instant de dissiper quelques inexactitudes figurant dans le rapport, qui est, par ailleurs, globalement très complet.
Il est vrai que l'Etat, en tant qu'employeur, n'a pas de réelle politique en matière de traitement, de statistique et de prévention des risques professionnels. Il n'en est pas de même pour les deux autres fonctions publiques.
Pour des raisons évidentes et naturelles, les hôpitaux ont, depuis de longues années, accompli de gros efforts dans ce domaine, suivis depuis deux décennies par les collectivités territoriales. Des mesures de prévention sont mises en place et des bilans sociaux établis en collaboration avec les comités techniques paritaires.
De son côté, la CNRACL a mis en oeuvre le fonds de prévention des risques professionnels et engagé, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, un travail important pour mieux cerner les données statistiques nécessaires à une analyse efficace.
Dans la fonction publique territoriale et hospitalière, près de 200 000 accidents du travail adviennent chaque année. Seulement 10 % d'entre eux sont établis, tout simplement parce qu'ils font l'objet d'une demande d'indemnisation. Il reste donc encore 180 000 cas mal connus.
Je suis peut-être sorti du débat, mais la santé au travail est un sujet qui me préoccupe et cette discussion m'aura permis de dire combien il me semble anormal que la réflexion se limite au seul régime du secteur privé. Il faudra bien un jour avoir une réelle approche nationale et globale !
S'agissant de l'amiante, mon collègue Jean-Pierre Godefroy vient d'intervenir avec plus de compétence que je ne saurais en avoir.
Comme lui, je pense que, cinq ans après le vote de la loi, le Sénat pourrait mettre en place une mission d'enquête parlementaire pour faire le point sur l'application de cette loi et sur les moyens qui ont été mis en oeuvre pour remplacer l'amiante et reconvertir les entreprises qui produisaient ce matériau.
La réparation des maladies qui résultent du contact avec l'amiante constitue une catastrophe à retardement - on dénombre environ 2 000, 3 000, 4 000 morts par an. Son impact financier est considérable puisqu'elle concernera 35 milliards d'euros pour les vingt ans à venir !
Toutefois, ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'une crise sanitaire d'ampleur internationale. Chaque année, 2, 5 millions de tonnes d'amiante sont encore produites dans le monde et utilisées, parfois même par des entreprises françaises délocalisées à l'étranger.