Penchons-nous maintenant sur la question des prélèvements qui vont être effectués sur les revenus les plus élevés. Dans une logique de pur affichage, le Gouvernement a pensé que cela « ferait bien » de taxer, légèrement, les revenus du capital et du patrimoine.
Mais que pèsent les 180 millions d’euros récupérés cette année sur les plus-values face aux milliards de cotisations, sans droits à pension supplémentaires, que vous allez racketter sur le travail des salariés ?
À la vérité, si l’on avait voulu assurer le financement de nos retraites, il était parfaitement possible de trouver d’autres pistes. Par exemple en se posant cette question simple : ne serait-il pas légitime, normal et tout à fait concevable que la France consacre plus de 13, 5 % de la richesse nationale à assurer un revenu de remplacement, une retraite ou une pension à plus de 12 millions de nos compatriotes, c’est-à-dire un Français sur cinq ?
Ce débat financier a-t-il eu lieu ? Évidemment, non.
La meilleure preuve en est que, passé le débat sur les comptes notionnels, la majorité du Sénat a opté pour le blocage de la discussion des amendements de l’opposition sénatoriale susceptibles de montrer que d’autres voies pouvaient être suivies.
Car là est la clé de cette réforme : vous avez opté pour la soumission de la protection sociale aux contraintes des marchés financiers, pour plaire aux agences de notation et réduire les déficits publics par la mise en œuvre d’une politique d’austérité. Pour notre part, nous avons défendu une logique d’insoumission.
Une insoumission qui passe par la majoration de l’impôt de solidarité sur la fortune, par une remise en cause des prélèvements libératoires, par la mise en question des régimes privilégiés qui favorisent aujourd’hui le détournement du produit du travail vers les marchés financiers, vers les gaspillages de la spéculation.
Votre appel catastrophiste sur le thème : « Il faut faire cette réforme sinon qui paiera les retraites ? » ne supporte pas l’analyse.
Quand on consacre 172 milliards d’euros par an à exonérer les entreprises du paiement de leurs impôts et cotisations sociales, comment peut-on dire que les 7 milliards ou 10 milliards d’euros de déficit de trésorerie de l’assurance vieillesse deviendraient insupportables ?
Comment ne pas pointer le fait que votre loi condamne les salariés au régime sec alors que vous étiez prêt, en 2008, à dépenser 360 milliards d’euros pour sauver des banques qui vous ont remercié depuis en privant de crédit des milliers de PME, causant ainsi des liquidations d’activités et d’emplois par centaines de milliers ?
Nos propositions de financement conduisent concrètement à offrir une alternative moderne à la situation dans laquelle vous avez placé, texte après texte, notre système de retraite, une alternative au déclin, qui fait aujourd’hui débattre et réfléchir l’ensemble du corps social de notre pays.
Car, s’il y a bien une chose qui ressort de l’expérience, c’est qu’aucun des reculs que vous avez eu l’occasion de mettre en œuvre depuis 1993 n’a conduit à retrouver l’équilibre du système en général. C’est un peu comme si tout avait été fait pour que la perte de pouvoir d’achat, de substance et de qualité de notre système de retraite ne soit, in fine, que le moyen que vous avez trouvé pour convaincre les Françaises et les Français du bien-fondé du passage à un système de fonds de pension qui irait jouer l’argent des pensions sur les marchés boursiers.
Nous, nous pensons que la solidarité collective est la réponse la plus moderne qui soit aux problèmes de notre temps.
Permettez-moi d’ailleurs un petit rappel historique, en guise de conclusion.
À la Libération, quand la République, rétablie dans ses droits et ses pouvoirs, a créé notre système de retraite par répartition, elle a choisi la modernité évidente de la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle.
Dans sa grande modernité, ce régime général de retraite a même pris à son compte de solder les retraites créées avant la Seconde Guerre mondiale et qui, pour une bonne partie, étaient fondées sur un principe de capitalisation. Cette capitalisation s’était évidemment effondrée après la tourmente des années de guerre et laissait des pensions d’un niveau ridiculement bas.
Comme nous ne voulons pas soumettre l’avenir de nos retraites aux aléas du marché boursier, que ce soit par capitalisation, par mise en œuvre des retraites par points ou par comptes notionnels, nous ne pouvons opposer que les réponses collectives et solidaires que nous avons préconisées.
Devant cette profonde divergence de vues, nous ne pouvons que vous confirmer notre rejet de votre texte.