Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, la discussion que nous engageons aujourd’hui sur la proposition de loi organique, présentée par le groupe socialiste et portant application de l’article 68 de la Constitution, nous confronte à deux types de problèmes, tant sur la forme que sur le fond.
En premier lieu, cette proposition de loi, loin de n’aborder que des questions de mécanismes procéduraux, aurait, si elle était adoptée, une réelle incidence sur la stabilité institutionnelle de notre pays. Or, cette dernière doit faire l’objet d’une réflexion à laquelle nous souhaitons que le Gouvernement soit associé.
En effet, nous ne saurions mettre à l’écart le Gouvernement dans un domaine qui implique l’équilibre de nos institutions et qui intéresse tout autant le Parlement que le pouvoir exécutif.
En second lieu, nous soutenons la position de M. le rapporteur, qui a mis en relief de nombreuses lacunes dans cette proposition de loi. Sur chacun des articles se pose un problème majeur. Pour ma part, j’en relèverai cinq qui ont retenu particulièrement notre attention.
Premièrement, aux termes de l’article 1er du présent texte, pour être recevable une proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour doit être déposée par soixante députés ou sénateurs et être motivée.
Or nous estimons que les auteurs de ce texte ne sont pas allés assez loin pour garantir qu’il ne soit fait aucun usage abusif des propositions de résolution. Tant la commission Avril que le professeur Guy Carcassonne ont suggéré une troisième condition de recevabilité, dont les modalités devraient, selon nous, faire l’objet d’une réflexion approfondie.
Deuxièmement, ce texte prévoit, en son article 2, que le rejet éventuel de la proposition de résolution par l’une des deux assemblées mettrait un terme à l’initiative. Là encore, nous estimons que doit être étudiée la possibilité de mettre en place une navette entre les deux chambres, dans le cas où la motion tendant à réunir la Haute Cour n’aurait pas été adoptée dans les mêmes termes.
Troisièmement, les dispositions de la présente proposition soulèvent deux interrogations essentielles sur l’article 3, quant à la composition du Bureau de la Haute Cour, d’une part, et à la forme de ses prises de décision, d’autre part.
Tout d’abord, les auteurs de cette proposition de loi ayant choisi de réunir les Bureaux des deux assemblées pour composer le bureau de la Haute Cour, ce dernier serait constitué de quarante-huit personnes ! Un tel effectif nous paraît bien trop important au regard du rôle que l’on entend confier à cette instance.
De plus, les auteurs de cette proposition de loi ne nous semblent pas avoir suffisamment approfondi leur réflexion sur le processus de prise de décision du bureau. En effet, ils ne tranchent pas le problème de la forme que devraient revêtir lesdites décisions : doivent-elles être prises au cas par cas ou faire l’objet d’un règlement ?
Ici encore, nous soutenons la position de notre rapporteur, visant à permettre que cette question essentielle des règles applicables devant la Haute Cour soit débattue dans le cadre de la commission.
Par ailleurs, en ce qui concerne la mise en place de la commission ad hoc prévue en son article 4, la proposition de loi présente une réelle lacune. Alors que les vice-présidents des deux assemblées doivent concourir à la composition de cette commission, la présente proposition n’a pas prévu que leur nombre serait inégal. Or le Sénat compte huit vice-présidents, contre six pour l’Assemblée nationale.