Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 18 novembre 2004 à 15h00
Simplification du droit — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 8 000 lois, 400 000 textes réglementaires : il est urgent de simplifier le droit qui encadre et régit chaque jour nos activités. Puisque les citoyens sont censés ne pas ignorer la loi, aidons-les à la connaître, en en facilitant l'accès, à la comprendre et à la respecter, en la clarifiant et en l'adaptant aux contraintes de la réalité et aux nouvelles exigences communautaires.

Le projet de loi de simplification du droit participe à cet effort et manifeste la volonté du Gouvernement comme du Parlement de s'inscrire dans une démarche ambitieuse et durable d'accessibilité, de clarification et de meilleure lisibilité des règles juridiques.

C'est pourquoi je suis heureux de vous présenter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de simplification du droit, qui s'est réunie le mardi 26 octobre 2004 au Sénat et est parvenue à un accord.

Alors que le projet de loi comptait initialement 61 articles, il y en avait 65 en discussion à l'issue de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Faisant suite à l'examen du texte par le Sénat, qui a, pour sa part, adopté 94 articles, la commission mixte paritaire était appelée à examiner 53 articles restant en discussion.

Ce texte comporte sans aucun doute de nombreux éléments manifestant le travail de notre assemblée, tant d'un point de vue quantitatif, du fait des 28 articles additionnels adoptés en première lecture par le Sénat, que par l'adoption de certaines mesures qui, sur le fond, reflètent nos préoccupations ; je pense tout particulièrement aux articles 8 bis et 8 ter, issus de deux amendements de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui permettent de clarifier le droit applicable dans le domaine des contrats d'obsèques.

De même, notre assemblée a encadré de nombreuses habilitations prévues par le présent projet de loi. Ainsi, à l'article 4, après un débat nourri en séance, le Sénat a précisé le champ de l'habilitation concernant la réforme du droit de la filiation. Il a également, à l'article 13, limité le champ de l'habilitation relative aux déclarations et autorisations d'utiliser le sol.

Considérant que certaines mesures devaient s'inscrire dans un processus législatif normal ou qu'une habilitation n'était pas nécessaire dès lors qu'un seul texte s'en trouverait modifié, le Sénat a également introduit plusieurs dispositions d'application directe, nouvelles ou issues de la transformation de certaines habilitations.

Par exemple, le Sénat a créé un article additionnel après l'article 21 modifiant directement le code, civil afin de permettre la transposition correcte de la directive du 7 juillet 1985 instituant la responsabilité du producteur des produits défectueux en tenant compte de l'arrêt en manquement de la Cour de justice des Communautés européennes.

Il a également repris la disposition, déjà prévue à l'article 62 ter A du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, tendant à prévoir, comme pour les remontées mécaniques, un régime d'autorisation par l'Etat de mise en exploitation des tapis roulants dans les stations de montagne, ainsi qu'un contrôle de ces installations par les agents spécialisés du ministère des transports. La reprise de cet article d'un autre projet de loi vise à en permettre une entrée en vigueur plus rapide, dès cet hiver.

Le Sénat a également poursuivi l'effort engagé par l'Assemblée nationale de ratification des ordonnances prises sur le fondement de la première loi simplifiant le droit, du 2 juillet 2003, et de la loi du 18 mars 2004 habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives communautaires.

Cinquante-huit ordonnances sont ainsi ratifiées par ce texte, parmi lesquelles peuvent notamment être citées l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 créant les contrats de partenariat, l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières et l'ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre.

La commission mixte paritaire a également ajouté la ratification de deux ordonnances : l'ordonnance n° 2004-1129 du 21 octobre 2004 relative à l'application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Iles Wallis-et-Futuna, dans les terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte de l'ordonnance n° 2003-1216 du 18 décembre 2003 portant suppression de l'affirmation des procès-verbaux ; l'ordonnance n° 2004-1127 du 21 octobre 2004 portant transposition de la directive 2OO1/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit.

En leur conférant une valeur législative, la ratification de toutes ces ordonnances assure la sécurité juridique des mesures de simplification qu'elles contiennent.

Plus encore, cette ratification a permis au Parlement, et au Sénat en particulier, non seulement de contrôler le respect par ces ordonnances du champ de l'habilitation qui avait été donnée par le législateur, mais également d'apporter des corrections parfois substantielles au travail effectué par le Gouvernement.

Ainsi, la ratification de l'ordonnance sur les commissions administratives a permis au Parlement de prévoir la suppression de nouvelles commissions, renforçant l'oeuvre de simplification commencée par le texte initial de cette ordonnance.

De même, l'ordonnance sur les valeurs mobilières a donné lieu à un débat sur les conditions dans lesquelles les décisions d'augmentation du capital social des sociétés peuvent faire l'objet de délégations de l'assemblée des actionnaires vers le conseil d'administration ou le directoire. La commission mixte paritaire a tranché ce débat en maintenant le texte initial de l'ordonnance sur ce point, tout en apportant certaines corrections destinées à renforcer la cohérence juridique du texte. Par exemple, elle a précisé que, lorsque l'assemblée délègue sa compétence pour décider d'une augmentation de capital en numéraire, elle se prononce dans la même décision sur les modalités selon lesquelles cette augmentation peut être réservée aux salariés.

L'Assemblée nationale et le Sénat n'avaient que très peu de points de désaccord sur ce texte. C'est pourquoi la commission mixte paritaire a, pour une large part, entériné le texte du Sénat, qui avait examiné ce projet de loi en dernier. En dehors de quelques amendements de clarification et de correction d'erreurs matérielles, la discussion s'est concentrée sur quelques articles.

Outre la question précédemment évoquée des possibilités de délégations de l'assemblée des actionnaires d'une société vers son conseil d'administration ou son directoire, la commission mixte paritaire a décidé de supprimer, à l'article 3, la précision issue du Sénat selon laquelle la déclaration unique de changement d'adresse s'effectuerait sous couvert de la mairie du nouveau domicile et de revenir, par conséquent, au texte de l'Assemblée nationale. En effet, la liberté de choix pour les citoyens a été maintenue et il a été convenu que toutes les mairies ne disposaient pas forcément des moyens nécessaires pour recevoir et transmettre les changements d'adresse aux autres administrations et services publics.

Après un débat riche et constructif entre ses membres, la commission mixte paritaire a également modifié les dispositions, insérées par le Sénat, visant à clarifier le droit relatif aux contrats d'obsèques.

A l'article 8 bis, tendant à sanctionner les promotions illicites de formules de financement à l'avance des obsèques, elle a remplacé l'incrimination pénale initialement prévue par une sanction civile, en décidant que toute clause d'un contrat prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance sans que le contenu détaillé de ces prestations soit défini serait réputée non écrite.

A l'article 8 ter, qui vise à garantir le libre choix pour les formules de financement des obsèques à l'avance en créant une incrimination pénale, la commission mixte paritaire a, d'une part, décidé de limiter l'objet de cet article aux seules formules de prestations d'obsèques à l'avance et de réduire le montant de l'amende à 15 000 euros et, d'autre part, prévu que les modifications apportées au contrat devraient intervenir à fournitures et prestations équivalentes.

Ces dispositions relatives aux contrats d'obsèques sont importantes. Il convient de maintenir à chaque citoyen sa liberté de choix, particulièrement lorsqu'il s'agit de respecter ses dernières volontés.

S'agissant des aménagements procéduraux prévus pour les juridictions administratives, la commission mixte paritaire a décidé l'extension aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie des dispositions relatives au huis clos. Elle a également décidé de rétablir l'habilitation, en supprimant la mesure d'application directe, adoptée par le Sénat, pour le recours à la visioconférence en outre-mer. En effet, cette mesure d'adaptation aurait pu être censurée par le Conseil constitutionnel dans la mesure où les assemblées délibérantes de ces collectivités d'outre-mer n'auraient pas été préalablement consultées.

La commission mixte paritaire est revenue au texte de l'Assemblée nationale s'agissant de l'article 44 relatif à la simplification et à l'amélioration des règles budgétaires et comptables, en supprimant la nécessité de soumettre l'ordonnance adoptée dans ce domaine au comité des finances locales. En effet, ce dernier est en pratique systématiquement consulté sur les textes relatifs aux finances locales et il semble difficile d'imaginer le contraire pour cette ordonnance, qui devrait être élaborée en grande partie au regard des conclusions rendues par un groupe de travail formé au sein du comité des finances locales.

A l'article 47 bis du projet de loi, qui prévoit le dépôt d'un rapport par le Gouvernement dressant le bilan des mesures d'application de chaque loi, la commission mixte paritaire est, pour une grande part, également revenue au texte de l'Assemblée nationale : premièrement, elle a décidé que ledit rapport devrait être présenté dans les six mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le point de départ du délai tenant compte de l'apport du Sénat - je vous souhaite bon courage, monsieur le secrétaire d'Etat, car il sera difficile de tenir ce délai ; deuxièmement, elle a supprimé la présentation d'un second rapport, issu d'un amendement adopté par le Sénat, lorsque plus d'un tiers des mesures d'application nécessaires n'ont pas été prises à la date de publication du premier rapport.

La commission mixte paritaire a également décidé de supprimer l'habilitation, insérée par le Sénat au 12° de l'article 48 du projet de loi et tendant à autoriser le Gouvernement à créer une caisse régionale de Corse chargée de la mise en oeuvre et de la gestion du régime social des indépendants pour cette région. Cette habilitation semblait en effet inutile dans la mesure où la création et les attributions d'une caisse régionale sont du domaine du règlement et en aucun cas, bien que nous le souhaitions fortement, du domaine de la loi.

Enfin, la commission mixte paritaire a décidé, comme pour la création à droit non constant du code des propriétés publiques et du code des métiers et de l'artisanat, d'habiliter pour six nouveaux mois le Gouvernement à prendre une ordonnance complétant le code monétaire et financier, déjà prévue par l'article 34 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Le travail de codification est tel qu'il nécessite quelques mois supplémentaires, les dix-huit mois initialement prévus ne paraissant pas suffisants.

Telles sont, mes chers collègues, les principales décisions de la commission mixte paritaire.

Alors que l'examen du projet de loi de simplification de droit s'achève et que son adoption par le Parlement est en passe d'aboutir, je tiens à remercier tout particulièrement mes collègues rapporteurs pour avis : Mme Monique Papon, au nom de la commission des affaires culturelles, M. Gérard Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, M Christian Gaudin, au nom de la commission des affaires économiques et M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances.

Je me félicite d'avoir pu participer à l'adoption de ce projet de loi qui va dans le bon sens et s'inscrit dans un effort de simplification du droit que j'espère voir poursuivi, conformément au souhait du Président de la République, partagé par beaucoup de nos concitoyens.

C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de simplification du droit.

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