Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de ces deux derniers jours, nos débats ont été intenses.
Vous aurez remarqué, mes chers collègues, que le groupe socialiste a présenté un nombre limité d'amendements, dont l'objet était de restaurer certaines garanties auxquelles il est très attaché et d'éviter certains amalgames qui semblent particulièrement préjudiciables.
Malheureusement, à une exception près touchant deux mots, aucun de nos amendements n'a été adopté. Nous aurions été très sensibles au fait qu'il en soit autrement, mais telle n'a pas été la volonté du Gouvernement.
Je répéterai les deux raisons pour lesquelles nous voterons contre ce projet de loi.
Bien sûr, je dois redire pour la vingtième fois, sinon plus, combien nous sommes attachés à la lutte contre le terrorisme : le terrorisme est la négation de la civilisation et il nous menace tous.
Mais nous tenons à dire qu'il est possible - et nécessaire - de lutter contre le terrorisme sans procéder à ces amalgames, et dans le respect de l'État de droit.
Il n'était pas besoin, vous le savez bien, de mêler la question de l'immigration à celle de la lutte contre le terrorisme. Nous avons tenté de l'expliquer de toutes les manières possibles, malheureusement sans succès.
Je veux solennellement réaffirmer deux choses : premièrement, il est, bien sûr, légitime de mettre en oeuvre un dispositif de lutte contre le terrorisme ; deuxièmement, il est, bien sûr, légitime de mettre en oeuvre une politique de l'immigration, ... sur laquelle nous pouvons avoir, les uns et les autres, des avis divergents.
Dès lors qu'existe une politique de l'immigration, il est logique de prendre des mesures pour réprimer l'immigration clandestine. En revanche, il n'est pas légitime, à notre sens, de tout mélanger et, ainsi, d'entretenir inéluctablement le soupçon.
Nous sommes contre les terroristes d'où qu'ils viennent, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur nationalité. Mais gardons-nous de tout préjugé, car préjuger est non seulement une erreur, mais encore c'est ouvrir la porte aux stigmatisations, aux procès d'intention, qui se retournent immanquablement contre nous et contre notre pays.
En second lieu, nous considérons qu'il est possible, nécessaire et indispensable de mener la lutte contre le terrorisme dans le respect de l'État de droit.
On a parlé ici même des juges antiterroristes, auxquels un hommage a été justement rendu. On a souhaité que leur action soit facilitée et que leurs moyens soient renforcés. Évidemment, nous y sommes favorables ! Mais les juges restent des juges ! Or dix articles du projet de loi ont pour objet de substituer aux décisions de l'autorité judiciaire celles des services administratifs dans la lutte contre le terrorisme.
Il n'est pas compatible avec un État de droit que des autorités administratives puissent, en l'absence de toute décision judiciaire ou de tout contrôle du juge, en l'absence même de toute ouverture d'enquête, mettre en oeuvre à tout moment des procédures touchant à la liberté d'aller et venir et tendant à contrôler la libre circulation des personnes, les déplacements ou la tenue de réunions, de manifestations, de grands rassemblements et d'événements particuliers : je cite là les termes du projet de loi.
Il est franchement incompatible avec un État de droit que, dans le domaine des communications téléphoniques ou électroniques, on refuse ici même de mettre en oeuvre les prérogatives de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, pour s'en remettre à une personnalité désignée de facto par le ministre de l'intérieur.
Était-il impossible de prévoir que cette commission, présidée par un haut magistrat, doive donner son avis au pouvoir exécutif avant qu'il agisse ?
Était-il impossible de prévoir que les parquets et les juges, auxquels il convient de rendre hommage encore une fois, doivent exercer pleinement leurs pouvoirs ?
C'était possible, mais, malheureusement, les auteurs de ce texte n'ont pas exprimé la volonté de conjuguer la lutte la plus impitoyable contre le terrorisme avec le respect de l'État de droit.
Je conclurai par cette phrase, que nous avons prononcée à plusieurs reprises au cours de ce débat : la plus grande victoire des terroristes serait de nous conduire à renoncer à l'État de droit.