Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 18 novembre 2004 à 22h15
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme le soulignait Jean-Marie Vanlerenberghe au début de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, le texte que vous nous présentez ne fait que mettre en oeuvre des dispositions déjà votées par le Parlement concernant les retraites, l'assurance maladie ou la santé publique.

A une heure où notre système de protection sociale a cruellement besoin de réformes d'envergure, votre texte ne nous apporte rien d'essentiel ou de nouveau.

Une fois ce triste constat fait, le groupe de l'Union centriste a accepté de jouer le jeu. Nous avons présenté un certain nombre d'amendements destinés à améliorer le projet dénué d'ambitions que vous nous soumettiez. Et je dois dire qu'à partir de là nous n'avons pas été déçus par le Gouvernement. Monsieur le ministre, vous avez été réceptif à la démarche constructive qui était la nôtre. Nous avons obtenu des réponses à certaines des questions que nous avions posées. Vous avez également été à l'écoute de nos propositions.

Nous nous félicitons de l'adoption de certains des amendements que nous vous avons présentés et qui nous tenaient à coeur. En particulier, la création de maisons médicales dans les zones rurales et urbaines en difficulté pour lutter contre la progression des déserts médicaux nous semble capitale. De même, l'élargissement du contrat vendanges à tous les contrats de récolte de fruits et légumes constitue à nos yeux une excellente mesure. C'est aussi vrai, pour des raisons de transparence, de l'institution pour 2005 de deux ONDAM séparés, psychiatrie et soins de suite et de réadaptation.

Mais, au-delà de ces aménagements ponctuels, aussi positifs soient-ils, quand procéderons-nous à la véritable réforme qui pérennisera notre système de sécurité sociale ? Nous ne croyons pas que l'heure soit encore aux rapiéçages.

Les lois sur les retraites et l'assurance maladie ont eu le mérite de poser le problème, mais non de le résoudre. Chacun sait bien que le plus gros du travail à effectuer est devant nous. Or, avec un déficit de 14 milliards d'euros cette année, il est plus que temps de s'y atteler et de mettre en oeuvre une réforme structurelle de notre système de sécurité sociale, faute de quoi ce dernier pourrait se voir sérieusement menacé dans les années à venir.

Et la situation est alarmante, d'autant que les chiffres annoncés à la représentation nationale sont très largement sous-estimés ou surestimés. Prenons l'exemple de l'ONDAM que vous nous proposez de voter : un affichage à 3, 2% est irréaliste ! Avec un point de plus, nous serions certainement plus proches de la réalité. Une telle sous-estimation alimente la technique du rebasage et fait perdre au vote du Parlement et au projet gouvernemental toute leur crédibilité. C'est justement ce qu'il fallait éviter.

Aussi, la réforme que nous préconisons s'articulerait autour de quatre axes majeurs.

En premier lieu, il est capital de revoir le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale. Parce que la sécurité sociale a plus que jamais besoin de transparence, nous nous félicitons que le Gouvernement ait enfin pris l'engagement de le faire. La mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, pour le budget de l'Etat était une occasion à saisir.

Il faut exploiter les synergies pouvant naître entre les deux textes pour transposer aux lois de financement de la sécurité sociale le principe de sincérité budgétaire ou, dans le même ordre d'idée, pour instaurer de vrais budgets annexes de la sécurité sociale et shunter toute tentative de débudgétisations de dépenses sociales.

Il nous faut aussi traduire le principe d'équilibre. Il est anormal que le Parlement ne se prononce pas explicitement sur le montant du déficit qu'il est prêt à assumer.

Telles sont les grandes lignes qui, à notre avis, devront présider à la réforme à venir.

En deuxième lieu, le mode de financement de la sécurité sociale n'est plus adapté au contexte économique et social actuel. Alors que notre protection sociale repose sur une logique de solidarité nationale, elle est toujours financée sur la base de principes assuranciels. En d'autres termes, nous ne voyons pas pourquoi la sécurité sociale continue d'être principalement financée par des cotisations assises sur le travail. Cet archaïsme est d'autant plus regrettable qu'il conduit à des effets récessifs. Conserver un système de cotisations sociales comme le nôtre est anti-économique dans un univers de plus en plus concurrentiel. Aussi le débat portant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale est-il directement lié à la discussion que nous avions la semaine dernière sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

Il est temps de réfléchir à un déplacement de la charge sociale de la production à la consommation afin d'enrayer le cycle des délocalisations et d'enclencher un cercle vertueux de croissance. Les gains liés à une réduction substantielle du coût du travail pourraient se traduire par plus d'emploi, plus de revenus pour les salariés, plus d'investissement et une diminution des prix des biens et services.

Ainsi, la hausse concomitante de la TVA serait neutralisée et diluée, car elle s'appliquerait aux produits importés. Mais tout cela mérite une réflexion en partie approfondie que nous regrettons, monsieur le ministre, de ne pas trouver dans le rapport annexé.

Nous nous félicitons néanmoins que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se soit engagé, ici même, lors du débat relatif à l'évolution des prélèvements obligatoires, à ouvrir sans délai le chantier de la TVA sociale.

En troisième lieu, la réforme de l'assurance maladie reste en grande partie inachevée. En particulier, tout reste à faire dans le secteur hospitalier. La réforme du 13 août dernier ne portait que sur 45% des dépenses. Elle ne traitait que de l'ambulatoire et du médicament sans s'attaquer du tout au système hospitalier. Comment résorber un déficit abyssal lorsque l'on se prive d'intervenir sur 55% des dépenses ?

Dans le cadre du passage à la tarification à l'activité, si la situation des hôpitaux est très préoccupante, celle des établissements privés à but non lucratif l'est encore davantage. Comme le rappelait Valérie Létard, ces établissements remplissent le plus souvent des missions voisines de celles des hôpitaux publics mais doivent s'acquitter de charges sociales bien plus importantes que les hôpitaux.

A ces difficultés, s'ajoutent celles qui résultent de la disparition, en 2005, des allégements de charges liés à la réduction du temps de travail qui entraînera un coût supplémentaire pour ces établissements. La Fédération des établissements hospitaliers de l'Assistance privée, la FEHAP, le chiffre, pour ses membres, à 70 millions d'euros pour les établissements de santé et à 21 millions d'euros pour les établissements sociaux et médico-sociaux.

En outre, le passage aux 35 heures n'a été rendu possible que par un blocage des salaires de tous les personnels pendant trois ans, qui, ajouté aux allégements de charges, a permis de compenser la perte de plus de 10 % des heures travaillées.

Dans le même temps, les agents de la fonction publique hospitalière sont passés aux 35 heures sans subir aucune retenue salariale. Fort logiquement, les organisations syndicales des établissements privés demandent aujourd'hui un traitement équitable des personnels et la remise à niveau des salaires par une majoration de 2, 58%. Sans une aide spécifique, les établissements ne pourront pas y faire face. Or, sur cette question clef, vous ne nous avez pas apporté de réponse satisfaisante.

Nous pensons que des réformes et des économies d'envergure sont possibles et nécessaires dans le secteur hospitalier. Il est indispensable de rationaliser la gestion hospitalière et de revoir la gouvernance des hôpitaux publics et les projets médicaux locaux et régionaux.

En quatrième lieu, nous pensons qu'une véritable régionalisation de l'offre de soins rationaliserait grandement l'ensemble du système.

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