Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 15 décembre 2005 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Article 7

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

L'article 7 constitue vraiment une sorte de chef-d'oeuvre sur lequel les étudiants se pencheront certainement un jour. Il ne s'agit plus là de l'immigration clandestine. Il semble que nous retrouvions le coeur du sujet annoncé par le projet de loi, puisqu'il est indiqué, au début du texte proposé par cet article 7 pour l'article 26 de la loi pour la sécurité intérieure : « Afin de prévenir et de réprimer le terrorisme... ». C'est donc parfait !

Néanmoins, on commence ensuite à dériver puisqu'il est question de véhicules volés. C'est un peu différent mais, après tout, nous sommes tous contre les voleurs de voiture !

On est contre le terrorisme, on est contre les véhicules volés ; puis, d'un seul coup, on s'aperçoit que l'on va photographier les gens.

J'ai dit hier que, personnellement, cela ne me dérange pas d'être photographié dans ma voiture, où que j'aille. Mais enfin, certaines personnes ne tiennent peut-être pas à être prises en photo avec d'autres en voiture.

Bref, on assiste à un dégradé : on part du terrorisme, on passe au vol de véhicule, et on en arrive à la photographie des voitures de tout le monde, ce qui n'est plus du tout le même sujet !

Et l'on en vient à ce chef-d'oeuvre : « L'emploi de tels dispositifs est également possible, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, » - cela veut dire beaucoup de choses et rien ! - « à l'occasion d'événements particuliers » - je ne sais pas dans quel livre de droit on trouvera la définition d'un « événement particulier » : est-ce la venue de tel ministre dans un endroit ? Est-ce l'anniversaire de quelqu'un ?« par décision de l'autorité administrative ». Autrement dit, les photographes vont être convoqués pour photographier tout le monde lorsqu'il y aura un événement particulier ou lorsque des gens seront un peu nombreux à se rassembler !

Là, on sombre dans le ridicule ! C'est Molière ! Cela me fait penser à une scène de l'Avare dans laquelle Harpagon, pris de folie, voulait se donner la question à lui-même ! On va tous s'autocontrôler ! Cela devient une histoire de fous !

Comme je le disais hier, on veut mettre la population en condition. Tout le monde va avoir peur de tout le monde. Quand on verra des policiers, des photographes, on rasera les murs même si l'on n'a rien à se reprocher ! Faites attention, mes chers collègues, de ne pas vous faire photographier ! Sur ce sujet, Clemenceau avait des formules très raides que vos chastes oreilles ne sauraient supporter et que je ne reprends donc pas ici.

Je poursuis la lecture de l'article : « Pour les finalités mentionnées aux deux précédents alinéas, les données à caractère personnel mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet de traitements automatisés » - évidemment, on ne nous a pas photographiés pour le simple plaisir de nous photographier ! - « mis en oeuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale et soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés. »

Justement, la CNIL a jugé cette disposition contraire à la liberté constitutionnelle d'aller et venir.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article qui, dans le fond, ne concerne pas tellement le terrorisme. C'est ce que j'appelle une opération « pair, impair et passe ». Nous demandons par conséquent la suppression de cet article plus qu'ambigu.

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