Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 18 novembre 2004 à 22h15
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Vote sur l'ensemble

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Madame, messieurs les ministres, pour la première fois depuis dix ans, toutes les branches sont dans le rouge : maladie, bien sûr, mais aussi famille, accidents du travail et vieillesse.

Les autres régimes le sont aussi, et nous nous interrogeons d'ailleurs sur l'attitude quelque peu laxiste que vous adoptez à l'égard des 2, 2 milliards d'euros de déficit cumulé des prestations agricoles, en vous contentant de demander un rapport.

Les fonds sont aussi en déficit : le fonds de réserve des retraites, le fonds social vieillesse, le FSV, pour 2, 6 milliards, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA pour 2, 5 milliards.

Le déficit du régime général sera de 14, 8 milliards d'euros en 2004, soit la plus forte dégradation de l'histoire de la sécurité sociale ! Les causes de cette situation sont, pour une faible part, conjoncturelles, liées à un contexte économique global que le Gouvernement a aggravé en cessant de donner la priorité aux politiques de l'emploi. Pour le reste, la dégradation est due à des causes structurelles, et le déficit est organisé depuis juin 2002 : il s'agit de renoncer à toute démarche sérieuse de maîtrise des dépenses de santé, de laisser filer les déficits, de tarder à mettre en oeuvre la réforme de l'organisation de l'offre de soins, d'accroître les dépenses en satisfaisant certaines revendications corporatistes sans contrepartie.

Votre réforme est d'inspiration libérale ; j'en veux pour preuve le transfert de la dette de la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, aux générations futures. Elle vise à la privatisation de la sécurité sociale, en faisant reposer l'effort sur les assurés et les patients. Il y a transfert progressif du poids des dépenses de santé vers les financements individuels et l'assurance privée. Nous nous dirigeons progressivement mais sûrement vers une médecine à deux vitesses et une prise en charge par le système de la sécurité sociale du grand risque, le petit risque étant assumé par la personne.

En ce qui concerne la réduction des dépenses, vous vous appuyez sur la contribution forfaitaire de 1 euro par acte médical, qui rapportera, selon vous, 600 millions d'euros. Je salue, à cet instant, le vote intervenu hier soir : pour moins de vingt-quatre heures, le Sénat a supprimé le forfait de 1 euro... Cette satisfaction n'aura pas duré longtemps, puisque, par le biais d'une seconde délibération demandée par la majorité, le Sénat a corrigé les effets de la politique libérale que vous menez. Vous vous appuyez également sur la hausse de 1 euro du forfait hospitalier journalier.

Ce sont là les seules économies qui reposent sur une réalité. Quant à leur montant total, que vous jugez devoir être de l'ordre de 2, 9 milliards d'euros, il est très largement surévalué. Ainsi, vous estimez les économies à faire sur le médicament à 700 millions d'euros, alors que les experts pensent que la progression du recours aux médicaments génériques n'en engendrera pas plus de 300 millions d'euros, et le chiffre de 1 milliard d'euros d'économies dues à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé est tout à fait fantaisiste. Cette dernière ne repose que sur la bonne volonté des professionnels de santé.

Quant aux recettes supplémentaires, vous n'en dégagez qu'au détriment des assurés. Nous l'avons déjà dit, votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est artificiel, irréaliste et insincère.

Il est artificiel, car les économies que vous escomptez ne sont pas crédibles.

Il est irréaliste, car ces économies reposent sur des prévisions incertaines : même le groupe de l'UDF à l'Assemblée nationale a qualifié de « pifométrique » l'ONDAM que vous avez fixé.

Il est insincère, enfin, car nombre de dépenses programmées n'ont pas été prises en compte, s'agissant notamment de la mise en place du dossier médicalisé partagé ou de la soulte qu'EDF et GDF vont devoir verser à la CNAV pour financer l'adossement du régime spécial de leurs agents au régime général des retraites.

Les régimes vieillesse, famille et accidents du travail et maladies professionnelles sont en déficit, en dépit des nombreuses promesses qui ont été faites au fil de l'élaboration des lois votées ces derniers mois.

A cet égard, nous considérons que la loi portant réforme des retraites n'est pas une bonne loi, et les exemples démontrant sa totale inadaptation ne manquent pas : du fait de la réforme de la compensation, en 2003, la CNAVTS a dû supporter une charge supplémentaire de 850 millions d'euros. Quant au décret du 24 août 2004 réformant l'assurance veuvage, qui a provoqué un tollé, y compris dans les rangs de la majorité, le pire a été évité grâce à la vigilance des partenaires sociaux, malgré son adoption pendant les vacances. Cependant, en ne voulant pas supprimer l'article 31 de la loi portant réforme des retraites, vous refusez de revenir sur la transformation d'un droit ouvert par cotisation du conjoint décédé en une aide sociale accordée sous conditions de ressources, le plafond de celles-ci étant révisable chaque année. Vous réduirez ainsi une nouvelle fois en 2005 le pouvoir d'achat de tous les retraités et ferez subir à ceux d'entre eux qui sont imposables l'augmentation de la CSG.

Pour ce qui concerne la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, nous demandons le rétablissement du lundi de Pentecôte férié. Non seulement cette loi est inefficace, mais elle présente de nombreuses difficultés d'application. Les ressources de la CNAM, financées par les seuls salariés, sont détournées au profit du budget de l'Etat, et cela est inadmissible.

Les économies que vous comptez réaliser pour rétablir l'équilibre des comptes à l'horizon de 2007 affecteront les familles les plus modestes. Vous les justifiez par le fait que, pour la première fois depuis 1998, la branche famille est déficitaire.

Ainsi, vous réformez la politique d'accueil du jeune enfant pour économiser 50 millions d'euros, mais ce sont 400 000 jeunes mères isolées qui sont touchées. Afin d'économiser 40 millions d'euros, vous modifiez les aides au logement, vous rehaussez les plafonds de ressources par deux décrets parus eux aussi cet été, mais ce sont 100 000 familles qui en pâtissent... Ce ne sont là que quelques exemples d'une politique familiale en faveur des plus aisés.

Pour ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, l'abondement du FIVA est insuffisant eu égard à la montée en charge du fonds. Vous créez une contribution au profit du FCAATA pour les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante : le principe est bon, mais les plafonds et exclusions prévus limiteront la portée de cette mesure. A cause de l'amiante, la branche accidents du travail-maladies professionnelles est placée devant un défi majeur. Il est véritablement urgent d'élaborer un plan « santé-travail » visant à renforcer la prévention et le contrôle dans les entreprises.

Certes, nous pouvons nous féliciter de quelques avancées, notamment de celle qui a été obtenue grâce à l'adoption de notre amendement en faveur des femmes dont les mères ont subi un traitement au distilbène. Au terme d'un long combat, elles vont pouvoir bénéficier de la prise en charge de leurs grossesses, souvent très difficiles, par le biais d'un congé de maternité accordé à compter du premier jour de leur arrêt de travail plutôt que d'une prise en charge par l'assurance maladie au titre des grossesses pathologiques, qui est beaucoup moins protectrice.

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