Le dispositif préexistant a fait l'objet de maintes critiques, portant, notamment, sur le manquement de transparence, auquel il convient d'ajouter le risque accru de collusion entre les services de police spécialisés et la justice.
La spécialisation, en particulier au stade des investigations, est, certes, concevable. Toutefois, cette spécialisation est peu, voire pas du tout justifiée au stade de l'aménagement des peines.
Dans le cas de peines criminelles, supérieures à dix ans de réclusion, et à l'exclusion des fins de peine, les juridictions compétentes pour aménager une éventuelle sortie anticipée se doivent de statuer de manière collégiale.
Étant dans tous les cas en possession des principaux éléments du dossier pénal, les juridictions de l'application des peines sont parfaitement averties de la nature des faits à l'origine de la condamnation. Elles possèdent donc tous les éléments de nature à les conduire à la plus grande circonspection. De plus, les statistiques de la libération conditionnelle sont là pour démontrer qu'elles ne se départissent pas de cette circonspection.
Des motifs de sécurité ne sauraient venir appuyer les dispositions proposées. En effet, les renseignements éventuels relatifs à un risque objectif de reprise d'une activité dangereuse peuvent parfaitement être transmis aux juridictions de l'application des peines, soit à leur demande, soit sur l'initiative du parquet, parquet qui, dans de tels cas, fait heureusement preuve d'une vigilance toute particulière.
Enfin, la multiplication des sites de détention de personnes purgeant des peines après une condamnation pour faits de terrorisme ne peut suffire à une telle spécialisation. Les juges de l'application des peines sont compétents là où ils sont et y appliquent la loi et la jurisprudence du mieux qu'ils le peuvent.
Que le garde des sceaux commence donc par leur donner de vrais moyens financiers et humains avant de commencer par tout vouloir centraliser !
Cette volonté de spécialisation accrue n'a donc pas de réels motifs techniques. Elle semble plutôt faire écho à un impératif tendant à faciliter le contrôle de l'exécutif sur les décisions judiciaires en ce domaine.
Après avoir dessaisi les juges de l'initiative et du contrôle de l'investigation antiterroriste, le Gouvernement semble décidé à museler leur capacité d'autonomie au stade de l'aménagement des peines.