Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 14 janvier 2010 à 9h00
Application de l'article 68 de la constitution — Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, avec notre débat d’aujourd’hui, nous reprenons, ou du moins nous pourrions le faire, la discussion engagée ici même, le 7 février 2007, sur une question particulièrement importante et sensible politiquement, à savoir la responsabilité pénale du chef de l’État. Ce débat avait abouti à l’adoption de la loi constitutionnelle du 23 février 2007, modifiant l’article 68 de la Constitution.

Curieusement, une disposition clef de cette réforme, c'est-à-dire la procédure de destitution du Président de la République prévue par l’article 68 « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », est inopérante : aucun projet de loi organique permettant la mise en œuvre de cette procédure par le Parlement n’a été présenté par le Gouvernement, ni donc, bien sûr, voté par le Parlement.

Avant de rappeler les raisons qui, il y a trois ans, justifiaient notre opposition au projet de révision constitutionnelle, je souhaite indiquer que l’absence de volonté du Gouvernement de donner au Parlement un droit de regard, et même de contrôle, sur le comportement pénal du chef de l’État constitue tout un symbole…

En effet, le renforcement du régime présidentiel organisé par le chef de l’État, qui trouve sa concrétisation dans la révision constitutionnelle de juillet 2008 et dans l’attitude du Président de la République au quotidien, ne s’accorde guère avec l’instauration d’une forme d’« impeachment à la française ».

L’idée même d’une convocation par un Parlement constitué en Haute Cour ne plaît guère, à mon avis, à celui qui a obligé les députés et sénateurs, réunis en Congrès selon son bon vouloir, à l’écouter sans aucune contrepartie.

D'ailleurs, il faut toujours le souligner, le chef de l’État, outre ses fonctions étendues de Président de la République, exerce celles de chef du Gouvernement, de dirigeant de la majorité parlementaire et de leader du parti dominant de la majorité. À ses prérogatives s’ajoutent d’importants pouvoirs de nomination dans les médias et la justice !

Chacun le sait ici, la présidence actuelle a modifié l’équilibre institutionnel, et elle continue chaque jour de le faire, pour favoriser, plutôt que l’émergence d’un système présidentiel, car celui-ci exigerait des contre-pouvoirs, celle d’un pouvoir personnel de type néo-bonapartiste.

Le débat de 2007 apparaît donc à la fois bien proche et bien lointain. En effet, comment ne pas nous rendre compte que nous sommes en train de changer de régime ?

Il est légitime de vouloir prendre les dispositions législatives nécessaires à l’application de l’article 68, et nous ne nous opposerions pas à cette proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste si la majorité, protectrice du pouvoir exécutif, n’occultait pas le débat, en proposant une motion pour renvoyer ce texte en commission sine die.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion