Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 18 novembre 2004 à 10h00
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Articles additionnels avant l'article 19, amendement 89

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Comme l'indique dans son rapport notre collègue M. Dériot, le nombre d'accidents du travail déclarés, y compris les accidents de trajet, est en baisse depuis une trentaine d'années. Je précise qu'il est ici question des accidents déclarés, car bon nombre d'accidents de faible gravité ne sont jamais déclarés comme tels et sont donc à la charge de l'assurance maladie.

Il existe d'ailleurs des systèmes qui facilitent ce genre de dérive. Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles en donne une explication. Des primes sont octroyées dans certaines entreprises, officiellement pour encourager la prévention, si aucun accident n'est survenu. En réalité, si cela améliore la prévention, cela incite les salariés à ne pas déclarer les petits accidents, afin de bénéficier de cette prime. Les collègues du salarié sont amenés à exercer une pression sur lui afin qu'il ne déclare pas son accident.

Ainsi, l'employeur n'a même plus besoin d'exercer lui-même cette pression pour éviter la hausse de sa cotisation. Il la transfère aux salariés, qui limitent leurs droits ou ceux de leurs collègues en termes de santé. Ce procédé mérite d'être signalé publiquement.

Dès lors, si l'on comptabilise moins d'accidents, l'indice de gravité de ceux qui sont reconnus est en hausse constante.

Je rappelle que l'indice de gravité se définit comme la somme des taux d'incapacité permanente rapportée au nombre d'heures travaillées. Seuls les accidents les plus sérieux donnent lieu à la reconnaissance d'une incapacité permanente et à la perception d'une rente par la victime.

En 1999, l'indice de gravité était de 15, 6. En 2001, il était descendu à 14, 5. En 2003, il était de 18, 2. Le nombre d'accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente est passé de 46 085 en 1999 à 43 078 en 2001, avant de remonter à 48 774 en 2003.

Comme toujours, le nombre d'accidents du travail est lié à la situation de l'emploi. Plus le taux de chômage augmente, plus la précarité se développe, moins les salariés en situation précaires bénéficient de formation à leur poste de travail, plus le nombre d'accidents du travail croît.

On dénombre encore 661 accidents mortels en données provisoires pour 2003. II n'y a donc pas lieu de se féliciter d'un quelconque progrès s'agissant des accidents du travail

En revanche, s'agissant des maladies professionnelles, l'aggravation est indiscutable et alarmante.

Entre 1999 et 2003, le nombre de maladies professionnelles constatées et reconnues est passé de 24 208 à 43 847. Quatre-vingt pour cent des maladies se rattachent soit à des affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante, soit à des troubles périarticulaires liés à de mauvaises conditions de travail.

Outre la répétition des mêmes gestes, les troubles musculo-squelettiques, les TMS, ont aussi pour origine les conditions dans lesquelles ils sont effectués : mauvaises postures dues à l'inadaptation de nombre d'équipements ou encore exposition au froid.

Par ailleurs, le port de charges trop lourdes est encore à l'origine de lombalgies et de dorsalgies, lesquelles comptent pour 8 % des maladies reconnues.

Dans les années à venir, ces chiffres ne devraient pas diminuer. Les experts prévoient une augmentation de la fréquence des maladies liées au maniement de solvants, d'hydrocarbures et de céramiques. Dès aujourd'hui, nous avons l'exemple effrayant des éthers de glycol, avec les troubles provoqués chez les femmes enceintes et les nouveaux-nés.

Environ 8 % des cancers sont directement liés à des origines professionnelles.

La dangerosité du travail ne faiblit donc pas ; elle se transforme.

Dans les grandes entreprises, les moyens sont en général mis en oeuvre pour assurer la sécurité relative des salariés, et la réglementation est un tant soit peu respectée. Mais, là aussi, les obligations peuvent être contournées, et c'est l'intérêt essentiel de la sous-traitance.

Ce n'est pas un hasard si peu de grandes entreprises cotées en bourse sont directement compromises dans les scandales sanitaires. En revanche, nombre de PME sous-traitantes fabriquent et manipulent pour leur compte des substances extrêmement dangereuses. Le plus souvent, et sans même parler des salariés précaires, les salariés ne connaissent pas la nature exacte et la dangerosité des produits qu'ils utilisent.

Tous ces éléments montrent qu'il est urgent d'intervenir. C'est pourquoi nous proposons d'abaisser de cinquante à vingt salariés le seuil d'effectifs à partir duquel un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est nécessaire.

Tous les paramètres dont nous disposons et l'expérience acquise en la matière font en effet apparaître que c'est dans les structures de taille intermédiaire que les salariés sont aujourd'hui le plus exposés. Certes, l'abaissement du seuil à vingt salariés ne couvrirait pas l'ensemble du champ professionnel, mais il représenterait un réel progrès.

C'est pourquoi nous souhaitons l'adoption de l'amendement n° 89.

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