Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 15 décembre 2005 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Article 6

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Il n'est pas acceptable qu'un ministre de la République opère une telle manipulation.

Le terrorisme est injustifiable, quelles que soient les situations économiques et sociales qui nourrissent parfois les extrémismes. Personne ne peut avoir la moindre tolérance à cet égard et, sur toutes les travées de cette assemblée, nous attendons l'action la plus ferme du Gouvernement pour protéger nos concitoyens.

Or le texte que vous nous présentez risque de manquer son objectif déclaré, car, le plus souvent, il amplifie des dispositifs existants et jusqu'ici inopérants face au terrorisme.

En revanche, ce texte opère une succession d'amalgames entre terrorisme et délinquance et un glissement constant du délinquant à l'étranger et de l'étranger à l'immigré dit « clandestin ».

Plusieurs dispositifs visent en fait ces populations dont vous faites depuis des mois vos cibles de prédilection à seule fin d'attiser les peurs et de creuser chaque jour un peu plus profond le sillon de la xénophobie et du racisme.

C'est le cas, nous l'avons vu, de l'article 3, qui étend les zones de contrôle à bord des trains internationaux, visant implicitement l'immigration irrégulière. C'est le cas aussi, nous le verrons, de l'article 11 sur la déchéance de la nationalité française.

L'article 6 est au moins explicite. C'est bien de lutte contre l'immigration irrégulière qu'il s'agit.

Nous ne contestons évidemment pas la nécessité de retranscrire dans notre droit interne la directive européenne d'avril 2004 relative à l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données concernant les passagers en provenance de pays étrangers à l'Union européenne.

Néanmoins, il ne faudra pas sous-estimer les réserves émises par la CNIL sur la fourniture de ces données et les possibilités de création d'un fichier central unique de contrôle des déplacements. Il faudra, monsieur le ministre, en tenir compte dans les mesures d'application.

Mais le dispositif que vous proposez de mettre en place va bien au-delà de la stricte transposition, et surtout sa portée va au-delà de la lutte contre le terrorisme. Pourquoi, alors, ne pas l'intégrer dans le texte que vous avez déjà annoncé pour le début de l'année 2006 afin de débattre enfin clairement de votre politique de l'immigration ?

La seconde partie du titre même du texte que nous examinons aujourd'hui « ... portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers » suffit à nous alerter sur vos véritables intentions.

Vous pensez sans doute avoir trouvé là le moyen de détourner la colère sociale, attisée par la politique de votre gouvernement, vers l'éternel bouc émissaire : l'étranger.

Ce que nous refusons, c'est ce glissement que vous opérez en mots et en actions, et qui autorise dans les faits bien d'autres glissements dramatiques, comme on l'a vu récemment dans les banlieues.

Vous avez déclaré de manière péremptoire qu'il fallait expulser les étrangers, même en situation régulière, reconnus coupables de délits dans ces événements, rétablissant ainsi au passage la double peine que vous prétendiez pourtant avoir abrogée il y a peu de temps.

Or la commission ad hoc du tribunal de grande instance de Pontoise vient de rendre un avis défavorable concernant la procédure d'expulsion dont fait l'objet un jeune Mauritanien.

Vous avez vous-même déclaré le 4 décembre que, sur 785 personnes déférées pour participation aux violences urbaines récentes, sept procédures d'expulsion étaient en train d'aboutir. Cela représente un rapport de moins de 1 % et ne vous autorise assurément pas à viser prioritairement dans vos accusations les étrangers.

De tels amalgames, monsieur le ministre, flattent dangereusement l'extrême droite.

L'Australie, qui vient de renforcer son arsenal législatif contre le terrorisme, vit actuellement une flambée de violences racistes qui montrent combien il est dangereux de procéder à de tels amalgames.

Quand cesserez-vous d'agiter les peurs, de braquer l'opinion par vos amalgames, et d'opposer les unes aux autres les personnes vivant dans notre pays ?

C'est, au contraire, en les rassemblant et en résolvant leurs vrais problèmes économiques et sociaux que nous serons plus forts et mieux armés pour lutter contre toutes les violences, et notamment contre la menace terroriste.

En résumé, monsieur le ministre, si nous partageons la conviction qu'il faut combattre sans répit le terrorisme, ...

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