Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un grand désarroi et une vraie colère que nous sommes amenés à prendre la parole aujourd’hui, alors que nous sommes arrivés au terme d’une procédure législative qui, de bout en bout, a été menée à marche forcée.
Force est de constater que, face au rouleau compresseur idéologique et médiatique, il ne reste que très peu de place pour la démocratie. Les principes sont malmenés et, d’ailleurs, la procédure tronquée de la restitution de la commission mixte paritaire de ce jour n’en est que la dernière illustration.
Depuis le mois de juin, le Président de la République et son gouvernement ont décidé de nous imposer un texte sur les retraites, quoi qu’il en coûte à notre pays. Ce texte, principalement destiné aux agences de notation, nos concitoyens n’en veulent pas, ils le disent depuis la communication de votre projet.
Mais le Gouvernement n’en a cure et il s’obstine à faire de la rentrée 2010 une date marquante dans les étapes de la régression sociale qu’il nous impose depuis des années.
Cette fois encore, je le déplore, les victimes de ce texte seront les femmes !
Alors que vous avez à plusieurs reprises dénoncé les inégalités professionnelles entre femmes et hommes comme le « scandale de la République », vous ne faites rien, monsieur le ministre, ici comme ailleurs, pour y remédier.
Vous l’aviez dit, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes « n’était pas le sujet de ce texte ». Vous avez tenu parole puisque ce dernier n’apporte rien, ou quasiment rien, pour réduire les inégalités salariales subies par les femmes.
Le présent projet de loi constitue un recul pour tous, en particulier pour les femmes. Or vous tentez de le présenter comme une grande progression pour les droits de celles-ci ! Votre objectif était de gagner la bataille de l’opinion – car, vous le savez, un électeur sur deux est une femme – mais, là aussi, vos discours se sont fracassés contre les réalités.
Objectivement, avec ce texte, toutes les conditions sont réunies pour que les inégalités dont sont victimes les femmes en matière de retraite perdurent et s’aggravent. Dans notre système par répartition, le montant des retraites de ces dernières est le double reflet de leur parcours professionnel, en raison tant des petits salaires qu’elles auront perçus que du nombre de trimestres qu’elles n’auront pas pu valider.
La retraite concentre donc des inégalités, car elle arrive en bout de chaîne. La carrière professionnelle des femmes s’articule souvent entre-temps partiel imposé, précarité, discrimination à l’embauche, salaires inférieurs à ceux des hommes, congés de maternité, congé parental... Avec votre réforme, elles devront subir les conséquences des inégalités de notre société, y compris au cours de leur retraite.
En matière de lutte contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, alors que la loi de 2006 n’est toujours pas appliquée, les membres de mon groupe avaient formulé des propositions. Vous avez délibérément refusé d’en débattre, en recourant à la procédure du vote unique et au couperet de l’article 40 de la Constitution.
Aujourd’hui, les femmes peuvent partir à la retraite à 65 ans tout en percevant une pension à taux plein. Avec le texte qui résultera de nos travaux, il leur faudra dorénavant cumuler énormément de conditions pour conserver ce droit : être nées entre 1951 et 1955, avoir élevé au moins trois enfants, avoir interrompu leur activité professionnelle à cette fin et avoir validé au préalable un nombre minimal de trimestres.
Monsieur le ministre, selon vous, 130 000 femmes seraient concernées – vous annoncez fièrement ce chiffre ; or seules 25 000 d’entre elles le seraient selon les syndicats. C’est très peu !
Le dispositif destiné aux mères de famille fonctionnaires qui, selon vous, était un avantage réservé à certaines femmes, m’inquiète également. Vous faites erreur : loin d’être un privilège, ce dispositif permet seulement à des femmes d’effectuer un choix de vie !
Vous affichez un grand satisfecit, estimant réglée pour les nouvelles générations la question de l’égalité. Or vous savez bien qu’il n’en est rien. Aujourd'hui, à trente ans, les femmes salariées totalisent déjà deux trimestres de cotisation de moins que leurs collègues masculins. De surcroît, seul 1 % des pères arrêtent, réduisent ou interrompent leur activité professionnelle après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères.
Monsieur le ministre, puisque vous nous opposez une bataille de chiffres, je tiens de nouveau à vous rappeler que, depuis que votre gouvernement est au pouvoir, notre pays a chuté à la 137e place sur 142 au classement mondial relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes. Et vous osez parler de victoire pour les femmes ! Quelle triste victoire !
En réalité, votre texte les condamne une nouvelle fois à la défaite et celle-ci aura pour elles un goût encore plus amer puisqu’elles seront discriminées jusqu’à leur retraite. Il y a une certaine honte à aborder ainsi la question des droits des femmes, un irrespect que vous manipulez avec beaucoup d’efficacité. Je le regrette pour toutes ces femmes qui verront leur retraite rimer avec précarité.
Nous avons tout fait pour nous opposer à cette régression sociale inadmissible. Le texte est passé tout de même et on voit de quelle manière. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur la détermination des membres du groupe CRC-SPG pour rester mobilisés, aux côtés de nos concitoyens, jusqu’au retrait de cette réforme injuste.