Séance en hémicycle du 26 octobre 2010 à 10h00

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites (texte de la commission mixte paritaire n° 60, rapport n° 59).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.

Je ne reviendrai pas sur la façon dont la discussion de ce projet de loi de réforme des retraites, injuste et impopulaire, a été émaillée de coups de force et de manœuvres destinés à accélérer l’adoption de ce texte.

La procédure accélérée a été engagée et, à l’Assemblée nationale, se sont produits les coups de force que l’on sait. Toutefois, je m’en tiendrai à ce qui s’est passé ici.

Au Sénat, dès le début de nos travaux, la discussion de 300 amendements – ceux qui visaient à présenter les propositions alternatives de l’opposition, notamment du groupe CRC-SPG, sur un autre financement taxant les revenus financiers et particuliers – fut réservée à la fin du débat.

Ensuite, la priorité fut demandée sur les articles 4, 5 et 6 du projet de loi concernant les bornes d’âge et la durée de cotisation, pour tenter de prendre de vitesse le mouvement social, quitte à ôter toute cohérence à la discussion du texte.

Plus tard encore, le vote bloqué, en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, fut imposé au Sénat pour clore au plus vite le débat, empêchant au passage toute discussion et tout vote sur les propositions précédemment réservées.

Enfin, la majorité sénatoriale, qui n’a pas été très prolixe durant la discussion, est sortie de son mutisme en conférence des présidents – c’était hier – pour violer expressément le règlement afin d’empêcher toute intervention sur les articles du texte issu de la commission mixte paritaire.

Pourtant, l’article 42, alinéa 7, de notre règlement prévoit expressément le droit d’intervention sur article, à quelque stade que ce soit de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi. L’article 42, alinéa 12, derrière lequel la majorité sénatoriale tente de s’abriter, ne concerne que la question du vote, ce dernier étant unique sur le texte issu d’une CMP.

Certes, chers collègues siégeant sur les travées de droite de cet hémicycle, vous êtes majoritaires au sein de la conférence des présidents, mais cela ne vous autorise pas à ne pas respecter les textes que vous avez vous-mêmes validés.

Ce énième coup de force masque mal une volonté de précipiter un débat qui met en mauvaise posture le Président de la République, puisque celui-ci a maintenant l’opinion contre lui.

Avec les membres de mon groupe, je m’oppose donc solennellement à l’autoritarisme du pouvoir exécutif et de sa majorité, qui porte un grave coup à la démocratie parlementaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame Borvo Cohen-Seat, avant que nous n’ouvrions la discussion générale, je voudrais apporter quelques précisions.

S’agissant de l’appel des articles lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, il nous est apparu que la multiplication des paroles sur article serait contraire à l’esprit des dispositions de la Constitution et du règlement du Sénat, dans la mesure où ces interventions pourraient être assimilées à des explications de vote. Je le rappelle, ce sont la discussion générale et les explications de vote qui sont les moments naturels de telles prises de parole.

La logique de la lecture des conclusions de la CMP nous semble donc exclure la parole sur article. Ce principe a été appliqué 55 fois depuis octobre 2008.

Sans décision de la conférence des présidents, le président de séance peut déroger à ce principe en ayant une interprétation libérale de l’article 42, alinéa 8, du règlement du Sénat. Trois dérogations de ce type ont été accordées depuis octobre 2008.

Si une décision de la conférence des présidents confirme le principe que j’ai énoncé à l’instant, il n’y a pas de parole sur article.

L’article 42, alinéa 8, du règlement du Sénat que vous évoquez, madame Borvo Cohen-Seat, doit donc s’interpréter à la lumière de l’article 29, alinéa 4, du même texte. Tel est le sens de la décision qui a été prise hier par la conférence des présidents et qui clarifie les règles applicables dans des circonstances où une interprétation libérale de l’article 48, alinéa 8, ne semble pouvoir être acceptée.

Cet avis a été partagé hier par la conférence des présidents, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

… qui s’est prononcée par un vote, puis par l’assemblée quand celle-ci a été consultée.

Ce choix n’interdit pas pour l’avenir – puisque cette question a été posée –, sauf décision spécifique de la conférence des présidents, des dérogations acceptées par le président de séance au principe de l’exclusion des prises de parole sur article pendant la lecture des conclusions d’une CMP.

Telles sont les précisions que je voulais apporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous abordons maintenant l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Voilà plus d’un an, le Président de la République décidait d’avancer le rendez-vous quadriennal sur les retraites prévu initialement en 2012, afin de faire face sans attendre aux déficits considérables de nos comptes sociaux, et tout particulièrement de l’assurance vieillesse.

Après plusieurs mois de concertation, pendant lesquels notre assemblée a préparé ce rendez-vous à travers les travaux de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, le Gouvernement a présenté un projet de loi pour assurer la pérennité, gravement menacée, de notre système de retraite.

Sans la réforme d’aujourd’hui, le besoin de financement des régimes de retraite, c'est-à-dire les déficits de ces systèmes, aurait été compris entre 38 et 40 milliards d’euros par an dès 2015 et entre 72 et 115 milliards d’euros à l’horizon 2050, en fonction des hypothèses économiques retenues.

Il fallait donc agir. C’est l’honneur du Gouvernement que d’avoir fait face aux difficultés alors que la facilité aurait pu le conduire à se réfugier derrière le calendrier initial de la loi Fillon pour reporter à plus tard des décisions délicates.

Le projet de loi portant réforme des retraites achève aujourd’hui son parcours législatif au Sénat. Nous l’avons examiné de manière très approfondie, à la fois en commission et en séance publique. Notre assemblée lui a apporté de nombreuses améliorations sans remettre en cause ses équilibres essentiels.

Je sais que certains de nos collègues trouvent ces avancées insuffisantes, mais je crois profondément que nous pourrons mesurer avec le temps l’importance des apports du Sénat à cette réforme, notamment en ce qui concerne la préservation des droits des personnes handicapées ou des victimes de l’amiante.

De même, nos propositions relatives à la gouvernance du système de retraite, au droit à l’information ou à la pénibilité auront toute leur importance dans la mise en œuvre du projet de loi.

Lors de son adoption par le conseil des ministres, le projet de loi comportait 33 articles. Il en avait 88 après son examen par l’Assemblée nationale, et 137 articles étaient numérotés dans la version adoptée par le Sénat. C’est dire à quel point ce texte a été modifié depuis qu’il a entamé son parcours législatif !

La commission mixte paritaire s’est réunie hier et elle est parvenue à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion. Elle a retenu le texte adopté par le Sénat pour la plupart des articles. Elle a néanmoins adopté une trentaine d’amendements.

La commission mixte paritaire a ainsi prévu que les parlementaires membres du conseil d’orientation des retraites, le COR, appartiendront aussi au comité de pilotage des régimes de retraite. Cette solution, que la commission des affaires sociales avait retenue dans le texte qu’elle a proposé au Sénat, est logique. Elle permettra ainsi aux parlementaires concernés d’être associés à la fois aux débats techniques du COR et à la gouvernance des différents régimes.

La CMP a également apporté quelques clarifications à l’article 3 du projet de loi relatif au droit à l’information. Elle a ainsi précisé que les informations délivrées par les régimes de retraite lors de l’entretien individuel n’engageraient pas la responsabilité de ces derniers. Faute d’une telle précision, on pouvait craindre en effet que les informations ne soient délivrées que de manière parcimonieuse et peu utile pour les assurés. La commission a également supprimé des dispositions superflues.

Bien entendu, la CMP a rétabli dans leur rédaction adoptée par l’Assemblée nationale les articles 4, 13 et 20 bis, qui avaient été supprimés ou modifiés à la suite d’erreurs ou contre l’avis de la majorité du Sénat.

Pour ce qui concerne la médecine du travail, comme la pénibilité, la commission mixte paritaire a retenu l’ensemble des améliorations apportées au projet de loi par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Elle a cependant choisi de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale s'agissant de la présidence des services de santé au travail.

La réforme de la médecine du travail inscrite dans ce projet de loi est d’une ampleur considérable, et l’introduction immédiate d’une présidence tournante aurait sûrement constitué un énorme bouleversement du fonctionnement des services de santé au travail.

Je pense cependant qu’il ne s’agit que d’une première étape et que nous aurons à revoir cette question lorsqu’un bilan de la réforme pourra être établi.

Sur toutes les autres dispositions du texte, la commission mixte paritaire n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de coordination.

Au moment où s’achève l’examen par notre assemblée de ce projet de loi portant réforme des retraites, je souhaite formuler deux remarques, essentielles à mes yeux.

En premier lieu, l’adoption définitive du projet de loi ne marquera pas la fin de la réforme des retraites. Cette dernière comporte aussi des mesures de recettes indispensables que nous examinerons très prochainement dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La réforme que nous allons adopter aujourd’hui est vouée à l’échec si elle ne s’accompagne pas de l’attribution à l’assurance vieillesse de ressources pérennes et robustes. Le Sénat se montrera vigilant sur ce point à l’occasion de l’examen des textes financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Pas trop d’effets de tribune, monsieur Leclerc !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

En second lieu, je souhaite m’arrêter quelques instants sur la disposition que nous avons adoptée la semaine dernière pour prévoir une réflexion nationale sur une éventuelle réforme systémique. J’ai entendu dire que cet amendement démontrait notre absence de confiance dans la réforme qui nous est soumise aujourd’hui. (Eh oui !sur les travées du groupe socialiste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Je m’inscris évidemment en faux contre cette analyse. Je suis fier d’avoir cosigné, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, un rapport intitulé – écoutez bien – Retraites 2010 : régler l’urgence, refonder l’avenir.

Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est bien régler l’urgence que constituent les déficits insoutenables des régimes de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Et nous le faisons en intervenant sur les paramètres à notre disposition, à savoir l’âge de cessation d’activité et les recettes du système, tout en refusant la baisse des pensions qui aurait pu également être envisagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

rapporteur. Je dis bien : « tout en refusant la baisse des pensions » !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Dans le même temps, nous prenons en compte les parcours de chacun à travers les dispositions sur les carrières longues et la pénibilité.

La réforme systémique n’a pas pour objet, quant à elle, de rétablir l’équilibre des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Si nous l’entreprenons un jour, ce sera pour rendre notre assurance vieillesse moins complexe, plus lisible et, surtout, plus équitable. En effet, le déficit n’est pas le seul mal dont souffre notre système. La multiplication des régimes issue de notre histoire est un facteur de complexité et d’injustice qu’illustre la situation des polypensionnés dont nous avons tous parlé au cours de ce débat.

L’empilement des dispositifs de solidarité conduit à des redistributions dont nous sommes aujourd’hui incapables de mesurer les effets. Les disparités entre les régimes et certaines pratiques corporatistes ont perverti les principes mêmes de notre système de retraite et en ont sûrement accentué, au cours de l’histoire, les inégalités.

C’est à ce type de questions qu’une éventuelle réforme systémique doit nous permettre de répondre.

Et c’est pour examiner l’ensemble de ces problématiques que nous avons proposé une réflexion nationale à compter de 2013 sans anticiper dès à présent sur les conclusions de cette réflexion. Celle-ci n’a évidemment pas pour but de nous conduire à copier une réforme étrangère. Si, un jour, nous entreprenons une réforme systémique, elle devra prendre en compte notre histoire et les caractéristiques de notre société. C’est bien pourquoi un tel processus est d’une durée très importante et doit, surtout, être préparé longtemps à l’avance.

Il n’y a donc aucune contradiction à soutenir le projet de loi qui nous est soumis tout en engageant une réflexion de type systémique.

En conclusion, mes chers collègues, je crois profondément que le texte qui nous est soumis pour une approbation définitive est nécessaire à la sauvegarde de nos régimes de retraite, et je vous invite avec force à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire en adoptant le projet de loi. §

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le président du Sénat, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée s’apprête à voter le projet de loi portant réforme des retraites dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire. C’est l’aboutissement d’un processus démocratique qui s’est déroulé étape par étape, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Le processus n’était pas très démocratique !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … le point d’arrivée d’un débat qui a duré plus de sept mois, d’avril à octobre, le plus long débat que nous ayons jamais eu sur les retraites.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Plus c’est long, plus c’est bon ! Cela ne veut pas dire que c’est démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce n’est pas la peine de travestir la réalité !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est une réforme sans précédent par son ampleur et son importance pour notre protection sociale.

Notre système de retraite prenait l’eau, il fallait le rééquilibrer pour le sauver du naufrage. Sur l’initiative du Président de la République, nous l’avons fait.

Nous avons beaucoup consulté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Vous avez surtout consulté l’UMP et Mme Parisot !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … nous avons beaucoup écouté, nous avons beaucoup dialogué et, finalement, nous avons décidé. Il y a eu une concertation intense avec les partenaires sociaux, il y a eu l’examen du texte jour et nuit par le Parlement. Il y aura désormais une loi pour garantir l’avenir de notre système de retraite par répartition.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pas du tout ! M. Leclerc vient de dire le contraire !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La CMP s’est réunie et a fait du très bon travail, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission. Je veux saluer le compromis constructif qui a été trouvé. Les avancées faites à l’Assemblée nationale et au Sénat ont été confirmées, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… des précisions juridiques ont été apportées sur certains points, et l’équilibre général du texte a été préservé.

Je veux aussi saluer l’excellent travail de la majorité présidentielle tout au long de l’examen du texte.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Parfois même, nous avons pu avoir aussi un débat constructif avec l’opposition, que je remercie également.

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales, Dominique Leclerc, ainsi que la présidente de cette dernière, Mme Muguette Dini.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je remercie également les présidents de chaque groupe, ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher, et l’ensemble des vice-présidents qui ont, tour à tour, présidé nos débats.

Comme en 1993, comme en 2003, comme en 2007-2008, notre majorité a pris ses responsabilités.

Nous n’avons pas craint de parler de l’âge de la retraite, nous n’avons pas craint de dire qu’il fallait travailler plus longtemps, nous n’avons pas craint de sortir du dogme de la retraite à 60 ans pour assurer la pérennité de notre système de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La pérennité n’est pas assurée ! La retraite à 60 ans, ce n’est pas un dogme !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il y aura donc un nouvel âge de la retraite, à 62 ans, en 2018.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est la réponse logique au défi démographique, c’est la condition incontournable du retour à l’équilibre dès cette date.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est le signe de l’esprit de responsabilité qui nous anime.

Je rappelle que le fait d’équilibrer à même hauteur notre système de retraite par la durée de cotisations nous aurait conduits à faire passer à quarante-sept ans la durée de cotisation.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je rappelle qu’équilibrer à même hauteur notre système de retraites par le niveau des pensions nous aurait conduits à baisser les retraites des Français de 15 %.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je rappelle qu’équilibrer à même hauteur notre système de retraites par l’augmentation de la fiscalité nous aurait conduits à augmenter cette fiscalité à l’horizon de 2020 de 40 milliards d’euros. Tout cela est évidemment inacceptable !

La mesure centrale de notre projet, l’augmentation de l’âge de la retraite, a été votée dans les mêmes termes par chacune des deux assemblées. C’est une étape fondamentale pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Vous êtes majoritaires ! Cela ne veut rien dire !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les gouvernements allemands, espagnols, danois, anglais, suédois, ont tous pris leurs responsabilités dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Vous prenez toujours les mêmes comparaisons ! Cela n’a rien à voir !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

À notre tour, avec cette loi, nous prenons les nôtres !

Nous avons pris nos responsabilités, nous avons aussi pris le temps du débat. Personne ne peut prétendre le contraire. Tout le monde a pris la parole, tous les sénateurs de l’opposition qui le souhaitaient ont pu évidemment s’exprimer, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … et nous les avons écoutés : à titre d’exemple, plus du tiers des amendements adoptés par le Sénat proviennent de propositions de l’opposition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Au fond, cela a été bien plus qu’un débat sur les retraites. Cela a été un débat social global, car nous avons abordé un très grand nombre de sujets qui concernent l’ensemble de notre société : l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Mme Catherine Tasca s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pas du tout ! Il n’y a absolument pas eu de débat là-dessus !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ce débat a construit, nourri, enrichi le projet initial du Gouvernement.

Le Sénat a adopté 131 amendements. En définitive, à l’issue de l’examen parlementaire, le texte aura connu une vingtaine d’évolutions notables.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Chacune des deux chambres a proposé des avancées pour aboutir à plus de solidarité, plus d’équité, plus de justice, tout en préservant l’équilibre général du texte.

Il y a eu des avancées au Sénat pour tenir compte davantage des plus fragiles.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n’est pas vrai ! Nous voulions l’égalité pour les femmes !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour les travailleurs handicapés, nous avons élargi le droit à la retraite anticipée à 55 ans.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour les chômeurs proches de la retraite, qui risquaient d’être pénalisés par le report de l’âge légal, nous avons fait en sorte qu’ils puissent conserver le bénéfice de l’allocation équivalent retraite, l’AER, jusqu’à l’âge de leur départ en retraite.

Pour les mères de trois enfants et plus nés avant 1956…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… comme pour les parents d’enfants handicapés, quelle que soit leur année de naissance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

On ne veut pas la charité ! On veut l’égalité et la solidarité !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… des amendements ont été votés pour qu’ils puissent continuer de bénéficier d’une retraite sans décote dès 65 ans.

Et nous n’avons pas fermé le débat, nous l’avons au contraire laissé ouvert pour l’avenir. Nous avons préservé notre système par répartition, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement depuis le début.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il n’est pas préservé ! En tout cas, pas au-delà de 2013 !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Mais nous avons en même temps prévu, notamment sur l’initiative des groupes de la majorité, d’engager en 2013 une réflexion nationale sur une évolution systémique de nos régimes de retraite. Tout cela est complémentaire !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Une fois votée, cette loi va être promulguée, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… et elle sera appliquée.

(M. David Assouline s’exclame.) La loi peut faire l’objet d’un débat approfondi, et c’est essentiel, mais, à un moment donné, la démocratie doit parler : une fois que la loi est votée, elle est votée.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je veux rappeler que la démocratie politique, c’est d’abord l’acceptation de nos institutions. §

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. La loi est votée, elle n’est pas dictée, et chacun sait qu’elle est votée par une majorité, et rarement par une minorité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Bien entendu, sur une réforme de cette ampleur, il est normal qu’il y ait des inquiétudes. Ces inquiétudes, nous les écoutons

M. Jean-Louis Carrère s’exclame.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cette loi redonne confiance parce que résoudre les déficits de nos régimes de retraites, c’est ne plus accepter que les retraites des Français soient financées à crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Qu’elles ne soient financées que par les salariés, c’est autre chose !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est répondre à une angoisse profonde de nos concitoyens.

Je pense, en premier lieu, aux jeunes, parce qu’il ne faut pas se tromper de combat : c’est bien sur eux que retombera la charge de nos déficits si nous ne réformons pas.

Cette loi redonne confiance aussi parce que, après cette réforme, notre système de retraite ne sera pas moins solidaire ni moins protecteur. Il restera, bien au contraire, l’un des systèmes de retraite les plus généreux d’Europe.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je l’ai dit devant vous la semaine dernière, et je le redis, car c’est la conviction profonde de Georges Tron et de moi-même : les grandes dates de notre pacte social, ce sont non pas seulement celles où l’on crée des droits nouveaux, mais aussi celles où l’on se donne les moyens de continuer à les financer.

Aujourd’hui, les vrais défenseurs de notre système social sont ceux qui ont le courage de garantir son avenir.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

À une époque où il y a un consensus en faveur du développement durable, je pense que c’est le développement durable de notre modèle social que nous devons promouvoir en priorité.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cette réforme n’est donc pas la victoire d’un camp, c’est une réforme pour tous les Français. Ce n’est pas une réforme de circonstance, c’est une réforme qui touche à l’essentiel, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… parce que c’est une réforme qui prend acte d’une réalité incontestable, celle de l’allongement de la vie.

Quand on regarde ce que sont devenues les précédentes réformes des retraites, qui ne couvraient pas un champ aussi large, on constate qu’elles ont fini par être acceptées, et elles l’ont été parce qu’elles étaient tout simplement nécessaires.

Je suis donc convaincu que cette réforme pourra bientôt nous rassembler au-delà des clivages partisans…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … et que, dans quelque temps, beaucoup de nos adversaires d’hier oseront reconnaître qu’elle représente une avancée majeure pour sauvegarder notre modèle social.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec le projet de loi portant réforme des retraites, nous avons connu un débat riche qui a permis à chacun d’exprimer ses idées, parfois avec vivacité, mais toujours avec conviction.

La lecture des conclusions de la commission mixte paritaire nous conduit à l’exercice de comparaison entre le texte entré au Parlement en juillet dernier et le texte sorti du Parlement. Pour la fonction publique, cette lecture comparative me conduit à deux conclusions.

Premièrement, l’équilibre du texte, qui repose sur le principe de convergence entre privé et public, est respecté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mieux vaut être sourd que d’entendre ça !

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Deuxièmement, le texte a connu des améliorations qui s’appliquent également à la fonction publique.

Le principe de convergence ne nie pas les spécificités de la fonction publique. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de la discussion sur le projet de loi, Eric Woerth et moi-même avons retenu comme principe fondamental la convergence des règles entre régimes privés et régime de la fonction publique. C’est un thème particulièrement sensible pour nos concitoyens. Leur demande, exprimée auprès des élus ou tout simplement dans les enquêtes d’opinion, c’est l’application de règles identiques, quel que soit le statut ou l’employeur : « à carrière égale, retraite égale ».

Ce principe de convergence a motivé une grande partie de la réforme de 2003. Avec la réforme de 2010, nous franchissons une nouvelle étape.

Je ne rappelle pas l’ensemble des dispositions qui ont été prises, mais vous vous souvenez que l’augmentation de la durée de travail de deux ans concerne la fonction publique au même titre que le secteur privé.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le projet de loi porte l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018.

Les taux de cotisation acquittés par les fonctionnaires seront alignés sur le taux de cotisation du secteur privé, passant ainsi en dix ans de 7, 85 % à 10, 55 %.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de service sera fermé à compter de 2012. Ce dispositif, dont le Conseil d’orientation des retraites avait relevé les imperfections et qui est sans équivalent dans le secteur privé, sera donc supprimé progressivement.

Par ailleurs, la Commission européenne a ouvert une procédure qui concerne, entre autres, ce dispositif. Du fait de la fermeture progressive de ce dernier, les agents disposeront d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans les meilleures conditions.

Dernière mesure de convergence, le minimum garanti sera désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé.

Je tiens d’ailleurs à souligner que nous n’avons pas procédé à une convergence stricte concernant le minimum garanti afin de ne pas en baisser le montant.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le projet de loi, grâce au débat parlementaire, a connu des améliorations qui s’appliquent également à la fonction publique.

À l’issue du débat parlementaire dans les deux chambres, force est de constater que, pour la fonction publique, l’équilibre du projet de loi, qui repose sur le principe de convergence, n’a pas été remis en cause. Les principales mesures ont été maintenues, voire améliorées, et quelques amendements sont venus compléter le texte de la réforme.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Parmi ces améliorations, je citerai les plus importantes.

S’agissant des parents de trois enfants, à la suite du débat en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui exclut des nouvelles règles les personnes qui sont à cinq années de l’âge d’ouverture des droits à la retraite de leur corps. Ainsi, les agents disposeront d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans les meilleures conditions.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le Sénat a prolongé cette avancée avec une disposition qui maintient à 65 ans l’âge d’annulation de la décote pour les mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955 et qui ont interrompu leur activité pour s’occuper d’un de leurs enfants.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Cette mesure concernera les mères tant du secteur privé que du secteur public.

La situation des polypensionnés a donné lieu à des discussions approfondies avec les organisations syndicales puis avec les parlementaires.

Un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale et confirmé par le Sénat s’agissant des personnes qui exercent moins de quinze ans dans la fonction publique. Aujourd’hui, ces personnes, lorsqu’elles quittent la fonction publique, sont affiliées rétroactivement au régime général avec, à la clé, une régularisation de cotisations en raison d’une différence d’assiette et de taux. Désormais, dès deux ans de services effectifs, les fonctionnaires civils pourront bénéficier d’une retraite de la fonction publique. Tout le monde est gagnant : l’agent, l’employeur et l’administration.

Ainsi, l’accord du Gouvernement démontre à la fois l’écoute des organisations syndicales et sa volonté d’avancer sur le dossier complexe des polypensionnés qui nécessite par ailleurs un travail approfondi.

Concernant les personnes handicapées, nous avons continué à travailler à une plus grande équité de notre texte. De nombreuses avancées en faveur des personnes handicapées et de leurs aidants ont été réalisées, grâce au travail des parlementaires de la majorité en particulier.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le Gouvernement a déposé un amendement qui a fait l’objet d’améliorations à la suite du travail des parlementaires. Une mesure pérenne permettra ainsi aux parents d’enfants handicapés qui ont besoin d’une présence auprès d’eux de conserver un âge d’annulation de la décote à 65 ans.

Le dispositif de départ anticipé pour handicap a également été élargi aux assurés qui ont travaillé en bénéficiant de la reconnaissance de travailleur handicapé.

Enfin, une disposition transitoire pour le minimum garanti des militaires a été adoptée. Grâce au travail des sénateurs, le Gouvernement a revu le dispositif du minimum garanti pour les militaires. L’amendement concerne les militaires ayant atteint ou dépassé la durée minimale de quinze ans de service au 1er janvier 2011 : ils conserveront le bénéfice des règles actuelles pour l’obtention du minimum garanti. C’est une mesure d’équité vis-à-vis des fonctionnaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où se clôt ce débat, je voudrais à mon tour, après Eric Woerth, vous remercier toutes et tous pour le travail qui a été accompli au cours de ces trois semaines. Je remercie tout particulièrement la présidente de la commission des affaires sociales, le rapporteur et chacun des groupes.

Je crois que nous avons atteint l’objectif que nous nous étions assignés, …

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

…c’est-à-dire que les principes d’équité, que nous avions mis en exergue, soient effectivement respectés. Ils l’ont été grâce à la convergence des régimes du secteur public et du secteur privé. Celle-ci a été abordée avec le souci de préserver les spécificités de la fonction publique, eu égard notamment, je le rappelle, aux durées de référence : 25 ans d’un côté, 6 mois de l’autre.

Comme vous le voyez, aucun dogmatisme n’a inspiré cette réforme.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Celle-ci participera au grand chantier de modernisation de la fonction publique, auquel nous nous sommes attelés et dans lequel cette réforme des retraites prend toute sa place.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Guy Fischer applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans ce débat qui s’achève, nous avons tous eu au moins un point de convergence : une réforme des retraites est nécessaire.

Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais citer à votre attention le secrétaire de Diderot, Joseph Joubert, qui écrivait ceci : « la justice est le droit du plus faible ». Quoi de plus vrai ?

Dans le contexte républicain qui est le nôtre, cette phrase renvoie à la mission de l’exécutif : inscrire son action dans une constante recherche de justice. Je l’ai dit lors de la discussion générale. Durant ces semaines d’examen, cet impératif de justice a sans cesse commandé notre travail, nos propositions, nos amendements. Aussi, comment ne pas être choqué par cette décision de vote unique ? Par là même, vous avez empêché sciemment de débattre d’amendements aussi importants que la suppression du bouclier fiscal, de la niche « Copé » sur les successions ou de la taxation des retraites chapeaux.

Pour notre groupe, il ne s’est agi à aucun moment de verser dans la contestation systématique. Il en a d’ailleurs été de même hier à l’occasion de la commission mixte paritaire. Le sujet est bien trop important, et ce parce que les conséquences du texte renvoient à la conception que nous avons, les uns et les autres, de notre société, de son avenir, de la solidarité et de la justice.

Selon l’adage, on ne convoque pas l’effort sans la justice. Or, c’est ce qu’impose ce texte à l’ensemble de nos concitoyens. Ils l’ont bien compris et sont une majorité à le rejeter : 57 % d’entre eux sont contre le report de l’âge de la retraite à 62 ans et 65 % contre le passage à 67 ans pour bénéficier d’une retraite sans décote.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous n’avons pas les mêmes sondages !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

L’inquiétude est telle que la mobilisation touche désormais toutes les générations de notre pays.

Partout en France, depuis des semaines, nos concitoyens manifestent leur opposition à cette nouvelle régression sociale. C’est la France d’aujourd’hui mais aussi celle de demain qui rejettent l’avenir que vous voulez leur imposer.

Dans cette situation, il revenait au Président de la République d’ouvrir enfin le dialogue, car son rôle consiste non pas à engendrer le désordre, mais à harmoniser les inévitables contradictions et à agir pour l’intérêt général.

C’est dans cet état d’esprit que nous avons déposé hier en commission mixte paritaire un amendement visant à ouvrir immédiatement des négociations, amendement que, accompagnés des députés de l’UMP, vous avez balayé d’un revers de main, messieurs les sénateurs de l’UMP !

Les syndicats, que le Gouvernement a jugé bon de ne pas consulter durant les travaux préparatoires et qui ont tout juste été informés des choix gouvernementaux, demandent l’ouverture de négociations depuis des semaines. Le Président de la République et le Premier ministre ont choisi de les ignorer et de passer en force. Par là même, vous avez choisi sciemment de dégrader le climat économique et social de notre pays, de pénaliser « la France qui se lève tôt » et l’ensemble de nos entreprises.

C’est dans ce cadre dégradé – il est la conséquence de votre bilan, car vous êtes au pouvoir depuis plus de huit ans – que vous avez décidé d’imposer cet ajustement paramétrique. Pour notre part, nous estimons que les mots « brutalité », « inefficacité » et « injustice » résument le principal de nos observations.

La brutalité est née du fait que, sur un sujet aussi important, vous n’avez pas travaillé en concertation. Brutalité aussi lorsque je pense à la médecine du travail que vous avez sciemment réduite à presque rien, pour mieux servir les intérêts du MEDEF, mais pas ceux des salariés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

C’est la vérité ! On l’a bien vu hier en commission mixte paritaire, où vous avez démontré, chers collègues de l’UMP, votre drôle de conception du paritarisme, selon laquelle, dans le roulement et les présidences tournantes, c’est un employeur qui remplace un employeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

L’inefficacité est d’ores et déjà avérée puisque ce texte n’est même pas bouclé financièrement. Pis, vous videz les fonds de réserve destinés aux jeunes générations. Cette inefficacité, vous la reconnaissez avec cet amendement tardif qui prévoit d’entamer des discussions visant à assurer la pérennité de nos régimes à partir de 2013. Terrible aveu d’échec !

Cette inefficacité se révèle aussi dans votre manière d’appréhender les questions de l’emploi. Vous l’avez dit souvent, monsieur Woerth, dans un système de retraite par répartition, les actifs payent pour les retraités. Mais quand les actifs ne travaillent pas, cela devient compliqué.

Or, du côté tant des seniors que vous voulez faire travailler plus longtemps que des jeunes qui n’accèdent pas à l’emploi, les taux de chômage ne cessent d’augmenter. Le nombre de jeunes au chômage de longue durée – je l’ai déjà dit mais il faut à mon avis le rappeler – est en constante augmentation. Et je ne parlerai pas – mais les élus locaux le savent bien – des contrats aidés, dont on nous dit qu’ils ne seront plus financés.

Quant à l’injustice, elle constitue le socle de vos mesures. Nous n’acceptons pas, et les Français non plus, que 90 % des mesures soient financées par les revenus du travail quand vous protégez scandaleusement les revenus du capital.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Enfin, je veux parler du sort que vous réservez aux femmes : il est tellement révoltant que vous avez cru bon de procéder à quelques aménagements. Un abus de langage vous a d’ailleurs fait présenter ces dispositions comme des « avancées ». Il n’en est rien, puisque vous dégradez la situation d’une très grande majorité des mères de famille.

Il en va de même pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, mais aussi – et je veux insister sur ce point – pour les fonctionnaires, que vous ne cessez d’assimiler à des charges alors qu’ils sont aussi la richesse de notre République et de ses services publics.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Quant aux infirmières – les infirmiers, devrais-je dire – vous êtes revenus hier sur l’amendement que nous avions adopté et qui abrogeait l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010.

L’injustice est aussi au rendez-vous quand vous confondez pénibilité et invalidité.

À cette logique de régression sociale, nous opposons une politique alternative fondée sur le partage équitable de l’effort entre les revenus du capital et ceux du travail, une prise en compte des spécificités de chaque parcours professionnel, gage de reconnaissance de la pénibilité.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la retraite n’est pas une aumône ; elle est un droit. Vous venez de gagner la bataille de la légalité – et encore… –, mais pas celle de la légitimité.

Murmures sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Quant à nous, nous saurons répondre aux millions d’hommes et de femmes qui n’ont cessé d’espérer et de vouloir la justice.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour commencer, je souhaiterais dénoncer les conditions dans lesquelles notre assemblée a été contrainte de travailler sur un texte aussi important que la réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

J’y crois !

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi, nous privant ainsi d’une possible seconde lecture. Nous avons dû examiner les articles dans le désordre. Vous avez utilisé l’arme constitutionnelle de l’article 44, troisième alinéa, pour esquiver le débat démocratique.

Enfin, à peine ce texte est-il voté par le Sénat que l’on nous demande de nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire, réunie en urgence dès hier matin et dont le texte n’a été disponible qu’hier soir ! Or il ne restait pas moins de quatre-vingt-dix articles en discussion. Je pense principalement à la disposition sur la retraite des infirmières contenue dans la loi relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, que nous avions abrogée en adoptant un amendement du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

La question des retraites méritait pourtant que l’on s’y attarde et qu’on laisse le Parlement faire son travail. Le président du Sénat n’avait-il pas souhaité que la Haute Assemblée prenne tout le temps nécessaire à un débat serein ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Non seulement vous méprisez le travail parlementaire, mais, en outre, vous ignorez les millions de Français qui se mobilisent avec force depuis des semaines pour vous manifester leurs craintes quant à l’avenir de leur retraite et leur désaccord avec cette réforme profondément injuste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ils ne les voient pas, ils ne les entendent pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Leurs contestations sont légitimes, car cette réforme pose de nombreux problèmes. Pourtant, ils n’ont pas été entendus. Pas encore !

L’ampleur indéniable de la mobilisation dans les rues prouve, s’il en était besoin, que cette réforme a été imposée au forceps, au mépris des partenaires sociaux, des partis politiques, des parlementaires et des concitoyens de ce pays. Vous avez en effet choisi de passer en force. Pourtant, un texte qui touche au patrimoine commun de tous les Français méritait beaucoup mieux que cela, messieurs les ministres.

La réforme des retraites, parce qu’elle touche à l’un des piliers de notre République, est un enjeu majeur pour notre société et pour les générations à venir.

Mes chers collègues, rares sont nos concitoyens qui ne souhaitent pas réformer les retraites. La situation parle d’elle-même : le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie rendent nécessaire une refonte du système actuel.

Une réforme doit avoir lieu. Mais pas celle-ci. Et surtout pas dans ces conditions ! Pas sans prendre en compte les positions et les propositions des partenaires sociaux, des partis politiques, des groupes parlementaires de tous bords et celles des Français. Cela s’appelle rechercher le consensus et faire vivre une démocratie sociale et politique apaisée.

Le Président de la République a fait un choix, celui de diviser et d’opposer les Français. C’est même devenu sa marque de fabrique !

Murmures sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Les Français veulent bien d’une réforme si elle est juste et équitable et si les efforts sont partagés.

Selon un récent sondage, 59 % des Français se disent favorables à ce que les syndicats poursuivent leurs appels à des mouvements de grève et à des manifestations après l’adoption du texte par le Parlement. §Ils souhaitent que le Gouvernement engage une discussion pour élaborer un autre projet de réforme des retraites. Mais le Gouvernement est sourd à l’exigence de justice sociale exprimée par nos concitoyens.

Parce que le Président de la République avait promis qu’il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans, faute d’en avoir reçu le mandat du peuple français, et parce que cette réforme, véritable débat de société, aura des conséquences pour l’ensemble de nos concitoyens, elle doit se faire avec eux et non contre eux.

Ce dossier aurait donc mérité un vrai travail en profondeur, davantage de temps et de dialogue. La concertation engagée a été malheureusement très insuffisante. Pourquoi avoir traité un sujet aussi grave selon la procédure accélérée ? Pourquoi craindre les Français ? Pourquoi avoir, dès le début, organisé un simulacre de concertation, à grands renforts de plans de communication payés par le contribuable ? Pourquoi ne pas faire confiance aux partenaires sociaux, aux forces politiques et aux parlementaires de ce pays ? Pourquoi vouloir à tout prix faire cette réforme, préparée et écrite à l’avance ?

Suivant la volonté du chef de l’État, le Gouvernement n’a pas hésité à organiser un Grenelle de l’environnement et un grand débat sur l’identité nationale. Deux sujets, avec des succès très différents ; deux sujets sur lesquels vous avez convié chaque Français à s’exprimer. Cette semaine se tiendront des états généraux... du football ! Et sur le dossier des retraites, rien : pas de grand débat national, surtout pas de Grenelle ou d’états généraux des retraites !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Manifestement, vous ne vous êtes volontairement pas donné les moyens d’associer les Français à votre réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Vous avez refusé d’engager le débat alors que cette réforme touche au patrimoine commun de tous. Comment, aujourd’hui, s’étonner que nos concitoyens descendent par millions dans la rue ? Quelle erreur majeure de gouvernance ! Et surtout, quel gâchis !

Au lieu d’imposer le vote bloqué, qui restera, comme l’a dit Yvon Collin, une faute politique, vous auriez dû accepter de suspendre les travaux et d’organiser des tables rondes avec les partenaires sociaux et les partis politiques ; vous auriez ainsi évité une escalade dans la tension sociale. C’est ce que nous vous demandions très solennellement ici, mercredi dernier, par la voix des présidents du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.

Je le répète, messieurs les ministres, votre réforme est injuste. Vous prétendez rétablir l’équilibre financier de notre régime de retraite. Mais au terme de quels sacrifices ? Votre réforme frappe d’abord les salariés les plus fragiles : ceux qui ont commencé à travailler très tôt, ceux qui ont eu des emplois pénibles et dont l’espérance de vie est écourtée, ceux qui, enfin, ont eu des emplois précaires.

Je pense aux femmes, grandes perdantes de cette réforme, malgré les quelques avancées que vous avez consenties.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Les retraites des femmes sont, encore aujourd’hui, inférieures de 38 % à celles des hommes. Plus de la moitié des femmes touchent une pension inférieure à 900 euros, ce qui est inacceptable.

Mais cette inégalité n’est finalement que la retranscription des inégalités professionnelles qui se cumulent tout au long de la carrière entre les hommes et les femmes : inégalité de salaires, inégalité au niveau des responsabilités, précarité, temps partiel subi. En reculant l’âge légal de la retraite et l’âge d’annulation de la décote, vous condamnez les femmes à une plus grande précarité : elles sont actuellement plus nombreuses à liquider leurs droits à la retraite à 65 ans, faute de n’avoir pu rassembler le nombre de trimestres nécessaires pour toucher une retraite à taux plein.

Or le taux d’emploi des femmes de plus de 60 ans est très faible. Elles sont donc nombreuses à connaître, avant 65 ans, une situation de chômage ou de précarité.

Votre réforme frappe également de plein fouet les seniors. Jusqu’à présent, les seniors étaient de jeunes retraités. Demain, ils deviendront de vieux chômeurs. Messieurs les ministres, laissez-moi vous rappeler qu’aujourd’hui encore près de 70 % des Français qui liquident leur retraite sont sans emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

En repoussant l’âge de départ à la retraite, vous risquez d’augmenter le chômage et la précarité et, par conséquent, de diminuer le niveau des pensions. Car encore faut-il pouvoir effectivement travailler jusqu’à 60 ou 62 ans ! En réalité, plus de 50 % des personnes qui touchent leur pension à 60 ans étaient déjà au chômage ou en inactivité. Et ce ne sont pas les salariés eux-mêmes qui décident de quitter leur emploi ; leur employeur le fait souvent pour eux ! Par ailleurs, si la perte du travail a lieu après 50 ans, il est très difficile de retrouver un emploi.

N’oublions pas que, par ailleurs, le chômage des jeunes est particulièrement élevé. Ceux-ci ont bien des difficultés à trouver un emploi stable, enchaînant souvent des contrats précaires.

L’espérance d’activité professionnelle s’élève aujourd’hui à 37 ans, et cette période d’activité comprend non seulement le travail, mais également les périodes de chômage.

En réalité, la réforme aura de graves conséquences pour bon nombre de nos concitoyens : elle devrait participer très certainement à une montée du chômage des jeunes et des seniors au cours des prochaines années et engendrer une diminution des pensions pour de nombreux travailleurs – les plus fragiles –, qui devront passer deux années supplémentaires à attendre pour pouvoir liquider leur retraite.

Votre réforme est vouée à l’échec. Les Français n’y croient pas, les Français n’en veulent pas ! Seul un système juste permettrait de trouver les moyens de son financement. Et ces moyens dépendent notamment du retour à la croissance. C’est avant tout en sortant de la politique d’austérité générale et en activant la croissance que nous pourrons augmenter le nombre d’emplois, et donc celui des cotisants. Or, à aucun moment, votre réforme ne prend en compte ces paramètres. Toute autre solution serait pourtant insuffisante et sans réelle ambition pour sauver le système par répartition.

Messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, vous avez refusé d’entendre les millions de Français qui manifestent depuis plusieurs semaines et expriment avec force leurs inquiétudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Vous vous éloignez chaque jour un peu plus de nos concitoyens. Vous vous coupez des Français. Votre réforme des retraites est vouée à l’échec. Je l’ai déjà dit, on ne réforme pas contre les Français. Vous n’échapperez pas à cette règle historique.

À mon sens, cette réforme est en sursis, ce gouvernement est en sursis. Le compte à rebours a commencé il y a déjà plusieurs semaines. Ce n’est donc qu’une question de temps !

Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Messieurs les ministres, les millions de salariés de notre pays, mobilisés depuis plusieurs mois contre votre réforme des retraites, savent pertinemment qu’ils n’avaient rien à attendre de la réunion de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Vous avez quitté la CMP dès le début. Il fallait rester !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

À l’issue d’un processus législatif marqué par la volonté gouvernementale d’empêcher tout débat et toute contre-proposition, nos concitoyens mesurent combien ce projet de loi constitue une régression sociale sans précédent puisque vous renvoyez les salariés plus de vingt-huit ans en arrière, en les privant du droit à la retraite à 60 ans.

Nous n’avons eu de cesse de le dire, cette réforme est marquée par le même sceau de l’injustice qui a présidé à l’instauration du bouclier fiscal. Elle satisfait uniquement les agences de notation, le MEDEF et la majorité parlementaire.

Si on devait résumer votre projet de loi en deux chiffres, ceux-ci seraient indéniablement 85 et 15.

En effet, 85, c’est le pourcentage du poids économique de la réforme qui sera supporté par les seuls travailleurs, alors que les revenus du capital et les plus riches de nos concitoyens ne contribueront qu’à hauteur de 15 %. Pour vous, ce partage totalement inéquitable serait justifié du seul fait que ce sont les salariés qui bénéficient du droit à la retraite. Je pourrais naturellement ironiser en vous demandant pour combien de temps encore. Car les articles 5 et 6 auront pour effet d’ôter – il n’y a pas d’autre terme – aux travailleurs deux ans d’espérance de vie en bonne santé. Deux ans qui, au lieu et place d’être dédiés aux proches, à la famille, au temps pour soi, seront consacrés au travail et à l’accumulation de richesses dont seule une minorité de privilégiés profitera.

D’ailleurs, suivant votre démonstration, s’il est logique que les salariés soient les seuls à être mis à contribution puisqu’ils profitent de leurs retraites, il serait également logique qu’ils profitent des richesses qu’ils contribuent très largement à créer. Mais cela reviendrait à mettre un terme à toute une conception politique et économique du travail, qui ne cesse de favoriser les actionnaires au travers de versements de dividendes toujours plus importants, au détriment des salaires toujours plus faibles.

Voilà, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réalité !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Au final, c’est bien votre refus de mettre en place une meilleure répartition des richesses, plus égalitaire, de nature à renforcer notre système de retraite par répartition, qui vous conduit à imposer une telle réforme, laquelle, nous l’avons dit, sera injuste, inefficace et brutale.

Elle sera brutale, car, en jouant simultanément sur les trois facteurs – le passage de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein et sans décote, et l’augmentation de la durée de cotisation –, vous allez plus loin et plus vite que n’importe lequel des pays d’Europe où a été mise en œuvre une réforme des retraites. Cette réforme brutale s’appliquera dès le 1er juillet 2011.

Elle sera inefficace, car elle n’est pas financée. On sait d’ores et déjà qu’il lui manquera 4 milliards d’euros, dans le meilleur des cas, puisque votre réforme s’appuie sur des hypothèses de non-dégradation de l’économie et de la situation du travail. Ce déficit ne pourra pas être comblé par le Fonds de réserve des retraites, le FRR, puisque vous avez pris la décision de le siphonner pour payer la dette sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est une aberration quand on connaît les finalités mêmes du FRR !

Enfin, la réforme sera injuste car ce sont les salariés, les travailleurs qui en supporteront l’essentiel du poids.

Comme toujours, vous n’avez pas hésité, sous prétexte d’équité, à réduire l’ensemble des droits. J’en veux par exemple pour preuve la manière dont vous avez réduit les conditions d’accès au minimum garanti au titre du rapprochement avec le minimum contributif. C’est scandaleux !

Par ailleurs, les salariés qui ont commencé à travailler tôt seront lourdement pénalisés par votre projet de loi. Durant les débats, vous n’avez eu de cesse d’affirmer que la gauche n’avait rien fait pour eux. C’était pour mieux masquer une réalité : vous allez les contraindre à travailler encore plus longtemps que par le passé. Il ne reste décidément plus rien du dispositif « carrières longues » que vous avez progressivement vidé de sa substance.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Mais 700 000 personnes en bénéficient grâce à nous ! Ce n’est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Année après année, les mesures de durcissement se sont multipliées. Il y a eu tout d’abord le durcissement des conditions de rachat de trimestres au titre des années d’études et d’apprentissage, puis le durcissement des conditions d’accès au départ anticipé pour carrière longue et pour les assurés handicapés, la prise en compte des règles en vigueur non pas l’année de la liquidation mais l’année des 60 ans, la tentative d’allongement automatique de la durée de cotisation pour la retraite à taux plein à 60 ans, le passage progressif à 164 trimestres en 2012 avec évolution parallèle de la durée d’assurance requise pour le calcul de la pension, la non-prise en compte pour le départ anticipé pour carrière longue du rachat de trimestres pour études supérieures et années incomplètes et, dernier élément en date, la modification des conditions d’attribution de la majoration de la durée d’assurance pour enfants, la MDA, mesure adoptée en janvier 2010.

Pour les salariés concernés par le dispositif « carrières longues », la décision est des plus injustes car, bien qu’ayant commencé à travailler jeunes, ils devront de toute façon cotiser deux ans de plus. Je pense en particulier aux infirmières et aux travailleurs précaires.

La décision apparaît également injuste pour les jeunes, qui, avec cette mesure, voient les portes de l’emploi se refermer sur eux pour deux années encore, la combinaison des articles 5 et 6 ayant pour effet mécanique de retarder l’accès de près de 1 million de jeunes au premier emploi de qualité. Ainsi les jeunes devront-ils, en raison de l’article 4, réintroduit par la commission mixte paritaire, valider 41, 5 annuités pour bénéficier d’une retraite sans décote. Autant dire que c’est quasiment impossible !

La décision est par ailleurs injuste pour les femmes aux carrières morcelées – ma collègue Odette Terrade abordera ce sujet dans quelques instants –, mais aussi pour les personnes en situation de handicap ou les malades atteints d’une affection chronique. Je pense aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Pour ces dernières, l’idée d’une carrière complète avec la règle des 40 annuités était déjà illusoire ; elle devient irréaliste si on porte la durée de cotisation à 41, 5 annuités.

Pourtant, personne ne peut affirmer qu’il soit légitime de sanctionner financièrement des femmes et des hommes qui, en raison de leur état de santé ou parce que leurs employeurs ne respectent pas leurs obligations d’emploi, ne peuvent jamais atteindre dans les faits le nombre d’annuités nécessaires pour justifier d’une carrière complète.

En réalité, le cumul des articles 4, 5 et 6 constitue une machine infernale, une mécanique irrémédiable destinée à réduire à l’avenir le niveau des pensions des salariés et à allonger la durée de vie au travail de manière inexorable.

Comme ce fut le cas en 1993, en 1995, en 2003, en 2007 et en 2008, les retraités de notre pays verront fondre leurs pouvoirs d’achat et se dégrader considérablement leur qualité de vie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est pour toutes ces raisons que le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vendredi dernier, lors de mon explication de vote sur l’ensemble du texte, je vous faisais part de la satisfaction de la très large majorité des membres du groupe Union centriste.

En effet, le texte auquel la Haute Assemblée est parvenue porte des avancées majeures en termes d’équité et de solidarité, tout en préservant l’économie générale de cette réforme incontournable.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous ne pouvons que nous féliciter de constater que la commission mixte paritaire a respecté le travail du Sénat, le reprenant très largement dans son texte tout en l’améliorant. En effet, sont corrigées les quelques erreurs que nous avions laissé se glisser – je pense au rétablissement de l’article 4 et à l’article 13 sur la retraite des infirmières. Les travaux de la commission mixte paritaire sont même porteurs d’avancées spécifiques sur la gouvernance de la médecine du travail.

Puisque nous sommes presque arrivés à la fin de notre marathon, j’aimerais conclure en remettant quelque peu la présente réforme en perspective.

La France figurait parmi les rares pays à avoir encore un âge de liquidation des droits fixé à 60 ans malgré l’allongement de l’espérance de vie. Deux autres pays ont aussi conservé cette limite d’âge, mais leur situation est difficilement comparable à celle de la France.

En Belgique, la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein est de 45 ans – aucun d’entre nous, je crois, ne le souhaitait pour les Français – tandis qu’au Japon l’âge moyen du départ effectif à la retraite est le plus élevé du monde. Lorsque notre taux d’emploi des seniors avoisinera celui des Japonais, nous pourrons peut-être y songer…

La présente réforme ne tombe donc pas du ciel. Elle s’inscrit dans l’ordre des choses. Il faut garantir les retraites présentes et à venir et, surtout, mettre un terme à un endettement croissant qui constitue le premier danger, la première menace pour nos enfants qui manifestent aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Depuis que l’âge limite de 60 ans a été fixé par les ordonnances Auroux comme ouvrant droit à la retraite, l’espérance de vie à 60 ans n’a cessé de croître. Elle a progressé de plus de quatre ans et devrait continuer à le faire.

Alors que nous avons un problème structurel de financement du fait de l’évolution démographique, nous ne pouvons faire autrement que de tenir compte d’une telle progression !

Autrement dit, à problème démographique structurel, solution démographique structurelle. Voilà la réalité de la réforme !

Il s’agit d’une réforme paramétrique d’urgence, indispensable, je le répète, à la fois pour ceux qui vont vers la retraite et pour les jeunes qui hériteront de nos dettes irresponsables. Nous espérons qu’elle sera doublée, dans les années à venir, d’une évolution systémique consistant à remplacer l’annuité par le point ou les comptes notionnels tout en restant fondée sur le respect du principe de répartition.

D’ailleurs, cette réforme, cette évolution systémique que nous appelons de nos vœux n’est pas du tout faite pour régler les problèmes de ceux qui accéderont prochainement à la retraite ou qui y accéderont dans les quinze années à venir. Bien au-delà, il faudra réfléchir sur la convergence des systèmes, à laquelle je comprends bien qu’un certain nombre de parlementaires soient hostiles – à l’instar de vous, monsieur Fischer. Manifestement, c’est le cas également des partenaires sociaux. À cet égard, le débat qui a eu lieu hier soir était tout à fait révélateur.

C’est tout le sens de l’amendement que nous avons fait adopter dans cet hémicycle et en vertu duquel une grande réflexion nationale sera organisée dès le premier semestre 2013, puisqu’il faut quinze ans au minimum pour mettre en place une telle évolution.

Pour conclure, j’insisterai à nouveau sur le fait que la réflexion sur l’impact retardé d’une pénibilité au travail non prise en compte par les employeurs n’a pas été conduite jusqu’à son terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Les partenaires sociaux, qui n’ont pas su se mettre d’accord hier…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Aux partenaires sociaux, qui ne se sont pas mis d’accord ! Ils doivent se remettre au travail rapidement sur ce thème, comme, d’ailleurs, sur les thèmes de l’emploi des seniors et des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

La perte d’espérance de vie ou la baisse de la qualité de vie après le travail doit aboutir un jour à une cessation anticipée d’activité financée par ceux qui n’auront pas su répondre à ces conditions de travail hautement nuisibles à leurs salariés. Nous y reviendrons, que personne n’en doute !

Conscients de la nécessité de cette réforme et des propositions diverses qui l’accompagnent, l’immense majorité des membres du groupe Union centriste soutiendra cette réforme.

Nous remercions tous les participants à la commission mixte paritaire, en particulier son rapporteur pour le Sénat, Dominique Leclerc, et la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après plus de 150 heures de débats, nous voici donc arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi fondamental dont l’objectif, je le rappelle, est de préserver notre système de retraites par répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

L’enjeu le nécessitait.

Si vous le permettez, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe UMP, à remercier chaleureusement le ministre Éric Woerth et le secrétaire d’État Georges Tron pour leur écoute et leur disponibilité. Je leur sais gré d’avoir su, tout au long de l’examen de ce projet de loi, demeurer attentifs et ouverts à toutes propositions tendant à améliorer ce texte, qu’elles soient issues de la majorité ou de l’opposition – nous avons en effet adopté pas moins d’une trentaine d’amendements proposés par le groupe socialiste.

Naturellement, mes remerciements s’adressent également à la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Muguette Dini.

Quant au rapporteur, Dominique Leclerc, je le félicite pour la qualité des travaux menés, travaux qui ont permis d’enrichir le projet de loi tout en respectant son nécessaire équilibre. La patience et la sérénité dont il a fait preuve tout au long du débat suscitent notre admiration et mérite que nous le félicitions très chaleureusement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Par ses propositions, le rapporteur de la commission des affaires sociales, avec le Gouvernement, a en effet réussi à réformer tout en préservant le contenu solidaire du texte. Nous ne pouvons qu’en être satisfaits.

Contrairement à ce que certains craignaient, la commission mixte paritaire n’a pas durci le projet de loi – Nicolas About en a d’ailleurs apporté le témoignage à l’instant par ses propos. Elle est restée fidèle à l’esprit et à la lettre de la volonté majoritaire du Parlement.

L’état actuel de nos finances rendait une telle réforme impérative. Nos régimes de retraite connaissent en effet des déficits élevés, sans précédent, de surcroît en très forte progression.

Je rappellerai quelques chiffres. En 2010, le déficit de la branche vieillesse est proche de 10 milliards d’euros. Mes chers collègues, si nous n’avions rien fait, ce déficit aurait atteint 45 milliards d’euros en 2020, 70 milliards d’euros en 2030 et plus de 100 milliards d’euros en 2050. Bien entendu, il ne s’agit là que de prévisions.

Aujourd’hui, c’est presque une retraite sur dix qui n’est pas financée. Si nous n’avions rien fait, tel aurait été le cas d’une retraite sur six en 2030.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Certes, cette situation déficitaire traduit en partie l’impact de la crise, mais elle a aussi – mes chers collègues, vous le savez très bien – des causes structurelles : l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom, la poursuite des départs anticipés pour carrière longue et l’amélioration de l’espérance de vie.

Comment aurions-nous pu maintenir le système des retraites en l’état ?

La solution choisie pour financer les déficits à l’horizon de 2018 est la plus réaliste.

Mes chers collègues, nous ne pouvions nous enfermer dans le dogme du « taxer toujours plus », du « taxer les riches », du « taxer les banques »… Je l’ai dit et je le répète, ce sont de fausses bonnes idées, et faire croire aux Français que le problème des retraites peut être réglé par une augmentation massive des prélèvements c’est leur mentir.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Les propositions du groupe socialiste consistant à taxer les stock-options et les retraites chapeaux ne sont pas à la hauteur des enjeux, comme je l’avais déjà affirmé lors de la discussion générale qui a eu lieu au début de l’examen du projet de loi. Et je le démontrerai à nouveau si c’est nécessaire lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale !

Mme Demontès regrette de n’avoir pu faire valoir les idées du groupe socialiste sur le financement de la réforme des retraites, mais ce n’était pas le moment opportun pour aborder les sujets financiers. Il y a un temps pour tout. Nous pourrons examiner ces propositions lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je me réjouis que notre majorité ait fait le choix de la responsabilité.

Cette responsabilité qui nous incombe, c’est d’assurer une retraite à l’ensemble des Français, sans jamais se résigner à la diminution du montant des pensions. En revanche, votre contre-projet, mes chers collègues, aurait pour conséquence une diminution, à terme, des pensions de retraite des Français. §Tel n’est pas notre choix !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Les problèmes démographiques de notre pays sont bien réels, et nous nous devions de maintenir les retraites actuelles tout en garantissant celles des générations futures. C’est pourquoi nous soutenons le choix du Gouvernement d’avoir privilégié le report de l’âge légal de départ à la retraite, plutôt que de recourir à l’augmentation des prélèvements obligatoires.

Nous nous réjouissons, en effet, que notre Haute Assemblée ait maintenu les mesures de rééquilibrage entre-temps de travail et temps de retraite. La limite de 62 ans reste inférieure à ce qu’elle était en 1980. Il n’y a là aucun recul social, comme nous avons pu l’entendre, mais uniquement une prise en compte de l’amélioration, année après année, de l’espérance de vie après la retraite.

Par ailleurs, nous avons voulu, contrairement à ce que vous affirmez sans cesse, que cette réforme soit le plus juste possible, avec une meilleure prise en compte des aléas de la vie.

Ainsi avons-nous adopté au cours de nos débats, en accord avec le Gouvernement, toute une série de mesures de solidarité, comme le maintien du dispositif des carrières longues et, pour la première fois dans notre pays – et même en Europe ! –, la prise en compte de la pénibilité au travail, ce que la gauche n’a jamais fait.

M. Woerth et les orateurs de la majorité l’ont expliqué : cette prise en compte de la pénibilité permettra à ceux qui sont les plus exposés de bénéficier de mesures adaptées à leur situation tant en amont, par des mesures de prévention, qu’en aval lorsque la réduction de l’espérance de vie sera avérée, comme pour les victimes de l’amiante. Celles-ci gardent le bénéfice des mesures en vigueur. Le conseil scientifique créé par la loi sera chargé de faire avancer la réflexion sur ce sujet de manière objective.

Nous avons également pris en compte la situation des chômeurs en fin de droit et reconnu l’ouverture des droits à la retraite des travailleurs handicapés.

Nous avons adopté une disposition spécifique pour les mères de famille ayant élevé plus de trois enfants : pas moins de 130 000 mères pourront ainsi partir à 65 ans, avec une retraite à taux plein.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

De même, nous avons pris une mesure pour les aidants familiaux et pour les parents d’enfants handicapés.

En définitive, cette réforme a permis de gommer de nombreuses injustices. Elle a conservé le principe fondamental de la solidarité intergénérationnelle. Elle peut être qualifiée d’équitable et juste, comme l’a souligné à plusieurs reprises notre excellent ministre du travail, Éric Woerth.

Nous avons poursuivi la convergence entre les régimes de la fonction publique et le régime général dans un souci d’équité entre les Français, comme l’a rappelé M. Georges Tron.

Il restera à progresser sur les autres régimes spéciaux, même si un bon bout de chemin a été réalisé avec la réforme des retraites, dite « Fillon », et celle de 2008.

Sur la médecine du travail, qui a fait l’objet de nombreuses interventions, le paritarisme a été confirmé, comme l’a rappelé Nicolas About. Les acteurs de la commission ont été rendus opérationnels et responsables. Les conditions ont été mises en place pour développer les actions de prévention des risques de pénibilité, dont les employeurs assumeront la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est assez ! Le paritarisme a été rompu !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Grâce à cette réforme, la France gardera un système de retraites parmi les plus avancés socialement de tous les pays européens, dont un certain nombre, comme la Suède et l’Italie, se sont engagés bien avant nous dans une réforme systémique, en y travaillant quinze à vingt ans plus tôt.

C’est pourquoi nous avons posé les jalons d’une réflexion sur une telle réforme, dont l’avenir nous dira si elle s’avère nécessaire au-delà de 2018, en y travaillant dès 2013 dans le cadre d’une réflexion nationale. Le parti socialiste lui-même le souhaitait.

Nous aurons ce débat sur la réforme systémique des retraites en son temps ; l’urgence, c’était de mettre en œuvre la réforme paramétrique, comme vous y avait invités Michel Rocard dans son livre blanc.

Lorsque vous étiez aux affaires, mes chers collègues, vous êtes restés l’arme au pied, sans jamais rien faire, et vous n’avez pas assumé vos responsabilités. Il est facile, aujourd’hui, de dénoncer une réforme que vous n’avez pas eu le courage d’engager !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je rappelle à Mme Demontès et à ses collègues que l’idée de la réforme systémique était le fruit d’une réflexion que nous avions engagée dans le cadre de la MECSS. Je m’étonne donc, mes chers collègues, de vos tergiversations et de vos contorsions sur ce point.

Cette réforme, nous en assumons le choix et la responsabilité. Savoir gérer, c’est prévoir, c’est savoir se prémunir des risques et anticiper l’avenir.

Je tiens donc à vous faire part, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de notre soutien sans faille à votre projet de loi et, plus généralement, à vous féliciter pour votre volontarisme en vue de faire aboutir cette réforme nécessaire. Je suis persuadé que les Français nous en seront reconnaissants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

M. Alain Vasselle. … même si cela peut leur paraître douloureux pour l’instant. Notre responsabilité, c’est de préparer leur avenir !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, la commission mixte paritaire n’a pas changé grand-chose au fond de cette réforme, qui est, nous ne le redirons jamais assez, injuste et inéquitable. Les Français l’ont bien compris, qui se mobilisent toujours aussi nombreux. L’opinion publique est toujours aussi massivement contre votre réforme.

Votre réforme est injuste, car elle pénalise les salariés : ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont travaillé longtemps, mais aussi ceux qui ont alterné périodes de travail et périodes de chômage, voire, comme de nombreuses femmes, périodes de congés et de travail à temps partiel.

Elle est injuste, car elle fait porter l’effort à 85 % sur les salariés et épargne largement, encore et toujours, les revenus du capital.

Elle est injuste, car elle ne tient pas compte de l’espérance de vie et restreint la prise en compte de la pénibilité aux seuls salariés ayant développé une maladie ou un handicap. Sur ce point, la commission mixte paritaire n’a rien apporté de nouveau, tout comme l’Assemblée nationale et le Sénat n’avaient rien apporté de nouveau par rapport au texte du Gouvernement. Moins de 30 000 salariés seront concernés, alors que plus de 2 millions de salariés subissent des conditions de travail pénibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Sur cette question comme sur beaucoup d’autres, vous privilégiez une approche individualiste et à courte vue, essentiellement dictée par des contraintes financières. Généralement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cela ne fait pas bon ménage avec l’équité !

A contrario, nous privilégions une approche plus globale, qui ne définit pas des métiers pénibles, mais des facteurs de pénibilité, et ouvre à tous les salariés concernés le droit à une juste compensation. L’approche collective, comme base, et l’appréhension individuelle doivent être conjuguées, et non pas opposées. J’ai tenté de vous l’expliquer à plusieurs reprises lors des débats.

Ce matin, j’insisterai plus longuement sur la réforme de la médecine du travail. Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, elle a été vécue comme un mauvais coup par les partenaires sociaux, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

... qui avaient entamé une longue et difficile négociation et qui ont été pris de court par les amendements déposés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, reprise pure et simple de la position patronale.

Le Sénat avait fait un gros travail sur cette partie du texte, grâce aux efforts coordonnés du rapporteur et de tous les membres de la commission des affaires sociales. Le texte ne réglait pas tous les problèmes, loin s’en faut ! Mais enfin, on avait progressé.

Hier, deux modifications ont été adoptées par la commission mixte paritaire, l’une positive, l’autre totalement négative.

J’évoquerai d’abord le point positif. À l’article 25 undecies, la commission mixte paritaire a supprimé, à la suite de l’amendement que nous avons proposé, la référence au directeur du service de santé au travail comme garant de l’indépendance du médecin du travail.

Vous le savez, cela heurtait profondément les médecins du travail. Ceux-ci nous ont rappelé que leur indépendance, comme celle de tous les autres médecins, était garantie par l’article 95 du code de déontologie médicale et que, par ailleurs, ils étaient des salariés protégés par le code du travail. Ils voyaient d’un très mauvais œil le fait d’être ainsi placés sous la tutelle du directeur du service de santé au travail, alors que le texte les dépossède déjà de leurs missions et de leurs prérogatives, et ne leur confie plus que des fonctions d’exécution.

Le point extrêmement négatif concerne la gouvernance des services de santé au travail et les modifications prévues par la commission mixte paritaire à l’article 25 sexies. Je le dis sans ambages : c’est une véritable régression, je dirais même une trahison, par rapport au texte voté à l’unanimité au Sénat !

Je rappelle que c’était une recommandation de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, elle aussi votée à l’unanimité. Je ne doute pas que le patronat a su user de toute son « influence » pour obtenir de la commission mixte paritaire ce retour en arrière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

J’avais dit, dès la discussion générale, que l’introduction du paritarisme dans la gestion des services de santé au travail était une avancée, à condition qu’il s’agisse d’un véritable paritarisme, à l’instar de ce qui passe dans d’autres organismes.

Le système trouvé par le Sénat était équilibré et permettait d’associer employeurs et salariés à la gestion des services de santé au travail.

A contrario, la rédaction de la commission mixte paritaire crée un faux paritarisme, un paritarisme en trompe-l’œil. En effet, dès lors que le président du conseil d’administration du service de santé au travail est issu automatiquement du même collège, à savoir celui des employeurs, et que sa voix est prépondérante, cela ne changera pas grand-chose par rapport à la situation actuelle ; simplement aura-t-il plus souvent besoin d’utiliser cette prérogative.

La vérité, c’est que les employeurs ont une vision de propriétaire de la médecine du travail. C’est pourquoi ils ne veulent absolument pas que les syndicats de salariés disposent d’un véritable droit de regard sur la manière dont les finances de la médecine du travail sont utilisées.

En proposant un poste de vice-président au collège « salariés », c’est un strapontin que l’on offre aux salariés, en quelque sorte un poste d’observateur, sans pouvoirs. C’est la raison pour laquelle le Sénat avait adopté l’alternance présidence-trésorier, tous les trois ans, pour les deux collèges, ce qui représentait une réelle garantie et garantissait un exercice réel du paritarisme.

Je regrette d’autant plus ce revirement que, lors de cette séance publique, vous ne vous étiez pas opposé, monsieur le ministre, à la rédaction du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je crois même que vous aviez même émis un avis favorable sur cet amendement.

Une question, dès lors, se pose. Le Gouvernement était-il informé de cette modification ? À moins qu’il ne soit à l’origine de celle-ci ! §Dansce cas, nous pourrions estimer, légitimement, avoir été bernés en séance publique.

Cela témoignerait également, une fois de plus, de votre conception totalement biaisée du dialogue social, comme le prouve également ce qui s’est passé tout au long de la préparation et de l’examen de ce projet de loi et qui explique largement son rejet par la population.

Vous avez la possibilité, monsieur le ministre, et vous seul, de rétablir la version votée à l’unanimité par le Sénat en déposant un amendement. C’est à l’aune de cette décision que nous jugerons votre réelle volonté d’établir un vrai paritarisme dans la médecine du travail.

Au-delà de ce texte, qui va donc finir par être voté, c’est un malaise plus général que l’opinion exprime dans la rue et au travers des sondages. Les Français rejettent cette réforme des retraites, car ce que le Gouvernement leur présente comme des « réformes » depuis 2007 – et même bien avant, depuis 2002 ! – conduit à une régression générale des conditions de vie : logement inaccessible, durée de transport allongée, travail sous pression, emplois précaires, accès aux soins de plus en plus coûteux, services publics menacés, supprimés ou privatisés, etc. La liste est tellement longue que je n’ai pas le temps de l’égrener ici !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La réforme des retraites fonctionne aujourd’hui comme une cristallisation. Trois ans après l’élection du Président de la République, les Français rejettent l’injustice érigée en mode de gestion économique, sociale et politique par celui-là même qui devrait être le garant de la cohésion nationale.

Si l’effort doit être fait par la nation, cet effort doit être réparti. Vous n’entendez pas le cri des travailleurs, mes chers collègues ! Vous êtes sourds à leur appel de justice et de respect. Ils sont la force productive de notre pays, et vous leur tournez délibérément le dos. Je suis persuadé qu’ils sauront, à très brève échéance, vous le faire savoir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec le coup de force visant à faire adopter le texte issu de la commission mixte paritaire sans débat et par vote unique, vous persistez dans des méthodes d’un autre âge, qui ne font pas honneur à notre assemblée et qui couvrent, en matière financière, le montage le plus injuste et le plus inefficace de cette loi de régression sociale que vous osez encore appeler réforme !

Quelles sont les réponses que vous apportez au financement des retraites ? Allongement de la durée de cotisation, report de l’âge de départ en retraite – ce recul social pleinement assumé par Benoist Apparu ! –, recul de l’âge de liquidation sans décote : voilà les seules solutions, pesant uniquement sur les salariés, que vous avez trouvées !

Un an de cotisations en plus pour un smicard, c’est 800 euros de plus sur l’année. Vous pouvez multiplier cette somme par 3 millions pour avoir une idée de ce que cela représente !

Reculer de deux ans l’âge légal de départ et porter à 67 ans l’âge auquel la décote cesse de s’appliquer, voilà le moyen le plus sûr de limiter le niveau des pensions de sortie et de raccourcir la durée de versement.

Au fond, travailler plus et plus longtemps, pour toucher moins et moins longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

C’est ce que j’avais appelé la spéculation sur la mort lors des explications de vote de vendredi dernier !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Penchons-nous maintenant sur la question des prélèvements qui vont être effectués sur les revenus les plus élevés. Dans une logique de pur affichage, le Gouvernement a pensé que cela « ferait bien » de taxer, légèrement, les revenus du capital et du patrimoine.

Mais que pèsent les 180 millions d’euros récupérés cette année sur les plus-values face aux milliards de cotisations, sans droits à pension supplémentaires, que vous allez racketter sur le travail des salariés ?

À la vérité, si l’on avait voulu assurer le financement de nos retraites, il était parfaitement possible de trouver d’autres pistes. Par exemple en se posant cette question simple : ne serait-il pas légitime, normal et tout à fait concevable que la France consacre plus de 13, 5 % de la richesse nationale à assurer un revenu de remplacement, une retraite ou une pension à plus de 12 millions de nos compatriotes, c’est-à-dire un Français sur cinq ?

Ce débat financier a-t-il eu lieu ? Évidemment, non.

La meilleure preuve en est que, passé le débat sur les comptes notionnels, la majorité du Sénat a opté pour le blocage de la discussion des amendements de l’opposition sénatoriale susceptibles de montrer que d’autres voies pouvaient être suivies.

Car là est la clé de cette réforme : vous avez opté pour la soumission de la protection sociale aux contraintes des marchés financiers, pour plaire aux agences de notation et réduire les déficits publics par la mise en œuvre d’une politique d’austérité. Pour notre part, nous avons défendu une logique d’insoumission.

Une insoumission qui passe par la majoration de l’impôt de solidarité sur la fortune, par une remise en cause des prélèvements libératoires, par la mise en question des régimes privilégiés qui favorisent aujourd’hui le détournement du produit du travail vers les marchés financiers, vers les gaspillages de la spéculation.

Votre appel catastrophiste sur le thème : « Il faut faire cette réforme sinon qui paiera les retraites ? » ne supporte pas l’analyse.

Quand on consacre 172 milliards d’euros par an à exonérer les entreprises du paiement de leurs impôts et cotisations sociales, comment peut-on dire que les 7 milliards ou 10 milliards d’euros de déficit de trésorerie de l’assurance vieillesse deviendraient insupportables ?

Comment ne pas pointer le fait que votre loi condamne les salariés au régime sec alors que vous étiez prêt, en 2008, à dépenser 360 milliards d’euros pour sauver des banques qui vous ont remercié depuis en privant de crédit des milliers de PME, causant ainsi des liquidations d’activités et d’emplois par centaines de milliers ?

Nos propositions de financement conduisent concrètement à offrir une alternative moderne à la situation dans laquelle vous avez placé, texte après texte, notre système de retraite, une alternative au déclin, qui fait aujourd’hui débattre et réfléchir l’ensemble du corps social de notre pays.

Car, s’il y a bien une chose qui ressort de l’expérience, c’est qu’aucun des reculs que vous avez eu l’occasion de mettre en œuvre depuis 1993 n’a conduit à retrouver l’équilibre du système en général. C’est un peu comme si tout avait été fait pour que la perte de pouvoir d’achat, de substance et de qualité de notre système de retraite ne soit, in fine, que le moyen que vous avez trouvé pour convaincre les Françaises et les Français du bien-fondé du passage à un système de fonds de pension qui irait jouer l’argent des pensions sur les marchés boursiers.

Nous, nous pensons que la solidarité collective est la réponse la plus moderne qui soit aux problèmes de notre temps.

Permettez-moi d’ailleurs un petit rappel historique, en guise de conclusion.

À la Libération, quand la République, rétablie dans ses droits et ses pouvoirs, a créé notre système de retraite par répartition, elle a choisi la modernité évidente de la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle.

Dans sa grande modernité, ce régime général de retraite a même pris à son compte de solder les retraites créées avant la Seconde Guerre mondiale et qui, pour une bonne partie, étaient fondées sur un principe de capitalisation. Cette capitalisation s’était évidemment effondrée après la tourmente des années de guerre et laissait des pensions d’un niveau ridiculement bas.

Comme nous ne voulons pas soumettre l’avenir de nos retraites aux aléas du marché boursier, que ce soit par capitalisation, par mise en œuvre des retraites par points ou par comptes notionnels, nous ne pouvons opposer que les réponses collectives et solidaires que nous avons préconisées.

Devant cette profonde divergence de vues, nous ne pouvons que vous confirmer notre rejet de votre texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Au pays des sourds, les aveugles sont rois !

Voilà votre gloire, messieurs les ministres, mes chers collègues de la majorité. En braves soldats que vous êtes, vous n’avez pas failli aux ordres. Vous avez su ne pas voir les milliers de manifestants et avez su ignorer la contestation massive. Vous avez su rester courageusement fermés à la négociation, résolument sourds aux alternatives, imperméables aux débats.

Cela méritait d’être salué à l’heure de considérer le travail accompli. Trois évidences sont frappantes. Tout d’abord, la procédure est mise au service d’une stratégie de « cadrage » – dans le temps et sur le fond – du débat parlementaire, qui ne sera bientôt plus, entre vos mains, que l’alibi démocratique de procédés césariens.

Au fond, le texte issu de cette commission mixte paritaire est aujourd’hui pratiquement identique à celui déposé en septembre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale. Rien d’essentiel n’a bougé.

Une trentaine de nos amendements ont certes été adoptés et confirmés ; c’est la reconnaissance du travail auquel notre groupe s’est attaché.

C’est sans compter tous nos amendements tombés sous le feu de l’article 40 et tous les autres rejetés en séance. Le débat était tranché d’avance, preuve en est le rétablissement de l’article 4 – pour lequel vous n’avez pas osé demander une seconde délibération –, ou encore de l’article 13 relatif aux infirmiers et professionnels de santé dans sa rédaction initiale. Aucune des modifications adoptées, de quelque groupe qu’elles émanent d’ailleurs, n’est propre à modifier réellement ce projet, si ce n’est à la marge. Et cette marge était vraisemblablement mesurée dès l’origine par les auteurs même du projet !

Les concessions présentées en cours de débat s’agissant des parents d’enfants handicapés et des parents de trois enfants – aussi attendues étaient-elles, mais aussi limitées sont-elles –, font évidemment partie de cette orchestration et ne font pas illusion, à moins de vous faire crédit d’une subite et tardive prise de conscience de la profonde injustice de cette réforme, ce qui ne semble pas être encore tout à fait exact.

De même étaient prémédités le rythme et le calendrier imposés au parlement : ouverture en session extraordinaire et clôture prématurée du débat à l’Assemblée nationale déjà contrainte par le « temps-guillotine », demande de réserve de tous les amendements portant articles additionnels, demande de priorité sur les deux articles clefs du projet portant recul de l’âge de la retraite et, enfin, vote bloqué au Sénat.

Stratégie également le fait d’avoir présenté un projet de réforme des retraites « en kit » ! Le présent texte ne comporte que les seules mesures d’âge. Une part du financement des retraites se trouve dans le projet de loi de finances à venir. Une autre part de financement viendra dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Une troisième part figure dans le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale qui vient d’être adopté... Vous privez ainsi de manière certaine et déloyale, pourrait-on dire, la représentation nationale des données essentielles et nécessaires à son jugement. Les rapporteurs des commissions, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, qui ont tous deux déploré ne pas disposer de toutes les informations utiles à cet égard, ne me démentiront pas.

Toujours est-il que la raison d’être de ce projet de réforme étant de ramener les comptes de l’assurance vieillesse à l’équilibre, nous nous sommes bien sûr penchés sur les financements prévus à cet effet, si dispersés soient-ils.

Ainsi, la seconde évidence frappante est votre difficulté persistante à l’égard des chiffres. L’objectif d’équilibre du régime est fixé à 2018. Il est malheureusement construit à la fois sur un tour de passe-passe, insuffisant à créer l’illusion d’une ressource, sur des hypothèses de croissance jugées irréalistes et déjà partiellement démenties, enfin, sur l’épuisement prématuré du fonds de réserve pour les retraites, mesure d’imprévision et de mauvaise gestion manifeste.

Il manque en effet déjà plus de 15 milliards dans votre compte, monsieur le ministre, soit plus du tiers des besoins ! Car, même requalifiés « effort net de l’État », ces 15 milliards d’euros ne sont pas financés.

Enfin, les deux tiers du financement total, 18, 6 milliards, sont attendus des seules mesures d’âges sur l’hypothèse d’une croissance de 2 %, en réalité fort improbable. J’ajoute qu’en l’état actuel du chômage en France vous omettez d’intégrer à votre compte d’équilibre – qui en porte de moins en moins bien le nom – le coût du transfert sur l’UNEDIC. Celle-ci s’en est préoccupée et l’a évalué entre 440 millions et 530 millions de charges nouvelles. Il faudra également ajouter le coût de ce transfert vers l’assurance maladie et les départements, au titre des allocations d’invalidité et du RSA, que ces derniers devront verser pendant deux années supplémentaires.

Depuis dix ans que vous gouvernez, vous auriez pu développer sur le long terme un projet ambitieux d’emploi des seniors. Vous ne l’avez pas fait, mais vous ne pouvez pas ne pas tenir compte, à court terme, de la réalité qui est que 85 % de ceux qui liquident leur pension au titre de l’âge sont au chômage, parmi lesquels 87 % de femmes sans emploi depuis plus de vingt ans !

Enfin, au prix d’une contre-vérité, d’un argument démographique contradictoire, d’une certaine légèreté à l’égard des règles que vous avez vous-même fixées et d’une gestion inconséquente des deniers publics, le fonds de réserve pour les retraites verra ses actifs et ses ressources transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale pour financer les déficits cumulés du régime des retraites des salariés.

Contre-vérité en effet, lorsque vous affirmez que ce transfert ne fait qu’anticiper l’utilisation du fonds en raison de la crise, alors qu’il est destiné à répondre à des besoins démographiques conjoncturels – le surcroît de dépenses que générera en 2020 l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom – et n’est nullement un instrument de gestion courante des comptes.

Légèreté lorsque vous décidez finalement de vous affranchir des règles posées par la loi organique pourtant écrite par vos soins en 2005.

La troisième évidence correspond à une autre des difficultés vous caractérisant, à l’égard cette fois de la notion de justice.

Vous entendez faire peser 85 % du coût de cette réforme sur les salariés du privé et les fonctionnaires, tandis que les prélèvements nouveaux envisagés par le PLF et le PLFSS pour 2011 – dont la représentation nationale n’a eu connaissance que tout récemment – protègent encore les plus hauts revenus et les entreprises. Nous vous avons proposé de répartir également cet effort par la taxation des revenus du capital, des stock-options, des plus-values de cession de filiales, de la valeur ajoutée des grandes entreprises à hauteur de 28 milliards et une hausse de 0, 1 % par an des cotisations sur les revenus du travail à hauteur de 27 milliards. Où est la justice pour les actifs et les retraités d’aujourd’hui ?

La taxation au fil de l’eau des contrats multi-supports d’assurance-vie, comme la taxation de la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance ne procurent pas de recettes à long terme, et, je l’ai déjà dit, vider aujourd’hui le fonds de réserve pour les retraites injurie l’avenir. Où est la justice pour les générations futures ?

Cette réforme – ce sera ma conclusion – profondément injuste, déséquilibrée et incohérente puisque inscrivant pour l’immédiat la nécessité d’une autre réforme a été, hier, qualifiée de « fiasco total ». Ce mot serait-il trop fort au regard des réactions de nos concitoyens depuis plusieurs semaines et depuis plusieurs mois ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un grand désarroi et une vraie colère que nous sommes amenés à prendre la parole aujourd’hui, alors que nous sommes arrivés au terme d’une procédure législative qui, de bout en bout, a été menée à marche forcée.

Force est de constater que, face au rouleau compresseur idéologique et médiatique, il ne reste que très peu de place pour la démocratie. Les principes sont malmenés et, d’ailleurs, la procédure tronquée de la restitution de la commission mixte paritaire de ce jour n’en est que la dernière illustration.

Depuis le mois de juin, le Président de la République et son gouvernement ont décidé de nous imposer un texte sur les retraites, quoi qu’il en coûte à notre pays. Ce texte, principalement destiné aux agences de notation, nos concitoyens n’en veulent pas, ils le disent depuis la communication de votre projet.

Mais le Gouvernement n’en a cure et il s’obstine à faire de la rentrée 2010 une date marquante dans les étapes de la régression sociale qu’il nous impose depuis des années.

Cette fois encore, je le déplore, les victimes de ce texte seront les femmes !

Alors que vous avez à plusieurs reprises dénoncé les inégalités professionnelles entre femmes et hommes comme le « scandale de la République », vous ne faites rien, monsieur le ministre, ici comme ailleurs, pour y remédier.

Vous l’aviez dit, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes « n’était pas le sujet de ce texte ». Vous avez tenu parole puisque ce dernier n’apporte rien, ou quasiment rien, pour réduire les inégalités salariales subies par les femmes.

Le présent projet de loi constitue un recul pour tous, en particulier pour les femmes. Or vous tentez de le présenter comme une grande progression pour les droits de celles-ci ! Votre objectif était de gagner la bataille de l’opinion – car, vous le savez, un électeur sur deux est une femme – mais, là aussi, vos discours se sont fracassés contre les réalités.

Objectivement, avec ce texte, toutes les conditions sont réunies pour que les inégalités dont sont victimes les femmes en matière de retraite perdurent et s’aggravent. Dans notre système par répartition, le montant des retraites de ces dernières est le double reflet de leur parcours professionnel, en raison tant des petits salaires qu’elles auront perçus que du nombre de trimestres qu’elles n’auront pas pu valider.

La retraite concentre donc des inégalités, car elle arrive en bout de chaîne. La carrière professionnelle des femmes s’articule souvent entre-temps partiel imposé, précarité, discrimination à l’embauche, salaires inférieurs à ceux des hommes, congés de maternité, congé parental... Avec votre réforme, elles devront subir les conséquences des inégalités de notre société, y compris au cours de leur retraite.

En matière de lutte contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, alors que la loi de 2006 n’est toujours pas appliquée, les membres de mon groupe avaient formulé des propositions. Vous avez délibérément refusé d’en débattre, en recourant à la procédure du vote unique et au couperet de l’article 40 de la Constitution.

Aujourd’hui, les femmes peuvent partir à la retraite à 65 ans tout en percevant une pension à taux plein. Avec le texte qui résultera de nos travaux, il leur faudra dorénavant cumuler énormément de conditions pour conserver ce droit : être nées entre 1951 et 1955, avoir élevé au moins trois enfants, avoir interrompu leur activité professionnelle à cette fin et avoir validé au préalable un nombre minimal de trimestres.

Monsieur le ministre, selon vous, 130 000 femmes seraient concernées – vous annoncez fièrement ce chiffre ; or seules 25 000 d’entre elles le seraient selon les syndicats. C’est très peu !

Le dispositif destiné aux mères de famille fonctionnaires qui, selon vous, était un avantage réservé à certaines femmes, m’inquiète également. Vous faites erreur : loin d’être un privilège, ce dispositif permet seulement à des femmes d’effectuer un choix de vie !

Vous affichez un grand satisfecit, estimant réglée pour les nouvelles générations la question de l’égalité. Or vous savez bien qu’il n’en est rien. Aujourd'hui, à trente ans, les femmes salariées totalisent déjà deux trimestres de cotisation de moins que leurs collègues masculins. De surcroît, seul 1 % des pères arrêtent, réduisent ou interrompent leur activité professionnelle après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères.

Monsieur le ministre, puisque vous nous opposez une bataille de chiffres, je tiens de nouveau à vous rappeler que, depuis que votre gouvernement est au pouvoir, notre pays a chuté à la 137e place sur 142 au classement mondial relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes. Et vous osez parler de victoire pour les femmes ! Quelle triste victoire !

En réalité, votre texte les condamne une nouvelle fois à la défaite et celle-ci aura pour elles un goût encore plus amer puisqu’elles seront discriminées jusqu’à leur retraite. Il y a une certaine honte à aborder ainsi la question des droits des femmes, un irrespect que vous manipulez avec beaucoup d’efficacité. Je le regrette pour toutes ces femmes qui verront leur retraite rimer avec précarité.

Nous avons tout fait pour nous opposer à cette régression sociale inadmissible. Le texte est passé tout de même et on voit de quelle manière. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur la détermination des membres du groupe CRC-SPG pour rester mobilisés, aux côtés de nos concitoyens, jusqu’au retrait de cette réforme injuste.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

À l’issue de ces trois semaines de débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, il me reste le goût amer d’une occasion ratée, et j’en tire la désagréable impression que notre pays, faute de dialogue social, s’engage dans une crise sociale grave.

La discussion du projet de loi susvisé est donc une occasion ratée, car nous allons à contre-sens de l’Histoire.

Monsieur le ministre, vous partez d’un postulat faux ; vous pensez qu’il faut travailler davantage. Pourtant, dans nos sociétés développées, il est possible d’envisager autrement le travail. Grâce au progrès technologique, à l’augmentation de la productivité, la production des biens nécessaires à la société nécessite un travail d’une durée plus limitée qu’auparavant. De fait, c’est la question de la répartition du temps de travail qui est posée, non celle de son augmentation.

Face à la logique du principe « travailler toujours plus », induisant des heures supplémentaires à n’en plus finir, et à l’objectif de travailler toujours plus longtemps conduisant au report de l’âge de la retraite, nous, écologistes, proposons de travailler mieux, de travailler moins, mais de travailler tous.

L’écologie, est une question non pas subsidiaire, mais centrale. La nécessité de limiter les pollutions, de préserver l’air, les sols et les océans, d’économiser les ressources naturelles nous oblige à penser différemment l’activité humaine et les droits qui y sont associés. Nous pouvons, nous devons limiter la production des biens industriels qui ne sont pas indispensables et privilégier les activités de service, de santé et d’échanges. C’est pourquoi votre loi fait fausse route : oublier les contraintes environnementales, c’est s’assurer que votre projet n’a rien de durable.

Monsieur le ministre, votre réforme est inefficace, car les seniors ne trouveront pas plus d’emplois demain qu’aujourd’hui. En effet, le marché du travail dans notre pays est hyper standardisé ; c’est en France que le taux de productivité horaire est le plus élevé, ce qui signifie une recherche du salarié le plus conforme, le plus performant.

Le report de l’âge minimal de départ à la retraite n’a pas de sens lorsque ne sont pas résolues ni même abordées, les difficultés d’insertion des jeunes dans l’emploi et les départs anticipés des seniors.

Les quelques mesures que vous avez prises ne parviendront pas à enrayer ce processus d’exclusion des plus anciens du monde du travail.

Rien n’a été fait pour les jeunes, qu’ils soient étudiants, apprentis, stagiaires ou à la recherche d’emploi.

Votre politique de destruction des services publics dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de la petite enfance, de la dépendance est nuisible pour l’emploi et nous entraîne dans un cercle vicieux... Elle a pour conséquence moins d’actifs. Moins d’actifs, c’est moins de cotisations, et donc cela revient à « plomber » encore plus le système par répartition.

Contrairement à ce que vous affirmez, réformer les retraites sans réformer l’emploi, sans résorber le chômage ne permet pas de garantir la pérennité du système par répartition.

Monsieur le ministre, votre réforme n’est pas seulement de courte vue et inefficace ; elle est aussi injuste.

Si certains de nos concitoyens s’épanouissent au travail, la majeure partie des salariés sont soumis à des critères de rentabilité intenables, à un management qui les pressure toujours plus. Pour la plupart d’entre eux, le travail est aliénant.

Monsieur le ministre, pour comprendre la mobilisation sociale contre votre projet, vous devez vous plonger dans la réalité.

Pensez-vous que dans les raffineries ou sur les chaînes de montage, les ouvriers vont accepter de travailler en 3x8 deux ans de plus ?

Pensez-vous que les couvreurs, les charpentiers, qui grimpent sur les toitures, soient capables de le faire deux ans de plus ?

Pensez-vous que tous ceux qui sont exposés à des substances toxiques ou cancérigènes – ceux qui travaillent dans le secteur du bâtiment, par exemple – puissent continuer à les respirer deux ans de plus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Pensez-vous que les caissières de supermarché puissent réellement poursuivre ce travail à temps partiel subi, en horaires décalés, deux ans de plus, monsieur Longuet ?

Pensez-vous que les infirmières débordées, mille fois sollicitées, obligées de pallier le manque de personnel aient envie de continuer à ce rythme effréné deux ans de plus ?

Vous n’avez pas voulu prendre en compte la pénibilité au travail, et les salariés l’ont bien compris.

En revanche, vous avez pris en compte l’incapacité. Ainsi, il faut être usé, avoir perdu une partie de ses facultés pour partir à la retraite plus tôt. Quel aveu !

Il faut donc « être au bout du rouleau » pour bénéficier du repos.

Mais l’aliénation au travail ne se limite pas à la pénibilité ! Elle résulte aussi du développement du harcèlement moral, d’objectifs irréalisables imposés par une hiérarchie, d’une pression constante. Ce sont également des pratiques commerciales douteuses que l’on demande de mettre en œuvre au détriment de la notion de service public... Je fais bien évidemment référence aux drames que connaissent France Telecom et La Poste.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez réveillé la jeunesse, qui s’est mobilisée contre votre réforme.

Bien sûr, ces jeunes ne sont pas en train de compter leurs points de retraite, mais la jeunesse est solidaire, car elle est généreuse. Elle s’interroge sur le monde de demain que nous dessinons aujourd’hui. Elle ne veut plus entendre parler de chômage de longue durée, de stages sous-payés, de précarité.

Pensez-vous que la jeunesse soit insensible aux questions de société, aux inégalités ?

Monsieur le ministre, votre détermination à imposer cette réforme injuste aux salariés va créer une situation explosive, sans pour autant régler les contradictions économiques et échapper à la crise écologique.

Les écologistes voteront contre votre projet de loi. Et le bon sens voudrait que vous abandonniez incessamment cette réforme.

Nous pouvons éviter le pire, si vous vous décidez enfin à prendre en compte les attentes des Français et non les exigences brutales du patronat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

C’est une évidence pour tous, le projet de loi portant réforme des retraites aborde une question de société majeure puisqu’il touche au pacte républicain. Ce sujet aurait mérité un vaste débat national – c’est une conviction partagée –, qui aurait permis à l’ensemble des forces vives de s’exprimer.

Même, voire surtout, sur un sujet de société difficile, porteur d’enjeux, aucune réforme ne peut être menée sans acceptation de la population. Mes chers collègues, le vrai courage ne réside jamais dans le passage en force !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

C’est pourquoi, dès le début de l’examen du projet de loi susvisé, les membres de l’opposition avaient sollicité le recours au referendum. À nos yeux, la démocratie sort toujours renforcée de la consultation du peuple. Au surplus, assurance aurait été donnée que toute la réflexion nécessaire se serait déroulée dans notre pays.

Non seulement, monsieur le ministre, vous avez refusé cette opportunité d’appropriation par nos concitoyens, mais encore vous avez bafoué l’expression de leurs représentants par le passage en force que vous avez provoqué, appliquant l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

Comment comprendre le recours à la procédure du vote unique sur un tel sujet de société, alors que, par ailleurs, la procédure accélérée est de plus en plus systématique ? N’était-il pas impératif, sur cette question plus que sur toute autre, de laisser les débats se dérouler dans la sérénité et le temps nécessaire ?

Au contraire, vous avez voulu en finir au plus vite. Comprenez-le : les conditions de ce débat n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu.

Au-delà de ces raisons, en elles-mêmes suffisantes, un autre point, plus décisif encore, motive ma déception. Pour notre part, nous voulions offrir à nos concitoyens une véritable alternative. Celle-ci n’a même pas été examinée.

Je ne reviendrai pas sur chacune de nos propositions, qui, au demeurant, n’ont pas été retenues, qu’il s’agisse du financement, de l’emploi. Aucune des difficultés que nous avons soulevées devant vous, mes chers collègues, n’a été prise en compte. La pénibilité n’a pas obtenu la place majeure qu’elle méritait. Le rendez-vous sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été manqué.

Alors, mes chers collègues, si le présent projet de loi est voté, ce qui, en cet instant, ne semble pas improbable

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Certes, les Français connaissent la situation de notre pays. Ils savent qu’une vraie réforme est nécessaire. Ils comprennent notamment que l’allongement de l’espérance de vie au cours de ces dernières années modifie les conditions de l’équilibre du système des retraites.

Néanmoins, ils pressentent que l’effort demandé sera supporté par les plus fragiles d’entre eux. Et ils ne manquent pas d’arguments à vous opposer, arguments que nous n’avons eu de cesse de développer dans cette enceinte tout au long des dernières semaines, y compris un samedi et pendant des nuits.

Ces arguments, vous les avez repoussés d’un revers de main.

D’ailleurs, je vous reconnais, sur le fond comme sur la forme, une sorte de cohérence : il fallait aller vite puisque, de toute façon, pour vous il n’y avait qu’une réponse univoque, la vôtre.

Lorsque vous avez cru engager le dialogue avec les partenaires sociaux, vous n’avez cessé de leur dire : « On discute avec vous ? mais il n’y a qu’une seule voie possible, celle que nous avons définie ! »

Nos concitoyens le savent – et nous n’avons cessé d’insister sur ce point –, la pérennité du système de retraite passe par une politique de l’emploi active et dynamique.

Or ils constatent chaque jour l’augmentation inexorable du chômage. Au mois d’août, je le rappelle, nous avons franchi à nouveau la barre des 10 % de taux de chômage. Un jeune sur quatre est demandeur d’emploi !

Dans ce contexte, que faites-vous ? Vous préparez pour 2011 une diminution drastique des contrats aidés et vous réduisez les moyens alloués à Pôle emploi. Or, la solidarité entre les générations passe d’abord par l’emploi des jeunes.

Quand proposerez-vous un grand plan national ? Je joins ma voix, ce matin, à celle du secrétaire général de la CFDT, qui, hier, vous lançait ce même appel.

Admettez, du moins, que c’est un préalable à tout système de retraite juste socialement et pérenne financièrement.

Je n’oppose pas l’emploi des jeunes à celui des seniors, bien au contraire. Mais, pour faciliter l’emploi des seniors, vous vous contentez de renforcer le tutorat. Nous voulions aller plus loin en proposant un vrai plan d’accompagnement, vous l’avez refusé.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà des dispositions que vous vous apprêtez à faire adopter, il est encore temps, et je vous invite à entendre les forces sociales !

Ce que je vous propose n’est pas sans lien avec notre sujet d’aujourd’hui : je vous invite à ouvrir une vaste négociation dans notre pays sur l’emploi, notamment sur l’emploi des jeunes.

Rappelez-vous, nos concitoyens placent l’emploi au premier rang de leurs préoccupations. Cela mérite d’être entendu !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je n’attendais pas grand-chose de la commission mixte paritaire à laquelle j’ai assisté hier, et je n’ai pas été déçu…

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

En revanche, j’ai été déçu, tout au long de ces trois semaines, par notre faux débat. Ce matin, j’ai été étonné, lorsque j’ai entendu le rapporteur des affaires sociales, M. Dominique Leclerc, et le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, dire avec emphase – un peu moins que le ministre, d’ailleurs, il faut le reconnaître : « Nous avons, en quelque sorte, accouché d’une très bonne réforme ! ».

Où va se nicher la perversion lorsque l’on essaie de défendre avec mauvaise foi un mauvais texte ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Une bonne réforme – celle-ci n’en est pas une – est une réforme qui est acceptée par ceux auxquels elle s’adresse.

Si l’on gratte un peu, derrière ce satisfecit que se délivrent les orateurs dont je viens de faire état, que voyons-nous ?

On nous a beaucoup parlé, pendant ces trois semaines, d’économie, monsieur le ministre. Mais, sur nos rangs, et j’espère un peu sur les vôtres, on estime que l’économie doit être au service de l’homme et non l’inverse.

Or que constatons-nous ? Dans les entreprises, les gains de productivité et les valeurs ajoutées ne sont pas partagées d’une manière équitable. Là, nous aurions peut-être la possibilité de trouver des ressources sans avoir recours à des expédients, sur lesquels je reviendrai, concernant la démographie.

Ces gains de productivité vont toujours vers les mêmes ! Si encore cela permettait de créer des emplois et de produire des revenus d’une manière indirecte, ce ne serait qu’un moindre mal… Mais cela ne fait qu’encourager la spéculation et l’argent pour faire de l’argent et non l’argent pour créer des emplois ou pour répondre aux maux de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Il y a là une injustice !

On a beaucoup parlé d’injustice ce matin et pendant ces trois semaines. Là aussi, une injustice matricielle existe. Au lieu de créer des emplois, on a réussi à créer un formidable « boom » nucléaire de l’économie et de la finance, avec la crise que l’on traîne encore comme un boulet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Tout cela retentit sur nos retraites.

Selon vous, notre sensibilité politique, la gauche, les socialistes, ne sauraient par résoudre le problème des retraites. Mais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, on ne peut prendre cette question de manière isolée. Il faut l’enserrer dans un ensemble politique – la politique économique et fiscale, la politique des revenus. C’est un ensemble qui doit être pris en considération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

C’est au niveau de cet ensemble qu’a pris place, dans nos propositions, notre réforme des retraites.

Oui, il faut une réforme des retraites – nous l’avons toujours dit et nous le maintenons – mais pas la vôtre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Votre réforme des retraites laisse sur le bord de la route les plus fragiles d’entre nous, notamment les femmes.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

S’il vous plaît, écoutez un peu les voix divergentes !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

On vous demande d’écouter, pas de comprendre, ce ne serait pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

On compte actuellement 1 million de retraités pauvres ; avec votre réforme, cette cohorte va grossir !

Avec des mesures qui semblent anecdotiques, en « déplaçant les bornes » – comme si l’on était à la campagne, dans un champ ! –, en déplaçant les bornes de deux ans donc, on renverra au chômage ou dans la pauvreté des millions de personnes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Nous ne pouvons pas l’accepter et nous ne l’accepterons pas !

Par ailleurs, vous prétendez prévoir des dispositions en faveur des handicapés. Or hier, en commission mixte paritaire, un amendement tendait à revenir en arrière en renvoyant à un décret. Nous savons bien ce qu’il en est…

Comme je vous l’ai dit plusieurs fois, monsieur le ministre, vous cherchez toujours à prendre des mesures qui s’appliqueraient à la partie la plus restreinte des handicapés et, parmi ceux-ci, aux plus handicapés.

Heureusement, nous veillions et nous avons pu contrer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Pour les infirmières – j’ai développé très longuement cette question –, vous marchandez la pénibilité contre le pouvoir d’achat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Tout le monde doit pouvoir profiter d’un pouvoir d’achat décent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

M. Jacky Le Menn. Or, actuellement, les plus pauvres sont encore plus pauvres et ceux qui n’auront pas de retraites le seront encore davantage et continueront à payer les augmentations d’électricité, de gaz et de toutes les matières premières.

Manifestations d’impatience sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

M. Jacky Le Menn. Chers collègues, vous qui êtes impatients de vous rendre je ne sais où – peut-être pour manger tout à votre faim ! –, sachez que nous adressons ce message à nos concitoyens : Non, ne désespérez pas !

Rires sur les travées de l ’ UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Rien n’est fini, d’autres solutions existent ! Nous saurons, en leur temps, les mettre en œuvre avec vous !

Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Mesdames et messieurs les sénateurs de gauche, il y a toujours d’autres solutions, mais vous devriez dire lesquelles !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Les solutions que vous avez mises en avant ne se sont résumées qu’à des augmentations de la fiscalité et des impôts !

Vives protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

À l’issue de ce débat, je voudrais, encore une fois, combattre la campagne

Les protestations s’amplifient.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Si vous n’acceptez pas la contradiction, je vous renvoie le compliment que vous nous avez adressé tout à l’heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

On a écouté M. Le Menn, qu’on écoute le ministre !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je voudrais, disais-je, combattre la campagne de désinformation que vous avez mise en place.

Brouhaha persistant, couvrant la voix de l’orateur.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Premièrement, la réforme que nous vous avons présentée est le fruit d’un long dialogue social.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Elle est le fruit de discussions avec l’ensemble des acteurs de la société française, que ce soit les partis politiques ou les partenaires sociaux. Nous avons pris en compte l’ensemble des propos qui ont été tenus sur la réforme.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

L’UMP parle à l’UMP !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Deuxièmement, la réforme est efficace.

Vives dénégations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Or une réforme qui assure le financement de nos régimes de retraite est juste par nature car la première des injustices est de financer les retraites sur du vent ou sur du sable ! Nous ferons donc une réforme efficace.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Troisièmement, la réforme que nous vous présentons est évidemment juste.

Nouvelles exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il ne suffit pas d’avoir ce beau mot à la bouche, il faut le mettre en application. (Hourvari sur les mêmes travées.) C’est ce que nous faisons.

Cette réforme est juste car elle permet à ceux qui ont commencé tôt de partir plus tôt. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous n’avez jamais voté ce type de dispositifs !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Nouvelles protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Cette réforme est juste car elle permet à celles et ceux qui ont eu une carrière pénible de partir plus tôt. Vous n’avez jamais voté un tel dispositif !

Les protestations se poursuivent crescendo.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Elle permet aux femmes qui ont interrompu leur vie professionnelle de partir plus tôt et de bénéficier d’une retraite à taux plein plus tôt que les autres salariés. Vous n’avez jamais voté ce type de mesures !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Elle permet aussi aux travailleurs handicapés, comme aux parents de handicapés de partir plus tôt. Vous n’avez jamais, non plus, pris la moindre mesure dans ce domaine !

Vifs applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Oui, cette réforme est juste et nous le prouvons !

Tollé sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Juste ! Comment pouvez-vous dire une chose pareille ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Enfin, quatrièmement, la réforme ne ferme pas le débat.

Brouhaha persistant sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

(Hou ! sur les travées du groupe socialiste.) Écoutez M. le ministre ! Votre conduite est indigne !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

S’il vous plaît ! Nous avons écouté Jacky Le Menn en silence alors que ses propos ne nous plaisaient pas. Soyez au moins polis ! §

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je remarque que, sur les débats importants, la gauche perd toujours son sang-froid !

Les sénateurs du groupe socialiste protestent en martelant leurs pupitres.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je remarque aussi que la gauche est incapable d’accepter la moindre contradiction. Vous êtes toujours favorables au débat, mais vous n’acceptez jamais la contradiction. Il faudra résoudre ce paradoxe !

La voix de l’orateur est de plus en plus couverte par le tumulte.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je le répète, nous n’avons pas fermé le débat. Nous avons dit qu’à partir de 2013 nous pourrions réfléchir à une réforme systémique par points. Je ne sais pas si une telle réforme est opportune ou non. Tout ce que je sais, c’est que cette réflexion ne peut prendre corps que si le régime par répartition actuel est consolidé sur le plan financier.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

L’ensemble de ce que nous faisons aujourd’hui dans la difficulté, contre les forces de conservation qui sont présentes à la gauche de cet hémicycle

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour ces quatre raisons la réforme que nous vous proposons est moderne, tout en confortant l’un des éléments fondamentaux de notre patrimoine social : le régime de retraite par répartition.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur de nombreuses travées de l’Union centriste. – Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent pour applaudir pendant que les huées se prolongent sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente.