Si les impacts des OGM sur l'environnement, l'alimentation et la santé ne sont pas encore bien connus, les conséquences économiques d'un profond changement de cap de notre agriculture en direction des OGM sont, en revanche, bien appréhendées. Ces conséquences sont considérables, que ce soit en termes d'emplois, de commerce extérieur ou d'aménagement durable du territoire.
À cet égard, je relève dans le rapport de M. Bizet cette curieuse affirmation selon laquelle « ne pas introduire des cultures OGM en France serait se priver du moyen de réduire notre dépendance en protéines végétales ».
Si M. le rapporteur fait allusion au soja OGM importé, il est manifestement hors sujet, parce que c'est l'Union européenne, et non pas la France, qui délivre les autorisations. Jusqu'à nouvel ordre - et heureusement pour nos nappes phréatiques ! -, le soja OGM résistant au Roundup fabriqué par le semencier Monsanto n'a toujours pas droit de cité en Europe.
Si le rapport de M. Bizet fait référence au fameux MON 810 actuellement autorisé, et pour lequel la France vient de faire jouer, à juste titre, la clause de sauvegarde, l'agronome que je suis vous fera remarquer que c'est une erreur scientifique, parce que le maïs est riche en amidon mais très pauvre en protéines.
Favoriser le développement des cultures de maïs OGM à destination de l'alimentation animale, c'est non pas réduire mais, au contraire, creuser encore plus le déficit abyssal actuel en protéines, c'est accentuer mécaniquement ces importations de soja qui plombent déjà notre commerce extérieur agroalimentaire. Les agroéconomistes connaissent d'ailleurs ce phénomène depuis longtemps : ce dernier a commencé il y a une trentaine d'années, lorsque nos vaches laitières ont vu changer leur ration alimentaire, passant de l'herbe des prairies, bonnes pour l'environnement, au mélange du maïs produit sur l'exploitation et du soja OGM importé.
Alors, revenons à l'essentiel : sur le long terme, à l'expérience, les produits sans OGM sont mieux valorisés sur les marchés.
S'agissant du maïs, même s'il peut exister ponctuellement des phénomènes de marchés locaux - l'Association générale des producteurs de maïs, l'AGPM, s'est évertuée à les mettre en exergue lors des auditions du groupe de travail OGM au Sénat -, les résultats sont clairs et nets : les cours du maïs OGM sur le marché mondial décrochent structurellement par rapport au maïs sans OGM. En 2007, le maïs OGM perdait 50 euros par tonne, en tendance.
Aujourd'hui, ce phénomène profite d'abord aux producteurs de maïs européens, qui voient les prix tirés vers le haut, à concurrence de 20 % à 30 % au-dessus du cours moyen mondial...
Cependant, il faudrait tout de même prendre conscience du fait que, à moyen terme, la banalisation des cultures de maïs OGM en France et en Europe placerait nos producteurs en concurrence directe avec ceux de pays disposant d'immenses structures, qui font par conséquent des économies d'échelle et pratiquent une agriculture industrielle à base d'OGM. Sans conteste, nos céréaliers seraient à terme perdants.
Très clairement, la focalisation de certains sur les avantages et le confort technique apportés par le MON 810 relève d'une approche à court terme au regard du danger commercial d'un basculement dans une agriculture recourant aux OGM.
C'est pourquoi, dans certaines régions, notamment en Alsace, le choix économique et stratégique du « sans OGM » a fini par s'imposer de lui-même, à l'expérience, au sein de la profession.
Cela étant, on ne s'étonnera pas du lobbying en faveur des OGM exercé par l'Association nationale des industries alimentaires, l'ANIA, lors des auditions. Chacun aura compris que les acheteurs de céréales destinées à l'alimentation sont évidemment preneurs d'une baisse des prix du maïs et, plus largement, des autres céréales.
Par ailleurs, je soulignerai que nous ne légiférons pas uniquement pour le maïs. Nous sommes invités à élargir notre vision pour adopter des dispositions globales qui traceront le cadre de la diffusion des OGM dans l'agriculture française. Nous devons donc être conscients des enjeux : nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en difficulté notre agriculture de terroir, productrice de biens transformés à haute valeur ajoutée, porteurs de signes de qualité et, par conséquent, identifiés « sans OGM » par les consommateurs. Le poids économique considérable de cette agriculture doit être rappelé.
Hors viticulture sous appellations d'origine contrôlée, secteur dont nous connaissons l'importance dans l'économie française et dans l'aménagement durable du territoire puisqu'il représente quelque 190 000 emplois et dégage le plus gros excédent commercial agroalimentaire, avec plus de 5 milliards d'euros, soit une fois et demie l'excédent céréalier, l'agriculture de qualité continue de se développer. Appellations d'origine contrôlée, labels rouges, certifications biologiques, certificats de conformité : ce sont quelque 630 signes de qualité qui distinguent des produits à haute valeur ajoutée « pesant » aujourd'hui environ 6 milliards d'euros.
Ces produits, outre le fait que leur exportation mériterait d'être développée, répondent à une demande intérieure croissante, celle de produits porteurs d'une image de qualité et d'authenticité.
Le dénominateur commun de toutes ces appellations, c'est le « sans OGM », c'est-à-dire la production sans manipulations technologiques perçues par les consommateurs comme incompatibles avec les valeurs de qualité, d'authenticité ou de nature. Que l'on soit intellectuellement d'accord ou non avec ces considérations, c'est tout simplement une réalité économique.