Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 5 février 2008 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

Le parti socialiste que je représente tient à affirmer par ma voix tout son attachement à la modernité, à l'innovation, à la créativité et à la science, activité fondamentale pour permettre à l'homme, à l'humanité, de progresser, à une condition toutefois : qu'elle soit maîtrisée et contrôlée par l'homme et le secteur public.

Je reprends les propos que vous avez tenus dans votre intervention liminaire et que je partage, monsieur le ministre, à savoir que ce projet de loi est un acte de courage. La recherche scientifique doit être au service de l'homme, mais ce dernier ne doit pas se faire dominer par elle. Oui, j'adhère pleinement à cette image-là !

L'humanité exige en permanence des avancées scientifiques, mais, parfois, la réalité dépasse la fiction. Aujourd'hui, sur le sujet des OGM, « rien ne montre que c'est la raison qui gouverne le monde... en dehors de la raison du plus fort. » Jean Bizet se souvient certainement de cette phrase...

Le débat qui nous occupe laisse encore planer un espace de doute en la matière.

Qu'est-ce qui bloque le citoyen sur le sujet ?

Souvent, il ne connaît pas bien le dossier malgré la profusion d'informations, et, lorsqu'il le connaît, il a tendance à s'inscrire dans un clivage, dans la confrontation entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.

Or que retrouve-t-on dans ce texte de loi pour rassurer, pour apporter plus de transparence et d'informations au citoyen ? Ce n'est pas le fichier national proposé qui sera suffisant pour le rassurer ! Il faudra aller plus loin, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'État. Au cours du débat, nous serons conduits à vous proposer un certain nombre d'amendements en ce sens pour progresser, pour instaurer une véritable participation du citoyen.

J'ai pour habitude de reprendre une image, certes simpliste pour les scientifiques présents dans cet hémicycle, mais explicite. Nous l'évoquions déjà, mon collègue rapporteur Jean Bizet et moi-même, dans notre rapport d'information commun de 2003 pour exposer le sujet à des non-scientifiques, qui, globalement, représentent la société. Il s'agit d'un parallèle entre les individus et les livres.

Les chromosomes seraient les chapitres et les gènes les mots. Dans une phrase, on peut remplacer un mot par un autre et ainsi changer le sens de la phrase. On peut également changer un mot de place et le sens de la phrase en sera modifié également. La modification génétique consiste justement à modifier un ou plusieurs mots.

Mais le sens d'une phrase ne dépend pas uniquement du vocabulaire : il dépend aussi de la syntaxe, que nous maîtrisons beaucoup moins s'agissant des OGM ! D'ailleurs, aucun des scientifiques que nous avons interrogés sur cette question de fond n'a voulu s'engager lorsque nous leur avons demandé s'ils étaient sûrs qu'un gène, une fois déplacé, resterait à la même place. Dans certains cas, les gènes bougent un peu, ce qui a parfois des effets inattendus. C'est là que la prudence s'impose dans ce débat.

Ce constat me conduit à deux réflexions extrêmement basiques.

Premièrement, il faut prendre le temps d'expertiser encore, permettre à la recherche de travailler officiellement sur la question, la laisser oeuvrer en tout sérénité et lui donner les moyens de le faire. C'est grâce aux chercheurs et à leurs travaux que nous aurons le recul nécessaire sur la technique de la transgénèse, qui a énormément progressé, et que nous en maîtriserons mieux les tenants et les aboutissants.

Cela dit, l'objectif fixé par la stratégie de Lisbonne de porter à 3 % du PIB l'effort de recherche de notre pays ne sera vraisemblablement pas atteint. Il faut pourtant sauver la recherche publique dans sa mission fondamentale, car elle seule pourra faire la clarté sur le sujet en identifiant les risques et les avantages pour notre société, l'environnement et l'homme. Avec sept ou huit ans de recul, par exemple, nous savons déjà qu'il existe des cas d'accoutumance pour certaines plantes OGM, ce qui nécessite de recommencer les schémas de sélection.

Deuxièmement, ce projet de loi se préoccupe à 95 % des plantes génétiquement modifiées. Cela s'avère gênant dans un projet de loi relatif aux « organismes génétiquement modifiés ».

En effet, qu'il s'agisse de plantes ou d'animaux, c'est la fonction associée au génome qui détermine l'intérêt de l'OGM. Le triptyque organisme-gène-fonction est l'aspect fondamental qui devrait orienter nos débats et donner lieu à un encadrement législatif réel. Or rien n'apparaît à ce stade dans le texte.

Ne pas évoquer la liaison fonction-gène, c'est oublier l'essentiel dans ce débat. Nous l'avions évoquée dans le rapport de la mission d'information ; cela faisait d'ailleurs partie des demandes et je regrette que cette liaison n'apparaisse pas comme telle. Le gène est propriété de l'humanité et doit le rester, faute de quoi, nous ouvririons la boîte de Pandore de l'appropriation du vivant.

En revanche, la fonction - le triptyque que j'évoquais - est seule brevetable et mérite qu'on légifère.

Car, en définitive, ce texte concerne aussi le règne animal, dont l'homme fait partie.

Voilà quelques années, Jean Bizet et moi-même avons fait un déplacement aux États-Unis ; nous avons visité un centre de sélection porcin, où les chercheurs avaient introduit par transgénèse le gène laitier d'une vache laitière Holstein sur un chromosome de truie. Le résultat ? La production de lait de la truie était multipliée par deux et demi !

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