Intervention de Michel Barnier

Réunion du 5 février 2008 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Michel Barnier, ministre :

L'écart de prix du maïs entre les États-Unis et l'Europe, qui peut aller jusqu'à 100 euros par tonne, souligne déjà le différentiel de compétitivité.

D'ailleurs, la compétitivité de notre agriculture dépasse largement la seule économie agricole. Elle est un enjeu majeur pour notre économie nationale. Je rappelle, en effet, que l'agriculture permet de dégager plus de 9 milliards d'euros d'excédents commerciaux et qu'elle représente, avec le secteur agro-alimentaire, près de 1, 5 million d'emplois dans des territoires souvent difficiles, dont le Sénat est le représentant.

Face à ce défi, le plan de 45 millions d'euros en faveur des biotechnologies végétales est un signal très fort, voulu par le Gouvernement.

Avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, dont je veux saluer ici l'engagement résolu sur ce dossier, nous partageons la même volonté d'accélérer le développement de la recherche française dans le domaine des biotechnologies.

La recherche n'est pas une option, c'est une nécessité vitale. Elle se fait non pas uniquement dans les laboratoires, mais aussi par des expérimentations en milieu ouvert. Il nous faut donc une recherche en plein champ, et dès 2008, comme il faut des essais en vol pour l'aéronautique !

Voilà pourquoi j'avais demandé, et obtenu, avec l'arbitrage du Premier ministre, que, par décret, une commission d'évaluation des demandes d'autorisation d'essais en plein champ soit mise en place, en attendant la future instance prévue dans le projet de loi sur les OGM. Cette commission nous permettra d'autoriser, dès 2008, des essais en plein champ, dans des conditions naturellement sécurisées.

Au-delà même de la recherche - qui est indispensable -, nous devons également répondre à la perte de confiance de la société vis-à-vis de la science et du développement. Nous devons impérativement la restaurer sur ces questions de biotechnologies et d'OGM. Il en va de notre responsabilité commune en tant qu'acteurs de la vie politique de notre pays, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.

Le projet de loi dont vous allez débattre est une étape importante sur le chemin de la confiance. Il prévoit d'encadrer l'utilisation des OGM sur la base des principes affichés lors de ce grand rendez-vous qu'a été le Grenelle de l'environnement : responsabilité, précaution, transparence et libre choix.

Comme vous le savez, la directive 2001/18/CE a été transposée par décret dans toutes ses dispositions obligatoires. Elle laissait aux États membres la possibilité de fixer des garanties de coexistence entre les cultures OGM et l'agriculture conventionnelle. La loi est nécessaire pour les définir, de même que pour réformer l'instance d'évaluation.

Sans revenir dans le détail du texte que vous allez examiner au cours de ces prochains jours, je souhaite simplement évoquer trois points, auxquels je suis attaché en tant que ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tout d'abord, l'article 2 prévoit une instance d'évaluation, qui doit répondre à trois objectifs : regrouper des expertises qui étaient jusqu'à présent éclatées entre plusieurs instances, en particulier au sein de la commission du génie biomoléculaire et de la commission du génie génétique ; renforcer l'expertise dans certaines disciplines et développer l'analyse socio-économique ; élargir la composition de l'instance - c'est, d'ailleurs, tout à fait légitime - à des représentants de la société civile.

Ces évolutions s'effectueront en complément des missions qui sont également dévolues à d'autres structures autonomes. Ainsi, l'AFSSA conservera son mandat d'évaluation du risque sanitaire et travaillera avec la Haute autorité lorsque son expertise sera nécessaire.

II nous faut par ailleurs instituer, d'une manière ou d'une autre, le comité national de biovigilance, dont le mandat dépassera les seules questions relatives aux OGM. Je pense, en particulier, à la biovigilance liée aux phytosanitaires. Je n'oublie pas que le Président de la République m'a demandé de conduire, en liaison avec plusieurs ministères dont celui de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, un plan très ambitieux, que j'ai intitulé « éco-phyto 2018 », conduisant à réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires dans les dix ans qui viennent. S'agissant des OGM, ce comité travaillera en concertation avec l'instance d'évaluation.

Il nous faut, enfin, tirer les leçons de l'évaluation qui a été menée par le comité de préfiguration de la Haute autorité sur le maïs MON810.

II vous appartiendra de préciser le fonctionnement de la future instance d'évaluation. Celle-ci devra permettre aux responsables politiques de décider sur la base d'un avis scientifique clair tout en prenant en compte, par ailleurs, des considérations d'ordre socio-économiques.

Je parlerai maintenant de la responsabilité - ce sera le deuxième point de mon intervention -, qui fait l'objet de l'article 5 du projet de loi.

La coexistence entre cultures OGM et cultures conventionnelles exige un partage clair des responsabilités. Nous avons besoin d'un régime de responsabilité de plein droit pour le préjudice économique qui pourrait résulter de la présence accidentelle d'OGM.

Le système d'indemnisation ne pourra fonctionner que si l'on précise suffisamment le champ d'application de la responsabilité de plein droit de l'agriculteur qui a fait le choix des OGM dans le temps - pour une même campagne de production - et dans l'espace. À cet égard, il nous faudra fixer par voie réglementaire des règles extrêmement claires concernant la distance de dissémination - question très difficile - par type de culture.

L'obligation de souscrire une garantie financière pourra permettre de se prémunir contre un tel risque. Toutefois, cette obligation ne doit pas devenir une interdiction cachée si aucun produit assurantiel n'est mis sur le marché.

Enfin, j'évoquerai - et ce sera mon dernier point - la question de la transparence. Comme l'a indiqué Jean-Louis Borloo, elle est l'un des éléments du débat démocratique. Je suis naturellement d'accord avec lui.

Restaurer la confiance, c'est aussi montrer que nous n'avons rien à cacher. Nous devons être extrêmement rigoureux sur l'exigence de transparence.

L'absence d'informations suscite l'inquiétude - c'est souvent le silence qui nourrit les peurs - et sert de prétexte à des actions illégales et inacceptables à l'encontre des producteurs.

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