Ce projet de loi est à l'image des déclarations contradictoires et peu claires du Gouvernement et du Président de la République.
L'article 1er pose les vertueux principes qui devraient encadrer la production, la commercialisation et la culture d'organismes génétiquement modifiés. Les autres dispositions visent à entériner la possibilité de mettre en place des cultures en plein champ, au prix des dommages inévitables qui en résulteront.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, M. Borloo a joué l'apaisement sur le sujet des plantes transgéniques, en annonçant un gel de la commercialisation des semences d'OGM, tout en autorisant la poursuite des recherches en laboratoire. Le Président de la République a justifié l'activation de la clause de sauvegarde contre le maïs MON 810 en soulignant que ne pas prendre cette décision controversée eût été « choquant » au regard des orientations du Grenelle de l'environnement.
Pourtant, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA, tout en se déclarant extrêmement surpris et choqué par la décision du Gouvernement, s'est trouvé rassuré après son entretien avec Nicolas Sarkozy.
La cour intrigue ; on ne sait plus très bien où l'on va. Une dépêche de l'Agence France-presse diffusée cet après-midi a encore semé le trouble : elle indique en effet que « c'est le service gouvernemental des affaires européennes, qui dépend de Matignon, qui invoquera à Bruxelles des ?mesures d'urgence?, et non pas la ?clause de sauvegarde?, comme cela avait été évoqué par les responsables gouvernementaux jusqu'à présent, pour interdire provisoirement la culture ou la vente d'un OGM autorisé dans l'Union européenne, comme c'est le cas du MON 810, en invoquant un risque pour la santé publique ou l'environnement ».
Je voudrais que les choses soient clarifiées. La Commission européenne ne va pas répondre tout de suite à la demande de la France. Le ministère de l'agriculture et de la pêche devrait prendre un arrêté interdisant la culture d'organismes génétiquement modifiés, mais les producteurs de maïs ont déjà annoncé leur intention d'attaquer ce texte, avant même sa parution. Dans un article paru dans Les Échos du 1er février 2008, Monsanto, à propos de la suspension de l'autorisation du maïs MON 810, dénonçait une décision susceptible de causer un préjudice grave et immédiat à l'entreprise ainsi qu'à tous les acteurs de la filière.
Mes questions sont simples : comment les pouvoirs publics peuvent-ils assurer que les producteurs de maïs respecteront l'interdiction que devrait poser le décret ? Que se passerait-il si le Conseil d'État décidait de suspendre l'application du décret à la suite de référés ? Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de vous engager à faire respecter, dans l'attente de la décision européenne, cette interdiction ?
À moins que le Gouvernement ne choisisse de retirer sa clause de sauvegarde avant le 15 avril - époque des semis -, car tout indique dans le pays que le maïs MON 810 va être semé ! En effet, tout est prêt : les semences, un cadre juridique incertain, et la loi en cours d'élaboration qui sera votée avant cette date. Tout cela alimente des inquiétudes à mon avis tout à fait justifiées.