Séance en hémicycle du 5 février 2008 à 16h00

Résumé de la séance

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  • OGM
  • biotechnologie
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  • manège

La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Hier, lors du Congrès, M. François Vendasi a voté par procuration.

Il a été comptabilisé comme ayant voté pour le texte alors qu'il souhaitait voter contre.

Je souhaite donc que son vote soit rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Acte est donné de cette mise au point, monsieur de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction (nos 136, 162).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le 30 octobre dernier, ici même, je remerciais M. le rapporteur de l'intérêt et de la pertinence de sa proposition de loi, destinée à renforcer la sécurité des manèges et attractions, et donc à préserver la santé des personnes qui viennent se divertir dans les différents parcs de loisirs.

Votre assemblée avait adopté à l'unanimité un texte très proche de cette proposition et l'avait enrichi par des amendements importants.

Je remercie la Haute Assemblée d'avoir accepté d'examiner ce texte une seconde fois si peu de temps avant la suspension de ses travaux. J'en sais gré tout particulièrement au président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, et à son rapporteur, Pierre Hérisson. C'est la preuve de l'intérêt que vous portez à ce texte très important pour la sécurité de nos concitoyens.

Je rappelle que cette proposition de loi vise à renforcer la sécurité des manèges, machines et autres installations pour fêtes foraines et parcs d'attractions en créant une obligation de contrôle technique périodique de ces matériels, qu'ils soient neufs ou déjà en exploitation, par des organismes indépendants et compétents agréés par l'État.

C'était la volonté que vous aviez exprimée lors de la première lecture de ce texte et les députés ont approuvé le dispositif le 12 décembre dernier.

Les députés ont également souhaité apporter quelques amendements de précision visant, notamment, pour tenir compte de la diversité des matériels et des conditions d'exploitation, à poser à l'article 2 le principe d'un contrôle technique effectué par l'entité la plus compétente pour y procéder : un organisme agréé par l'État ayant le rôle de le vérifier, c'est-à-dire de valider la pertinence et la qualité de ce contrôle technique.

Cette possibilité, mesdames, messieurs les sénateurs, ne sera en aucun cas de nature à diminuer le niveau de sécurité que nos concitoyens sont en droit d'attendre des matériels mis à leur disposition pour se divertir.

Par ailleurs, un amendement voté par l'Assemblée nationale vise à prévoir que le Gouvernement adresse annuellement au Parlement un rapport sur l'accidentologie dans les fêtes foraines et les parcs d'attraction.

Cette disposition, qui fait l'objet de l'article 2 ter, permettra de mesurer l'efficacité du dispositif législatif et réglementaire que vous avez souhaité mettre en place, monsieur le rapporteur.

Comme vous le voyez, c'est un texte répondant bien à votre volonté initiale de renforcer la sécurité des consommateurs qui revient devant vous cet après-midi.

Il précise le dispositif, notamment sur les deux points que je viens d'évoquer.

Un vote conforme de votre part nous permettrait de prendre dans les meilleurs délais les mesures, décrets et arrêtés, d'application de ce texte, de façon à rendre le dispositif immédiatement opérationnel.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre concours sur cette proposition de loi déposée par M. le sénateur Pierre Hérisson, que vous avez su enrichir et rendre directement applicable, dans l'intérêt de l'ensemble des consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 30 octobre dernier, nous adoptions la proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur.

Au delà des opinions et des tendances politiques, ce texte avait réussi à emporter l'unanimité de la Haute Assemblée, ce dont je me félicite. Nous pouvons tous être heureux de cette situation.

Pour la première fois dans notre pays, un cadre légal va réglementer spécifiquement l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, et confier à des organismes indépendants et agréés par l'État le soin de vérifier ou d'effectuer eux-mêmes des contrôles techniques périodiques permettant de garantir la sécurité de ces machines pour des utilisateurs qui sont - faut-il le rappeler ? - toujours plus nombreux et amateurs de sensations de plus en plus fortes.

Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la deuxième lecture de ce texte, après son adoption le 12 décembre dernier par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Permettez-moi de saluer les apports significatifs des députés, qui s'inscrivent, d'ailleurs, dans le droit-fil des travaux ayant abouti à la présentation de cette proposition de loi.

Les modifications rédactionnelles et les compléments introduits n'ont pas remis en cause l'économie générale du texte qui comprend, désormais, cinq articles, contre quatre initialement adoptés par le Sénat.

S'agissant de l'article 1er, les députés ont adopté un amendement visant à éviter que les exploitants de manèges ne soient déclarés responsables pour la conception et la fabrication des matériels.

Cette précision, selon laquelle les manèges doivent être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à « présenter » et non pas à « assurer » la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, me paraît être de nature à permettre une prise en compte équitable de la responsabilité de chacun.

Cette formulation, qui reprend les termes mêmes de l'article L. 221-1 du code de la consommation, apparaît ainsi préférable en ce qu'elle aligne le régime applicable aux exploitants de manèges sur le régime général.

Concernant l'article 2, qui est, me semble t-il, le point phare de cette loi puisqu'il vise à instituer des contrôles techniques obligatoires et réguliers, nos collègues de l'Assemblée nationale ont voulu élargir les modalités de ces contrôles en posant le principe d'un contrôle technique effectué par l'entité la plus compétente pour y procéder, doublé, en tout état de cause, d'une validation de ce contrôle technique par des organismes agréés par l'État, conformément à ce que vous aviez souhaité, monsieur le secrétaire d'État.

Je suis tout à fait favorable à cette formulation, ayant pu constater moi-même, lors d'un déplacement dans un parc de loisirs bien connu de Marne-la-Vallée, que les équipes de contrôle et sécurité des attractions étaient tout aussi compétentes que la plupart des bureaux indépendants.

J'en viens à l'article 2 bis qui, je le rappelle, a été introduit à la suite d'un amendement déposé par notre collègue Jean-Marc Pastor, avec avis favorable de la commission des affaires économique ; il vise à instituer une obligation d'information de l'usager sur le contrôle technique des équipements.

Les députés l'ont modifié par un amendement de coordination ainsi que par un amendement de précision. Ils ont, en effet, rappelé que l'obligation d'affichage incombant à tout exploitant doit concerner l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir des attractions.

Par ailleurs, les termes d' « organisme de contrôle technique » se substituent à ceux d' « organisme certificateur ». J'estime qu'il s'agit là d'une précision rédactionnelle d'importance, puisque la certification n'a pas la même portée juridique que le contrôle technique, la première procédure étant plus adaptée au domaine industriel ou à la fabrication qu'à l'exploitation des manèges.

L'article 2 ter est un article nouveau, introduit à l'Assemblée nationale par un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Bernard Gérard, et adopté à l'unanimité.

Il vise à prévoir le dépôt d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur l'accidentologie dans les fêtes foraines et les parcs d'attraction. Je ne peux que me féliciter de cette initiative qui, à l'évidence, sera l'occasion de renforcer l'information de la représentation nationale sur un secteur qui attire des millions de Français chaque année.

L'article 3, enfin, qui vise à prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour préciser le dispositif légal, a fait l'objet d'un vote conforme par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Je veux profiter de votre présence, monsieur le secrétaire d'État, pour obtenir votre engagement, devant notre assemblée, de prendre le plus rapidement possible les dispositions réglementaires qui s'imposent afin que le nouveau dispositif entre en vigueur avant l'été prochain.

Cet engagement est non seulement attendu par les professionnels forains et les exploitants des parcs de loisirs, mais également par les usagers, toujours plus nombreux, pour qui la fête foraine doit rester un lieu de divertissement et de loisir, dans des conditions de sécurité optimales.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec l'examen du projet de loi sur la sécurité des manèges, nous avons pu constater avec plaisir que le Parlement pouvait encore - une fois n'est pas coutume ! - travailler dans de bonnes conditions.

En effet, nous avons eu accès au rapport dans des délais plus que raisonnables, l'urgence n'a pas été déclarée et la commission des affaires économiques a eu la grande amabilité de nous fournir les documents nécessaires à la formation de notre jugement, notamment sur le contenu des normes de sécurité.

Il est vrai que cinq minutes pour exprimer la position de mon groupe sur le sujet, ce n'est pas grand-chose. Mais tout est relatif quand on sait que nous n'avons pas bénéficié d'une minute de plus, hier, au congrès de Versailles, sur un sujet beaucoup plus controversé !

Sur le fond, ce texte, qui vise à créer un cadre légal pour réglementer l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, a largement bénéficié de sa préparation en amont par l'Association des maires de France, le groupe de travail « Fêtes foraines » et les forains eux-mêmes.

Ce travail préparatoire a débouché le 17 août dernier sur la signature d'une convention sur la sécurité des manèges regroupant les professionnels, les organismes de contrôle, les maires et les ministres concernés.

Le texte a été sensiblement enrichi par les députés, qui ont déposé et adopté un certain nombre d'amendements visant à tenir compte de la diversité des équipements auxquels s'appliquent les contrôles ou à renforcer les garanties afférentes à ces derniers.

Aujourd'hui, la commission des affaires économiques, saluant le travail accompli, nous propose de voter ce texte en l'état, ce que nous ferons.

Cela étant, j'aimerais, sans vouloir troubler ce tableau idyllique, faire quelques remarques.

Tout d'abord, si le texte pose le principe de l'obligation de contrôles techniques initial et périodiques, s'il prévoit que ces contrôles, à la charge des exploitants, devront être effectués par des organismes agréés par l'État, indépendants des exploitants, afin d'éviter au maximum les collusions d'intérêts dans la profession, il reste que le contenu des exigences de sécurité relève d'un décret en Conseil d' État. Se pose, dès lors, la question de la teneur de ces contrôles. Cette question est d'autant plus légitime que le texte européen de référence en la matière, la norme NF EN 13814, a évolué vers une harmonisation par le bas.

Ensuite, je tiens à rappeler que cette nouvelle réglementation serait totalement inutile si les moyens, en termes de personnels et de qualification, ne l'accompagnaient pas.

Or, nous savons que les maires n'ont pas la compétence technique pour effectuer le contrôle des installations et des terrains. La direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, la DGCCFR, rencontre les mêmes difficultés techniques ; en outre, elle est confrontée à des contraintes liées au manque de personnel pour répondre aux missions qui lui sont confiées par le code de la consommation.

Un amendement, rejeté par la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale, apportait un début de réponse aux problèmes que peuvent connaître un certain nombre de maires, dans des communes de petite taille, pour remplir ce devoir de sécurité qui est le leur en ce qui concerne les manèges et les équipements. Il avait pour objectif de leur ouvrir la possibilité de requérir une visite de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité avant toute mise en oeuvre ou lors de l'exploitation des machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation.

Enfin, si la proposition de loi prévoit les dispositions nécessaires afin que des organismes indépendants et agréés par l'État exercent ce contrôle, nous savons que celui-ci demande un savoir-faire spécifique. Je pose donc de nouveau la question : à qui va-t-on confier ce contrôle, si ce n'est à d'anciens professionnels, d'anciens forains ?

Ces remarques faites, comme je vous l'ai annoncé il y a quelques instants, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront pour la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fête foraine de Lille, parc de loisirs Nigloland dans l'Aube, fête foraine de Creil, fête du parc Saint-Paul, parc Astérix, fête des Loges, nombreux sont les lieux de fête et de loisirs qui connaissent des accidents parfois dramatiques, comme celui qui a coûté la vie à un père et son fils l'été dernier à Saint-Germain-en-Laye.

Cette actualité a motivé la présente proposition de loi, dont nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture et qui a pour objet d'introduire une base légale à la réglementation régissant l'activité des parcs d'attraction et des fêtes foraines.

Jusqu'à aujourd'hui, dans notre pays, la sécurité des installations de manèges reposait sur les mesures volontaires initiées par les professionnels en coordination avec les pouvoirs publics. En cas d'insuffisance avérée, le maire disposait du pouvoir d'interdire l'exploitation d'une installation. De fait, de tels arrêtés étaient très rares, non que la sécurité des manèges soit partout optimale, mais parce que, surtout, les maires ne disposaient pas forcément de l'ensemble des éléments leur permettant de prendre une décision sereine.

On imagine, en outre, combien la pression pouvait être grande sur un maire quand il devait peser le pour et le contre avant d'arrêter une décision lourde de conséquences économiques, mais aussi sociales et politiques : en effet, annuler une fête foraine ou l'installation d'un forain dans une ville ou un village n'est pas chose facile.

L'Association des maires de France s'était depuis longtemps manifestée pour que les maires disposent de moyens plus performants et du soutien des services compétents de l'État afin de les aider dans leurs tâches de contrôle. De discussions en protocoles, les maires s'étaient déclarés satisfaits des avancées obtenues l'été dernier, notamment, dans ce domaine.

Mais, derrière tout cela, se profile aussi une volonté d'affichage du Gouvernement, ce que l'on peut d'ailleurs comprendre. C'est ainsi que vous avez décidé, l'année dernière, d'inscrire dans la loi un mécanisme qui, finalement, ne devait pas forcément y figurer. Mais, en France, on le sait, la loi « parle » au peuple ; sans loi, point de crédibilité. Elle a, d'ailleurs, tendance à devenir un instrument au service de la communication plutôt qu'au service du droit.

En fait, vous auriez pu simplement vous appuyer sur la DGCCRF pour que soit respectée l'obligation générale de sécurité définie à l'article L. 221-1 du code de la consommation. Vous auriez pu aussi décider de rendre obligatoire la norme européenne 13 814 « machines et structures pour fêtes foraines », homologuée en France le 17 septembre dernier, par simple décret. Mais ces décisions, d'ordre réglementaire, sont incontestablement moins lisibles, moins visibles et moins médiatiques qu'une loi !

Puisque nous y sommes, monsieur le secrétaire d'État, pour assurer vraiment la sécurité des manèges, il eût été logique de rendre obligatoire la norme 13 814. Mais vous avez choisi la loi et nous devons, au moins, la faire bien.

Je dois reconnaître que la navette a permis au moins une avancée majeure : désormais, l'article 2 ter prévoit qu'un rapport du Gouvernement est remis chaque année au Parlement sur l'accidentologie survenue lors des fêtes foraines et dans les parcs d'attraction.

Je m'étais étonné, en effet, avec vous de la faiblesse des connaissances statistiques de l'accidentologie sur les manèges. Je doute que nous ayons résolu tous les problèmes que posera une telle collecte d'informations, mais elle me paraît nécessaire pour conduire une politique en matière de consommation. Nous connaîtrons ainsi les causes des accidents, et certainement serez-vous en mesure de prendre les décisions règlementaires adéquates pour les limiter.

En première lecture, je m'étais enfin inquiété de l'application des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité des salariés dans le secteur forain. Les inspecteurs du travail semblent ne plus être associés aux commissions de sécurité depuis quelques années.

De même, il nous paraît important de mettre l'accent sur la formation des opérateurs permanents ou saisonniers appelés à intervenir sur les manèges forains. Souvent, ce sont aussi eux qui s'occupent de l'entretien, assurent les contrôles préventifs quotidiens et les opérations de manutention des manèges ainsi que la maintenance courante. Ils doivent pouvoir accéder à des modules de formation débouchant sur une qualification. Que prévoyez-vous en ce sens, monsieur le secrétaire d'État ?

En conclusion, je souhaite redire notre attachement à l'activité des exploitants forains, notamment pour son rôle dans l'animation économique et culturelle locale. Le texte qui est aujourd'hui soumis à la discussion doit permettre de conserver aux manèges leur vocation de divertissement du public, et ce dans les meilleures conditions possibles de confort et de sécurité. C'est le sens des deux amendements que nous avons déposés et sur lesquels, je l'espère, monsieur le secrétaire d'État, vous donnerez un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10 du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation doivent être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 1, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les machines de levage ou portage de personnes doivent être conçues, construites ou équipées de façon que les accélérations et décélérations de l'habitacle ne créent pas de risques pour les personnes.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Le présent amendement a pour objet de renforcer la sécurité des manèges les plus dangereux.

Certains accidents atypiques survenus sur des attractions dites extrêmes, qui, par des dénivelés de plus de 150 mètres à la verticale, des loopings ou des systèmes de lancement des passagers, atteignent en quelques secondes des accélérations et des décélérations de plus et moins 6G, ont conduit des médecins à s'interroger sur l'innocuité de ces équipements.

Aujourd'hui, outre-Atlantique notamment, les autorités envisagent l'interdiction des manèges développant plus de 4G d'accélération.

La commission de sécurité des consommateurs a fait des remarques à propos de ce type de manège.

Des études récentes effectuées par plusieurs médecins, ici en France, montrent en effet que le coeur atteint, sur ces manèges, en quelques secondes, un rythme très élevé, de 70 à 153 battements par minute. Le temps d'exposition très court à ces vitesses les rendrait sans conséquence pour les personnes en bonne santé, mais potentiellement dangereuses pour celles qui sont sujettes à des troubles cardio-vasculaires.

Les spécialistes de physiologique aéronautique confirment que les accélérations positives drainant progressivement le sang vers le bas du corps entraînent une accélération du coeur, qui cherche à compenser le déséquilibre de la pression sanguine.

Sans entrer dans le détail de ces études, j'en appelle néanmoins aux médecins présents dans cet hémicycle, qui en savent beaucoup plus que moi, pour me confirmer la véracité des observations consignées par ces spécialistes. En fait, monsieur le secrétaire d'État, je crains que ne produise un jour un accident mortel. Nous déciderons alors de refaire un texte de loi pour ce cas précis, comme nous le faisons aujourd'hui pour les deux morts survenues l'été dernier.

Le rôle du Parlement et du Gouvernement n'est peut-être pas de réagir au coup par coup, en fonction de l'actualité. Nous devons aussi prévoir, devancer les situations. Aujourd'hui, pour attirer les clients -- parce que c'est de cela qu'il s'agit -, les professionnels cherchent l'extraordinaire et toujours plus de sensations. Il nous appartient donc de mettre un certain nombre de barrières à cette « exagération de l'excessif ».

Tel est le sens de notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Cet amendement, comme vient de le dire M. Pastor, vise à soumettre les attractions de levage et de portage de personnes à une obligation de sécurité.

Monsieur Pastor, ce qui est vrai pour l'ensemble des manèges, dans cette proposition de loi, l'est à plus forte raison pour une catégorie d'entre eux, les manèges dits « extrêmes ».

Cet amendement ne fait que répéter l'obligation générale de sécurité des manèges prévue par l'article 1er. L'ensemble des manèges, et non pas seulement les plus rapides d'entre eux, devront donc, en vertu de ce texte, ne pas porter atteinte à la sécurité ni à la santé des personnes. Je rappelle également que, si la loi comprend des dispositions de portée générale, elle renvoie au décret pour leur application.

Pour cette raison, cher collègue, je vous suggère de retirer cet amendement, qui n'apporte rien et ne fait que répéter des obligations générales. Sinon, la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Monsieur Pastor, nous avions déjà évoqué cette question en première lecture et, comme vient de le dire M. le rapporteur, cet amendement n'apporte pas d'élément nouveau au regard des dispositions qui figurent déjà dans le texte.

En effet, ainsi que le prévoit l'article 1er, les lieux et les matériels doivent présenter « la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». Cette disposition inclut bien les phénomènes d'accélération et de décélération que vous avez brillamment décrits, monsieur le sénateur.

Ce phénomène de vitesse dépend également du type de manège, de sa conception, mais aussi des dispositifs de protection, c'est-à-dire que les sièges, les dispositifs de retenue prévus doivent être adaptés. Tout cela, à notre avis, relève donc plutôt du décret d'application, qui doit mettre l'accent sur les risques particuliers liés aux vitesses et aux accélérations, en renvoyant - ainsi que nous l'avons évoqué également en première lecture - à la norme NF EN 13 814 ou à toute autre spécification technique assurant un bon niveau de sécurité.

Pour toutes ces raisons, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement, qui est satisfait par le texte tel qu'il est proposé. À défaut, il y sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Je suis têtu, je vais le maintenir !

M. le secrétaire d'Etat a parlé de « décret d'application » et je souhaite effectivement - je suis dans mon rôle de parlementaire - connaître les suites données à ce texte, savoir comment le décret sera rédigé, car cette question me paraît importante. Vous nous dites qu'un décret précisera ce point ; je prends donc la balle au bond, monsieur le secrétaire d'État !

Même si cet amendement a peu de chances d'être adopté, j'en conviens, je le maintiens et je compte sur vous pour que le décret fasse allusion aux allures un peu excessives de certains manèges.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Notre groupe votera pour l'amendement de nos collègues socialistes, qui soulève une réelle question dont il faut effectivement tenir compte. Nous avions déjà discuté de ces problématiques en première lecture.

Je pense qu'il n'est pas trop tôt pour intégrer, au moins dans la réflexion, la dangerosité de ces manèges et de cette demande potentielle d'aller toujours plus vite, toujours plus haut, comme l'a souligné notre collègue M. Pastor.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 2, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Tout nouveau manège, machine et installation pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction mis en service en France doit être conforme à la norme NF EN 13814 à compter de la publication de la présente loi.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

M. Jean-Marc Pastor. Aurai-je plus de chance cette fois ?...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

L'amendement n° 2 vise à introduire dans la loi une norme européenne entrée dans l'ordre juridique national le 17 septembre 2007. Il nous paraît logique que le texte de la loi française fasse référence à cette norme européenne.

Comme je l'ai précisé lors de la discussion générale, cet amendement tend à rendre obligatoire l'application de la norme NF EN 13814 à tous les nouveaux matériels mis en service dans notre pays. C'est le moins que l'on puisse faire quand il s'agit de la vie de nos concitoyens !

Vous le savez, les normes sont, par nature, des référentiels d'application volontaire. Mais le principe de la référence aux normes homologuées dans les réglementations est chose courante et encouragé depuis l'entrée en vigueur du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation.

Vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de faire de la norme NF EN 13814 une simple référence technique, utilisée pour définir les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations actuellement en service.

Je vous propose, pour ma part, d'aller plus loin, et de rendre cette norme d'application obligatoire pour tous les manèges qui entreraient en service à compter de la promulgation de cette loi. Ainsi, la profession se conformera peu à peu à la norme de sécurité reconnue par toutes les institutions au niveau européen, en se fournissant en matériel conforme.

Il nous paraît évident que, enfin, nous appliquions nous-mêmes aux manèges ce que nous avons décidé hier à Versailles pour la mise en place du nouveau traité européen. En deux mots, il s'agit de mettre en oeuvre une relation nouvelle entre la France et l'Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

M. Pastor et les membres du groupe socialiste souhaitent inscrire, dès l'article 1er, la référence à la norme publiée par l'AFNOR. Je rappelle, pour nos collègues, que cette norme spécifie des exigences en matière de conception, de construction, d'installation, de maintenance et d'exploitation des équipements de loisirs, dont les manèges.

J'attire votre attention, mon cher collègue, sur le fait que les dispositions concernées sont de nature réglementaire ; elles n'ont pas leur place dans un texte de loi, d'autant que le projet de décret y fait explicitement référence dans son article 2, ce qui est de nature à rassurer nos collègues sur ce point. Par ailleurs, M. le ministre avait confirmé, lors de la séance publique du 30 octobre 2007, que le décret ferait « référence à la norme visée par l'amendement ».

Il s'agit bien d'une difficulté de compréhension entre nous, entre le législatif et le réglementaire. Comme pour l'amendement précédent, je rappellerai que, si la loi comprend des dispositions de portée générale, elle renvoie au décret pour leur application. Pour cette même raison, monsieur Pastor, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage le point de vue de la commission. Nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet en première lecture, monsieur Pastor.

Effectivement, la loi fixe les principes généraux de sécurité auxquels doivent être soumis les manèges, les machines et les différentes installations. Vous voudriez faire référence à une norme qui, par définition, est de nature évolutive.

Par ailleurs, la référence à cette seule norme dans la loi serait insuffisante pour la protection des consommateurs. J'ai eu l'occasion d'indiquer, en première lecture, que le Gouvernement préciserait, dans le décret d'application, ce point qui vous est cher. Je suis en mesure de vous annoncer que nos services préparent actuellement ce décret, qui devrait être prêt dans le courant du mois de février et sera présenté au Conseil d'État dans le courant du mois de mars.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite, lui aussi, le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

C'est parce que vous êtes pour que vous êtes contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Madame la présidente, je suis ravi de constater que, à la suite de la première lecture, le Gouvernement a décidé de prendre un décret qui reprécisera cette question. Sincèrement, le fait qu'une loi française - et ce ne serait pas la première fois - fasse référence à un certain nombre de directives ou de recommandations européennes ne me gêne pas !

C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation sont soumis à un contrôle technique initial et périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur leur aptitude à assurer la sécurité des personnes. Ce contrôle technique, effectué ou vérifié par des organismes agréés par l'État, est à la charge des exploitants. -

Adopté.

Tout exploitant de manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation est tenu de faire connaître au public, par voie d'affichage, le nom de l'organisme de contrôle technique et la date de la dernière visite de contrôle de l'équipement. -

Adopté.

Un rapport du Gouvernement est remis chaque année au Parlement sur l'accidentologie survenue lors des fêtes foraines et dans les parcs d'attraction. -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yannick Texier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, aussi surprenant que cela puisse paraître, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique. Cela tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté.

La réglementation en vigueur date de 1983 et il est bien évident, près de vingt-cinq ans plus tard, qu'il fallait prendre des dispositions strictes de sécurité et de contrôle au regard des nouveaux manèges, dont les performances sont sans commune mesure avec celles des manèges de 1983.

Jusqu'à présent, la sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relevait simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation. Une réglementation propre aux fêtes foraines et parcs d'attractions en matière de sécurité est donc aujourd'hui la bienvenue.

La proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson vise, en conséquence, à créer un cadre légal pour réglementer spécifiquement la fabrication et l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, ainsi qu'à confier à des organismes indépendants et agréés par l'État le soin de vérifier ou d'effectuer eux-mêmes des contrôles techniques périodiques, permettant de s'assurer de la sécurité de ces machines pour des utilisateurs toujours plus nombreux et amateurs de sensations toujours plus fortes.

Ce texte prévoit donc de donner une valeur légale et réglementaire aux stipulations de la convention du 17 août 2007 sur la sécurité des manèges, conclue sur l'initiative de Mme le ministre de l'intérieur, et qu'elle-même a signée - avec les représentants des forains, des organismes de contrôle, l'Association des maires de France - tout comme les secrétaires d'État à la consommation et aux entreprises.

Les propositions du rapporteur de la commission des affaires économiques, adoptées en première lecture par le Sénat le 30 octobre dernier, ont été confirmées par l'Assemblée nationale, et nous nous en réjouissons. Les quelques modifications rédactionnelles qui ont été apportées par nos collègues députés ne remettent pas en cause l'économie générale du texte, mais apportent des précisions d'importance dont nous nous félicitons.

C'est la raison pour laquelle le groupe UMP, dans son ensemble, apportera son entier soutien à cette proposition de loi si attendue !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre rapporteur, qui est l'auteur de l'ensemble de cette proposition de loi.

Ce dispositif faisait défaut dans notre pays. Il convenait de mieux cadrer l'utilisation des manèges et l'organisation des fêtes foraines, afin que les maires ne soient plus soumis à une pression, sans disposer des outils leur permettant de contrôler ce qui se passe sur le territoire de leur propre commune. Pour toutes ces raisons, je tenais à vous remercier de cette démarche, monsieur le rapporteur. Mes remerciements s'adressent également à M le secrétaire d'État.

Il est vrai que j'ai eu moins de chance en deuxième lecture qu'en première, mais je n'ai pas oublié l'accord positif de M. le rapporteur, en première lecture, sur la publicité des contrôles, afin que les utilisateurs et les citoyens puissent savoir exactement à quel moment et par qui les contrôles des équipements ont été réalisés. Ces mesures nous semblent aller dans le sens de la transparence qui est aujourd'hui nécessaire dans notre société.

Pour ces raisons, et aussi parce que ce texte facilitera la vie sur le territoire national, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Si vous le permettez, madame la présidente, j'adresserai quelques mots de remerciement à l'ensemble de mes collègues, à M. le secrétaire d'État, ainsi qu'aux administrateurs qui m'ont accompagné dans la préparation de cette proposition de loi. Après tout, nous ne votons pas souvent des propositions de loi ; nous adoptons plutôt des projets de loi !

Cette unanimité retrouvée, comme en première lecture, démontre à l'évidence que, dès lors que le Parlement - et, en particulier, le Sénat - s'intéresse à la sécurité de nos concitoyens, il sait faire preuve de cohésion.

Je remercie l'ensemble des groupes et M. le secrétaire d'État pour nous avoir accompagnés dans l'étude de ce texte qui touche véritablement au quotidien des consommateurs : plus de cent millions de passagers utilisent les manèges chaque année !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l'examen de cette proposition de loi, je voudrais vous remercier pour votre belle unanimité sur ce texte et, surtout, féliciter Pierre Hérisson, qui en a pris l'initiative, sur un sujet qu'il connaît bien. En effet, au sein de l'Association des maires de France, il a été, depuis de nombreuses années, l'interlocuteur du monde du loisir et des forains, et il a travaillé très tôt sur des propositions susceptibles d'améliorer la situation.

Cette proposition de loi est donc la consécration d'un travail de longue haleine, mené en partenariat entre l'Association des maires de France, le Parlement et le Gouvernement - je voudrais également remercier Michèle Alliot-Marie pour l'excellente coopération entre les services des ministères de l'intérieur et de la consommation sur ce sujet. Ce texte permet une véritable amélioration de la protection au quotidien des consommateurs.

Merci pour celle belle unanimité, qui va dans le sens d'une vraie revalorisation du travail du Parlement !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (nos 149, 181).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économique, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat parlementaire est évidemment essentiel : tout d'abord, parce qu'il représente le premier passage du flambeau, dans ce processus du « Grenelle de l'environnement », de la société réunie dans toute ses composantes aux représentants élus de la nation ; ensuite, parce qu'il engage des perspectives de moyen et long terme qu'il s'agit de peser véritablement dans ces dimensions. Ce débat aurait-il donc pu mieux commencer ailleurs qu'au Sénat ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez aussi bien que moi les questions auxquelles nous sommes confrontés. Nous entrons dans un monde fini, avec des ressources finies et fragiles : climat, sols, services que nous rendent jour après jour les systèmes vivants, eau douce... Nous devons inventer un développement raisonnable, viable, praticable pour un peu plus de six milliards d'habitants et, bientôt, neuf milliards d'êtres humains. Autant dire que la manoeuvre est délicate : l'erreur et la négligence en seront d'autant plus coûteuses, l'inventivité et la responsabilité d'autant plus impératives.

Le sujet d'aujourd'hui a toute la dignité et la complexité de la politique, dans le sens le plus noble du terme : il s'agit de construire un cadre juridique responsable, après en avoir pesé tous les aspects - y compris à terme -, pour les applications dans notre société de technologies nouvelles : les modifications génétiques d'organismes vivants.

Il y aura d'autres générations de produits biotechnologiques créés à partir de végétaux ou d'animaux, d'autres techniques émergentes.

M. Bernard Chevassus-au-Louis, président du Muséum national d'histoire naturelle, disait en 2005, dans une interview, qu'il fallait « une nécessaire cohérence des attitudes vis-à-vis du regard sur les risques et les bénéfices : si l'on défend le caractère potentiellement ?révolutionnaire? des bénéfices, il faut admettre que les risques posent des problèmes radicalement nouveaux. Ou alors, on défend la thèse de la double continuité. »

Nous devons donc voir loin dès aujourd'hui. Les sciences cherchent et trouvent ; la démocratie, à travers ses représentants, doit pouvoir choisir comment elle utilise, avec lucidité, volonté et cohérence, les résultats de la science.

Il y a urgence, parce que les biotechnologies font déjà partie des techniques qui auront le plus d'incidence sur nos activités, nos références sur le vivant et, bientôt, sur nous-mêmes. Il s'agit d'en faire ce que nous voulons, et non pas l'inverse.

Il y a urgence, parce que, aujourd'hui, très pratiquement, les OGM représentent 100 millions d'hectares de cultures en Argentine, aux États-Unis, au Brésil ou au Canada, avec les questions multiples, roses ou grises, que pose cette situation.

Il y a urgence, parce que de grandes firmes étrangères déposent des brevets, suscitent des règles de droit et capturent des marchés.

Il y a urgence, parce que les recherches, où qu'elles se développent, ne sont pas à la hauteur des questions posées : comment réussir des agricultures diversifiées, robustes, économes en eau, en énergies fossiles, en engrais et en pesticides ? Comment bâtir un équilibre géopolitique, porteur de paix, alors que la surface cultivable par terrien se réduit drastiquement et que les ressources agricoles renchérissent ? Comment assurer que l'agriculture sera aussi écologique, c'est-à-dire qu'elle ne contribuera pas à fragiliser davantage encore les fonctionnements biologiques dont nous dépendons ? Comment garantir, dans cette évolution, efficacité, mais aussi équité et justice, conditions indispensables à la pérennité des démocraties ?

Nous avons besoin, à l'évidence, d'accroître rapidement les connaissances scientifiques et pratiques pour que toutes ces questions soient traitées avec la même célérité, afin de garantir aux politiques qu'ils prennent des décisions éclairées, comme ce sujet l'exige.

Sur plusieurs de ces aspects, des interrogations ont été exprimées par les nombreux groupes de travail ayant oeuvré dans le cadre du Grenelle de l'environnement, composés d'agriculteurs, de scientifiques, d'élus, de représentants d'associations de consommateurs, familiales et de défense de l'environnement. Certaines questions ont également été débattues au sein du comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés.

À l'occasion de ces divers échanges, ont émergé des observations, des interrogations nouvelles concernant la dissémination du pollen à longue distance, les incidences des OGM sur la faune du sol ou sur des insectes non ciblés, la persistance éventuelle de toxines Bt.

Il est, en outre, apparu délicat que l'on ne puisse pas réaliser d'études épidémiologiques sur l'impact des OGM sur la santé humaine, y compris aux États-Unis. Il faut souligner, en particulier, la difficulté d'assurer la traçabilité des OGM du végétal jusqu'au consommateur. A été également évoquée la question des protocoles toxicologiques pratiqués pour des plantes modifiées.

Ces interrogations sont présentes dans la société française et, d'une manière générale, dans l'ensemble des sociétés. Plus largement, quand on lit la presse, quand on écoute les discussions, on constate que le débat sur les OGM est un débat scientifique, certes, mais pas seulement.

C'est un débat agronomique et technique : quels moyens divers, fournis par les sciences et les pratiques de terrain, sont à notre disposition pour atteindre les objectifs que j'évoquais au début de mon intervention ?

C'est un débat écologique : quelles solutions sont possibles pour produire demain, sous les climats divers et rapidement changeants de la planète, en conservant cette assurance-vie qu'est la diversité du vivant et des écosystèmes ?

C'est un débat économique, qui touche toutes les filières agricoles et agroalimentaires, et qui porte aussi sur la robustesse et la relative autonomie des économies paysannes, pas seulement dans les pays du Sud.

C'est un débat juridique, qui veut préserver, au-delà des technologies, qui ne doivent être que des moyens, le droit à produire et à consommer, avec ou sans OGM, sans que cela nuise à l'autre dans le premier cas.

C'est enfin un débat sociétal : les Français veulent savoir ce qu'ils mettent dans leur assiette et dans celle de leurs enfants ; ils veulent savoir si les OGM auront une incidence sur leur santé ou sur celle des générations futures ; ils veulent savoir si, demain, ils pourront continuer à consommer des produits de qualité.

Aussi difficiles que soient ces interrogations, nous n'avons pas le droit de les ignorer. La décision politique doit prendre tous ces aspects en compte. Elle a besoin, pour l'éclairer et non pour se substituer à elle, d'une expertise pluraliste. C'est ce que recommandent Marion Guillou, présidente-directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique, Bernard Chevassus-au-Louis et Michel Griffon, agronome et conseiller au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, qui, dans une déclaration commune formulée dans le cadre de l'intergroupe de travail sur les OGM du Grenelle de l'environnement, en ont appelé à « une expertise scientifique menée de façon collective, pluridisciplinaire, contradictoire et transparente ». Ils ont aussi estimé que la société civile et la pratique de terrain doivent être associées à cette expertise sous la forme d' « un deuxième collège de représentants de la société civile dans une nouvelle instance d'expertise » qui devra « rendre un avis incluant les contributions des deux collèges ».

À l'évidence, ce n'est pas faire injure à telle ou telle discipline que de reconnaître qu'elle ne peut couvrir seule tout ce champ. Ce n'est pas menacer ses crédits de recherche, bien au contraire, que de juger ces sujets tellement cruciaux qu'ils doivent irriguer une large palette de laboratoires, qui s'enrichiront réciproquement de leurs découvertes, ce qui renforcera l'originalité et la fécondité de leurs travaux.

C'est parce que le débat dépasse largement la seule sphère scientifique que le Président de la République a voulu cette grande conférence des parties prenantes, ce dialogue enfin possible entre toutes les légitimités sociales. Il fallait ce temps pour que tous les acteurs puissent s'exprimer directement, tous devant tous. Il fallait ce temps de décloisonnement des enjeux pour que chacun comprenne les espoirs et les craintes des autres : consommateurs, agriculteurs pratiquant toutes formes d'agricultures, associations, élus locaux, chercheurs, entreprises.

Au fond, pendant cette période de très long débat approfondi, nous sommes sortis du carcan des préjugés et des tabous. Pour la première fois, sur ce sujet, tous les acteurs ont pu mettre sur la table ce qu'ils savaient et ce qu'ils voulaient savoir. La parole et l'écoute pouvaient être saisies de la même façon par toutes les parties prenantes. Envisager en commun une telle question requérait, pour les uns et les autres, une forme de courage.

En définitive, les grands gagnants de ce débat, ce sont la lucidité et la recherche dans toutes ses composantes, toutes ses disciplines, une recherche « juge de paix » quand il s'agit de déceler les ouvertures, les risques, les espoirs fondés.

Puis, il y a eu le temps présidentiel, fondateur, qui a permis de traduire les aspirations en ligne politique, les souhaits en principes d'action.

Oui, comme l'Autriche, nous avons eu des doutes sur une espèce particulière d'OGM pesticide. Oui, nous avons décidé, comme d'autres, d'enclencher une procédure contradictoire dans la perspective d'une clause de sauvegarde, en attendant les résultats d'une nouvelle expertise, demandée par la Commission européenne et qui est nécessaire pour obtenir une homogénéité des positions en Europe. Une vérité au-deçà des Pyrénées doit être une vérité au-delà !

Les protocoles d'évaluation datent de dix ans. Les sciences avancent vite, leurs progrès ouvrent de nouvelles questions, en affinent d'anciennes. Nous ne pouvons pas choisir une science contre les autres, nous ne faisons pas notre marché arbitrairement parmi les savoirs : en toute responsabilité, nous devons tous les prendre en compte.

Oui, nous avons le devoir, à l'égard des Français et des générations futures, d'appliquer le principe de précaution de façon cohérente et renseignée par les connaissances les plus récentes en provenance de toutes les disciplines.

Oui, comme les Allemands hier à Goslar, nous souhaitons renforcer l'expertise et améliorer la transparence de la procédure d'autorisation européenne pour les organismes génétiquement modifiés.

Il faudra donc travailler à compléter les critères d'évaluation en fonction de l'avancée des connaissances. En résumé, la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés devra pouvoir non seulement commander des recherches, mais aussi contribuer activement à faire évoluer les protocoles d'évaluation. Elle devra être pluridisciplinaire et faire droit aux savoirs de terrain, afin que les modèles intègrent les observations, et que les secondes valident et stimulent les premiers.

Enfin, notre pays doit investir massivement dans la recherche et, prioritairement, renseigner la société et les politiques sur les questions devant lesquelles nous sommes encore démunis et avons un retard d'information à combler.

Nous venons ainsi de multiplier par trois, sur proposition du Premier ministre et de Valérie Pécresse, les crédits alloués à la recherche sur les OGM. Il faudra irriguer tous les pans des savoirs dont nous avons besoin.

Oui, nous pouvons précautionneusement accepter des essais en plein champ. Comme le recommandent les trois scientifiques précités, ils doivent bien sûr être précédés de travaux en milieu confiné, être développés de manière progressive et faire l'objet de mesures de protection et de vigilance particulièrement strictes.

Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, a pour objet de préparer l'avenir, de garantir la liberté de chacun. En effet, chacun doit avoir le droit de produire ou de consommer avec ou sans OGM, ce qui signifie sans nuire aux autres. Si, au terme de l'élaboration de la loi, un végétal modifié, puis des végétaux modifiés, sont autorisés à la culture, ce ne pourra être au détriment de cultures antérieures ni de la qualité des produits. Cette loi devra donc aussi garantir, par définition, le droit à cultiver et à consommer sans recourir aux OGM.

Notre société, qui s'inscrit dans un monde aux ressources finies, ne peut se développer que par la qualité. C'est ce que recherchent tous nos concitoyens : de la fiabilité, de la qualité et de la confiance. Or une société de la qualité et de la confiance n'existe que par des conditions strictes de transparence, de sécurité et de responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est à vous qu'il revient, en dernier ressort, de mettre un terme au flou politique, juridique et économique, car le flou suscite la méfiance et multiplie les déconvenues. L'incertitude est le moteur de la recherche, mais le flou et l'irresponsabilité font négliger des pans entiers de recherche, au détriment des objectifs visés, au détriment des filières imprudemment fondées sur des bases mal analysées.

Les produits des biotechnologies sont comme d'autres produits. Ils doivent bénéficier - et par là même leurs utilisateurs - de la même rigueur, du même esprit de responsabilité et de la même sécurité que tout autre produit industriel ou alimentaire. Ce sont aussi des produits neufs, aux propriétés très particulières, certaines prometteuses, d'autres éventuellement préoccupantes.

C'est donc à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il revient de commencer à définir le cadre grâce auquel les organismes génétiquement modifiés pourront s'inscrire dans le champ de la démocratie, c'est-à-dire dans le champ de la transparence, de la liberté et du respect de la loi républicaine.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Les Français, le Gouvernement attendent beaucoup de ce débat parlementaire ; ils attendent beaucoup de vous.

Depuis des années, les sénateurs travaillent sur les biotechnologies et les OGM.

Je pense aux travaux de la mission d'information de 2003 sur les enjeux économiques et environnementaux des organismes génétiquement modifiés, présidée par M. Jean Bizet, travaux qui ont débouché sur un rapport du sénateur Pastor.

Je pense aussi à ce projet de loi, adopté par le Sénat au mois de mars 2006, et dont le texte d'aujourd'hui s'inspire beaucoup.

Je pense, de façon plus large, aux travaux sur la biodiversité des sénateurs Laffitte et Saunier, publiés en décembre dernier.

Je tiens également à saluer le travail remarquable que les sénateurs Le Grand et Blandin ont su accomplir, depuis le début du Grenelle de l'environnement, pour apaiser les débats et aboutir à des propositions jugées constructives et positives par tous.

Ce projet de loi vise à mettre fin à plusieurs années de non-dits, de laisser-faire, d'irresponsabilité. Il tend à fixer les droits et les devoirs de chacun, dans un esprit de réciprocité véritable, d'ouverture et de transparence. C'est un texte qui garantit les libertés : liberté de faire des recherches sur les OGM dans toutes les disciplines, liberté de produire ou de consommer sans recourir aux OGM, liberté de choisir une voie agronomique ou industrielle faisant appel aux OGM, sans que cela nuise à autrui.

Or la liberté ne se décrète pas, on la construit, on l'encadre et on la respecte. La liberté, c'est d'abord l'information, ...

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

... une information scientifique et pratique, fiable, crédible, établie de manière pluridisciplinaire et contradictoire, qui prépare et qui fonde la décision politique.

C'est la raison pour laquelle il nous a paru souhaitable de proposer cette Haute autorité avec, à côté d'un comité scientifique, la création d'un comité éthique, économique et social garantissant une approche décloisonnée, une Haute autorité qui mette fin à l'éclatement des compétences et des savoirs, pour que nous puissions disposer d'une information globale et cohérente, une Haute autorité qui regroupe la commission du génie biomoléculaire, la commission du génie génétique et le comité de biovigilance, pour garantir un démarrage simultané de toutes ces actions complémentaires..

La liberté, c'est ensuite la transparence : désormais, les cultures d'OGM qui pourraient être autorisées doivent faire l'objet d'une information à l'échelle de la parcelle, et non plus seulement à l'échelle du canton. Au fond, en matière d'OGM, tout doit être public, car la confiance se construit sur des informations partagées, notamment sur les parcelles cultivées, sur les avis des experts, ou sur les débats au sein de la Haute autorité. C'est une avancée démocratique majeure dont la conséquence logique est le strict respect de la loi républicaine.

La liberté, c'est également la responsabilité : l'un ne va pas sans l'autre, et la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Ainsi, la liberté de cultiver des OGM doit s'accompagner d'un cadre juridique clair : régime de responsabilité sans faute en cas de dissémination accidentelle, obligation d'assurance individuelle, distances d'éloignement, conditions de culture et de confinement.

En résumé, ce projet de loi repose sur trois constats.

Premièrement, les biotechnologies font partie de notre vie. Ce projet de loi doit nous permettre d'aborder, au-delà de ce que nous expérimentons aujourd'hui, l'ensemble des questions auxquelles des usages variés de ces biotechnologies nous conduiront.

Deuxièmement, une recherche approfondie et adaptée aux enjeux est indispensable.

Troisièmement, notre société doit définir un cadre juridique reprenant les grands principes sur lesquels la société nous attend : responsabilité, précaution, transparence, participation, et libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM, dans le respect de chacun.

En réalité, ce projet de loi est un acte à la fois de courage et de foi. Un acte de courage, parce que, pour la première fois, nous décidons collectivement de sortir de l'impasse après des années d'hésitations et de doutes. Mais c'est aussi un acte de foi dans la raison, dans la recherche scientifique sous tous ses aspects, et dans la capacité des humains à mettre les technologies à leur service sans se faire dominer par elles.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, en quelques mots, les points sur lesquels je souhaitais insister. Vous l'aurez compris, ce projet de loi se situe dans le droit-fil du Grenelle de l'environnement dont le rapport général soulignait, à la page 19, la nécessité de renforcer la recherche - sous toutes ses formes -, d'instaurer une Haute autorité des biotechnologies en 2008, et d'adopter une loi sur les biotechnologies et les OGM, avant la fin du printemps de 2008. Selon le rapport, cette loi devait reposer sur les principes de responsabilité, de précaution, de transparence et de participation, et du libre choix de produire avec ou sans OGM par l'instauration de règles de coexistence.

Je suis très frappé de constater que les points éventuels de désaccord sont non pas mis en scène - le mot est excessif - mais exacerbés, alors que, sur le fond, dans le cadre des débats très approfondis qui ont été menés, l'ensemble des participants ont trouvé des points de convergence sur les bases de ce texte, certaines questions restant bien évidemment en discussion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, je suis persuadé que vous apporterez à ce projet de loi votre savoir-faire, votre sagesse, votre expérience et vos convictions républicaines.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le souligner Jean-Louis Borloo, le projet de loi qui est soumis à votre examen porte sur une question majeure pour notre société. Les décisions qui vont être prises aujourd'hui au Sénat et demain à l'Assemblée nationale auront des conséquences importantes pour le secteur économique de l'agriculture, et donc pour les hommes et les femmes qui y travaillent, dont j'ai la responsabilité en tant que ministre en charge de ce secteur.

Dans le prolongement de tous les travaux et de tous les débats que Jean-Louis Borloo vient d'évoquer, il revient maintenant à la représentation nationale de définir les principes qui doivent encadrer la question des OGM et des biotechnologies. Ce temps du débat parlementaire doit être respecté. La discussion du texte doit avoir lieu dans les conditions les plus objectives possible afin de permettre - je le souhaite - à la raison de prendre le pas sur la passion dans ce dossier sensible et difficile.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l'Ump

Très bien !

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Prendre le pas sur la passion, c'est se fonder sur une expertise scientifique, légitime et acceptée par tous ; c'est faire usage du principe de précaution - que je connais bien, puisque, avec votre concours, j'ai été le premier ministre de l'environnement à l'inscrire dans la loi, en février 1995 - au seul regard de la connaissance scientifique et de son évolution ; c'est prendre en compte de nouveaux critères, tels que les risques économiques, sociaux ou éthiques ; c'est enfin redonner au débat public sa dimension pédagogique et démocratique.

En 2050, c'est-à-dire après-demain, il faudra nourrir 9 milliards d'être humains sur notre planète. La tension sur les marchés sera très forte ; elle l'est, d'ailleurs, déjà. Nous ne pourrons pas indéfiniment augmenter les surfaces cultivables et utiliser toujours plus d'eau. Nous ne pouvons pas non plus ignorer le réchauffement de la planète - qui touche, en premier lieu, les agriculteurs et qui constitue, à mes yeux, le défi principal - et toutes ses conséquences sur les systèmes agricoles. Enfin, nous ne pouvons pas sous-estimer les risques de pollution face à une agriculture trop intensive.

Il nous faut donc intégrer les contraintes croissantes liées à la gestion des ressources naturelles, et en particulier de l'eau, mais aussi répondre aux enjeux de l'autonomie alimentaire, du pouvoir d'achat et de l'indépendance économique.

Produire plus - pour disposer de suffisamment de nourriture - et produire mieux : voilà le grand défi d'une agriculture durable, pour aujourd'hui et pour demain ! Ce défi paraissait improbable et il le reste encore dans une certaine mesure, sauf à mettre en oeuvre massivement, comme le ministre d'État l'a souligné, des programmes de recherche et d'innovation dans le domaine des biotechnologies.

Nous devons impérativement rester dans la course de l'innovation, y compris pour la recherche sur les OGM de demain, qui concernent en particulier le blé ou le colza, productions végétales clés pour l'Europe et pour la France ; nous devons nous maintenir dans la course pour participer au développement des nouvelles variétés qui intégreront les contraintes climatiques et les enjeux écologiques nouveaux. Et je ne parle pas seulement des OGM ; il faut que nous soyons capables de produire, à l'échelon européen, des plantes qui résistent à la sécheresse et qui consomment moins d'engrais.

Abandonner ces objectifs nous rendrait, dans un avenir proche, définitivement dépendants des puissances économiques qui, elles, ont fait sans ambigüité le choix du développement biotechnologique et qui investissent massivement, en ce moment, dans la recherche. Je vous indique que les États-Unis, par exemple, réalisent cent fois plus d'essais dans le domaine des biotechnologies que l'Europe tout entière. Dans ce domaine, comme dans d'autres - vous m'avez, d'ailleurs, souvent entendu le dire à cette tribune -, je ne me résoudrai jamais à ce que l'Europe - et la France, en particulier - soit un jour totalement sous l'influence et sous-traitante de l'industrie chinoise, américaine, ou indienne !

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l'Ump

Très bien !

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

M. Michel Barnier, ministre. Il n'est nulle part inscrit que la recherche doit être indienne, l'agriculture brésilienne, et la facture européenne !

Souriressur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

L'écart de prix du maïs entre les États-Unis et l'Europe, qui peut aller jusqu'à 100 euros par tonne, souligne déjà le différentiel de compétitivité.

D'ailleurs, la compétitivité de notre agriculture dépasse largement la seule économie agricole. Elle est un enjeu majeur pour notre économie nationale. Je rappelle, en effet, que l'agriculture permet de dégager plus de 9 milliards d'euros d'excédents commerciaux et qu'elle représente, avec le secteur agro-alimentaire, près de 1, 5 million d'emplois dans des territoires souvent difficiles, dont le Sénat est le représentant.

Face à ce défi, le plan de 45 millions d'euros en faveur des biotechnologies végétales est un signal très fort, voulu par le Gouvernement.

Avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, dont je veux saluer ici l'engagement résolu sur ce dossier, nous partageons la même volonté d'accélérer le développement de la recherche française dans le domaine des biotechnologies.

La recherche n'est pas une option, c'est une nécessité vitale. Elle se fait non pas uniquement dans les laboratoires, mais aussi par des expérimentations en milieu ouvert. Il nous faut donc une recherche en plein champ, et dès 2008, comme il faut des essais en vol pour l'aéronautique !

Voilà pourquoi j'avais demandé, et obtenu, avec l'arbitrage du Premier ministre, que, par décret, une commission d'évaluation des demandes d'autorisation d'essais en plein champ soit mise en place, en attendant la future instance prévue dans le projet de loi sur les OGM. Cette commission nous permettra d'autoriser, dès 2008, des essais en plein champ, dans des conditions naturellement sécurisées.

Au-delà même de la recherche - qui est indispensable -, nous devons également répondre à la perte de confiance de la société vis-à-vis de la science et du développement. Nous devons impérativement la restaurer sur ces questions de biotechnologies et d'OGM. Il en va de notre responsabilité commune en tant qu'acteurs de la vie politique de notre pays, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.

Le projet de loi dont vous allez débattre est une étape importante sur le chemin de la confiance. Il prévoit d'encadrer l'utilisation des OGM sur la base des principes affichés lors de ce grand rendez-vous qu'a été le Grenelle de l'environnement : responsabilité, précaution, transparence et libre choix.

Comme vous le savez, la directive 2001/18/CE a été transposée par décret dans toutes ses dispositions obligatoires. Elle laissait aux États membres la possibilité de fixer des garanties de coexistence entre les cultures OGM et l'agriculture conventionnelle. La loi est nécessaire pour les définir, de même que pour réformer l'instance d'évaluation.

Sans revenir dans le détail du texte que vous allez examiner au cours de ces prochains jours, je souhaite simplement évoquer trois points, auxquels je suis attaché en tant que ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tout d'abord, l'article 2 prévoit une instance d'évaluation, qui doit répondre à trois objectifs : regrouper des expertises qui étaient jusqu'à présent éclatées entre plusieurs instances, en particulier au sein de la commission du génie biomoléculaire et de la commission du génie génétique ; renforcer l'expertise dans certaines disciplines et développer l'analyse socio-économique ; élargir la composition de l'instance - c'est, d'ailleurs, tout à fait légitime - à des représentants de la société civile.

Ces évolutions s'effectueront en complément des missions qui sont également dévolues à d'autres structures autonomes. Ainsi, l'AFSSA conservera son mandat d'évaluation du risque sanitaire et travaillera avec la Haute autorité lorsque son expertise sera nécessaire.

II nous faut par ailleurs instituer, d'une manière ou d'une autre, le comité national de biovigilance, dont le mandat dépassera les seules questions relatives aux OGM. Je pense, en particulier, à la biovigilance liée aux phytosanitaires. Je n'oublie pas que le Président de la République m'a demandé de conduire, en liaison avec plusieurs ministères dont celui de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, un plan très ambitieux, que j'ai intitulé « éco-phyto 2018 », conduisant à réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires dans les dix ans qui viennent. S'agissant des OGM, ce comité travaillera en concertation avec l'instance d'évaluation.

Il nous faut, enfin, tirer les leçons de l'évaluation qui a été menée par le comité de préfiguration de la Haute autorité sur le maïs MON810.

II vous appartiendra de préciser le fonctionnement de la future instance d'évaluation. Celle-ci devra permettre aux responsables politiques de décider sur la base d'un avis scientifique clair tout en prenant en compte, par ailleurs, des considérations d'ordre socio-économiques.

Je parlerai maintenant de la responsabilité - ce sera le deuxième point de mon intervention -, qui fait l'objet de l'article 5 du projet de loi.

La coexistence entre cultures OGM et cultures conventionnelles exige un partage clair des responsabilités. Nous avons besoin d'un régime de responsabilité de plein droit pour le préjudice économique qui pourrait résulter de la présence accidentelle d'OGM.

Le système d'indemnisation ne pourra fonctionner que si l'on précise suffisamment le champ d'application de la responsabilité de plein droit de l'agriculteur qui a fait le choix des OGM dans le temps - pour une même campagne de production - et dans l'espace. À cet égard, il nous faudra fixer par voie réglementaire des règles extrêmement claires concernant la distance de dissémination - question très difficile - par type de culture.

L'obligation de souscrire une garantie financière pourra permettre de se prémunir contre un tel risque. Toutefois, cette obligation ne doit pas devenir une interdiction cachée si aucun produit assurantiel n'est mis sur le marché.

Enfin, j'évoquerai - et ce sera mon dernier point - la question de la transparence. Comme l'a indiqué Jean-Louis Borloo, elle est l'un des éléments du débat démocratique. Je suis naturellement d'accord avec lui.

Restaurer la confiance, c'est aussi montrer que nous n'avons rien à cacher. Nous devons être extrêmement rigoureux sur l'exigence de transparence.

L'absence d'informations suscite l'inquiétude - c'est souvent le silence qui nourrit les peurs - et sert de prétexte à des actions illégales et inacceptables à l'encontre des producteurs.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Chaque citoyen a des droits, entre autres celui d'être informé, mais aussi des devoirs, en particulier celui de respecter le bien d'autrui et de ne pas utiliser une information publique à des fins de harcèlement.

Sur ce point, le message du Gouvernement doit être très clair : il n'y aura aucune tolérance à l'égard de ceux qui voudraient s'exonérer de la loi. Il faudra, en particulier, rappeler les sanctions encourues par qui enfreint cette règle.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permettra de fournir un cadre clair à l'utilisation des OGM en France. Il aboutira, en particulier, à la mise en place d'une instance d'évaluation chargée de prendre en compte les demandes exprimées lors du Grenelle de l'environnement.

Comme je l'ai déjà rappelé, j'ai eu l'honneur de présenter à cette tribune en 1995 un projet de loi, devenu loi, qui, avec votre soutien, a entraîné pour la première fois l'inscription, dans la loi de notre République, de mots importants, tels que « débat public » - cela a débouché sur la création de la Commission nationale du débat public - et « principe de précaution ».

Le Grenelle de l'environnement a été un très grand moment de débat collectif, animé avec détermination par Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet, auquel j'ai participé, et avec nous l'ensemble des syndicats et des responsables du secteur agricole. Tous ensemble, sans état d'âme, parce que nous savions que nous avions tout intérêt à ce qu'il soit un succès - avec l'agriculture, et non contre ou sans elle -, nous avons avancé, malgré les discussions et les contestations.

Après ce très grand moment, et dans le prolongement du débat parlementaire, je reste convaincu qu'il faudra poursuivre l'information et le dialogue, sous toutes les formes possibles. Chacun de nos concitoyens doit pouvoir prendre la mesure des enjeux technologiques et se faire une opinion sur la question des OGM.

Il faut faire preuve de plus de pédagogie dans notre pays, associer à cette démarche les élus locaux, les agriculteurs, les associations, les consommateurs et les chercheurs. Il faut enrichir la réflexion européenne, qui se poursuit et dans laquelle la France, compte tenu de ses potentiels agricole et de recherche, doit rester fortement engagée.

C'est la dernière raison pour laquelle le Gouvernement attache une grande importance au débat parlementaire qui s'ouvre aujourd'hui devant la Haute Assemblée, et qui doit poser les principes d'une gestion rigoureuse et plus sereine de la question des OGM dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la deuxième fois en deux ans - deux fois sur le métier remettez votre ouvrage ! -, le Sénat se voit soumettre un projet de loi sur les OGM, le premier étant « tombé dans les oubliettes » après une première lecture au Sénat, en mars 2006.

Je ne peux que me féliciter de l'inscription à l'ordre du jour de ce projet de loi fondateur sur les biotechnologies et de sa prochaine lecture à l'Assemblée nationale, que vous avez pris soin, monsieur le ministre d'État, de programmer au début du mois d'avril, ce dont je vous remercie.

Puisque le Président de la République a renoncé à déclarer l'urgence sur ce texte, permettez-moi de formuler ici le souhait que son examen en deuxième lecture intervienne avant l'été.

Ce projet de loi répond à une nécessité, et cela pour trois raisons.

Tout d'abord, il est une urgence démocratique : le Grenelle de l'environnement, « dialogue à cinq » inédit entre syndicats, entreprises, organisations non gouvernementales, élus et administration, constitue un exemple incontestablement réussi de démocratie participative. Ce succès, je le reconnais, tient beaucoup à votre implication, monsieur le ministre d'État.

S'agissant précisément des OGM, le Grenelle a permis de dépasser l'opposition réductrice entre pro et anti-OGM, et de faire émerger de grands principes consensuels.

C'est désormais au Parlement, expression de la démocratie élective, qu'il revient de se prononcer et de débattre. En prenant appui sur les réflexions et les pistes constructives ouvertes par le Grenelle, nous devons finaliser, mes chers collègues, au nom du peuple français, que nous représentons, le cadre législatif qui manque à la France en matière d'OGM.

Dans l'attente de l'élaboration de ce cadre légal, le Gouvernement a jugé nécessaire de prendre immédiatement ses distances avec le cadre juridique en place. Ainsi, il a écarté les instances d'expertise existantes, jusque là chargées d'évaluer les risques et d'autoriser l'utilisation des OGM.

Anticipant leur refonte en une seule et nouvelle instance, et à l'heure du renouvellement de l'autorisation décennale du maïs Bt MON810, un décret du 5 décembre 2007 a institué un comité de préfiguration d'une Haute autorité sur les OGM, chargée de « réévaluer les risques et bénéfices pour l'environnement et la santé publique, susceptibles d'être attachés à la dissémination volontaire de maïs MON810 ».

Ce dispositif d'expertise, conçu comme provisoire, ne saurait perdurer et c'est à la loi de refonder de manière démocratique un système indépendant et légitime, sans lequel ne peut s'envisager une saine mise en oeuvre du principe de précaution.

Ce projet de loi répond donc à une urgence démocratique, mais aussi à une nécessité économique.

Je ne reviendrai pas ici sur le débat concernant la nature et l'ampleur du risque OGM, que la commission des affaires économiques a largement analysées dans son rapport d'information en 2003, dont l'excellent rapporteur était notre collègue Jean-Marc Pastor, que je tiens à saluer aujourd'hui. Je veux simplement rappeler l'enjeu économique que constituent les OGM.

D'abord, prévoir un cadre législatif pour l'utilisation prudente des OGM peut contribuer au développement d'une agriculture de production durable. En effet, monsieur le ministre, chacun s'accorde à reconnaître que l'agriculture doit respecter les milieux dans lesquels elle se déploie, mais qu'elle doit aussi se voir donner les moyens de le faire.

Parmi les outils susceptibles d'accompagner cette réorientation de l'agriculture, les OGM ne peuvent pas être écartés par principe. Si certains d'entre eux pourraient, par leurs conditions d'exploitation, mettre en danger l'environnement, d'autres peuvent présenter un très grand intérêt, par exemple comme alternative aux traitements phytosanitaires - c'est le cas des plantes génétiquement modifiées résistantes aux insectes et, bientôt, de celles qui permettront d'économiser de l'azote - ou comme outil d'adaptation aux changements climatiques, qui sont les principaux problèmes environnementaux auxquels nous devons faire face ; je veux parler des OGM économiseurs d'eau.

Une recherche ouverte sur ces potentialités, distinctes pour chaque OGM, peut seule permettre de savoir si ces promesses seront tenues, à l'heure où la demande alimentaire mondiale explose dans les pays émergents. Vous l'avez clairement dit, monsieur le ministre d'État ; vous l'avez également rappelé, monsieur le ministre de l'agriculture.

D'ores et déjà, je constate que le rendement accru du maïs Bt et la quasi-absence de mycotoxines dans ces cultures ont entraîné un nombre croissant d'agriculteurs français à faire le choix, en 2007, de cultiver cet OGM sur 22 000 hectares, essentiellement localisés dans le Sud-Ouest.

Fixer un cadre légal à la culture d'OGM dans notre pays, c'est aussi prendre acte de la structure actuelle des échanges agricoles mondiaux.

D'une part, notre pays, comme l'Europe entière d'ailleurs, est extrêmement dépendant des importations pour l'alimentation de ses animaux d'élevage, essentiellement les porcs et les volailles, particulièrement depuis l'interdiction des farines animales intervenue en 2000. Ainsi l'Europe doit-elle importer 75 % de ses protéines végétales en provenance des États-Unis, du Brésil et de l'Argentine. Or, en 2006, les cultures transgéniques ont représenté 100 millions d'hectares dans l'ensemble du monde. De ce fait, 80 % des importations européennes de soja contiennent des OGM. Pour sa part, la France importe chaque année environ 3, 5 millions de tonnes de tourteaux de soja OGM, sur les 5 millions de tonnes que consomme l'ensemble de son bétail.

Il n'existe donc pas, aujourd'hui, d'alternative économiquement viable au soja OGM. Il serait irréaliste d'imaginer une alimentation animale sans OGM, car, dans un contexte de hausse généralisée du prix des matières premières agricoles, cela conduirait à renchérir encore les coûts de l'industrie agro-alimentaire et porterait les prix à des niveaux que le consommateur, déjà soucieux de son pouvoir d'achat, refuserait de payer. Les filières de viande blanche, porc et volaille, en seraient profondément déstabilisées.

Il n'est donc pas envisageable d'interdire les importations d'OGM. Dès lors, ne pas introduire, de manière encadrée et responsable, de cultures OGM en France serait se priver du moyen de réduire notre dépendance en protéines végétales et de préserver le pouvoir d'achat.

D'autre part, la France appartient au système commercial international et se trouve soumise aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Attaquée par les États-Unis sur sa législation protectrice à l'égard des OGM, l'Union européenne encourt des rétorsions que Mme Fischer Boel, commissaire européen chargé de l'agriculture et du développement durable, évalue à ce jour à 800 millions de dollars, voire à 1 milliard de dollars par an. Vous l'avez entendue comme moi, monsieur le ministre de l'agriculture, lors de notre récente rencontre à Bruxelles.

Ces rétorsions prendraient la forme de taxes à l'entrée des États-Unis sur des produits agricoles européens emblématiques, en particulier nos vins, dont le champagne, nos fromages AOC et nos foies gras. Il est évident que la France serait l'un des premiers pays ciblés. Si, aujourd'hui, le problème des OGM affecte essentiellement les filières céréalières et, par contrecoup, celles de la viande blanche, l'onde de choc atteindrait demain la filière viticole. Je pense que certains de nos collègues - M. César et d'autres - n'en seraient pas spécialement ravis !

Enfin, tarder à légiférer sur les OGM emporte un dernier coût économique, d'un poids colossal pour l'avenir : en entretenant la confusion, la France a fini par décourager ses chercheurs en sciences du vivant. Même les lignes budgétaires ouvertes pour la recherche en biotechnologies ne sont plus consommées. Il ne suffit pas d'afficher un consensus en faveur de la recherche, il faut aussi lui donner un cadre sécurisé lui permettant de se déployer. Là encore, il y va de notre indépendance : si nous persistons dans une attitude défensive à l'égard des OGM, nous risquons de voir des multinationales étrangères monopoliser la propriété des traits génétiques.

Enfin, ce projet de loi répond à un impératif juridique : la France est, notamment, poursuivie pour défaut de transposition de la directive 98/81/CE relative à l'utilisation confinée d'OGM. La Cour de justice des communautés européennes, saisie en février 2007, s'autoriserait à demander une sanction de plus de 42 millions d'euros... Nous ferons tout pour l'éviter. Ce montant viendrait encore gonfler la facture résultant de la confusion française.

Le projet de loi que nous soumet le Gouvernement était donc attendu. Il se présente sous une forme nouvelle par rapport à 2006. Il est, en effet, bâti sur les grands principes dégagés lors du Grenelle, à savoir : la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM, l'expertise indépendante, la responsabilité des producteurs et la transparence des informations relatives aux OGM. Ces principes sont, ensuite, déclinés dans le texte.

Concernant le projet de création d'une Haute autorité sur les OGM, destinée à remplacer la Commission de génie génétique et la Commission du génie biomoléculaire, la commission des affaires économiques se félicite que cet organe nouveau soit chargé d'évaluer les risques pour la santé et l'environnement, mais aussi les bénéfices de chaque utilisation d'OGM. Elle vous proposera de rebaptiser cet organisme « Haut Conseil des biotechnologies », pour marquer son rôle essentiellement consultatif, la décision politique étant, bien évidemment, de la responsabilité du Gouvernement.

Elle souhaiterait également bien distinguer, entre les deux comités prévus, l'avis des experts, c'est-à-dire du comité scientifique, de la parole de la société civile, qui exprimera des valeurs et sera portée par le comité de la société civile. Il vous sera, enfin, proposé un mode de dialogue entre ces deux comités venant se substituer au collège prévu.

La commission des affaires économiques tient aussi à bien dissocier l'évaluation du risque, qui sera l'apanage de ce Haut Conseil, de la surveillance biotechnologique du territoire, qui doit être assurée par le comité de biovigilance et qui concernera aussi bien les OGM que les produits phytosanitaires, par exemple. C'est important.

Enfin, la commission plaidera pour une évaluation scientifique, par ce nouvel organe d'expertise, de toute information nouvelle avant de décider de toute mesure d'interdiction ou de suspension de l'autorisation déjà donnée à un OGM.

Le second volet du projet de loi concerne la responsabilité des cultivateurs d'OGM.

Tout d'abord, la commission vous propose d'élargir ce cadre pour parler plus généralement de « responsabilité et de coexistence des cultures ». Surtout, elle a décidé d'accepter une transparence des cultures OGM à la parcelle, afin d'éviter de nourrir la suspicion.

Cependant, cette avancée majeure doit s'accompagner de garanties protégeant les exploitants et leurs cultures, ce qui justifie l'introduction d'un délit de destruction de champs à l'article 4 du projet de loi, délit aggravé lorsque la destruction porte sur un essai. Monsieur le ministre, sur ce point précis, qui a fait l'objet de négociations, je vous ai déjà fait part de mon ouverture, à laquelle j'ai d'ailleurs rallié l'ensemble de mes collègues : si le champ est devenu un espace social, il n'est pas pour autant un espace de non-droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Notre assemblée ne saurait l'accepter !

Concernant la question fondamentale de l'indemnisation du préjudice économique lorsqu'on trouve une présence fortuite d'OGM dans une récolte, la commission approuve l'obligation de garantie financière que le Gouvernement propose d'imposer aux exploitants d'OGM. Elle suggère de s'appuyer sur les possibilités de mutualisation entre les professionnels. Un tel mécanisme privé ne nécessite pas d'intervention du législateur et peut notamment prendre la forme d'un échange, par l'organisme stockeur, entre une récolte qu'une présence accidentelle d'OGM obligerait à étiqueter et le même volume d'une récolte non soumise à l'étiquetage OGM, et ce dans l'attente des propositions des professionnels qui, je l'espère, répondront un jour à cette problématique. Mais chaque fois que se développe une nouvelle filière et que se crée un marché, on observe l'émergence du monde assurantiel.

Je conclurai en soulignant l'esprit constructif avec lequel la commission des affaires économiques a examiné ce projet de loi, qu'elle vous propose d'adopter, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle présentera.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, enfin une loi OGM, sujet brûlant entre tous !

Comme l'a souligné notre brillant rapporteur, la transposition de la directive européenne est une obligation que nous ne pouvons différer. Elle doit établir le principe d'une liberté de choix des producteurs et des consommateurs à adopter les OGM ou à s'en soustraire.

Je placerai mon intervention dans le cadre du développement durable et de la biodiversité, m'inscrivant dans les conclusions du Grenelle de l'environnement et sur le long terme, m'attachant à parler de la recherche, de l'innovation et de l'expérimentation.

Tout d'abord, je rappellerai que l'apport économique qu'offre la biodiversité à l'humanité est immense. Il est égal à celui du produit intérieur brut mondial, mais n'est pas calculé car il est gratuit. Toutefois, la biodiversité est fragile, et son appauvrissement est dramatique et s'accélère.

Face à cette préoccupation, n'existent que la recherche, le développement et l'innovation en biotechnologie. La France doit impérativement renforcer ses efforts, promouvoir, protéger et redynamiser ses recherches pour penser au long terme.

À ce titre, il importe d'accroître les moyens de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. Peut-être faudrait-il examiner la possibilité d'utiliser d'autres plantes riches en protéines. Ainsi, les amaranthes, nourriture privilégiée des Incas pendant des siècles, a permis à cette civilisation de perdurer. D'ailleurs, les Américains consentent des efforts pour importer et développer cette culture. L'INRA pourrait même envisager la possibilité d'importer des amaranthes et de leur apporter des améliorations par sélection ou hybridation. Il n'y a pas encore d'OGM de l'amaranthe ; cela ne gêne donc personne !

Les OGM s'imposent. Mais sachons leur accorder une juste place et différencier les meilleurs, qui permettent une adaptation au milieu. Cet aspect est fondamental puisqu'il permet, par exemple, à des cultures de plantes transgéniques de supporter la sècheresse. Les engrais azotés artificiels peuvent devenir inutiles pour d'autres qui auraient les mêmes propriétés que la luzerne. Toute cette logique est très différente de celle de certains grands groupes internationaux - je ne parle pas des groupes français - qui sont omniprésents, et le sont trop, aux yeux de certains. On comprend qu'il existe de grandes divergences d'opinion vis-à-vis des OGM.

Si la culture des OGM en milieu confiné est maintenant admise, leur culture en plein champ pose toujours problème, y compris dans de nombreux pays européens.

Le rapport d'information présenté à l'Assemblée nationale par Marc Laffineur, en octobre 2007, nous apprend que ces cultures sont certainement très largement répandues en Espagne et au Portugal, qu'elles sont interdites en Autriche et qu'elles sont mal vues en Allemagne, un certain nombre de Länder se déclarant sans cultures OGM.

Cette remarque me conduit à m'interroger sur l'absence de toute référence aux collectivités locales dans ce texte gouvernemental.

Pourtant, à mon avis, celles-ci sont en première ligne, car elles peuvent vouloir protéger leurs appellations d'origine contrôlée et leurs produits locaux, défendre leur agriculture biologique, leurs apiculteurs, etc. Il faut leur donner les moyens d'agir. J'aimerais qu'un amendement gouvernemental vise à accorder cette liberté aux communes, groupements de communes ou départements ou, en tout cas, à les faire participer fortement au comité économique, éthique et social, que la commission souhaite dénommer « comité de la société civile ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

Sous cette réserve, le texte gouvernemental qui nous est soumis me paraît relativement équilibré.

Toutefois, je regrette la rédaction de certains amendements de la commission, qui me semblent quelque peu critiquables, ainsi que l'estime notre collègue Jean-François Le Grand.

En revanche, je me félicite de la création d'une Haute autorité sur les OGM et je suis convaincu de la qualité potentielle d'une telle instance, surtout si elle est dirigée, comme le propose M. le président de la commission, Jean-Paul Emorine, dans son amendement n° 179, par un scientifique de renom indépendant.

Pour être efficace, cette Haute autorité doit impérativement garder le contrôle de ses outils d'évaluation dont elle est seule juge. De ce fait, il est souhaitable que cette instance, qui évalue les risques, définit une stratégie et les précautions à prendre avant d'autoriser la mise en culture des OGM, ne soit pas directement chargée de la surveillance. Ce rôle doit être assuré par le comité de biovigilance, qui lui rend compte de ses actions. À cet égard, l'amendement de la commission est bienvenu.

Les conditions techniques de mise en culture des OGM doivent être définies conjointement par les ministres de l'agriculture et de l'environnement, et, le cas échéant, par le ministre de la santé. Elles ne sauraient se limiter à prévoir des distances de mise en culture. Il s'agit également de définir les précautions à prendre pour le stockage et le transport des OGM, y compris des OGM importés.

Pour la première fois, la responsabilité des exploitants cultivant des OGM est clairement établie. À mon sens, elle devrait être partagée avec le distributeur et le détenteur de l'autorisation de mise sur le marché des semences incriminées. Les agriculteurs ne doivent pas être les seuls responsables, tous les acteurs doivent être solidairement responsables. L'absence fréquente de traçabilité en cas de contamination d'un milieu par des OGM en est une autre justification.

Enfin, je félicite le Gouvernement de sa volonté de transparence sur la localisation des parcelles de cultures OGM. Cette transparence, qui est inscrite dans de nombreux articles, est la condition nécessaire à une meilleure acceptabilité des OGM.

N'oublions pas que la chute de la biodiversité sur les continents, la surexploitation des océans, l'utilisation de surfaces arables pour la construction d'équipements - ce sont 100 hectares de terres cultivables qui disparaissent en France et 160 en Allemagne -, les usages des biocarburants, tous ces facteurs s'opposent à l'impérieuse nécessité de nourrir les 9 milliards d'hommes supplémentaires, alors que le dérèglement climatique restreindra les possibilités de l'agriculture traditionnelle, comme cela a été évoqué aussi bien par M. le ministre d'État Borloo que par M. le ministre Barnier. L'ampleur du défi est gigantesque.

Seule l'innovation scientifique peut répondre à ce défi, d'où l'importance de forcer l'allure, et donc d'accroître les moyens de la recherche, du développement et de l'innovation.

Aussi, je conclurai en approuvant la création du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement en génomique végétale. II importe que la recherche française dans ce secteur vital pour l'avenir de l'humanité soit renforcée.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Monsieur le ministre d'État, je tiens tout d'abord à souligner que je me réjouis de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée. Mais, avant toute chose, j'aimerais vous dire dans quel état d'esprit j'aborde cette discussion.

En réalité, je rejoins les conclusions du Grenelle de l'environnement : je suis pour la liberté de produire et de consommer, avec ou sans OGM. Je suis ainsi favorable à ces derniers, tout en souhaitant le maintien et le développement des agricultures biologique et conventionnelle.

J'estime qu'il est impératif d'avancer et de faire évoluer notre réglementation sur les OGM, ne serait-ce qu'à cause de la contrainte européenne. En effet, la non-transposition de la directive européenne sur les OGM depuis sept ans risque de nous coûter une amende de plusieurs dizaines de millions d'euros...

Au-delà de cet aspect financier, nous ne pouvons négliger l'enjeu scientifique et économique que représentent les OGM.

On fait peser une contrainte lourde sur notre recherche dans le secteur des biotechnologies. Ce secteur, stratégique dans les années à venir, accumule les retards, notamment à la suite des actions menées par des commandos « anti-OGM ». Deux chiffres me semblent, à ce titre, particulièrement révélateurs.

En France, en 2006, toutes espèces confondues, environ 35 essais en plein champ de plantes transgéniques ont été effectués, ne dépassant pas au total quelques hectares. Ce chiffre est en forte diminution depuis quelques années, en raison de la difficulté à expérimenter.

Dans le même temps, aux Etats-Unis, plus de mille dossiers de demande d'expérimentation ont été déposés, dont plus d'un quart émanant d'universités, à des fins de recherche fondamentale. De plus, 61 % des entreprises privées françaises de biotechnologie ont annulé des projets de recherche dans ce domaine depuis 1998. En effet, des laboratoires de recherche, soumis à la pression de l'opinion publique, aux risques de campagnes d'arrachage et à l'hostilité de nombreuses communes limitent d'eux-mêmes leurs programmes. Ainsi, Biogemma, société française de biotechnologies, a décidé, en 2006, de cesser les essais en France pour les concentrer à l'étranger.

Or la promotion des biotechnologies est un facteur crucial d'indépendance nationale. En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau ou d'économie d'azote par exemple, les OGM pourront certainement apporter à l'avenir des réponses, au même titre que les semences hybrides par le passé. Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !

Mais c'est également l'avenir de notre agriculture qui est en cause. L'enjeu est de pouvoir maintenir la compétitivité de l'agriculture européenne face à la concurrence mondiale, alors que les besoins alimentaires vont croître dans de fortes proportions.

À l'heure où la « chimie verte » est en plein développement, il est indispensable de maintenir, voire de développer les rendements agricoles. De plus, alors que le Grenelle de l'environnement vient d'entériner l'objectif de diminution par deux de l'usage des pesticides d'ici à 2012, il faut être réaliste : on ne peut logiquement être opposés à la fois aux pesticides et aux OGM. D'ailleurs, le Comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, dans son avis sur le maïs Bt MON 810, souligne lui-même que les cultures de maïs Bt ont un impact sur quelques familles d'invertébrés, « ses effets étant toutefois moindres que ceux liés aux traitements insecticides ».

II ne faut donc pas diaboliser les OGM. Est-il crédible de les refuser sur son territoire au vu de notre dépendance en matière d'approvisionnement en oléoprotéagineux ?

L'Union européenne consomme ainsi chaque année 30 millions de tonnes de tourteaux de soja pour alimenter son bétail. Son taux de dépendance s'est d'ailleurs encore accru, depuis l'interdiction des farines animales en 2001, passant de 70 % à 75 %. C'est donc une forme d'hypocrisie que de persévérer à refuser les OGM à l'intérieur de notre pays, alors que nous sommes aujourd'hui contraints d'en importer massivement, en provenance de pays tiers, à des fins d'alimentation animale !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Je comprends les inquiétudes légitimes de nos concitoyens ; il faut restaurer leur confiance. En l'état actuel de nos connaissances, l'absence de preuve du risque sanitaire s'accompagne de l'impossibilité de prouver son absence. Quant au risque environnemental, éventuellement associé aux OGM, il est encore plus difficile à appréhender. C'est pourquoi il est important de garantir la coexistence des filières.

Le Grenelle de l'environnement instaure un droit à cultiver avec ou sans OGM. Cela signifie bien que chaque type de culture est possible et que l'une ne doit pas se faire au détriment des autres. Cette conclusion rejoint la position de la Commission européenne, qui a édicté comme règle générale de la coexistence entre types d'agriculture : « permettre à chaque agriculteur de choisir le mode de production qu'il souhaite, qu'il soit biotechnologique, conventionnel ou biologique ». Vous avez insisté tout à l'heure sur ce point, monsieur le ministre.

En outre, au terme du Grenelle de l'environnement, la France s'est fixée l'objectif ambitieux de porter à 6 % la part de la surface agricole utile, SAU, engagée dans un mode de production biologique d'ici à cinq ans et vise les 20 % en 2020. Dès le 12 septembre dernier, Michel Barnier a lancé le plan d'action « agri-bio : horizon 2012 », établissant l'objectif de un million d'hectares cultivés en bio.

Le Grenelle a ajouté 500 000 hectares complémentaires. Or cet objectif n'est pas réaliste sans un encadrement strict des cultures OGM. C'est l'existence même de l'agriculture biologique qui sera remise en cause si nous n'instaurons pas un strict encadrement des cultures OGM.

La réglementation européenne stipule, en effet, que « les denrées alimentaires contenant des OGM ne pourront pas bénéficier de l'étiquetage réservé aux produits biologiques, hormis ceux qui contiennent jusqu'à 0, 9 % d'OGM pour cause de contamination accidentelle ». Les risques de contamination involontaire existent : semences, pollinisation croisée. Le Grenelle a réaffirmé le droit à cultiver avec ou sans OGM. À nous de permettre l'effectivité de ce droit, en protégeant des agricultures qui n'auront plus les moyens d'exister si, d'aventure, les mesures destinées à éviter la dissémination d'OGM ne s'avéraient pas suffisantes.

L'exemple allemand me semble tout particulièrement éclairant et instructif à cet égard. En effet, notre voisin est très en avance sur nous dans la transposition des directives européennes puisque, dès 2004, une loi fixait un cadre juridique pour la coexistence des cultures tout en prévoyant un régime de responsabilité strict fondé sur le principe du pollueur-payeur.

Après deux ans d'application de cette loi, le gouvernement allemand a élaboré un nouveau texte, qui a déjà été adopté par le Bundestag et qui devrait l'être par le Bundesrat le 15 février prochain. Ce texte comprend un volet spécifique relatif à la coexistence des cultures grâce à la mise en oeuvre de distances minimales pour la culture de plantes génétiquement modifiées. Ainsi, si un agriculteur décide d'utiliser des semences génétiquement modifiées, il sera tenu d'en informer ses voisins au moins trois mois avant les semis, par écrit et en précisant leurs droits et recours.

Par ailleurs, la distance minimale requise pour la culture du maïs sera de 150 mètres face à des cultures conventionnelles et de 300 mètres face à des cultures biologiques. Certes, cet outil prend en compte les spécificités de l'agriculture dans les ex-länder de l'Est, où les exploitations sont de très grande taille. Toutefois, une telle disposition est de nature à rassurer une opinion publique très réservée sur les OGM.

Autre innovation de ce projet de loi, la meilleure prise en compte des intérêts de la recherche. Les chercheurs se verront accorder des assouplissements importants, notamment pour les travaux en laboratoire et les expérimentations contrôlées en plein champ. Les procédures seront simplifiées, le nombre de documents à produire pour obtenir l'autorisation de mener des recherches et les délais seront réduits.

Pour moi, cette loi a valeur de modèle, car elle fait la jonction entre le nécessaire soutien à la recherche - vous y avez beaucoup insisté tout à l'heure, messieurs les ministres -, la transparence indispensable sans laquelle aucune culture OGM ne doit être envisagée et la coexistence des cultures, notamment la protection des cultures bio.

Mais c'est surtout le volet relatif à la coexistence des cultures qui me semble primordial. Sans être un intégriste de l'agriculture biologique, j'estime qu'il est incontestable que ce mode de culture répond aux attentes d'un grand nombre de nos concitoyens. Il faut donc le préserver. À quoi bon prendre des engagements lors du Grenelle de l'environnement si nous remettons tout en cause quelques mois plus tard ? Comment être encore crédibles auprès de nos concitoyens ?

C'est bien sur ces sujets, qui concernent tout un chacun, que nous devons être le plus irréprochables. Il est nécessaire de rassurer les consommateurs qui ne comprennent pas, après les termes choisis par le Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés dans son avis sur le maïs BT 810, que l'on puisse seulement débattre des OGM au Parlement.

Il est nécessaire de rassurer les agriculteurs bios, qui craignent pour leur survie. Et comment ne seraient-ils pas inquiets devant les tergiversations et les différences de vues évoquées au sein des milieux les mieux informés et, nous l'espérons, les plus objectifs ?

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement, fondamental à mon sens, qui reprend, en tenant compte de la géographie et de la situation française, les distances de protection prévues dans le projet de loi allemand, à savoir, pour le maïs, 100 mètres pour les cultures conventionnelles et 300 mètres pour le bio.

Ces chiffres n'ont pas été choisis au hasard ; ils ont été fixés sur la base d'expertises scientifiques et devraient prévenir à peu près totalement la pollinisation et la contamination des cultures traditionnelles par les OGM.

Par ailleurs, ces espacements pourront être révisés et diminués, suivant les avancées scientifiques. Certes, le développement des OGM pourrait être légèrement ralenti dans les premières années d'application de cette loi, du fait de ces distances de sécurité. Mais, passez moi l'expression, le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ?

S'agissant des semences de maïs, on ne peut pas dire - et je parle en connaissance de cause ! - que l'isolement a diminué les surfaces des cultures, y compris dans le Sud-Ouest. Les agriculteurs savent très bien s'arranger ! Mieux vaut aller plus lentement, mais avancer sur ce dossier en permettant de faire évoluer les mentalités grâce à une transparence maximale, à la poursuite d'expérimentations, à la publication des résultats scientifiques et à la réalisation d'actions d'information vigoureuses.

Enfin, j'ai déposé des amendements destinés à garantir une séparation des filières plus efficace à tous les stades de la chaîne de production - récolte, stockage, transport... -, et à faire des parcs naturels des zones sans OGM.

J'espère, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'État, que ce débat nous permettra d'apporter des garanties satisfaisantes pour tous.

Enfin, pour conclure, je veux croire que l'État s'attachera à mettre en place un véritable soutien à la recherche publique - j'ai été rassuré tout à l'heure -, afin que nous puissions développer à terme nos propres semences OGM, dont nous aurons contrôlé le process ainsi que les effets.

De même, nous ne pouvons faire l'économie à très court terme d'une campagne de communication de grande ampleur, afin d'informer correctement les consommateurs sur les OGM.

Je ne terminerai pas sans remercier et même féliciter notre rapporteur, même si je n'approuve pas tous les points qu'il a évoqués !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, parler des OGM dans cet hémicycle, c'est un peu parler de l'Arlésienne ! Le débat ne revient-il pas régulièrement depuis 2003 au moins, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Nous avons eu des rapports et nous avons même examiné un projet de loi en 2006. Mais, je dois le reconnaître, la particularité de l'époque était que jamais nous n'avons entendu sur le sujet aucun des co-auteurs, les ministres de la recherche, de l'agriculture, de l'environnement, de la santé. Les choses ont changé depuis, monsieur le ministre, je vous rassure !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Il y a eu les élections présidentielles !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Pourtant, le 19 juin 2003 déjà, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, nous faisait part, dans cet hémicycle, de l'urgence qu'il y avait à transposer par voie législative la directive sur ce sujet. Quant au texte voté ici même en 2006, il ressemble très étroitement à celui que vous nous proposez : dix articles sur treize sont, en effet, comparables.

Là où j'ai parfois du mal à tout comprendre, c'est à propos du lien qui existe entre les conclusions du Grenelle de l'environnement et certains engagements que je retrouve dans le projet de loi que nous examinons. Mais, très honnêtement, le débat ne fait que commencer et je suis convaincu que nous aurons la réponse avant la fin, voire... après les municipales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Le parti socialiste que je représente tient à affirmer par ma voix tout son attachement à la modernité, à l'innovation, à la créativité et à la science, activité fondamentale pour permettre à l'homme, à l'humanité, de progresser, à une condition toutefois : qu'elle soit maîtrisée et contrôlée par l'homme et le secteur public.

Je reprends les propos que vous avez tenus dans votre intervention liminaire et que je partage, monsieur le ministre, à savoir que ce projet de loi est un acte de courage. La recherche scientifique doit être au service de l'homme, mais ce dernier ne doit pas se faire dominer par elle. Oui, j'adhère pleinement à cette image-là !

L'humanité exige en permanence des avancées scientifiques, mais, parfois, la réalité dépasse la fiction. Aujourd'hui, sur le sujet des OGM, « rien ne montre que c'est la raison qui gouverne le monde... en dehors de la raison du plus fort. » Jean Bizet se souvient certainement de cette phrase...

Le débat qui nous occupe laisse encore planer un espace de doute en la matière.

Qu'est-ce qui bloque le citoyen sur le sujet ?

Souvent, il ne connaît pas bien le dossier malgré la profusion d'informations, et, lorsqu'il le connaît, il a tendance à s'inscrire dans un clivage, dans la confrontation entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.

Or que retrouve-t-on dans ce texte de loi pour rassurer, pour apporter plus de transparence et d'informations au citoyen ? Ce n'est pas le fichier national proposé qui sera suffisant pour le rassurer ! Il faudra aller plus loin, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'État. Au cours du débat, nous serons conduits à vous proposer un certain nombre d'amendements en ce sens pour progresser, pour instaurer une véritable participation du citoyen.

J'ai pour habitude de reprendre une image, certes simpliste pour les scientifiques présents dans cet hémicycle, mais explicite. Nous l'évoquions déjà, mon collègue rapporteur Jean Bizet et moi-même, dans notre rapport d'information commun de 2003 pour exposer le sujet à des non-scientifiques, qui, globalement, représentent la société. Il s'agit d'un parallèle entre les individus et les livres.

Les chromosomes seraient les chapitres et les gènes les mots. Dans une phrase, on peut remplacer un mot par un autre et ainsi changer le sens de la phrase. On peut également changer un mot de place et le sens de la phrase en sera modifié également. La modification génétique consiste justement à modifier un ou plusieurs mots.

Mais le sens d'une phrase ne dépend pas uniquement du vocabulaire : il dépend aussi de la syntaxe, que nous maîtrisons beaucoup moins s'agissant des OGM ! D'ailleurs, aucun des scientifiques que nous avons interrogés sur cette question de fond n'a voulu s'engager lorsque nous leur avons demandé s'ils étaient sûrs qu'un gène, une fois déplacé, resterait à la même place. Dans certains cas, les gènes bougent un peu, ce qui a parfois des effets inattendus. C'est là que la prudence s'impose dans ce débat.

Ce constat me conduit à deux réflexions extrêmement basiques.

Premièrement, il faut prendre le temps d'expertiser encore, permettre à la recherche de travailler officiellement sur la question, la laisser oeuvrer en tout sérénité et lui donner les moyens de le faire. C'est grâce aux chercheurs et à leurs travaux que nous aurons le recul nécessaire sur la technique de la transgénèse, qui a énormément progressé, et que nous en maîtriserons mieux les tenants et les aboutissants.

Cela dit, l'objectif fixé par la stratégie de Lisbonne de porter à 3 % du PIB l'effort de recherche de notre pays ne sera vraisemblablement pas atteint. Il faut pourtant sauver la recherche publique dans sa mission fondamentale, car elle seule pourra faire la clarté sur le sujet en identifiant les risques et les avantages pour notre société, l'environnement et l'homme. Avec sept ou huit ans de recul, par exemple, nous savons déjà qu'il existe des cas d'accoutumance pour certaines plantes OGM, ce qui nécessite de recommencer les schémas de sélection.

Deuxièmement, ce projet de loi se préoccupe à 95 % des plantes génétiquement modifiées. Cela s'avère gênant dans un projet de loi relatif aux « organismes génétiquement modifiés ».

En effet, qu'il s'agisse de plantes ou d'animaux, c'est la fonction associée au génome qui détermine l'intérêt de l'OGM. Le triptyque organisme-gène-fonction est l'aspect fondamental qui devrait orienter nos débats et donner lieu à un encadrement législatif réel. Or rien n'apparaît à ce stade dans le texte.

Ne pas évoquer la liaison fonction-gène, c'est oublier l'essentiel dans ce débat. Nous l'avions évoquée dans le rapport de la mission d'information ; cela faisait d'ailleurs partie des demandes et je regrette que cette liaison n'apparaisse pas comme telle. Le gène est propriété de l'humanité et doit le rester, faute de quoi, nous ouvririons la boîte de Pandore de l'appropriation du vivant.

En revanche, la fonction - le triptyque que j'évoquais - est seule brevetable et mérite qu'on légifère.

Car, en définitive, ce texte concerne aussi le règne animal, dont l'homme fait partie.

Voilà quelques années, Jean Bizet et moi-même avons fait un déplacement aux États-Unis ; nous avons visité un centre de sélection porcin, où les chercheurs avaient introduit par transgénèse le gène laitier d'une vache laitière Holstein sur un chromosome de truie. Le résultat ? La production de lait de la truie était multipliée par deux et demi !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Que faut-il en penser ? Sans doute le plus grand bien, mais où sont les limites de la science ? Cet exemple illustre à la fois le bénéfice éventuel de telles pratiques pour la société et les dangers qu'elles recèlent.

Comment le texte que vous nous proposez aborde-t-il ces sujets ? Je ne l'ai pas vu. Pose-t-il des jalons, des barrières ? Donne-t-il une ligne de conduite au Haut conseil ?

Il nous appartient de prévoir et de prévenir les risques, avant que la question ne se pose un jour de manière irrémédiable.

Vous nous parlez d'OGM, oui ! Avec des déplacements de gènes sur le chromosome, d'accord ! Mais la fonction ? Elle est entre les mains de qui ? Pourquoi et comment ?

Il est urgent de préciser que l'appropriation de la fonction ne peut être que publique ou, du moins, sous contrôle public, de manière à bien maîtriser ce que pourrait être une commande de la société vis-à-vis des OGM, et non pas être à la remorque d'opérateurs qui n'auraient d'autre but que leur propre profit.

Quand un semencier de ma région modifie, grâce à un gène de luzerne, une fétuque connue non seulement pour sa résistance à la sécheresse, mais aussi pour sa végétation très ligneuse, créant ainsi une nouvelle sorte de fétuque résistante à la sécheresse, mais moins ligneuse et dotée des propriétés alimentaires propres à la luzerne, c'est-à-dire riche en azote, donc plus appétante, il s'agit peut-être d'un début de réponse face aux enjeux du développement durable, car la société peut trouver des bénéfices dans ce type de pratiques culturales. Mais comment, jusqu'où, dans quel milieu et dans quel type d'environnement, pourront-elles être accueillies, ou non ? Je veux poser la question en ces termes.

En tout cas, la fonction peut être différente avec le transfert d'un gène d'une plante à une autre ou le déplacement d'un gène sur un même chromosome ou encore le transfert d'un gène d'un animal sur un autre animal, voire d'un animal sur un végétal.

Dans tous les cas, mes chers collègues, ce sont des OGM. Mais y a-t-il une réponse unique pour chacun d'entre eux ? Ou bien ne faut-il pas légiférer dès maintenant pour préciser clairement ces fonctions, leurs limites, les blocages et les interdits à ne pas dépasser ? Sinon, ce sera sans limite et nous n'aurons fait qu'effleurer une véritable question de société.

Quels seront le rôle et le pouvoir du Haut conseil à cet égard ? C'est à la loi de le préciser, et ce n'est pas la seule application de la directive européenne qui nous permettra d'apporter une réponse à ces questions. Nous devons aller plus loin !

Nous vous proposerons, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, quelques amendements d'« alerte ». Il vous appartiendra de profiter de ce temps fort du débat pour nous apporter toutes les précisions nécessaires.

D'autres questions se posent à nous.

Rien n'apparaît de façon explicite dans le texte sur la gestion des quantités colossales de céréales, d'oléagineux, de soja OGM importés pour fabriquer des tourteaux destinés à l'alimentation du bétail. Comment gère-t-on le stockage et le transport, ainsi que tous les risques de contamination diffuse ? La seule réponse de l'OMC ne suffit pas à éclairer notre société sur cette question.

Comment légiférer pour réglementer une culture d'OGM dans un département, alors que ce même département sera traversé par des camions transportant du soja OGM qui ne sera soumis, lui, à aucune législation, à aucune contrainte ? Comment allons-nous expliquer une telle situation à nos concitoyens ? Si nous voulons être crédibles, il nous faudra bien mettre tout cela sur la table : c'est ce que nous vous proposons.

Vous évoquez une garantie, mais il faut aller plus loin, avec la création d'un fonds financé par toute la filière.

Vous parlez de transparence et d'information, mais il faut, là encore, aller plus loin, en prévoyant une participation plus importante des citoyens, dans le cadre de commissions locales d'information et de suivi, ou CLIS.

La notion de responsabilité doit concerner non pas uniquement l'agriculteur, mais s'adresser à toute la filière.

Ce texte n'aborde, en fait, qu'une partie de la problématique des OGM.

Je me répète, car c'est important, la première étape reste toujours la recherche, qu'il faut soutenir sous toutes ses formes.

L'identification de fonctions destinées au domaine médical devrait pouvoir donner lieu, de la part des pouvoirs publics, à des réponses différentes de celles qui interviennent lors de la découverte de fonctions dont le but serait autre. C'est dans cette voie que nous souhaiterions accompagner le Gouvernement, celle du progrès maîtrisé, et nous proposerons d'amender le texte en ce sens. Nous suivrons souvent le rapporteur lorsqu'il présentera des amendements rédactionnels, mais, au final, si le texte devait rester en l'état, nous ne le voterions pas pour les raisons que j'ai évoquées.

Le Gouvernement me répondra sans doute que la directive n'aborde pas ces thèmes. Mais il nous appartient aussi de transmettre à l'Europe notre lecture de ce sujet, afin qu'elle prenne en compte nos problématiques.

Mes chers collègues, nous sommes prêts au débat. Selon nous, trop de questions sont à ce jour en suspens, trop de manques apparaissent sur un sujet aussi vaste.

Notre position reste cependant très claire.

Premièrement, on ne parle que des recherches en milieu confiné, voire exceptionnellement et dans des conditions précises, en plein champ.

Deuxièmement, la mise en place de commissions locales d'information et de suivi par projet est nécessaire.

Troisièmement, le maire doit disposer de toutes les informations concernant les OGM cultivés sur sa commune.

Quatrièmement, une définition du triptyque organisme-gène-fonction est nécessaire. Elle doit comporter des degrés différents, ce classement devant entraîner des mesures différentes en termes de besoins et d'encadrement.

Ces garde-fous, qui ont pour base le principe de précaution, la transparence et l'éthique, sont susceptibles d'ouvrir la voie au progrès scientifique, parce que ce dernier serait maîtrisé par l'homme et par la puissance publique. Si ces garde-fous que nous proposons d'introduire faisaient l'objet d'avancées de votre part, mes chers collègues, alors nous aurions fait ensemble un grand pas pour la science et pour l'humanité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.

M. Roland du Luart remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous entamons la discussion revêt un caractère impératif pour deux raisons.

Premièrement, il s'agit de la transposition d'une directive européenne, pour laquelle nous avons déjà pris beaucoup de retard, ce qui serait susceptible de nous coûter plusieurs dizaines de millions d'euros de sanctions financières.

Deuxièmement, ce texte se situe dans le droit fil des conclusions du Grenelle de l'environnement, qui appelaient un cadre rigoureux et transparent pour les OGM, grâce à une loi et à la création d'une haute autorité.

Parce que le présent texte correspond à ce double impératif, le groupe de l'UMP insiste d'ores et déjà pour que la navette parlementaire suive son cours et que nous puissions aboutir à l'adoption d'un texte définitif dans les meilleurs délais.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire en 2006, lorsque nous discutions d'un premier projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, « nous ne pouvons ignorer que ce sujet interpelle, voire inquiète, nombre de nos concitoyens, et ce n'est que par plus de débat, plus de transparence et plus de recherche que nous pourrons avancer ».

Aujourd'hui, peut-être plus encore qu'en 2006, le groupe UMP du Sénat continue de plaider pour plus de débat, plus de transparence et plus de recherche. C'est pourquoi nous aborderons ce texte en faisant oeuvre de pédagogie, de clarté et de sérénité.

Dans un premier temps, il me semble utile de remettre en perspective la question des OGM. À ce titre, rappelons d'abord que notre pays ne peut pas vivre dans l'isolement : il produit, fait de la recherche et se développe dans un environnement concurrentiel et international.

Le contexte européen est évident : d'abord, parce qu'il s'agit de la transposition d'une directive ; ensuite, parce que certains de nos voisins européens, notamment l'Espagne, cultivent des OGM ; enfin, parce que la majorité des pays européens connaissent les mêmes débats que nous.

Nous devons aussi tenir compte d'une forte dimension internationale : les États-Unis, le Brésil et, désormais, la Chine cultivent des OGM. Le sujet figure à l'agenda de l'OMC, et pas forcément dans des termes qui nous sont favorables.

Enfin, nous devons essayer d'appréhender les organismes génétiquement modifiés dans toute la complexité des questions qu'ils soulèvent.

Premièrement, gardons-nous de trop de simplifications : chaque OGM a ses propres caractéristiques et les applications sont variées, qu'elles soient agricoles, pharmaceutiques ou industrielles.

Deuxièmement, le respect de l'environnement et de la santé publique ainsi que la préservation de la biodiversité plaident pour des procédures indiscutables d'autorisation et un système de biovigilance efficace qui existe déjà largement, tant au niveau français qu'au niveau européen.

Nous devons également traiter la question agricole dans toute sa spécificité. L'avenir de l'approvisionnement des élevages européens est en jeu, car nous sommes aujourd'hui déficitaires en protéines animales, comme cela vient d'être rappelé par plusieurs de mes collègues, si bien que notre cheptel est, pour partie, d'ores et déjà nourri avec des produits OGM importés.

Au-delà des aspects agricoles, le débat concerne plus largement les biotechnologies et l'avenir de la recherche française, seul moyen d'ailleurs de connaître les potentialités des OGM et d'accompagner le plus sûrement possible la prise de décision.

La question des OGM est donc non seulement complexe, mais aussi stratégique.

C'est pour nous, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, une ardente obligation que de chercher à apaiser le débat et d'approfondir la réflexion, car l'approximation fait le lit de l'obscurantisme et nourrit les inquiétudes.

Le présent texte nous permet de répondre à nombre de ces interrogations et de donner à notre pays le cadre légal équilibré dont il a besoin.

J'en rappellerai les principales dispositions.

Ce texte se fonde sur des principes généraux incontestables qui régiront toute intervention en matière d'OGM, à savoir le principe de précaution, la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM, et la transparence.

Il instaure l'unification des autorités d'expertise existantes, par la création d'une instance unique, pour plus d'efficacité et de clarté. Celle-ci sera indépendante et pluridisciplinaire. Elle se composera d'un comité scientifique et d'un comité économique, éthique et social, qui assurera la représentation et l'expression de la société civile. Elle s'exprimera en toute transparence.

Est également prévu un régime de responsabilité sans faute pour le préjudice éventuel dû à une dissémination fortuite d'OGM et une information des citoyens par un registre national des cultures OGM.

Au-delà du texte législatif qui nous intéresse présentement, je souhaiterais évoquer deux autres points qui me semblent très importants.

Vous venez de rappeler, monsieur le ministre d'État, l'engagement du Gouvernement de consacrer 45 millions d'euros de crédits à la recherche dans les biotechnologies végétales. Peut-être pourriez-vous nous donner des précisions sur les programmes et les structures de recherche qui seront concernées ?

Par ailleurs, en attendant l'adoption définitive du projet de loi et, donc, la mise en place de l'instance d'expertise prévue, il est indispensable que les essais confinés et en plein champ puissent se poursuivre sans rupture d'instruction des dossiers d'autorisation, car la recherche nous permettra de connaître toujours mieux les OGM et de décider de leur avenir avec la meilleure sécurité possible, en application du principe de précaution.

C'est pourquoi, monsieur le ministre d'État, je me permets de vous demander, même si M. le ministre de l'agriculture vient à l'instant de confirmer l'intérêt qu'il portait à cette question, si l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ne pourrait pas être mobilisée dans ce sens.

Nous avons adopté en commission les amendements présentés par M. le rapporteur, notre collègue Jean Bizet, qui, permettez-moi de le souligner, se consacre, en tant que parlementaire, au dossier des OGM et des biotechnologies depuis plus de dix ans. J'espère que les travaux de la commission seront confortés...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

... par notre débat en séance publique, afin que nous aboutissions à un texte équilibré, respectueux des principes que nous avons toujours défendus au Sénat, à savoir le principe de précaution, la transparence, la participation citoyenne et la responsabilité.

En conclusion, après la confusion qui a régné ces dernières semaines sur le dossier des OGM, il est grand temps de revenir à la raison et à la modération.

C'est pourquoi nous plaidons pour la confiance envers les avis de nos scientifiques, fondée sur un système d'expertise fiable et indépendant, pour la garantie de la coexistence de pratiques agricoles variées et respectueuses de l'environnement - Daniel Soulage a donné tout à l'heure certaines explications sur ce point -, et pour l'amélioration de nos connaissances par la poursuite de la recherche sur les OGM.

Il a été souvent dit que le Grenelle de l'environnement a permis de réunir autour de la table des personnes qui ne se parlaient plus.

Mes chers collègues, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, continuons donc d'échanger et de dialoguer en toute rationalité, pour que la France avance avec bon sens, pragmatisme, clarté et pertinence sur le sujet des biotechnologies.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, aborder le sujet des organismes génétiquement modifiés, c'est nécessairement aborder des questions éthiques, culturelles, scientifiques, économiques, de santé publique, de sécurité sanitaire et environnementale.

La catégorie « organismes génétiquement modifiés » est très large. Elle recouvre aussi bien des plantes, des animaux, des bactéries, des champignons et des virus dont le profil génétique a été transformé en laboratoire. Tous ces organismes ont en effet pour trait commun d'avoir subi une opération de génie génétique aboutissant à la greffe d'un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine héréditaire.

La transgénèse permet d'aller au-delà des lois naturelles de l'hybridation, par la transgression de la barrière des espèces. Si les hommes ont depuis longtemps cherché à améliorer les végétaux et les animaux en utilisant des méthodes de sélection naturelle, de greffage ou d'hybridation, un cap a été désormais franchi.

C'est pourquoi nous aurions tort de mépriser le sentiment de défiance de nos concitoyens envers les organismes génétiquement modifiés ; nous aurions tort de réduire le débat à une opposition entre obscurantisme et progrès scientifique.

Les craintes de nos concitoyens, que bon nombre d'entre nous partagent sur ces travées, ont des racines dans des réalités historiques que constituent les crises sanitaires récentes - la vache folle, la listeria, l'amiante, la dioxine, le sang contaminé, l'hormone de croissance -, mais également dans une conception très culturelle de notre alimentation.

Face aux choix et aux enjeux en présence, aux incertitudes scientifiques, il paraît naturel de ne pas avoir une position catégorique sur chaque aspect de la question. Cependant, il revient au pouvoir politique de trancher et de prendre ses responsabilités.

Aujourd'hui, le bilan du coût par rapport aux avantages des organismes génétiquement modifiés joue en défaveur de ces derniers.

C'est pourquoi nous partageons sans réserve la position de notre rapporteur qui souligne « la nécessité vitale de reprendre les recherches dans le domaine des biotechnologies ». Il est fondamental de donner les moyens aux scientifiques de poursuivre leurs recherches. L'annonce du Gouvernement de consacrer 45 millions d'euros de crédits budgétaires en trois ans à la recherche en biotechnologies végétales tombe donc à point nommé, même si elle appelle des précisions de la part des chercheurs.

Il est notamment nécessaire de mettre en place des études épidémiologiques, puisqu'aucune étude de cette nature n'a été conduite dans les pays forts consommateurs d'OGM, et d'orienter la recherche vers des applications socialement utiles, en maintenant la primauté de la recherche fondamentale en amont de la recherche appliquée, et non l'inverse, comme c'est trop souvent le cas.

Les plantes génétiquement modifiées, auxquelles ce texte est consacré en grande partie, avaient été initialement conçues pour combattre la faim dans le monde, protéger l'environnement et économiser l'eau.

En ce qui concerne les questions environnementales, les objectifs sont loin d'être atteints. Ma collègue et amie Évelyne Didier y reviendra en détail tout à l'heure. L'objectif d'un recours réduit aux herbicides, fongicides, insecticides et pesticides laisse le citoyen interrogatif face aux avis partagés des scientifiques, qui déplorent la mise en champ massive sans avoir de certitudes quant aux risques sanitaires possibles, et ce tout particulièrement à moyen et à long terme.

Lors des débats en mars 2006, j'avais rappelé les phénomènes d'accoutumance des plantes, des adventices et des insectes. Au regard des modifications des micro-organismes dans le sol, aucune étude ne permet de dire avec certitude si la réversibilité vers des cultures conventionnelles ou biologiques sera possible. Des millions d'hectares seraient ainsi « gelés » et condamnés aux PGM.

Dès lors, comment respecter les objectifs du Grenelle de l'environnement et multiplier par trois les surfaces dédiées à l'agriculture biologique ? Quelle crédibilité accorder à l'annonce des repas « bio » dans nos cantines municipales ?

Quant aux plantes résistantes à la sécheresse, on en parle beaucoup, mais on ne les voit jamais !

Je souhaite à présent aborder la souveraineté alimentaire, question qui est en lien direct avec l'appropriation du vivant par de grandes multinationales, avec sa brevetabilité, ou encore avec la mondialisation et la dépendance des États les plus pauvres vis-à-vis des États les plus riches.

Il serait malhonnête de laisser entendre que les organismes génétiquement modifiés peuvent constituer une réponse suffisante pour éradiquer la malnutrition ou les famines dans le monde.

La FAO, ou Food and Agriculture Organization, tout comme les organisations humanitaires s'accordent à dire que, en règle générale, les crises alimentaires ne sont dues ni aux épisodes de sécheresse ni aux invasions d'insectes et que, dans l'ensemble, elles sont liées non pas à un déficit de production agricole, mais à la répartition des produits et des revenus au sein de la société. Bref, la nourriture est produite en quantité suffisante, mais de larges segments de la population n'ont pas les moyens de se la procurer.

En France, où il devrait être aisé de permettre à toutes les familles d'accéder à des revenus du travail compatibles avec les dépenses alimentaires nécessaires à la survie de leurs membres les plus fragiles, que constate-t-on ? Les Restaurants du coeur, les banques alimentaires, les différents services d'aide sociale, publics ou privés, distribuent des dizaines de millions de repas par an.

Lutter contre la faim, c'est lutter contre les inégalités sociales, réduire la dépendance des petits exploitants ; ce n'est certainement pas soumettre ces derniers au diktat d'une poignée d'oligopoles mondiaux, dont l'unique but est de verrouiller et de contrôler l'ensemble du marché des semences, au mépris de l'indépendance alimentaire des pays.

C'est d'ailleurs dans ce sens que nous avons déposé un amendement dans ce texte, visant à défendre les semences de ferme !

J'en viens aux dispositions du projet de loi.

Le texte qui nous est soumis entérine la possibilité des cultures en plein champ, notamment à visées commerciales, et les dommages collatéraux inévitables, opérant ainsi un choix que nous ne partageons pas.

L'article 1er pose, avec raison, les principes régissant l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. Il soumet, notamment, la culture et la commercialisation au respect de l'environnement et de la santé.

À peine posés, ces principes risquent fort d'être méconnus. En effet, s'agissant de la coexistence, rien n'est dit, au contraire, sur l'irréversibilité des risques provoqués par les OGM, qu'il s'agisse des sols, des adventices ou de plantes modifiées, comme la ravenelle.

Rappelons, à titre d'exemple, quelques lignes de l'avis rendu sur le maïs MON 810. Depuis 1998, des faits nouveaux sont apparus, renforçant les risques que présente cette plante génétiquement modifiée : la dispersion du pollen sur de grandes distances kilométriques, la pollinisation systématique croisée entre champs de culture d'OGM et champs sans OGM à l'échelle locale, l'apparition de résistances sur les ravageurs cibles, les effets négatifs sur la faune sauvage non cible.

Le chapitre Ier porte création de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Mutualiser au sein d'un même organisme les compétences peut être une bonne chose afin d'éclairer les autorités publiques, à condition de ne pas façonner le futur haut conseil pour servir uniquement le lobby des grands semenciers et de l'agriculture intensive.

Nous pensons donc qu'il est nécessaire que la mission de surveillance soit, quant à elle, dévolue à un autre organe, qui pourrait être le comité de biovigilance. Ce serait d'ailleurs l'occasion de le formaliser.

En outre, nous déposerons plusieurs amendements visant à fixer la composition des deux comités participant à la Haute autorité. Il nous semble peu souhaitable que cette question soit renvoyée à un décret compte tenu de l'importance des missions. Nous tenons également à ce que les deux comités élaborent conjointement les avis et que l'on ne s'en remette pas à un collège de trois membres pour l'adoption du document final.

Au cours des débats, nous reviendrons plus en détail sur la composition, l'indépendance des comités et le champ de la mission de la Haute autorité.

S'agissant de la responsabilité, l'article 5 du projet de loi, relatif à la responsabilité des exploitants cultivant des plantes génétiquement modifiées, exclut néanmoins de cette définition la mise sur le marché, ce qui tend à déresponsabiliser les semenciers au détriment des exploitants agricoles.

Les agriculteurs font, par nature, confiance aux techniciens, qui ont à la fois une mission de conseil et un objectif de vente. L'on ne voit pas pourquoi ceux qui tirent le plus grand bénéfice du système, à savoir les semenciers et les organismes revendeurs, ne porteraient pas leur part de responsabilité en cas de dissémination.

Par ailleurs, l'indemnisation porte uniquement sur la perte économique de la récolte et ignore d'éventuels déclassements de l'exploitation ou d'autres dégâts collatéraux irréversibles.

Quant au recours à la garantie financière obligatoire pour les cultivateurs de plantes génétiquement modifiées, il présente l'inconvénient de charger uniquement l'agriculteur sur le plan financier. Le système proposé par la commission relevant, quant à lui, plus de l'improvisation de dernière minute, ne nous satisfait pas.

Il est également très problématique que la preuve de la contamination et son coût soient à la charge de la victime.

L'exigence de transparence est considérablement réduite par la persistance d'informations non transmissibles. En la matière, la France ne satisfait pas aux exigences posées par l'article 6-2 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. La jurisprudence administrative a estimé que la diffusion des données opérée par internet et la publication des fiches d'information ne constituaient pas une garantie acceptable.

Le projet de loi prévoit la localisation des cultures OGM à la parcelle. Cependant, la portée de l'obligation d'information en matière de dissémination n'est pas encore très claire, en raison de l'invocation de l'ordre public ou d'autres secrets protégés par la loi. En effet, le Conseil d'État a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle sur l'obligation de communication par l'administration de la localisation des parcelles.

C'est pourquoi il faut être prudent quand on parle de transparence et bien avoir en tête la question de l'accès du public à l'information.

De plus, nous considérons qu'une information effective du public en ce qui concerne la liberté de consommer sans OGM passe par l'instauration d'un affichage positif de la mention « avec OGM ».

Enfin, il est indispensable que nos concitoyens s'emparent de ce sujet de société et que l'information soit diffusée partout. Nous demandons qu'un grand débat public national soit organisé sur le sujet.

« Les Français sont d'accord avec les OGM, ils en mangent déjà » avez-vous dit, monsieur le rapporteur. Mais les Français sont-ils au courant ? Donnons-leur la possibilité de choisir et de s'exprimer sur cette question. Il convient d'avancer avec la société en informant, en débattant, en décidant démocratiquement.

Certains pays, tels que la Suisse, ont recouru au référendum pour dire « non » aux OGM ; d'autres ont prolongé le moratoire. L'opinion publique française, majoritairement contre la dissémination et la consommation d'organismes génétiquement modifiés, n'est pas isolée à cet égard en Europe. La France devrait profiter de la présidence de l'Union européenne pour relancer le débat sur ce sujet.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi pour des raisons essentielles, que je souhaite rappeler : il s'agit d'un texte voté sous la contrainte de Bruxelles et de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et qui n'a été précédé d'aucun grand débat public national.

Souvenons-nous de l'affaire du boeuf aux hormones. À l'époque, l'Organe de règlement des différends avait confirmé la condamnation de l'Union européenne en ne retenant pas la pertinence du principe de précaution.

D'ailleurs, les États-Unis ne considèrent pas le « principe de précaution » comme une règle de droit international coutumier et ils estiment qu'il s'agit plus d'une « approche » que d'un « principe ». On connaît pourtant aujourd'hui les effets de tels produits sur la santé !

Le présent texte prône une conception mondialiste et capitalistique de domination des grandes firmes internationales et de certains pays dans le cadre de la guerre alimentaire ; il confirme le concept de brevetabilité du vivant ; il promeut une technologie incomplètement maîtrisée, alors qu'elle aura des effets irréversibles sur la biodiversité ; il est de nature à entraîner une remise en cause des formes d'agriculture à dimension humaine, conventionnelle ou biologique ; enfin, il comporte un chantage inacceptable à la délocalisation et à la dépendance technologique.

Tout cela fait beaucoup dans un monde dominé par l'argent, un monde où ceux qui ont faim et se font exploiter par les pays riches n'attendent pas les OGM. Aussi, nous ne voterons pas ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, depuis de nombreuses années, le débat sur les OGM voit s'affronter des positions aussi opposées que passionnées. Elles ne reposent souvent sur aucune preuve scientifique et relèvent ainsi fréquemment du combat idéologique.

Pour la énième fois, nous sommes saisis d'un projet de loi sur ce sujet. Il est temps d'expliquer en termes intelligibles à nos concitoyens, qui craignent d'être exposés à des risques nouveaux et affichent une hostilité globale à l'égard des OGM, quelles sont les voies possibles.

S'agit-il de banaliser la culture des OGM, comme le font les États-Unis, qui en autorisent le plus grand nombre ? En France, comme en Europe, on s'accorde généralement à dire que la banalisation serait dangereuse. Elle ne prendrait pas en compte l'incertitude scientifique qui subsiste sur certains risques, notamment à long terme. Les récentes conclusions du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, concernant le maïs transgénique MON 810, viennent d'ailleurs nous rappeler la nécessité d'un suivi rigoureux.

Néanmoins, une interdiction globale des OGM ne serait pas réaliste. On ne peut en effet ignorer le potentiel des biotechnologies en matière d'innovation, non plus que le risque de dépendance des agriculteurs français et européens dans le domaine des semences et des protéines végétales à l'égard des firmes américaines, chinoises ou indiennes.

En outre, chacun peut mesurer par exemple l'intérêt des OGM en matière pharmaceutique, que ce soit pour la composition des vaccins, la thérapie génique ou le traitement de l'hémophilie.

La recherche dans le domaine des sciences du vivant, notamment des OGM, doit donc expressément faire partie des priorités nationales.

Alors, entre banalisation et refus systématique, que faire ? Une approche au cas par cas, avec une procédure d'autorisation rigoureuse, semble être la meilleure voie. C'est d'ailleurs ce que prévoit la réglementation actuelle.

Pour convaincre nos concitoyens de ne pas avoir peur, certaines conditions paraissent indispensables : transparence totale du processus d'évaluation des risques pour instaurer la confiance ; information claire et garantie de l'existence d'une filière non-OGM.

L'une des grandes innovations du projet de loi consiste en la création d'une Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, qui remplace les trois instances existantes - la Commission du génie génétique, la Commission du génie biomoléculaire et le Comité de biovigilance.

Cette instance doit être indépendante et pluridisciplinaire. Il me paraît indispensable que les représentants des associations et des organisations professionnelles en soient membres, mais que les personnes ayant des intérêts commerciaux liés aux OGM en soient exclues.

Par ailleurs, ce projet de loi vise à créer un registre national accessible au public, indiquant notamment la nature et la localisation à l'échelle de la parcelle des cultures d'OGM.

Je me félicite de cette mesure, qui existe déjà dans d'autres pays de l'Union européenne. Mais une consultation préalable du public avant toute dissémination volontaire est-elle prévue ? La procédure actuelle d'information en mairie sera-t-elle maintenue ?

D'une manière générale, il est impératif de systématiser et de renforcer l'information des maires pour leur permettre de répondre aux interrogations légitimes de leurs administrés. Dans les débats précédents ont été proposés des plans d'occupation des champs et des commissions locales d'information et de suivi, ou CLIS. De telles solutions permettraient d'anticiper les difficultés de voisinage et d'assurer une plus grande transparence.

Enfin, le projet de loi prévoit un régime de responsabilité. Cette question est majeure, notamment pour protéger les agriculteurs contre les risques de contamination de filières conventionnelles ou biologiques coexistant dans les mêmes régions de production d'OGM.

Cependant, le préjudice économique, tel qu'il est défini par le projet de loi, ne prend pas en compte les coûts liés aux analyses, à la perte éventuelle de label, à l'impact sur l'image commerciale.

En conclusion, il n'existe pas de réponse unique, mais, si l'on ne veut pas condamner ou abandonner à d'autres l'arme économique que représente le monopole des semences, il est nécessaire d'informer les élus et le public et d'apporter des garanties aux producteurs traditionnels, aux agriculteurs biologiques et aux consommateurs pour restaurer la confiance.

Une grande partie du groupe du RDSE reconnaît les avancées que permet ce projet de loi et le votera.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne parlerai pas tant du contenu du texte que du contexte dans lequel nous l'examinons.

Comment se fait-il que le Gouvernement ait déclaré- pour finalement la lever - l'urgence sur ce texte important, alors même que les travaux parlementaires en séance publique seront suspendus dans quatre jours et que l'Assemblée nationale ne sera de toute façon pas en mesure d'examiner le projet de loi avant la fin du mois de mars, et ce alors même que nous avons adopté en première lecture, ici même, il y a vingt-deux mois, un texte présenté par un gouvernement appartenant à la même majorité que celle d'aujourd'hui, texte qui n'était pas fondamentalement différent de celui qui nous est présentement soumis, mais dont on a inexplicablement perdu la trace ?

Que s'est-il passé ? A-t-on voulu calmer le jeu à l'approche d'échéances électorales importantes ?

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. A-t-on voulu donner des gages à ces « faucheurs volontaires » qui ont poursuivi, en toute illégalité et, souvent, en toute impunité, le saccage de champs OGM légalement autorisés ?

M. Dominique Braye rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

A-t-on voulu conforter leur leader, qui, quoique plusieurs fois condamné par la justice, semble bénéficier d'une audience dans les médias et d'une influence auprès du ministère de l'écologie supérieures à celles des représentants, pourtant républicains et légalistes, des agriculteurs et des chercheurs victimes des actions de ces « faucheurs » ?

Des transactions inavouées autour du Grenelle de l'environnement ont-elles eu lieu, selon le schéma suivant : « Je fais jouer la clause de sauvegarde sur le Monsanto 810, mais, en contrepartie, vous me laissez poursuivre le programme nucléaire et je fais voter une loi sur les OGM qui nous met en conformité avec les directives européennes ? »

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La polémique qui a entouré la mise en oeuvre de cette clause de sauvegarde tend plutôt à justifier le bien-fondé de mes interrogations. Si je ne suis pas le seul à les poser, je suis cependant le seul à les exposer !

Que de temps perdu !

Pendant ce temps-là, nos voisins sèment toujours plus d'OGM et la France continue à importer des produits OGM. Le cheptel français consomme ainsi 4, 5 millions de tonnes de soja importé, dont près de 80 % contiennent des OGM. Nous nageons en pleine hypocrisie !

Pendant ce temps-là, on reproche aux agriculteurs de polluer le sol et l'eau avec leurs méthodes culturales habituelles, mais on les empêche de tester les plantes OGM qui pourraient éventuellement leur permettre, dans le futur, de maintenir des rendements élevés sans apport de produits phytosanitaires et autres pesticides.

Comment peut-on vouloir sensibiliser une profession à la nécessité de nourrir demain neuf milliards d'hommes tout en l'empêchant, aujourd'hui, de tester les solutions qui permettront peut-être d'y parvenir ?

Ce n'est pas avec l'agriculture biologique, qui, certes, correspond à un besoin, mais dont les rendements dans le domaine du végétal représentent 40 % à 50 % seulement des rendements de l'agriculture conventionnelle, que l'on répondra à ces défis. Bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Alors, il est temps que cesse l'hypocrisie actuelle et que la politique de notre pays dans ce domaine redevienne cohérente et transparente. Il est temps qu'on sache enfin où l'on va et que la loi soit appliquée, non seulement vis-à-vis des centres de recherche et des agriculteurs, mais aussi vis-à-vis des « faucheurs volontaires », afin que les progrès soient possibles.

Quand je vois le « pas de deux » auquel nous avons assisté sur les OGM, je me félicite à nouveau d'avoir voté contre l'inscription dans la Constitution du trop fameux « principe de précaution », dont je considérais qu'il pouvait être un frein à la recherche et au progrès.

La commission Attali, chargée de « faire sauter » les verrous de la croissance, n'a-t-elle pas d'ailleurs préconisé sa suppression ?

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en visite au centre d'Orléans de l'Institut national de la recherche agronomique le 18 janvier dernier, a rappelé que « les biotechnologies sont porteuses de formidables espoirs ».

Je souhaite qu'elle soit entendue et que nous fassions le choix du progrès, certes encadré, plutôt que celui de l'obscurantisme, même médiatique ! J'espère que ce texte, dont je souhaite l'adoption, le permettra enfin.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après l'avoir fait une première fois, nous allons de nouveau évoquer dans cet hémicycle la question des OGM.

Les intervenants précédents ont rappelé les différentes étapes du travail législatif sur ce sujet et ont pu évoquer à ce titre les tribulations, sinon d'un Chinois en Chine, du moins d'une loi au Parlement !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En mars 2006, j'avais débuté mon intervention dans le cadre de la discussion générale sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés en précisant que la « transgénèse, comme toute technologie, qu'elle soit nouvelle ou non, et comme tout outil, peut être la meilleure ou la pire des choses ».

Malheureusement, je constate, comme vous, que, presque deux ans plus tard, ce sujet déchaîne toujours autant les passions, à la hauteur de la méconnaissance qui règne chez les uns comme chez les autres. Interventions dogmatiques et positions manichéennes sont toujours de mise, certains en faisant même leur fonds de commerce !

Si nous ne voulons pas diaboliser cette avancée scientifique en rangeant sous un même vocable toutes ses applications possibles, nous devons faire un effort important de pédagogie.

J'ai déjà eu l'occasion de dire devant le Sénat que, si nous n'y prenions garde, les OGM susciteraient dans les esprits la même confusion que celle qui prévaut toujours sur la question du nucléaire, certains faisant l'amalgame entre les armes nucléaires et les centrales de production d'énergie.

Personne ne met en avant les progrès sanitaires que représentent les OGM pour certains vaccins. À titre d'exemple, je citerai le vaccin contre le virus H5N1, inoculé dans les élevages avicoles, et le vaccin contre la rage, qui a permis de stopper la progression de cette maladie vers le centre de la France.

Dans ces deux cas, il s'agit bien d'OGM, et personne ne les rejette.

Je n'oublie pas non plus toutes les applications possibles de la thérapie génique.

Il est vrai que, depuis les épisodes « médiatico-scientifiques » de l'amiante ou du nuage de Tchernobyl, innovation scientifique et décisions politiques ne font pas bon ménage dans l'esprit des Français.

J'espère que le contexte qui est le nôtre, celui de l'après-Grenelle de l'environnement, favorisera les prises de conscience et des positions moins radicales, puisque chacun se plaît à souligner qu'il a été l'occasion d'un vrai dialogue.

En tant que représentants des élus et du peuple, il est de notre devoir de parlementaires de légiférer pour que nos concitoyens soient plus justement informés et, comme nous le souhaitons, davantage associés aux décisions d'implantation et d'essais.

Là est certainement le coeur du sujet : créer la confiance par la participation dans la transparence et, évidemment, la responsabilité, qui est son corollaire.

À cette fin, il est essentiel, selon nous, de mettre en place les CLIS, comme ce fut fait pour les questions touchant à la sûreté nucléaire ou aux installations classées de type Seveso II.

Ces commissions devront tout d'abord se prononcer sur les protocoles d'essai pour tout semis en plein champ, bien entendu après les essais en milieu confiné ou en laboratoire.

Composées de citoyens, elles garantiront plus de transparence et devraient permettre aux maires de faire participer la population de leur commune aux phases d'information, de décision et, surtout, d'évaluation.

Mais que de confusion dans votre texte, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, après la cacophonie des positions diverses des membres du Gouvernement !

Tout d'abord, j'insisterai sur la confusion entre les OGM et les PGM, entre les organismes génétiquement modifiés et les plantes génétiquement modifiées.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous connaissez mon attachement à cette distinction. En réalité, soyons clairs, 80 % du texte qui nous est présenté ne concernent que la culture de PGM, et, pour être plus précis, celle du maïs Monsanto 810.

M. le ministre d'État fait des signes de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

S'il s'agissait d'un texte de portée générale sur les OGM, comment ne pas établir de lien avec la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, en particulier pour le règne animal, auquel appartient l'espèce humaine ?

Vous prétendez vouloir la transparence, objectif auquel nous souscrivons. Dans ce cas, donnez-nous en les moyens ! Vous avez bien accepté les CLIS dans les domaines de la sûreté nucléaire et des installations classées Seveso II ; créons les mêmes commissions locales en associant à la fois les élus, les associations et les habitants.

De plus, comment justifier que l'on importe 4, 5 millions de tonnes de soja constituées à près de 80 % par des OGM et que l'on interdise simultanément la culture d'une PGM par nos agriculteurs, en particulier ceux du Sud-Ouest ! Je ne vois pas comment le Gouvernement peut sortir de cette contradiction, tout particulièrement le ministre de l'agriculture. Car le risque de dissémination diffuse existe autant dans le transport ou dans le stockage que dans la production elle-même.

La recherche sur les biotechnologies est un impératif stratégique pour l'agriculture, mais pas seulement, en France mais aussi en Europe et dans le reste du monde.

Comment justifier qu'une PGM faisant l'objet d'essais en plein champ ait été détruite alors qu'il s'agissait d'une plante résistante à la sécheresse ? Nous sommes pour le droit de produire, avec ou sans PGM, et cela exige un certain nombre de mesures respectueuses des critères du développement durable de la Charte de l'environnement.

Même si je n'étais pas favorable à l'introduction d'une telle charte dans la Constitution, j'aimerais bien, maintenant qu'elle y est inscrite, que les principes contenus dans ce texte soient respectés.

Premièrement, un effort intensifié de recherche dans le domaine des biotechnologies, et particulièrement dans le domaine de la génomique végétale, devrait être mené pour que nous disposions, en fait, d'une expertise indépendante et que nous ne soyons pas assujettis aux expertises des entreprises qui soumettent leurs dossiers à une autorisation.

Deuxièmement, il faudrait que les essais en plein champ soient assurés dans une transparence complète avant que l'on ne passe à la culture en plein champ, ce qui suppose non seulement une information, une concertation, mais aussi une évaluation sur les avantages et les risques de cette PGM.

Troisièmement, chacun devrait avoir la liberté de choisir consciemment et en toute responsabilité de produire et de consommer avec ou sans OGM.

Quatrièmement, enfin, après une évaluation des avantages par rapport aux risques, il faudrait déterminer une responsabilité.

Mais je me tourne vers le Gouvernement : j'ai du mal à vous accorder ma confiance à propos de ce projet de loi, alors que vous avez enterré le texte sur les certificats d'obtention végétale et le texte que notre assemblée a adopté voilà deux ans, qui permettait en particulier l'utilisation des semences fermières, aspect qui est complètement absent du présent projet de loi.

Quel va être la trajectoire du texte actuel ?

Où en êtes-vous par rapport à l'activation de la clause de sauvegarde ? Toutes les rumeurs circulent, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre. J'espère que nous aurons des réponses dans le cadre de ce débat. Toutes nos interrogations auront-elles, comme se l'est demandé notre collègue Yves Détraigne, une réponse après les élections de mars ?

Brandissez-vous cette clause comme un outil de communication, alors que vous connaissez pertinemment la réponse de la Commission ?

Le sujet de ce texte est pourtant un enjeu stratégique. Une information, une véritable pédagogie auraient donc été nécessaires si nous ne voulons pas nous trouver dans une dépendance supplémentaire par rapport soit à des entreprises américaines soit à des entreprises asiatiques.

Vous ne méconnaissez pas les efforts qui sont faits à la fois par l'Inde et par la Chine dans le domaine des biotechnologies. En une seule année, ces pays ont recréé ex nihilo l'équivalent de notre INSERM. C'est donc qu'ils ont bien mesuré les enjeux que représentaient les recherches dans ce domaine.

Pourquoi ne pas se donner les moyens d'échapper à une dépendance qui pointe à l'horizon, qu'elle soit vis-à-vis des États-Unis ou vis-à-vis de l'Asie ? À une époque, certaines mesures courageuses ont été prises par des gouvernements - je fais allusion au gouvernement Messmer - pour assurer notre indépendance en matière énergétique. Pourquoi ne pas avoir ce même courage pour garantir l'indépendance dans le domaine des biotechnologies et des applications agroalimentaires ?

J'interroge donc le Gouvernement : comment compte-t-il corriger tout cela et donner à la France la place qu'elle mérite dans la compétition agroalimentaire ?

Vous avez évoqué l'ouverture de crédits, mais je sais, j'ai pu le vérifier auprès des chercheurs de l'INRA ou de l'INSERM, qu'ils n'ont pas été consommés, et cela en raison des pressions exercées sur les chercheurs par leur direction, pressions non seulement morales, mais quelquefois physiques par l'interdiction qui leur était faite d'aborder le problème des PGM ou des OGM.

Il va falloir ouvrir complètement ce dossier si vous voulez que vos crédits, dont je reconnais l'opportunité - je salue le geste que vous avez fait -, soient effectivement utilisés.

Cela suppose que vous soyez assez directifs vis-à-vis des directions des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, en particulier que les chercheurs qui réalisent des tests dans ces domaines soient reconnus et ne soient pas considérés comme des pestiférés, y compris au sein de leur laboratoire.

Au lieu d'un texte d'opportunité, il aurait fallu un texte de fond pour examiner le triptyque évoqué par Jean-Marc Pastor « plant-gène-fonction », et se donner les moyens d'interdire la brevetabilité du vivant.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En effet, breveter le gène, donc le couple « plant-gène », ce serait - j'utilise des termes de physique, car c'est un domaine que je maîtrise un peu mieux que la biologie - comme breveter la structure du fer ou du silicium avec leurs propriétés.

En revanche, les applications, autrement dit les fonctions, sont, elles, brevetables, comme l'a dit Jean-Marc Pastor tout à l'heure, contrairement à la plante et au gène, qui font partie du patrimoine mondial et ne sont pas brevetables.

Vous avez compris qu'il nous est donc difficile, à ce stade du débat, d'adhérer au projet de loi.

Néanmoins, nous allons essayer d'améliorer certains aspects du texte dans l'intérêt de notre pays, de notre agriculture et de notre indépendance agroalimentaire ; c'est le seul objet de nos amendements.

Nos objectifs sont donc clairs.

Il faut permettre une réelle liberté de choix pour produire et consommer avec ou sans OGM.

Il convient de clarifier les débats sur les enjeux, et je ne suis pas sûr qu'un jour nous n'aurons pas dans notre assemblée à choisir entre les pesticides et les PGM et à comparer les avantages et les risques des uns et des autres.

En tout cas, quand on voit le résultat sur les nappes phréatiques de l'utilisation des pesticides, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux cultiver une PGM qui « s'auto-immunise » contre les insectes et, dès lors, évite le recours aux produits phytosanitaires, plutôt que de continuer à polluer les nappes. C'est bien là un enjeu pour notre société.

Il faut encore mettre en cohérence les pratiques de culture et d'importation. J'espère que le Gouvernement me répondra sur ce point, peut-être M. le ministre de l'agriculture, parce qu'est en jeu ici tout ce qui concerne la viande blanche.

Il faut enfin développer la recherche indépendante pour réaliser une véritable évaluation afin de produire plus et mieux.

Dans l'attente de l'issue de nos débats, je reste dans l'expectative ; vous comprendrez bien que, pour le moment, je me place plutôt dans une « abstention négative ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aborder comme il convient ce projet de loi, je voudrais d'abord vous livrer trois observations préalables.

Notre action législative se situe dans le droit fil de la transposition par décret d'une directive européenne, mais nous devons aller au-delà de ce simple exercice, puisque, entre 2006 et aujourd'hui, est intervenu un événement assez exceptionnel, le Grenelle de l'environnement.

Cet exercice, voulu par le Président de la République, organisé par vous-mêmes, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, a permis - chose exceptionnelle - aux différentes composantes de la société, Parlement compris, d'échanger sur des sujets extrêmement complexes, a priori conflictuels. Le Grenelle de l'environnement a abouti à des réflexions riches, des propositions souvent consensuelles et concrétisées après une ultime table ronde de concertation par des engagements fondamentaux pris par M. le Président de la République lui-même.

Ce sont autant d'obligations de prendre à notre compte une recodification de la société fondée sur ces mêmes engagements. Le projet de loi OGM n'échappe pas à cette ardente obligation. Ils prendraient une lourde responsabilité, ceux qui auraient envie d'étouffer la dynamique du Grenelle de l'environnement et de la réduire à une sorte de gadget médiatico-politique.

Ma deuxième observation se situe dans le droit fil de la première. Kyoto, Johannesburg, Bali et le Grenelle de l'environnement lui-même réaffirment avec force que l'on sait désormais qu'il ne sera plus possible de vivre selon des modèles que l'homme a mis en oeuvre depuis les débuts de l'ère industrielle. La planète a des limites qui ne doivent pas être franchies, sauf à condamner l'humanité à disparaître.

Nos comportements économiques industriels et individuels contribuent à développer des situations telles que l'augmentation de la pollution, la consommation excessive de ressources naturelles ou encore le réchauffement climatique.

On sait que, face à ces dangers, outre les changements profonds d'attitude, la biodiversité est la clé de voûte de la capacité de la planète à maintenir, voire à rétablir l'équilibre de l'écosystème dont l'homme fait partie. Or la biodiversité s'est dégradée dangereusement au cours des cent dernières années et se dégradera quatre fois plus vite d'ici à 2050 si aucun changement de nos modes de vie n'intervient. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue Pierre Laffitte, qui, à cet égard, a rédigé avec Claude Saunier un rapport d'une très grande qualité.

Cela veut donc dire que, à chaque fois que le sujet s'y prêtera, nous aurons le devoir de légiférer ou de codifier notre société en fonction de ces impératifs. Le projet de loi OGM s'inscrit totalement dans cette perspective. La recherche, dans ce domaine, des effets possibles sur la biodiversité doit être fortement intensifiée. Le Gouvernement a affecté, tout le monde l'a rappelé et s'en réjoui, 45 millions d'euros supplémentaires à la recherche ; il serait utile qu'une partie de ces crédits soit orientée vers une étude des effets que pourraient éventuellement avoir les OGM sur la biodiversité.

Ma troisième observation se veut raisonnablement optimiste. Nous avons, pour contrôler notre évolution, celle qui va vers la dégradation de la planète, deux grandes voies à emprunter.

La première, c'est la recherche. Cela a été dit et répété, et je le répéterai autant qu'il le faudra, quelles qu'aient pu être ici ou là un certain nombre d'expressions diverses et variées. La recherche est la clé de solutions nouvelles innovantes permettant de répondre aux défis.

La seconde concerne nos comportements individuels et économiques eux-mêmes. Nous devons nous contraindre à comprendre que, si les éléments de solution sont sans doute européens et mondiaux, ils résident aussi dans nos choix individuels et professionnels. C'est l'illustration du « penser global et agir local ».

En résumé, à chaque fois que se présenteront devant nous soit une décision à prendre, soit une organisation à mettre en oeuvre, nous ne pourrons pas échapper à cette question : notre solution est-elle bonne pour l'homme et son avenir, ou bien ne s'agit-il que d'une solution de court terme prenant en compte sans doute des intérêts économiques avec des bénéfices financiers immédiats pour quelques-uns, mais s'opposant à l'action de long terme exigée par le développement durable, au sens le plus lourd et le plus large du terme ?

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces trois réflexions, je me devais de les exprimer en préalable, fort de l'expérience des derniers mois écoulés. Cette expérience, que j'ai vécue parfois difficilement, parfois bien seul, parfois avec le sentiment d'avoir commis l'irréparable, m'a sans doute fortifié, même si elle m'a aussi souvent blessé.

C'est en effet dans cet esprit que je me suis engagé et que j'ai accepté de présider, comme la responsabilité m'en avait été confiée par le Gouvernement, le groupe de travail du Grenelle de l'environnement consacré à la biodiversité, ainsi que, accompagné de Marie-Christine Blandin, Laurence Tubiana et Alain Grimfeld, de l'intergroupe consacré à la problématique des OGM.

C'est dans cet esprit que j'ai présidé, à la demande des cinq ministres concernés, le Comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés dont l'une des missions a consisté à faire un état des lieux des connaissances scientifiques, conforté par une analyse économique, éthique et sociétale sur la mise en culture du maïs Monsanto 810. C'est aussi parce que cette confrontation était nouvelle qu'il y a eu tant de confusion.

C'est dans cet esprit que j'aborde le projet de loi sur les OGM, que je présenterai des amendements visant à le mettre en conformité avec les enseignements des travaux du Grenelle de l'environnement et à le rendre compatible avec ce que j'ai pu vivre ces derniers mois.

Ces trois temps de l'action et de la réflexion m'amènent, m'obligent, même, à m'exprimer sur le fond du projet de loi et à faire quelques observations qui me paraissent nécessaires. Et, dans cet exercice, je veux une fois encore être l'interprète de l'état d'esprit du Grenelle de l'environnement.

Première observation : il convient de dissocier le vote de ce projet de loi de l'activation de la clause de sauvegarde. Le projet de loi nous oblige à légiférer au fond, alors que l'activation de la clause de sauvegarde est un acte particulier et ciblé.

La problématique particulière de chaque OGM ou PGM - évitons, cela a été dit, l'amalgame trop fréquent entre organismes et plantes génétiquement modifiés - ne peut, à l'évidence, être traitée qu'au cas par cas.

Il en résulte que la loi, elle, doit établir un code et une définition des principes fondamentaux, lesquels serviront de cadre aux réponses cas par cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

Il faut traiter différemment le maïs transgénique et le tabac transgénique duquel on tire des substances utilisables dans le traitement de certains cancers. D'autres plantes permettent de fabriquer des vaccins. Les exemples sont multiples. Il faut donc se garder de tout amalgame. Les OGM peuvent être la pire ou la meilleure des choses. Il faut conserver un minimum de prudence dans l'approche de cette problématique.

Deuxième observation : les organismes génétiquement modifiés sont-ils une solution pour répondre à la nécessité, quantitative et qualitative, de nourrir l'humanité ?

Depuis le début de la discussion, j'ai entendu un certain nombre de réponses. Répondre sans nuance par l'affirmative ou par la négative reviendrait à se laisser enfermer dans un débat réducteur. Ce serait nier l'extrême complexité de la question.

Nous sommes loin d'avoir une réponse précise. Je n'en veux pour preuve que les dernières observations de la commission IAASTD, ou International Assessment of Agricultural Science & Technology for Development.

Cette opération de prospective a été lancée par la Banque mondiale et par les Nations unies, après le sommet de Johannesburg, autour de la question : « Peut-on réduire la faim et la pauvreté dans le monde, améliorer les conditions de vie des zones rurales et promouvoir un développement durable et équitable grâce à l'accès, l'utilisation et la production de savoirs, de sciences et de technologies agricoles ? ».

Cette commission a regroupé une soixantaine de représentants de Gouvernements, de la société civile et d'institutions internationales. L'ambition était d'évaluer les connaissances scientifiques et technologiques agricoles.

Cette organisation a donc rendu sa réponse : pour elle, les OGM sont une source potentielle de problèmes dans les pays en développement. Je rejoins la position défendue tout à l'heure par M. Pastor. En effet, du fait de la brevetabilité du vivant, les économies de ces pays seraient littéralement asservies. Il convient donc d'être très prudent.

Cette analyse se fonde sur les travaux de 4 000 scientifiques et experts internationaux. Le rapport souligne le risque des problèmes potentiels posés par la possible appropriation des ressources agricoles par les entreprises concernées. Il ajoute « qu'il existe un large éventail de perspectives sur l'environnement, la santé humaine et les risques économiques que nous ignorons encore ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

Les conclusions finales de la commission sont attendues pour le mois d'avril prochain. On peut lire dans une dépêche, je le dis avec un humour empreint d'une certaine tristesse, que « compte tenu du projet de rapport final qui n'est pas tendre avec les OGM et avec les pratiques de propriété industrielle dans le domaine des semences, trois grandes entreprises des secteurs des biotechnologies ont claqué la porte des Nations unies ».

Quels que soient les niveaux, les mêmes causes semblent produire les mêmes effets. Je vous laisse le soin de méditer sur certains parallélismes. C'est là que s'arrête l'humour.

Pour répondre à la question, fondamentale, posée par cette organisation, celle de savoir si les OGM sont une « solution pour l'alimentation de l'humanité », il faut, à tous les niveaux de responsabilités - et ce fut à chaque instant mon attitude - tout autant s'écarter de ceux qui alimentent les peurs collectives que de ceux qui semblent bardés de certitudes.

Lorsque nos connaissances sont insuffisantes, il faut intensifier la recherche. C'est la direction que j'ai indiquée à l'issue des travaux du comité de préfiguration. C'est la sage réflexion de Mme la ministre de la recherche, et je la soutiens sans réserve. Le Gouvernement a eu le courage de choisir cette voie. Il faut sans cesse promouvoir la recherche. C'est la seule voie qui nous conduira, peut-être, à la raison.

Troisième observation : l'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement a clairement identifié une logique. Tout d'abord, il est absolument nécessaire de rendre toute sa force à la connaissance. Ensuite, il faut organiser la gouvernance de cette connaissance afin qu'elle ne soit confisquée par personne. Enfin, il faut définir les principes de la gouvernance.

Je suis heureux de constater que le présent projet de loi respecte cette logique, tant sur le fond que sur la forme. La connaissance ne peut qu'être le résultat de recherches et d'expertises sans cesse remises sur le métier, n'excluant aucune des disciplines concernées par les techniques transgéniques, jusques et y compris, je ne le répéterai jamais assez, en évaluant leurs effets possibles sur la biodiversité.

Ces recherches et expertises ne doivent pas, non plus, être « monodirectionnelles », monsieur le ministre de l'agriculture. En matière agronomique, par exemple, elles doivent s'accompagner de recherches sur des solutions alternatives. Je sais que vous êtes en accord avec cette démarche et mon propos n'a d'autre ambition que de vous apporter mon soutien.

J'ai lu dans un grand quotidien du soir en date du 19 janvier dernier que des chercheurs américains avaient réussi à élaborer un maïs adapté aux conditions climatiques subsahariennes, sans aucune manipulation transgénique, seulement en exacerbant les caractères existants dans la plante originelle. Cet exemple illustre la nécessité de mener des recherches dans d'autres directions que la seule modification transgénique des organismes. C'est une obligation que nous ne devons pas ignorer.

En ce qui concerne la gouvernance, l'intergroupe avait proposé la création d'une haute autorité, mais j'approuve la commission des affaires économiques, qui a préféré le concept d'un haut conseil, et j'accompagnerai cette proposition.

L'organisation de la gouvernance doit cependant répondre à la nécessité de confronter l'expertise scientifique et les expertises économiques, éthiques et sociétales. C'est un temps incontournable. C'est probablement là que se situe la meilleure lecture sociétale que nous pourrons avoir de l'ensemble de la problématique « OGM /PGM ». C'est là que l'on pourra faire disparaître les peurs qui s'organisent ou se développent. C'est là que nous pourrons commencer de restaurer la raison dans un domaine qui est devenu passionnel hors de toute raison.

Pourquoi se priver de cette concertation, alors même que les conséquences d'une décision sur un sujet aussi important vont s'appliquer à des méthodes de production, à des modes de consommation et à une population qui exigent - l'unanimité du Grenelle de l'environnement en est une expression - une telle analyse ?

Afin de ne pas être trop long, j'approfondirai le principe de responsabilité lors de la discussion des amendements. La loi doit éclaircir l'exercice des responsabilités. On prétend que les assureurs ne sont pas prêts à le faire. Encore faudrait-il leur indiquer quels sont les risques assurables. Ils existent, et pas seulement pour la culture de plein champ. Ce sont là des sujets sur lesquels il faudra travailler.

Lors de la tenue du Grenelle de l'environnement, Mme Laurence Tubiana a suggéré la tenue d'un sommet européen sur les biotechnologies. Outre le fait d'harmoniser les connaissances, un tel sommet pourrait être l'occasion de procéder aux réactualisations des protocoles d'évaluation des OGM. En effet, bien que la science ait progressé, les mêmes questions sont posées depuis dix ans. Il s'agit d'un aspect fondamental, monsieur le ministre de l'agriculture.

Il faut aussi que l'Europe se distingue dans un monde multipolaire afin d'organiser une agriculture durable à l'européenne qui nous permettre de ne plus être des suivistes. On a dit et répété de quel poids pèsent sur nous la problématique de l'OMC et certaines grandes puissances. L'Europe a la chance et la possibilité de déterminer une ligne particulière, originale, qui lui soit propre. Si elle y parvient, cela limitera sa dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

En conclusion, permettez-moi de rappeler ce qu'écrivait Albert Einstein : « Sans doute l'homme créera-t-il un jour une machine qui répondra à toutes les questions, mais jamais il ne créera une machine qui se posera une question ».

L'homme est capable de processus extraordinaires dans tous les domaines, notamment en matière de biotechnologie, mais il nous appartient de nous poser à nous-mêmes les questions fondamentales.

Les intérêts économiques et financiers, la fierté légitime des auteurs d'avancées scientifiques remarquables ne doivent pas nous faire oublier ce que rappelle avec insistance Edgar Morin : « À force de sacrifier l'essentiel pour l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

La question essentielle à laquelle nous nous devons d'apporter une réponse est la suivante : avons-nous le droit à l'erreur quand il s'agit de l'avenir de l'homme et de sa planète ? Sortons de nos enfermements dogmatiques, sectoriels. Sachons prendre de la hauteur. Ayons l'humilité d'une connaissance sans cesse à parfaire et peut-être alors notre réponse sera-t-elle à la hauteur de ce qu'exigent de nous, dès aujourd'hui, les générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

M. Jean-François Le Grand. Nous saurons, après le vote sur l'ensemble de ce projet de loi, si nous avons répondu à cette exigence. Nos concitoyens et l'opinion publique pourront en juger.

Applaudissements sur quelques travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur un grand nombre de travées socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, avant d'évoquer les quelques questions que je souhaite vous poser, je tiens à vous donner acte de la bonne volonté dont témoigne votre projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Est-il susceptible d'être bien compris par une opinion publique plutôt hostile aux OGM ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Les OGM ? Les gens ne savent pas ce que c'est !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Certes, les convictions des ministres et celles du rapporteur sont de nature à apaiser certaines inquiétudes, mais pas toutes, notamment chez les consommateurs.

Le débat sur les OGM montre à l'évidence la cassure qui existe entre le Gouvernement et les législateurs, d'une part, et l'opinion publique, de l'autre.

Le cadre légal est nécessaire. Sera-t-il suffisant pour restaurer la confiance des consommateurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je considère pour ma part que la définition d'un cadre légal doit s'accompagner d'une action pédagogique forte et simple en direction des consommateurs. Aux débats de spécialistes, préférons des mesures de bon sens, qui peuvent être facilement comprises.

Permettez-moi de m'écarter un instant de l'objet de notre discussion. Serait-il déraisonnable de considérer que, dans l'optique du développement durable, on pourrait, à une échéance qu'il convient de déterminer, décider que les herbivores doivent manger de l'herbe et que les fruits et légumes doivent mûrir au soleil ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

De la même façon, est-il normal, lorsque l'on élève des animaux dont on mange la chair, c'est-à-dire du muscle, de les priver de mouvement, alors qu'il serait aussi simple de les élever en plein air ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Si nous posions dans le débat des principes aussi simples que le sont les réponses à ces questions simples, nous serions incontestablement en mesure de restaurer la confiance des consommateurs, surtout en ce qui concerne l'alimentation humaine.

Enfin, imposer des contraintes aux agriculteurs qui produisent des OGM, c'est normal ; pour autant, il ne faudrait pas oublier de les imposer aussi aux semenciers et aux laboratoires !

C'est vrai ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Et puis, je ne le cache pas, je ressens au cours de ce débat un certain malaise.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

D'abord, comment notre excellent collègue Jean-François Le Grand, qui a été désigné président de la Haute Autorité provisoire il y a quelques semaines, peut-il se trouver à ce point isolé dans son propre camp ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Ensuite, entre les industriels, bien entendu uniquement animés par des sentiments philanthropiques, comme cela n'a échappé à personne, qui veulent régler le problème de la faim dans le monde...

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

... et les groupes associatifs qui prétendent sauver l'humanité et la planète, qui doit-on écouter d'une oreille extrêmement attentive ?

Par ailleurs, autre sujet de malaise, le projet de loi adopté par le Sénat en mars 2006 n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Autre point, le Gouvernement dépose au début du mois de janvier un projet de loi, pour le retirer sans explication convaincante et le réintroduire toutes affaires cessantes avant l'interruption des travaux parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Autrement dit, j'ai le sentiment profond que l'on nage dans l'improvisation, l'incertitude, l'opacité, pour ne pas dire la contradiction.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Les pouvoirs publics n'ont pas jusqu'à ce jour montré, me semble-t-il, qu'ils étaient en mesure de jouer le rôle d'arbitre qui doit être le leur.

Pour autant, il ne s'agit pas, bien sûr, d'opposer ici ceux qui seraient pour ou contre les OGM. Les OGM existent et offrent un certain pouvoir d'innovation que l'on ne peut nier. Néanmoins, je ne crois pas qu'il faille laisser le développement des OGM à la seule logique économique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

C'est aujourd'hui une orientation forte, et je vous la livre telle que nous la ressentons.

L'expertise des risques et l'information des citoyens sont à mon sens notoirement insuffisantes. C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai sur ce projet de loi, à moins bien sûr que les différents amendements qui pourront être approuvés ne soient en mesure de me faire changer d'idée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, j'ai peut-être légèrement outrepassé les deux minutes de temps de parole qui m'étaient imparties (Protestations amusées.), ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. ...mais c'est la qualité de l'auditoire qui m'a poussé à prendre cette liberté !

Sourires. - Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous voici réunis pour travailler sur un nouveau projet de loi visant à enfin transcrire en droit national la directive 2001/18/CE relative à la diffusion des OGM dans l'environnement.

La carence juridique qui a prévalu depuis octobre 2002 jusqu'aujourd'hui avait fini par créer une situation difficile dans nos campagnes. En mettant plusieurs fois à l'index notre pays pour défaut de transcription de la fameuse directive, les instances de l'Union européenne ont implicitement indiqué l'origine de ces difficultés. Je me dois de souligner que ce n'est, hélas ! pas une première pour notre pays, bien au contraire : la France avait déjà été rappelée à l'ordre en ce qui concerne la transcription des directives « Nitrates » et « Natura 2000 ». Un mal récurrent, en quelque sorte...

C'est pourquoi je me réjouis très sincèrement de voir le problème enfin pris à bras-le-corps, et ce dans un contexte national profondément renouvelé.

En effet, si la Haute Assemblée avait déjà été amenée à se pencher sur le sujet en 2006, un événement majeur, central, inédit, s'est produit cet automne : le Grenelle de l'environnement.

Indiscutablement, le Grenelle de l'environnement a créé une nouvelle donne, sur la méthode, d'abord, mais aussi le fond, où il a permis, en matière d'OGM, trois avancées essentielles : d'abord, la reconnaissance du fait de la dissémination des transgènes, qui introduisent dans l'environnement des événements génétiques nouveaux ; ensuite, l'affirmation du principe de responsabilité, constitutif du concept de développement soutenable ; enfin, et surtout, la reconnaissance du droit fondamental de « consommer et produire sans OGM ».

Le Grenelle de l'environnement consacre ainsi les libertés d'entreprendre et de choisir sa consommation, qui sont imprescriptibles dans une démocratie digne de ce nom.

Monsieur le ministre d'État, le projet de loi déposé par le Gouvernement porte dans sa rédaction quelques atteintes à ces avancées.

Manifestement rédigé sous la pression à peine voilée des lobbies productivistes, dont on perçoit le poids dès l'article 2, le texte présenté aujourd'hui devant la Haute Assemblée est en recul par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement. Il ne répond pas aux attentes légitimes de celles et de ceux qui sont attachés à cette liberté sacrée « d'entreprendre et de consommer sans OGM » ; il est même en retrait par rapport à l'esprit et à la lettre de la directive 2001/18 qu'il est censé transcrire - j'y reviendrai durant la discussion des articles.

Le premier dérapage apparaît dès l'article 1er : on passe subrepticement du droit de « consommer et produire sans OGM », affirmé dans le Grenelle de l'environnement, au droit de « consommer et produire avec ou sans OGM », dérive d'ailleurs portée par le Président Sarkozy lui-même.

Ce faisant, la dissymétrie liée à l'introduction d'un événement génétique nouveau est implicitement niée : le « avec » et le « sans » deviennent équivalents, d'où il résulte que le principe fondateur de nos lois, censées « protéger le faible », comme le rappelait déjà Lacordaire au xviiie siècle, n'est plus respecté.

Le deuxième dérapage apparaît dans la constitution et le fonctionnement de la nouvelle Haute Autorité tels qu'ils sont décrits à l'article 2.

Au lieu de s'appuyer sur la préfiguration qu'en a donnée la Haute Autorité provisoire, qui a bien fonctionné - même si son avis a déchaîné la colère des partisans du MON 810 ! -, au lieu de s'appuyer sur l'expérience réussie du dialogue qui s'était instauré au sein du Grenelle de l'environnement entre les scientifiques et la société civile, le Gouvernement semble revenir en arrière. Serait-ce pour donner quelques nouveaux gages aux lobbies ? J'estime pour ma part que disparaît ici la richesse qu'a apportée le Grenelle de l'environnement sur le plan de l'innovation sociétale, plus particulièrement le concept d'élaboration à cinq d'un avis faisant « autorité ».

La troisième grande difficulté provient de la manière dont le Gouvernement traduit dans la loi le principe de responsabilité. Je relève un décrochage sensible, voire une contradiction, entre l'article 1er et l'article 5, lequel définit les modalités d'indemnisation des victimes de contamination par des OGM sur des bases minimalistes et inacceptables. En effet, en toute rigueur, « sans OGM » signifie « pas d'OGM au seuil de détection scientifique » ! C'est ce qu'expriment très clairement les organisations de consommateurs...

Monsieur le ministre d'État, vous aurez compris ma déception !

Les conclusions consensuelles du Grenelle de l'environnement - plus particulièrement la protection du faible, de celui qui subit la contamination génétique - sont mises à mal. C'est pourquoi, dans un esprit parfaitement constructif, je ferai des propositions concrètes pour rectifier le tir.

Mais il y a plus grave : ce sont les amendements déposés par le rapporteur, semblables, ô combien semblables aux desiderata des lobbies à l'audition desquels j'ai assisté, en même temps que lui, dans le cadre du groupe de travail du Sénat sur les OGM.

Le nouveau parlementaire que je suis découvre avec étonnement le caractère partisan de ces auditions : écoute attentive et complaisante des partisans et promoteurs des OGM ; indifférence, voire impatience envers les autres...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Les amendements déposés par le rapporteur, adoptés sans débat approfondi par la commission des affaires économiques, sont « grenellement » parfaitement incompatibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Ainsi, l'article 1er est complètement dénaturé : il est non seulement vidé de son sens, mais inversé. La liberté de consommer et de produire sans OGM devient la liberté de consommer et de produire des OGM, ou de ne pas le faire !

Maladresse de rédaction ou provocation ? Quoi qu'il en soit, cet amendement va même au-delà de ce que demandait, lors de son audition du 24 janvier dernier, l'ANIA, l'Association nationale des industries agroalimentaires, qui, argumentant en faveur de la suppression de la mention « sans OGM » dans la loi, soulignait que « le Grenelle n'était tout de même pas l'alpha et l'oméga » !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C'est vrai ! Nous sommes d'accord sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Dans le même esprit, la Haute Autorité décrite à l'article 2 est définitivement mise à mal par l'amendement du rapporteur.

Je conclurai mon propos par trois réflexions.

Premier point, monsieur le ministre d'État, je vous avais exprimé en toute cordialité mes craintes à l'issue de cette formidable expérience sociétale que s'est révélé être le Grenelle de l'environnement : celles de voir les lobbies bien connus saper le travail qui a été fourni par l'ensemble des acteurs. Eh bien, c'est chose faite ! Le projet de loi marque de nets reculs par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement en matière d'OGM, plus particulièrement par rapport à cette liberté de consommer et de produire sans OGM que j'évoquais. Pis, les lobbies productivistes se sont vu complaisamment relayer par le rapporteur : il s'est d'ailleurs nettement déclaré demandeur d'amendements lors des auditions et les a repris pratiquement tels quels, y compris ceux qui jouent clairement contre le Grenelle de l'environnement.

Deuxième point, je souhaite attirer toute votre attention sur le fait que ce projet de loi sur les OGM, attendu depuis octobre 2002, est le premier grand texte d'application du Grenelle de l'environnement. Quand bien même nous n'en sommes qu'au stade de la première lecture, et à la veille des élections municipales, nos concitoyens observent très attentivement ce qui est en train de se passer. L'échec ainsi programmé, si le projet de loi reste en l'état ou, pis, s'il devait être dévoyé, les amènera à tirer les conclusions qui s'imposeront ! Je pèse bien mes mots : sur ce sujet de société, qui relève d'une question centrale pour nos sociétés démocratiques, celle de la liberté, du libre choix du consommateur, du libre choix du producteur en faveur du « sans OGM », c'est la crédibilité même de l'ensemble du Grenelle de l'environnement qui se joue, et non pas seulement en matière d'OGM.

À chacun de prendre ses responsabilités en conscience. Je prendrai les miennes, sans états d'âme ni prise en considération des étiquettes politiques, car les enjeux sont évidemment beaucoup trop graves pour que l'on se laisse aller à de petits jeux politiciens...

Monsieur le ministre d'État, il faut « sauver le soldat Grenelle »... « parce qu'il le vaut bien » ! Vous pourrez compter sur mes propositions constructives.

Troisième point, je conclurai sur une note plus technique, économique - ma double qualité d'ingénieur agronome et d'ancien professeur d'économie m'y oblige.

Par les dispositions du projet de loi que nous allons adopter, le choix d'ouvrir en grand - ou pas - les vannes des OGM dans notre agriculture ne relève pas que de choix éthiques ou moraux déjà abordés, il relève aussi de véritables choix stratégiques, sur le plan économique.

Permettez-moi de citer M. Guy Paillotin, ancien président de l'INRA et secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture : « La question qu'il faut poser est : en quoi les OGM peuvent-ils consolider ou au contraire dégrader nos propres avantages comparatifs ? »

En effet, dans un monde devenu globalisé, où l'OMC met l'Union européenne sous pression au nom de la libre concurrence, déchaînant ainsi des phénomènes de dumpingenvironnemental dans le domaine de l'agroalimentaire, il s'agit, permettez-moi de citer de nouveau M. Guy Paillotin, d'« éviter un suivisme aveugle guidé par le simple souci de relever un défi technologique qui pourrait ne pas être favorable à nos intérêts. »

La théorie des avantages comparatifs nous enseigne qu'un pays a intérêt à se spécialiser dans le domaine où il dispose d'avantages relatifs par rapport à ses concurrents. En matière d'OGM, M. Guy Paillotin estime ainsi que « notre intérêt est de maintenir la diversité de nos productions et l'image de qualité de nos produits et non point de nous fondre dans un moule indifférencié. »

Autrement dit, la préservation de nos structures agricoles de petites tailles par rapport à celles des nouveaux pays agricoles exportateurs de produits agricoles de base issus d'OGM, doit nous inviter à nous positionner intelligemment dans les créneaux de la division internationale du travail agroalimentaire.

Ces pays disposent de structures agricoles immenses, face auxquelles nous ne pourrons jamais tenir : à terme, nous aurions tout à perdre à essayer de nous placer dans cette catégorie poids lourds, mais bas de gamme !

En revanche, nous devons nous donner les moyens de préserver et de développer nos productions de terroir, à haute valeur ajoutée, porteuses de signes de qualité reconnus par les consommateurs : appellations d'origine, labels, notamment biologiques mais pas exclusivement. Quoi qu'en pensent certains, signes de qualité signifient « sans OGM », puisque telle est la demande explicite des consommateurs !

Faisons le choix de la raison, celui d'une agriculture durable, valorisant intelligemment les potentialités de nos terroirs de France, riches de leur diversité. Par conséquent, ne confondons pas les intérêts immédiats d'une fraction des exploitants agricoles, productiviste et corporatiste, avec les intérêts à long terme de l'ensemble de l'agriculture et de l'agroalimentaire français : chacun aura compris que ces intérêts seraient mis à mal par un déferlement des OGM dans nos campagnes !

Ainsi, respecter l'esprit et la lettre de la directive 2001/18/CE que nous avons à transcrire, rester à l'écoute des attentes de la société attachée à la liberté de « consommer et de produire sans OGM » telle qu'elle est affirmée dans le Grenelle de l'environnement, « sauver le soldat Grenelle » aujourd'hui menacé de disparition sous la pression de ces lobbies corporatistes plus que jamais mobilisés...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, il vous faut conclure, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

M. Jacques Muller. ...positionner intelligemment l'agriculture française sur les marchés internationaux de l'agroalimentaire en développant nos propres atouts, nos terroirs, dont la renommée dépasse les frontières, tels sont les enjeux du projet de loi en discussion et les défis que nous avons, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, à relever ensemble !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, « une civilisation débute par le mythe et finit par le doute » disait Cioran. Notre débat s'imposait donc, monsieur le ministre d'État.

Il y a deux ans, lors notre premier débat sur les OGM, je nous invitais à douter afin d'atteindre la vérité. Aujourd'hui, nous doutons encore et la vérité ne s'est que peu rapprochée.

Deux ans après, le débat est toujours aussi passionné. Les faits quant à eux déroulent toujours leur litanie de chiffres implacables, et on ne peut les ignorer.

Le nombre de pays cultivant des OGM est passé de vingt et un en 2005 à vingt-deux en 2006, soit onze pays développés et onze pays en développement.

Les OGM augmentent dans les pays déjà fortement engagés dans la culture des OGM. Une croissance soutenue de plus de 11 % a été atteinte chaque année.

La seule chose qui diminue réellement, c'est la part de surfaces OGM que cultivent les États-Unis par rapport au reste du monde, tellement les OGM se développent ailleurs.

Envisager les OGM en général n'a pas de sens, me semble-t-il, car chaque organisme doit faire l'objet d'un examen spécifique. Par exemple, le riz doré, riche en vitamine A permettant de réduire les risques de cécité, n'a rien à voir avec les peupliers dont la quantité et la qualité de lignine ont été modifiées afin de produire de la pâte à papier en utilisant moins de polluants.

Si nous parlons régulièrement des plantes génétiquement modifiées, il ne faut pas pour autant oublier les animaux génétiquement modifiés.

Ainsi un poisson d'aquarium à qui l'on a injecté un gène fluorescent de couleur corail, appelé le GloFish, est désormais commercialisé aux États-Unis.

Une demande pour la commercialisation d'un saumon génétiquement modifié, qui atteindrait sa taille adulte plus rapidement, est toujours pendante devant l'administration américaine et pourrait se voir acceptée dès 2008.

Il y a également des recherches au Québec sur une chèvre qui produirait dans son lait une protéine d'un type de soie connu chez l'araignée. On hallucine !

L'Union européenne étant actuellement confrontée au problème de savoir si oui ou non elle doit autoriser la vente de viande d'animaux clonés, je pensais qu'il était nécessaire de faire ce petit rappel sur ce que le concept d « organisme génétiquement modifié » peut recouvrir.

Je me réjouis que le cadre européen de la directive de 2001, que nous sommes appelés à transposer définitivement, renforce l'évaluation des OGM a priori, fixe des règles de traçabilité et d'étiquetage et impose une biovigilance après la mise sur le marché. J'apprécie également qu'il définisse le cadre de la coexistence entre les différents types d'agriculture afin de « permettre à chaque agriculteur de choisir le mode de production qu'il souhaite, qu'il soit biotechnologique, conventionnel ou biologique », bien que je doute que le choix du consommateur, en bout de ligne, soit un véritable choix.

Nous sommes dans un débat de société, face à un vrai choix de civilisation. C'est l'occasion d'affirmer, me semble-t-il, des valeurs différentes de celles du profit immédiat. Si les OGM ont une justification, elle ne peut être uniquement commerciale. Je suis donc opposé aux projets d'OGM ayant pour ambition de transformer les animaux en « réservoir de matières premières » pour l'industrie ou en « ornements décoratifs » pour le commerce.

Il faut, en votant ce texte, affirmer des valeurs qui sont les nôtres, le respect de l'environnement, la santé publique, la liberté, nos libertés. Il s'agit également de rappeler l'importance de la démocratie et du rôle des citoyens dans le processus de décision, la nécessaire indépendance alimentaire que nous devons préserver et, par-dessus tout, notre volonté de civiliser la technique.

Le futur haut conseil des biotechnologies, par sa composition et par les pouvoirs qui lui sont conférés, me semble être l'organisme susceptible de donner aux citoyens les réponses que nous appelions de nos voeux en 2006.

Ce haut conseil, en devenant le lieu du débat et de la réflexion, devrait permettre une pacification du débat public. Le consensus qui devrait en résulter permettra d'établir des méthodes d'analyse encadrées par une méthodologie acceptée de tous. L'existence d'un comité économique, éthique et social à côté du comité scientifique nous prémunit contre une dérive technocratique de cette instance.

Je suggère d'ailleurs, monsieur le ministre d'État, qu'en collaboration avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, présidé par notre collègue Henri Revol, ce haut conseil devienne l'interlocuteur des citoyens et le garant d'un débat apaisé en atteignant le niveau maximal d'information.

Ce haut conseil se voit, en effet, confier le pouvoir de mener des actions d'information se rapportant à ses missions. Je forme le voeu qu'il use et abuse de ce pouvoir en direction du grand public.

Il est un argument qui, aujourd'hui, ne rencontre pas l'écho qu'il mérite, c'est celui de notre souveraineté en matière de biotechnologies. Cependant, le consensus sur ce sujet est impressionnant, comme on a encore pu le constater lors du Grenelle de l'environnement. Il est intéressant de noter qu'en France, la recherche réunit autour d'elle un accord politique rare et, pourtant, on ne cesse de parler du retard français en la matière.

La France n'a pas à rougir de sa recherche, elle fait partie des cinq pays où se concentrent 82 % des investissements en recherche et développement, et l'INRA occupe la deuxième place mondiale pour la publication en science agricole et en sciences de la plante et de l'animal.

Les données restent simples : si nous ne sommes pas à la pointe de la recherche en la matière, d'autres le seront pour nous. Nous avons un « devoir de recherche » comme le rappelait encore récemment Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, devant l'Assemblée nationale. C'est donc tout naturellement que je salue l'effort du Gouvernement de débloquer 45 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la recherche en biotechnologie d'ici à 2011.

Quoi que l'on pense des OGM, il me semble possible de s'accorder sur le fait qu'il est plus que souhaitable de voir des entreprises françaises comme Limagrain être à la pointe de la recherche plutôt que Monsanto, entreprise américaine. Ainsi, lorsque l'on saccage un champ de maïs OGM, il serait utile de conserver à l'esprit que les bénéficiaires de ces destructions sont les firmes américaines, chinoises ou brésiliennes, et non notre connaissance ni peut-être même l'environnement.

Cela ne m'empêche pas de continuer à m'interroger, monsieur le ministre d'État, au risque de me répéter, sur le devenir des AOC dans un monde « OGMisé ». Comment allons-nous les protéger à l'avenir ? Voilà une vraie question d'aménagement du territoire.

Enfin, je souhaiterais clore mon propos par une invitation à la réflexion sur la nécessaire civilisation de la technique. Cela ne peut se faire sans une véritable éthique.

Nous créons des techniques et nous apparaissons souvent dépassés par elles. Il n'y a pas cependant de « fatalité inhérente à la machine » disait Bergson. La technique n'est ni fondamentalement bienfaitrice, ni essentiellement dangereuse. La logique de la technique est simple, c'est celle de la réalisation de tous les possibles. La technique pose non pas la question des fins mais celle des moyens, répondre à cette délicate question est la responsabilité qui nous échoit.

En désaccord avec Edgar Morin - cité par notre collègue Jean-François Le Grand - quand il dit que « la civilisation occidentale d'aujourd'hui apporte plus d'effets négatifs que d'effets positifs », il nous appartient désormais de repenser une éthique globale de la technique. Sans éthique, celle-ci n'est rien, car elle n'a pas de sens. Notre rôle politique est de la contrôler et de la soumettre à notre volonté. Cette nouvelle « éthique de la responsabilité » est définie par Hans Jonas par la maxime suivante : « Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre. »

Nous commençons doucement mais sûrement à en faire un axe véritable de nos politiques, comme en témoignent les engagements pris par la France et l'Europe en matière de développement durable.

Éthique et technique marchent ensemble, la composition du futur haut conseil en témoigne. Nous avons voté en 2004 une loi sur la bioéthique d'où ressortait la nécessité de l'enseignement de l'éthique et d'un fort encadrement éthique pour lutter contre toutes les dérives de la recherche sur le vivant. Il me semble qu'il s'agit ici du même débat et que les valeurs énoncées à l'époque sont toujours d'actualité.

Pour finir sur une note d'espoir à propos des biotechnologies agricoles, je voudrais saluer l'étude parue dans la revue Science le 18 janvier dernier signée par plusieurs scientifiques américains de l'université Cornell et du ministère de l'agriculture, qui expose une belle réussite de la recherche agronomique sans utilisation de la transgénèse. La méthode appliquée en l'occurrence fut celle de la génétique d'association, qui consiste à trouver, au sein d'une espèce, les gènes codant des caractères intéressants susceptibles d'être ensuite transférés par des croisements classiques à d'autres variétés de la même espèce.

Le processus du Grenelle de l'environnement a été un premier pas ambitieux qui a permis de dégager des consensus. Désormais, c'est à nous d'en profiter pour bâtir une véritable politique éthique de la recherche sur les OGM.

Avec ce projet de loi, nous faisons un premier pas dans la direction d'un meilleur encadrement des OGM. Il nous faudra continuer sur cette voie et sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier.

Ce propos, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, vous apparaîtra sans doute plus philosophique que pratique et concret, voire utopique, mais, en ce domaine, craint par beaucoup mais imposé par le respect de nos valeurs, il ne faut pas perdre l'esprit qui doit toujours dominer.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention vient en conclusion d'une discussion générale intéressante, mais je n'aurai pas l'outrecuidance d'en faire la synthèse : elle vous appartient, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur.

Pourtant, le débat sur les OGM ici, au Sénat, n'est pas nouveau. Notre Haute Assemblée y a contribué depuis plusieurs années.

Ce débat a connu un regain d'actualité ces dernières semaines. Mais s'agissait-il d'un véritable débat, celui-là, c'est-à-dire d'un échange constructif et raisonné d'arguments, fondé sur des faits scientifiquement établis ?

N'a-t-on pas alors cédé à la griserie d'une parole parfois désordonnée, parce que le sujet serait complexe et qu'il est toujours difficile d'aborder rationnellement un sujet complexe ?

La polémique ne peut pas être une réponse aux inquiétudes de nos concitoyens. Cet après-midi, dans la diversité de nos approches, nous avons tous, me semble-t-il, démontré qu'un débat serein était possible et souhaitable et qu'il constituait la caractéristique de la Haute Assemblée.

Comme cela a été souligné, le Sénat s'est engagé de longue date dans le débat sur les OGM.

Ainsi, dès 1998, Jean Bizet rendait son premier rapport d'information sur le sujet. Puis, au mois d'octobre de l'année 2001, le bureau de la commission des affaires économiques proposait d'actualiser nos connaissances. Cette démarche devait aboutir à la création d'une mission d'information animée par Jean Bizet et Jean-Marc Pastor. Et, au mois de juin 2003, les conclusions contenues dans le rapport de la mission étaient adoptées à l'unanimité. Je me souviens également de débats ouverts, que ce soit à Rennes ou à Montpellier.

Enfin, au mois de mars 2006, le Sénat examinait en première lecture un projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, il faut relire les comptes rendus de nos débats. J'invite notre collègue Jacques Muller à les examiner avec attention. En effet, sur un tel sujet, la « genèse du monde » date non pas de l'automne dernier, mais de bien plus longtemps, en tout cas au sein de la Haute Assemblée.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

À la lecture de ces débats parlementaires, nous pourrons constater ensemble que le Sénat a toujours défendu les principes de transparence, de responsabilité, d'expertise approfondie et, tout simplement, de respect de la loi, loin des généralisations que j'ai parfois entendues, et qui me semblent bien réductrices.

Nous verrons de même que, dès 2003, le Sénat proposait de soutenir la recherche, dès lors qu'elle intègre le principe de précaution, d'encadrer les cultures de plantes génétiquement modifiées, d'assurer la coexistence des différentes filières agricoles, de créer une instance permettant la pleine expression de la société civile et de clarifier aussi la situation en matière d'assurance.

Nous le savons tous, et nos précédents débats le démontrent, pour ne pas verser dans l'obscurantisme et le passionnel sur fond de nostalgie des temps passés, le meilleur moyen est le dialogue, qui, seul, permet d'échanger des arguments rationnels et fondés sur des faits scientifiquement démontrés.

C'est pourquoi il était temps de plaider pour cet examen serein et raisonné.

Comme cela a été évoqué, les OGM sont issus d'une technique qui n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Nous devons simplement en envisager les risques au regard du principe de précaution, mais également les éventuelles avancées du point de vue de certaines réalités agronomiques ou des progrès de l'alimentation dans le monde.

Je vous le rappelle, le principe de précaution est garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement, qui a désormais une valeur constitutionnelle.

Il faut également le souligner clairement, la recherche et la culture des OGM sont une réalité mondiale. Ainsi, des pays tels que les États-Unis, le Brésil ou, plus près de nous, l'Espagne et, désormais, la Chine, sont de grands producteurs d'OGM. L'Union européenne, qui est déficitaire en protéines végétales, nourrit son bétail notamment avec des produits à base d'OGM importés. Et M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sait quelles seraient les conséquences d'un arrêt de ces importations !

M. Gérard César acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Rappelons en outre qu'il existe différents types d'OGM. Dès lors, du seul fait de la diversité de leurs applications, que ce soit dans les domaines pharmaceutique, industriel ou agronomique, évoquer « les OGM » a finalement peu de sens.

À l'évidence, le sujet est complexe. Force est de le constater, malgré leur caractère très strict, les réglementations qui encadrent la recherche et la culture des OGM ne suffisent pas à rassurer nos concitoyens. C'est une réalité dont nous devons aussi tenir compte.

Dans ces conditions, à mon sens, l'unique voie réside dans toujours plus de dialogue, toujours plus de transparence, toujours plus de recherche, afin d'évaluer avec le plus de certitude possible les conséquences des OGM sur la santé et l'environnement.

Je pense notamment aux travaux menés par notre collègue le professeur Jean-Claude Étienne, qui insistait, au sein de la Commission du génie biomoléculaire, sur l'exigence de transparence la plus totale à partir d'une « expertise scientifique rigoureuse ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La transparence exige la science et la connaissance. La rigueur scientifique me paraît la seule voie.

Les conclusions du Grenelle de l'environnement, dont je n'ai pas la lecture « militaire » de notre collègue Jacques Muller

Exclamations amusées sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Un tel cadre se décline en deux moyens principaux, qui sont le renforcement de la recherche autour des biotechnologies et des OGM et la création d'une haute autorité des biotechnologies.

S'agissant du premier point, monsieur le ministre d'État, nous nous réjouissons que des crédits importants en faveur de la recherche aient été annoncés. Mais je rejoins notre collègue Daniel Raoul quand il évoque le respect de l'indépendance, de la liberté et de l'éthique des chercheurs. L'éthique a été largement évoquée aujourd'hui, mais l'éthique des chercheurs est-elle respectée lorsque ceux-ci sont terrorisés ou empêchés de mener leurs travaux ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Quant au second point, le projet de loi répond à nos attentes.

Nous allons instituer un cadre législatif global en matière d'OGM - actuellement, il fait défaut -, en respectant les principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés, c'est-à-dire la responsabilité, la précaution, la prévention, la transparence, le libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM - c'est un aspect très important - et l'information.

Dans le respect de tels principes, le projet de loi contient de réelles avancées. Je retiendrai notamment l'unification des instances d'expertise existantes en une seule autorité, indépendante et pluridisciplinaire, qui se composera d'un comité scientifique et d'un comité économique, social et éthique. Cette structure émettra des avis en toute transparence. Je mentionne également les dispositions relatives au régime de la responsabilité.

Lors de nos travaux au sein de la commission des affaires économiques, et sous l'autorité de son président, Jean-Paul Emorine, chacun a pu s'exprimer sur les différents points que je viens d'évoquer. Nous avons eu des échanges au fond, et des échanges constructifs. Notre rapporteur, Jean Bizet, fort de sa connaissance particulièrement reconnue du sujet et, je l'ajoute, d'une grande indépendance personnelle - chacun connaît son éthique - a proposé des amendements pertinents, auxquels nous avons apporté notre soutien.

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, ayons l'honnêteté de dire à nos concitoyens qu'il s'agit d'un dossier complexe, que ses enjeux sont multiples et mondiaux et que nous ne le traiterons pas à coups de micros-trottoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. Gérard Larcher. Il est vraiment préférable d'aborder le débat sereinement en nous fondant sur des données scientifiques rigoureuses et solides, qui sont les seules à même, si nous savons rendre de tels « fruits de la science » compréhensibles et accessibles, d'éclairer la décision politique et de rassurer nos concitoyens.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Daniel Raoul applaudit également .

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à titre personnel, de dire d'emblée tout le bonheur que c'est pour moi d'entendre de nouveau M. Larcher !

M. Gérard Larcher sourit.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Au fond, si j'ai bien écouté l'ensemble des débats, il me semble que le consensus est assez fort au sein de la Haute Assemblée.

Premièrement, tout le monde s'accorde sur la recherche, qui bénéficiera d'ailleurs de 45 millions d'euros de crédits. J'en tiens le détail à votre disposition, monsieur Mortemousque.

Deuxièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien noté que vous refusiez les amalgames. Les « OGM », cela ne veut rien dire ! Il existe plusieurs formes d'OGM et de PGM.

Troisièmement, les différents intervenants ont exprimé leur attachement à la défense de la recherche française, qui est l'une des premières au monde. Je constate que le Sénat refuse de confondre les critiques formulées à l'encontre de tel ou tel produit commercial avec la défense de notre recherche.

Quatrièmement, et cela a été souligné à la fois par M. Laffitte et dans les différents rapports qui ont été mentionnés, la biodiversité constitue un élément essentiel de la vie, de notre vie. Absolument tous les sénateurs que j'ai entendus défendent la biodiversité et, à travers elle, le soutien aux filières, qu'elles soient « bio » ou conventionnelles. Je pense notamment aux interventions de MM. de Montesquiou ou Pastor. En outre, M. Soulage rappelait la nécessité d'encadrer strictement et de soutenir ces filières, et ce sans tourner le dos à la modernité. L'inquiétude sur les AOC a été exprimée à de nombreuses reprises.

Nous le voyons, il existe un consensus général.

En vérité, monsieur Le Cam, même si nous pouvons être d'accord sur certaines questions, il est un point, un seul, sur lequel je ne peux vraiment pas vous suivre. Vous avez déclaré qu'il vous était impossible de voter le projet de loi, sous prétexte qu'il n'y aurait pas eu de grand débat national. Sincèrement, s'il est un sujet qui a fait l'objet d'une vaste consultation, c'est bien celui dont nous parlons aujourd'hui.

M. Fortassin évoque le rétablissement de la confiance. Certes, il n'est pas certain que la loi y suffise, mais les procédures sont là.

En effet, M. Larcher a conclu son propos en invoquant la rigueur et la science.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Or, et c'est là que se situe la véritable difficulté, la rigueur et la science doivent-elles intervenir « en aval », par exemple pour contester la présence sur le marché d'un produit déjà commercialisé, ou « en amont », pour décider de son éventuelle mise en circulation ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Voilà où se situe la véritable revendication, mondiale et internationale.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui même, deux produits, en l'occurrence le BT 11 et le 1507, font l'objet d'une interrogation européenne et mondiale. Pourtant, ce sont des « frères » ou des « cousins germains » d'un autre organisme qui a défrayé la chronique. En résumé, c'est bien en amont que le problème doit être traité.

J'ai entendu M. Le Grand, notamment quand il a fait état de ses blessures personnelles.

Pour ma part, je peux témoigner de l'unanimité qui s'était dégagée, pour avoir moi-même assisté à une réunion des parties prenantes, à un groupe de travail inter-groupes de travail sur les OGM, avec Mme Blandin. Des positions ont été effectivement adoptées à l'unanimité de tous les collèges, qu'il s'agisse des représentants des agriculteurs, des collectivités territoriales et du Parlement, y compris donc de la Haute Assemblée. Ces conclusions unanimes ont abouti à une proposition responsable sur la préfiguration de ce que pourrait être la nouvelle structure.

Puis, le système s'est tout d'un coup déréglé.

Pourtant, nous venons aujourd'hui devant le Sénat animés par une philosophie qui est aussi la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs. Il s'agit de faire preuve de bon sens et de transcrire à la fois le principe de précaution et un principe d'action. Il faut donc un cadre général pour cela.

De grâce, n'opposons pas ceux qui seraient pour et ceux qui seraient contre, les modernistes et les conservateurs ! Non, les PCB n'ont évidemment pas été une réussite totale, mais il existe des avancées qui sont, elles, des réussites !

Sincèrement, nous nous apprêtons aujourd'hui à adopter un cadre qui est, me semble-t-il, clarifié. Si nous continuons à travailler sereinement, ces nouvelles dispositions nous permettront, loin de tout amalgame avec le sort particulier de certains produits, étrangers ou non, de concilier la nécessité de défendre la recherche française, c'est-à-dire le développement d'un certain nombre d'OGM, avec la liberté de cultiver sans OGM, et de manger sans OGM !

En outre, certains orateurs ont indiqué qu'il n'appartenait pas à la victime de payer les frais. Je partage leur avis. C'est la raison pour laquelle nous devons, à mon sens, faire un effort pour aller au bout de la logique du projet de loi et du processus de soutien aux filières concernées.

Certains intervenants ont fait référence au développement mondial de la culture des OGM. Mais il y a aussi des arrêts. Oui, les Américains ont effectivement exercé des pressions et déposé des plaintes devant l'OMC, mais ils les ont retirées au mois de janvier dernier.

C'est pourquoi nous devons maintenir la sérénité du débat. Je le constate, à quelques exceptions près, qui méritent d'ailleurs une discussion apaisée et des décisions adaptées aux intérêts du pays, il existe un accord assez large sur un sujet qui, en apparence, n'a pas l'air simple, mais qui, au fond, n'est pas si compliqué.

Enfin, monsieur Muller, ce n'est pas vous qui déterminerez le point d'équilibre permanent d'un tel exercice, dont vous connaissez d'ailleurs la difficulté.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, quoi qu'il arrive, une fois que nous aurons procédé aux ajustements qui s'imposent, si nous savons garder et le coeur et l'esprit ouverts, la situation sera certainement bien meilleure demain, après l'adoption du projet de loi que je vous soumets.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.