Intervention de Muguette Dini

Réunion du 14 janvier 2010 à 22h20
Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le livre n’est pas un produit comme les autres. Vecteur historique du savoir et de la culture, il ne peut être traité en simple marchandise.

Rien d’étonnant, en conséquence, à ce que son secteur soit régi par des règles dérogatoires du droit commun, ce qui est le cas dans notre pays : le marché du livre est en effet régulé, en France, depuis des siècles, sur le fondement d’une logique de qualité et de conseil, et non de prix.

La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui fixe un prix unique du livre, n’a fait que retranscrire dans l’arsenal législatif de la Ve République la pratique constante d’un prix du livre administré. Un tel sanctuaire économique est-il toujours justifié ? Oui, à n’en pas douter.

Je ne reviendrai pas longuement sur le bilan extrêmement positif de la loi de 1981, Colette Mélot l’ayant très bien fait. Mais il faut bien constater que, sans cette loi, jamais le secteur de l’édition n’aurait pu conserver la richesse et le dynamisme qui le caractérisent.

C’est à l’aune de ce constat consensuel que doit être regardée la proposition de loi dont nous sommes saisis, un texte, lui aussi, consensuel.

Cette proposition de loi a été déposée par des représentants de trois des quatre groupes composant l’Assemblée nationale. Elle y a été votée à l’unanimité. Et c’est encore à l’unanimité que notre commission de la culture l’a adoptée.

Le présent texte tend à exempter l’ensemble de la filière du livre de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises, instaurée par l’article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi LME, pour revenir au système conventionnel antérieurement en vigueur. Autrement dit, il s’agit d’autoriser par la loi le secteur du livre à continuer de définir, de manière conventionnelle, les délais de paiement entre fournisseurs et clients.

L’article 21 de la loi LME, devenu l’article L. 441-6 du code de commerce, auquel il est demandé de déroger, est parfaitement justifié dans le domaine de la grande distribution. Il permet de protéger les fournisseurs face à des demandes de délais de paiement démesurément longues venant de leurs clients, qui sont les grandes enseignes. Cet article protège en l’occurrence les petits, les fournisseurs, contre les gros, les grandes centrales de distribution.

Or, dans le secteur du livre, le rapport entre fournisseurs et points de vente est exactement inverse : le petit est non plus le fournisseur, mais le libraire qui se trouve en bout de chaîne.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : compte tenu de l’extrême étroitesse des marges et des rémunérations en librairie, un tiers des libraires indépendants seraient menacés en cas d’application stricte de la loi LME, alors qu’ils représentent 25 % des ventes et maintiennent un peu d’humanité entre le vendeur et l’acheteur.

De plus, les délais standards fixés par la loi LME ne correspondent absolument pas à ceux qui sont pratiqués dans le secteur du livre, où ils sont, en général, beaucoup plus longs.

C’est la raison pour laquelle toutes les parties prenantes à la chaîne du livre se sont saisies de la possibilité ouverte par l’article 21 de la loi LME de conclure un accord dérogatoire sectoriel. Cet accord a été signé le 18 décembre 2008 et étendu par décret du 26 mai 2009. Il ne s’agit cependant que d’une solution transitoire, puisque le secteur devra progressivement réduire les délais prévus par l’accord, pour entrer dans le cadre de la loi d’ici à 2012.

Dans ces conditions, la seule solution est celle qui est proposée par le présent texte : une mesure d’exemption complète en faveur du secteur du livre. Ainsi, ce secteur, et uniquement celui-ci, compte tenu de sa spécificité, sera-t-il autorisé par la loi à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients.

C’est donc sans réserve que le groupe de l’Union centriste votera ce texte.

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