… constituée de magistrats professionnels et de douze parlementaires, avait pour fonction de juger le Président de la République.
À la suite d’un différend entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation sur l’interprétation de la compétence de cette juridiction spéciale, la révision constitutionnelle a eu pour objet de modifier en ses articles 67 et 68 les modalités de mise en œuvre de la procédure de destitution du Président de la République.
Le nouvel article 67 reprend les principes traditionnels d’irresponsabilité et d’inviolabilité ainsi que celui de suspension de la prescription introduit en 2001.
L’article 68, quant à lui, écarte la notion de haute trahison pour lui substituer celle de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », notion cependant tout aussi floue que la première.
Le Parlement dans son ensemble est désormais érigé en Haute Cour appelée à se prononcer sur la destitution du chef de l’État à la majorité des deux tiers de ses membres.
Il était donc prévu qu’une loi organique viendrait préciser la nature de l’immunité, non seulement pénale, mais aussi civile et administrative, ainsi que la notion de manquement incompatible étendue à des actes antérieurs ou détachables.
Tel est l’objet de la proposition de loi examinée aujourd’hui, qui comporte cinq articles dont je rappellerai rapidement le contenu.
L’article 1er prévoit que la proposition de résolution tendant à demander la réunion de la Haute Cour doit être signée par soixante députés ou sénateurs qui l’auront motivée.
L’article 2 fixe les délais requis pour apprécier la recevabilité de la proposition de résolution et pour l’examiner. Il prévoit en outre que son adoption doit être approuvée à la majorité des deux tiers des membres de chacune des assemblées.
L’article 3 fixe la composition et les pouvoirs du bureau de la Haute Cour présidée par le président de l’Assemblée nationale.
L’article 4 fixe la composition et les pouvoirs d’une commission qui, comme le ferait une commission d’enquête, autorise le Président de la République à être entendu.
Enfin, l’article 5 arrête les modalités d’exercice des pouvoirs de la Haute Cour : publicité des débats, prises de parole, modalités de vote, majorité qualifiée, effet immédiat de la décision.
Cette proposition a très largement pris appui sur le rapport de la commission Pierre Avril remis le 12 décembre 2002 au Président de la République, lequel avait souhaité qu’une réflexion soit menée sur le statut pénal du chef de l’État.
Si nous tous ici présents ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas pris l’initiative de déposer un projet de loi organique dans des délais convenables, le groupe du RDSE veut saluer la proposition qui a été faite, quand bien même ce texte reste d’une ambition limitée ; la rédaction des articles 67 et 68 laisse en effet peu de marge de manœuvre au final.
Néanmoins, cette proposition ouvre des voies de discussion, en particulier s’agissant du nombre des signataires de la proposition de résolution, ici fixé à soixante. Sous le régime de l’ancien article 67, ce nombre devait correspondre au dixième des membres de l’assemblée concernée. La commission Avril avait quant à elle suggéré qu’un parlementaire ne puisse être signataire que d’une seule proposition de destitution durant un même mandat présidentiel.
Parmi les autres objets de discussion, citons encore les délais d’inscription à l’ordre du jour, la possibilité d’introduire le principe de la navette entre les deux assemblées dans le cas où le texte n’aurait pas été adopté dans les mêmes termes dans les deux chambres, les critères de recevabilité pris en compte hormis ceux qui ont trait à la motivation et au nombre de signataires, enfin l’application des principes généraux du droit à un procès équitable, même si l’on ne se situe pas dans un cas relevant strictement du cadre juridictionnel.
Les discussions qui pourraient naître de ces interrogations montrent suffisamment l’intérêt d’un débat approfondi et ouvert.
En même temps, aiguillonné par cette proposition de loi, le Gouvernement se dit prêt à soumettre très vite – vous avez parlé du premier semestre de cette année, madame la ministre d’État – un projet de loi organique. Il est nécessaire que ce délai soit arrêté et respecté.
M. le rapporteur a, quant à lui, déposé une demande de renvoi à la commission, pour que ces deux textes soient examinés ensemble.
Je le répète, le groupe RDSE, auquel j’appartiens, salue l’initiative prise par nos collègues du groupe socialiste et souligne le bien-fondé de leur proposition de loi organique, car l’absence de texte organique, en empêchant toute procédure de destitution du Président de la République, contredit l’intention même du constituant.
Toutefois, le groupe RDSE, attaché au respect absolu des principes qui fondent l’esprit même de la République et de la Constitution, souhaite s’abstenir sur cette proposition de loi organique et sur la motion présentée par M. le rapporteur, qui est aussi le président de la commission des lois.