Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 5 février 2008 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

S'il s'agissait d'un texte de portée générale sur les OGM, comment ne pas établir de lien avec la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, en particulier pour le règne animal, auquel appartient l'espèce humaine ?

Vous prétendez vouloir la transparence, objectif auquel nous souscrivons. Dans ce cas, donnez-nous en les moyens ! Vous avez bien accepté les CLIS dans les domaines de la sûreté nucléaire et des installations classées Seveso II ; créons les mêmes commissions locales en associant à la fois les élus, les associations et les habitants.

De plus, comment justifier que l'on importe 4, 5 millions de tonnes de soja constituées à près de 80 % par des OGM et que l'on interdise simultanément la culture d'une PGM par nos agriculteurs, en particulier ceux du Sud-Ouest ! Je ne vois pas comment le Gouvernement peut sortir de cette contradiction, tout particulièrement le ministre de l'agriculture. Car le risque de dissémination diffuse existe autant dans le transport ou dans le stockage que dans la production elle-même.

La recherche sur les biotechnologies est un impératif stratégique pour l'agriculture, mais pas seulement, en France mais aussi en Europe et dans le reste du monde.

Comment justifier qu'une PGM faisant l'objet d'essais en plein champ ait été détruite alors qu'il s'agissait d'une plante résistante à la sécheresse ? Nous sommes pour le droit de produire, avec ou sans PGM, et cela exige un certain nombre de mesures respectueuses des critères du développement durable de la Charte de l'environnement.

Même si je n'étais pas favorable à l'introduction d'une telle charte dans la Constitution, j'aimerais bien, maintenant qu'elle y est inscrite, que les principes contenus dans ce texte soient respectés.

Premièrement, un effort intensifié de recherche dans le domaine des biotechnologies, et particulièrement dans le domaine de la génomique végétale, devrait être mené pour que nous disposions, en fait, d'une expertise indépendante et que nous ne soyons pas assujettis aux expertises des entreprises qui soumettent leurs dossiers à une autorisation.

Deuxièmement, il faudrait que les essais en plein champ soient assurés dans une transparence complète avant que l'on ne passe à la culture en plein champ, ce qui suppose non seulement une information, une concertation, mais aussi une évaluation sur les avantages et les risques de cette PGM.

Troisièmement, chacun devrait avoir la liberté de choisir consciemment et en toute responsabilité de produire et de consommer avec ou sans OGM.

Quatrièmement, enfin, après une évaluation des avantages par rapport aux risques, il faudrait déterminer une responsabilité.

Mais je me tourne vers le Gouvernement : j'ai du mal à vous accorder ma confiance à propos de ce projet de loi, alors que vous avez enterré le texte sur les certificats d'obtention végétale et le texte que notre assemblée a adopté voilà deux ans, qui permettait en particulier l'utilisation des semences fermières, aspect qui est complètement absent du présent projet de loi.

Quel va être la trajectoire du texte actuel ?

Où en êtes-vous par rapport à l'activation de la clause de sauvegarde ? Toutes les rumeurs circulent, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre. J'espère que nous aurons des réponses dans le cadre de ce débat. Toutes nos interrogations auront-elles, comme se l'est demandé notre collègue Yves Détraigne, une réponse après les élections de mars ?

Brandissez-vous cette clause comme un outil de communication, alors que vous connaissez pertinemment la réponse de la Commission ?

Le sujet de ce texte est pourtant un enjeu stratégique. Une information, une véritable pédagogie auraient donc été nécessaires si nous ne voulons pas nous trouver dans une dépendance supplémentaire par rapport soit à des entreprises américaines soit à des entreprises asiatiques.

Vous ne méconnaissez pas les efforts qui sont faits à la fois par l'Inde et par la Chine dans le domaine des biotechnologies. En une seule année, ces pays ont recréé ex nihilo l'équivalent de notre INSERM. C'est donc qu'ils ont bien mesuré les enjeux que représentaient les recherches dans ce domaine.

Pourquoi ne pas se donner les moyens d'échapper à une dépendance qui pointe à l'horizon, qu'elle soit vis-à-vis des États-Unis ou vis-à-vis de l'Asie ? À une époque, certaines mesures courageuses ont été prises par des gouvernements - je fais allusion au gouvernement Messmer - pour assurer notre indépendance en matière énergétique. Pourquoi ne pas avoir ce même courage pour garantir l'indépendance dans le domaine des biotechnologies et des applications agroalimentaires ?

J'interroge donc le Gouvernement : comment compte-t-il corriger tout cela et donner à la France la place qu'elle mérite dans la compétition agroalimentaire ?

Vous avez évoqué l'ouverture de crédits, mais je sais, j'ai pu le vérifier auprès des chercheurs de l'INRA ou de l'INSERM, qu'ils n'ont pas été consommés, et cela en raison des pressions exercées sur les chercheurs par leur direction, pressions non seulement morales, mais quelquefois physiques par l'interdiction qui leur était faite d'aborder le problème des PGM ou des OGM.

Il va falloir ouvrir complètement ce dossier si vous voulez que vos crédits, dont je reconnais l'opportunité - je salue le geste que vous avez fait -, soient effectivement utilisés.

Cela suppose que vous soyez assez directifs vis-à-vis des directions des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, en particulier que les chercheurs qui réalisent des tests dans ces domaines soient reconnus et ne soient pas considérés comme des pestiférés, y compris au sein de leur laboratoire.

Au lieu d'un texte d'opportunité, il aurait fallu un texte de fond pour examiner le triptyque évoqué par Jean-Marc Pastor « plant-gène-fonction », et se donner les moyens d'interdire la brevetabilité du vivant.

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