La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre (proposition n° 125, rapport n° 165, texte de la commission n° 166).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que la culture – les biens ou les services culturels – ne soit pas une marchandise comme les autres, qu’elle ne constitue pas un marché identique aux autres, où il y aurait simplement des vendeurs et des acheteurs, des producteurs et des consommateurs, nous en sommes tous – et je m’en réjouis, bien évidemment – intimement convaincus. Qu’elle soit porteuse de valeurs particulières, et d’intérêt général, qui échappent à la seule logique marchande et participe de la qualité de notre vivre-ensemble, c’est ce qui fonde le champ de cette « exception culturelle » qui fait la force et de notre culture et de notre économie.
Au sein de ce champ culturel, le livre occupe une place spéciale, une place centrale. Chacun voit pourquoi il est exceptionnel, c'est-à-dire en quoi il fait exception. Il est, depuis très longtemps, la propédeutique par excellence de la complexité et de la profondeur. Il implique aussi de prendre en compte une temporalité spécifique, qui est d’abord celle de la lecture : nous sommes non pas dans l’immédiateté du choc ou dans le zapping, mais dans la durée et la patience, et ce temps se reflète dans toute la chaîne du livre.
Vous connaissez ce récit de Borges, Le Livre de sable, emblématique de notre modernité : ce n’est pas un hasard si c’est le même élément qu’on trouve dans le livre et dans le sablier. C’est bien parce que le livre entretient un rapport très particulier au temps. Le livre est fait de l’étoffe du temps ; il est même, d’une certaine façon, le temps lui-même.
Bien sûr, ce régime d’exception culturelle ne signifie nullement, j’y insiste, que la culture soit séparée des logiques de l’économie, et que, retirée dans je ne sais quelle tour d’ivoire ou de Babel, elle fasse exception à la règle économique. Tout nous montre aujourd’hui exactement le contraire, à commencer par la capacité de résistance, face à la crise que nous traversons, des industries et services culturels, qui en apportent avec éloquence la confirmation. Cela signifie que, dans certains domaines, il est de notre responsabilité de recourir à la régulation. Cela signifie qu’il existe une économie propre au livre et à ses rythmes particuliers.
Pour protéger le livre, les valeurs dont il est porteur et le secteur économique qui les soutient, il est nécessaire que l’État intervienne par la régulation. La régulation est notre politique pour le livre, comme elle l’a été pour protéger le droit des auteurs sur internet avec HADOPI et ainsi que nous sommes en train de le faire en élaborant les conditions d’une meilleure offre légale pour les internautes.
Dans le domaine du livre, la politique de régulation n’est pas nouvelle. Elle remonte au moins à l’époque des Lumières, avec la lutte, déjà, pour fonder et défendre le droit des auteurs face aux contrefaçons. Plus récemment, vous le savez, la loi Lang de 1981 relative au prix du livre a été une grande loi de régulation, comme l’a montré le remarquable rapport de la commission présidée par Hervé Gaymard et à laquelle vous avez participé, madame le rapporteur Colette Mélot. Avec le « prix unique », me direz-vous, pas d’exception, c’est la même règle pour tous : soit, mais nous savons bien que c’est non pas pour uniformiser, mais au contraire pour donner libre cours à la diversité des ouvrages et des regards particuliers dont chacun d’eux est porteur.
Le paradoxe – nous en sommes tous d’accord, je crois – n’est bien sûr qu’apparent : cette unité de prix est la meilleure façon d’éviter que les « petits » éditeurs et les « petites » librairies ne soient victimes de la force de frappe des plus puissants : l’exception culturelle passe ici par la même règle pour tous et pour chacun. Dans ce cas, c’est la règle qui confirme l’exception… ou plutôt la régulation qui fonde l’exception culturelle.
Or la loi de modernisation de l’économie, ô combien pertinente – chacun en convient –, risque de mettre en péril, par un effet secondaire involontaire, le secteur du livre, au travers du plafonnement des paiements. De quoi s’agit-il ? Je ne m’étendrai pas longuement sur ce chapitre, mais je souhaite indiquer les grandes lignes du problème induit par la temporalité singulière du livre.
Cette loi de modernisation, adoptée le 23 juillet 2008, a plafonné à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises, ce qui a pris effet au 1er janvier 2009. D’ores et déjà, afin de repousser l’échéance, et conformément à la disposition de la loi prévoyant qu’un secteur d’activité peut échelonner jusqu’au 1er janvier 2012 cette réduction des délais de paiement, trois accords interprofessionnels ont été signés pour le livre entre les imprimeurs, les éditeurs, les libraires, les grandes enseignes de distribution et les sites de vente en ligne.
Un décret paru le 26 mai 2009 a validé ces accords et étendu cette mesure dérogatoire à l’ensemble des acteurs du secteur du livre. Toutefois, ces trois accords, indispensables dans un premier temps, ne font que repousser de quelques mois un plafonnement des délais de paiement, qui n’est pas adapté à la respiration du livre. Pour éviter cette sorte d’épée de Damoclès, il était donc nécessaire de modifier durablement la règle.
Le commerce de la librairie se caractérise en effet aujourd’hui par des délais de paiement d’une centaine de jours en moyenne, traduisant une rotation des stocks plus lente que dans les autres secteurs et une exposition plus longue aux yeux du public. Ce chiffre constitue naturellement une moyenne et les délais de paiement négociés entre éditeurs et détaillants peuvent être beaucoup plus importants, supérieurs à 150 jours, voire à 180 jours dans certains cas, qu’il s’agisse notamment de la création ou de la reprise d’une librairie, du développement de nouveaux rayons, de difficultés conjoncturelles de trésorerie ou d’opérations commerciales. L’industrie du livre s’inscrit dans un temps long, avec lequel le plafonnement des délais de paiement est en contradiction structurelle.
Ce temps long a pour corollaire une grande diversité éditoriale, qui constitue une véritable chance. Il faut rappeler que plus de 60 000 nouveautés paraissent chaque année et que près de 600 000 titres différents sont aujourd’hui disponibles. Cette diversité témoigne bien sûr du talent de nos auteurs et du dynamisme des éditeurs, mais elle est également le fruit de l’action constante des pouvoirs publics en matière de régulation de l’économie du livre et de l’édition.
Quels seraient, en effet, les inconvénients de l’application, au secteur du livre, des dispositions relatives aux délais de paiement prévues par la loi de modernisation de l'économie ? Ils seraient, indissociablement, d’ordre économique et culturel.
La réduction des délais de paiement, appliquée au secteur du livre, aurait pour conséquence d’amplifier les difficultés rencontrées par trop de librairies, et de limiter le nombre de créations et de transmissions de ces commerces. Elle conduirait également à réduire la durée de vie des livres en librairie et, par conséquent, à favoriser les titres de grande diffusion au détriment des ouvrages de création. L’exception culturelle est ici, comme souvent, au service de l’excellence.
De plus, cette fragilisation du secteur de la distribution de livres risquerait, par contrecoup, d’introduire un cercle vicieux dans la chaîne du livre et d’affaiblir aussi le secteur de l’édition, et donc d’engendrer un appauvrissement de l’offre éditoriale adressée aux lecteurs.
Toujours d’un point de vue économique, et, par extension, également social, l’application de la loi de modernisation au secteur du livre risquerait également d’entraîner une délocalisation des marchés français de l’impression de livres, puisque les imprimeurs français consentent actuellement aux éditeurs des délais importants, de l’ordre de 125 jours. Les relations commerciales en amont des imprimeurs doivent aussi être prises en compte. À défaut, ceux-ci se trouveraient tiraillés entre les délais très longs qu’ils devraient continuer à consentir à leurs clients, et les délais bien plus courts qui leur seraient imposés par leurs fournisseurs, du fait même de la loi de modernisation de l’économie.
Cette interdépendance des maillons de la chaîne doit donner lieu à une réponse globale et coordonnée, et c’est l’objet de la loi soumise à notre examen. Car la régulation n’est pas une décision autoritaire, elle est au contraire ce qui permet à ces différents maillons de s’entendre et de s’articuler, et consiste bien à offrir les conditions de la liberté, dans la plus pure tradition républicaine. C’est la souplesse de ce mécanisme qui, me semble-t-il, fait sa force et garantit son efficacité.
Ainsi, la mesure proposée aujourd’hui permettra de définir les délais de paiement conventionnellement et librement entre tous les acteurs de la chaîne du livre pour l’ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et aux livraisons, y compris pour celles qui sont rémunérées sous forme de commissions. Cette exception au plafonnement des délais de paiement s’appliquera aussi à l’ensemble des opérations de façon qui concourent à la fabrication de livres, notamment la composition, la photogravure, l’impression, le brochage ou encore la reliure, et concernera également les achats de biens consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d’édition de livres.
C’est l’intérêt de tous : les auteurs et les éditeurs, qui verront leurs livres exposés plus longtemps ; les libraires, qui pourront accepter davantage de livres, et notamment des livres moins grand public, plus exigeants et de vente plus lente ; enfin, les lecteurs, qui auront un choix plus large et bénéficient de la compétence et des conseils des libraires.
Bien sûr, il n’y a pas seulement la régulation, les règles du jeu. Il y a aussi la mise de fond de l’État, par laquelle il soutient ce secteur clé. Cette volonté de soutien du secteur nous a conduits à mettre en place, en 2009, un label de « Librairie indépendante de référence ».
Dans le même esprit, le budget alloué par le Centre national du livre au secteur de la librairie a également été triplé, et le ministère a mis en place un fonds de soutien spécifique, doté de plusieurs millions d’euros, destiné à la transmission des entreprises de librairie. À travers le développement de structures régionales pour le livre, l’État, au côté des collectivités territoriales, a ainsi accentué son soutien à l’égard de la diffusion du livre.
L’éducation artistique et culturelle représente aussi, à ce titre, un enjeu considérable, et je souhaite que les actions réalisées avec le secteur du livre puissent encore être développées.
Ainsi, cette convergence des différentes actions publiques menées en faveur du livre s’explique par des enjeux considérables. Il y va à la fois de la viabilité économique du secteur, de la pluralité de l’offre et, réciproquement, de l’accès de chacun à cette offre culturelle.
Le secteur du livre constitue désormais la première industrie culturelle en France, avec un chiffre d’affaires de près de cinq milliards d’euros. Cette réussite, tout à fait exemplaire au vu des résultats des autres secteurs comparables, comme le disque ou le DVD, permet au secteur du livre de reposer aujourd’hui sur des bases économiques solides. J’insiste sur ce point, la politique de soutien et de régulation mise en œuvre par les pouvoirs publics a très largement contribué à cette situation favorable. De plus, l’équilibre a également pu être maintenu entre les différents acteurs de ce que l’on appelle communément, et avec raison, la « chaîne du livre ».
Or, à l’heure où ce secteur se trouve confronté à des mutations technologiques historiques et doit répondre, de la meilleure manière possible, à des enjeux majeurs pour son avenir, il serait tout à fait paradoxal qu’une disposition législative insuffisamment adaptée à sa spécificité vienne le fragiliser. Il est au contraire indispensable d’accompagner encore davantage ce secteur à l’aube de sa révolution numérique. Pour cette raison, il est important, comme le Président de la République l’a demandé lors de ses vœux au monde de la culture, d’étendre rapidement au livre numérique les dispositions de la loi de 1981, et d’augmenter les moyens mis en œuvre par le Centre national du livre pour soutenir les éditeurs dans le processus de numérisation des ouvrages de fonds. La mesure d’exemption du plafonnement des délais de paiement, examinée aujourd’hui, vient donc également favoriser le développement, pour le secteur du livre, d’une offre numérique légale.
Vous l’aurez donc compris, je suis absolument favorable à cette proposition de loi, parce qu’elle prend pleinement en compte la spécificité profonde du livre et de son secteur – celle, je le répète, de la longue durée, qui est le sceau de sa temporalité – et l’inscrit dans la logique d’une exception nécessaire et constructive, dans une politique résolue du livre et de la lecture, en parfaite cohérence avec la politique du ministère en la matière. Oui, le livre doit continuer à faire exception à la règle générale des autres échanges économiques dont traite la loi de modernisation.
Je me réjouis du consensus exceptionnel, et remarquable, qui a prévalu parmi vos collègues de l’Assemblée nationale lors du vote unanime du 1er décembre dernier. Cette unanimité a confirmé l’importance de cet enjeu partagé que constituent l’essor du livre, le maintien de sa pluralité et l’accès de chacun à cet extraordinaire sésame de la culture. J’espère que vous voudrez, vous aussi, faire droit à cette nécessaire exception culturelle du livre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen a été adoptée à l’unanimité à la fois par l’Assemblée nationale, le 1er décembre 2009, et par notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le 16 décembre dernier.
Déposé par notre collègue député Hervé Gaymard et plusieurs députés appartenant à différents groupes politiques, ce texte traduit l’une des propositions du rapport du groupe de travail du Conseil du livre, dont notre collègue Serge Lagauche et moi-même étions membres.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de cette initiative et je remercie la commission de m’avoir confié, pour mon baptême du feu en tant que rapporteur, ce dossier qui me tient particulièrement à cœur.
Quel est l’objectif ? Il s’agit de conforter ce que je qualifierais d’« exception livre ». Si l’on parle souvent d’exception culturelle, cette notion recouvre des secteurs très divers.
Par les lois dites « HADOPI », nous avons traité notamment des filières musicale et cinématographique, au travers du double volet que constituent la lutte contre le piratage et le développement de l’offre légale des œuvres sur internet. Aujourd’hui, nous nous préoccupons de la filière du livre. Celle-ci représente un chiffre d'affaires de trois milliards d’euros et près de 70 000 éditions par an. Ce dynamisme concourt fortement à la vitalité de la culture dans notre pays et à la richesse de son patrimoine culturel. On ne peut que partager la conviction de Franklin Roosevelt, pour qui « les livres sont la lumière qui guide la civilisation ».
La présente proposition de loi s’impose en raison de l’application de l’article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie – devenu l’article L. 441-6 du code de commerce – qui plafonne les délais de paiement entre les entreprises à un niveau très inférieur aux usages en cours dans la filière du livre.
En effet, à compter du 1er janvier 2009, ces délais de paiement seront à 45 jours fin de mois ou à 60 jours calendaires à compter de la date de facturation – ou, éventuellement, de la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. En outre, en l’absence de convention entre les parties, le délai de paiement est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation.
La loi de modernisation de l'économie, dite « loi LME », prévoit la possibilité de reporter au 1er janvier 2012 le raccourcissement des délais de paiement dans le cadre d’accords interprofessionnels au sein d’une branche, à certaines conditions. Les professionnels ont décidé de saisir cette possibilité. Trois accords interprofessionnels ont ainsi été signés par les différentes parties prenantes, à la fin de l’année 2008 et début de 2009. L'Autorité de la concurrence a émis à leur sujet un avis globalement favorable le 9 avril 2009. Ils ont par ailleurs été validés par un décret du 26 mai 2009, qui étend également la mesure dérogatoire à l’ensemble des acteurs du secteur du livre, depuis l’édition et l’imprimerie jusqu’à l’ensemble des réseaux de distribution.
Toutefois, ces accords permettent seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement, selon le calendrier suivant : 180 jours fin de mois au 1er janvier 2009, 150 jours fin de mois au 1er janvier 2010, 120 jours fin de mois au 1er janvier 2011 et, enfin, 60 jours fin de mois au 1er janvier 2012.
Or, si les dispositions de la loi LME ont un effet vertueux pour l’ensemble de l’économie, notamment en vue de protéger les petites et moyennes entreprises à l’égard des distributeurs, leur impact pour la filière du livre s’avère, au contraire, inadapté et dangereux.
En effet, dans le secteur du livre, les PME se trouvent plutôt du côté des clients que des fournisseurs, c'est-à-dire des libraires plutôt que des éditeurs. Le rapport de force est donc globalement inversé.
Par ailleurs, ce secteur est régi par une réglementation spécifique, puisque le prix de vente au public est fixe.
En France, la détermination du prix du livre par l’éditeur a toujours été réglementée, sauf durant l’entre-deux-guerres et de 1978 à 1981.
Auditionné par notre commission, Hervé Gaymard a rappelé que, en 1981, tant Jacques Chirac que François Mitterrand, candidats à l’élection présidentielle, avaient pris position en faveur du prix unique et que la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre avait été adoptée à l’unanimité.
Cette loi est toujours pertinente, et notre collègue a, à juste titre, considéré qu’il s’agissait d’une loi de développement durable tout à la fois sur le plan culturel, en ce qu’elle permet la diversité de l’édition française, sur le plan économique, en ce qu’elle favorise le maintien d’un réseau de librairies supérieur au réseau américain, mais aussi sur le plan territorial, compte tenu des enjeux en termes d’aménagement du territoire et de diffusion de la culture pour le plus grand nombre.
Enfin, le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement particulièrement longs. Ces délais se situent en moyenne, tous circuits confondus – librairies, grandes surfaces, grossistes, librairies en ligne –, à 94 jours.
Cette particularité s’explique par la spécificité de l’économie du secteur du livre, fondée sur une offre extrêmement diversifiée et des cycles d’exploitation très longs, qui permettent aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.
Ainsi, les livres publiés depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans.
Ces délais de paiement peuvent même s’élever jusqu’à 150, voire 180 jours dans certains cas importants : création ou reprise d’une librairie, création ou développement d’un fonds éditorial spécifique, difficultés de trésorerie conjoncturelles ou opérations commerciales sur l’initiative des éditeurs, opérations commerciales de l’éditeur, ouvrages de fonds...
Dans ces conditions, la réduction des délais de paiement appliquée au secteur du livre aurait pour conséquence d’amplifier les difficultés de trésorerie que rencontrent de nombreuses librairies, de réduire leurs achats de nouveautés, ainsi que la durée d’exposition des titres, ce qui favoriserait, à terme, une « best-sellérisation » du marché du livre.
Cette fragilisation du secteur de la distribution des livres risquerait d’affaiblir également celui de l’édition, et donc d’engendrer un appauvrissement de l’offre éditoriale.
Par ailleurs, l’application du plafonnement des délais de paiement aux imprimeurs conduit à placer ces derniers dans un étau : ils sont pris en tenaille entre les longs délais de l’amont de la filière et les courts délais appliqués par leurs propres fournisseurs.
En outre, le risque d’une amplification du phénomène de délocalisation à l’étranger des marchés français de l’impression de livres est réel.
Comme je l’ai indiqué précédemment, la proposition de loi a été adoptée par nos collègues députés à l’unanimité, le 1erdécembre 2009.
Elle a pour objectif d’exempter définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, pour revenir au système conventionnel en vigueur avant l’adoption de la loi LME. Il s’agit de laisser aux acteurs le soin de négocier entre eux, librement et selon les opérations concernées, leurs délais de paiement.
L’Assemblée nationale a modifié la proposition de loi initiale sur trois points.
En premier lieu, elle a jugé inutile de codifier cette dérogation consistant à créer une « exception livre » dont ne sauraient se prévaloir d’autres secteurs d’activité, qui ne connaissent pas les mêmes spécificités.
En deuxième lieu, les opérations de vente par courtage ne concernant que des opérations entre entreprises et particuliers, l’Assemblée nationale a considéré, à juste titre, qu’elles n’avaient pas à figurer dans le périmètre de la proposition de loi, qui ne concerne que le crédit interentreprises.
En troisième lieu, enfin, il est apparu nécessaire d’inclure dans le dispositif le secteur de l’imprimerie pour ce qui concerne ses relations avec le secteur du livre. Je m’en réjouis, car les délais de paiement pratiqués en France par les imprimeurs au profit des éditeurs de livres sont en moyenne de l’ordre de 125 jours, alors que les délais de règlement de ces mêmes imprimeurs à leurs fournisseurs sont de l’ordre de 90 jours sur les achats de consommables, tels que papiers, encres ou colles.
Je crois que nous devons confirmer l’urgente nécessité de revenir au système conventionnel en vigueur en matière de délais de paiement dans le secteur du livre.
Grâce à une politique de soutien de la filière du livre qui ne s’est pas démentie au cours du temps et dont la loi de 1981 sur le prix unique marque une étape importante, notre pays peut s’enorgueillir de la vitalité de sa filière du livre. La création éditoriale est riche et diverse, et le réseau de diffusion du livre très dense.
Cependant, la fragilité économique du secteur est réelle, en particulier s’agissant des librairies indépendantes et des imprimeurs, et il nous faut veiller à ne pas déstabiliser l’équilibre difficilement trouvé par une mesure générale inopportune.
C’est pourquoi, sur ma proposition, la commission a adopté conforme le texte voté par nos collègues députés et a soutenu l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat dans des délais très brefs.
Je tiens à le préciser, je me suis interrogée sur le fait que le texte proposé n’était pas codifié, alors que tel était le cas dans la proposition de loi initiale. Mais l’urgence du sujet pour la filière du livre m’a conduite à écarter cet inconvénient lié à la moindre lisibilité de la loi.
De même ai-je levé, dans mon rapport, ce qui pouvait apparaître comme une légère ambiguïté rédactionnelle.
En tout état de cause, l’exception culturelle justifie un traitement spécifique. Il y va aussi de l’aménagement culturel de notre territoire et de la démocratisation de l’accès à la culture, dans toute sa diversité.
Certes, ce texte ne réglera pas tous les problèmes liés aux relations entre les entreprises du secteur. Aussi paraîtrait-il utile à la commission de réfléchir à la pertinence d’une proposition que nous avions – avec d’autres – avancée, dans notre rapport d’information du 26 septembre 2007 sur le secteur de l’édition, concernant l’éventuelle création d’un médiateur du livre.
Par ailleurs, il est urgent d’adopter des mesures de nature à réduire les mises au pilon, dont le taux, qui se situe entre 22 % et 23 %, est bien trop élevé.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, opine.
Surtout, la commission est convaincue de la nécessité d’anticiper la révolution numérique du livre, car, n’en doutons pas, elle est en route !
Les mutations technologiques sont sans doute plus subreptices et plus lentes que celles qui ont bouleversé le monde de la musique. Pour autant, il ne faudrait pas en sous-estimer les conséquences et il appartient aux professionnels de créer rapidement des plateformes de téléchargement.
La politique publique conduite ces dernières années en faveur du livre prend d’ailleurs en compte ces nouvelles exigences, auxquelles je vous sais, monsieur le ministre, très attaché.
La commission soutient cette politique. Le Sénat a d’ailleurs adopté, sur son initiative, un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2009 tendant à accroître les ressources du Centre national du livre, afin qu’il puisse notamment financer les nouvelles aides en faveur des librairies de référence et les aides à la numérisation des fonds des éditeurs privés.
Monsieur le ministre, je vous rappelle nos préoccupations relatives à la numérisation des œuvres patrimoniales. Nous en avons déjà débattu ensemble dans cet hémicycle et nous formons le vœu d’une intervention ambitieuse de l’État, notamment grâce au grand emprunt. À cet égard, le rapport que vous a remis hier M. Marc Tessier trace des pistes très intéressantes.
Mes chers collègues, je conclurai mon propos en vous invitant à suivre la position de la commission de la culture et à adopter conforme la présente proposition de loi, à l’unanimité des groupes composant notre assemblée.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette citation de Cicéron : « Une pièce sans livres, c’est comme un corps sans âme. » Puissent les citoyens du monde partager cette ambition !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à créer une dérogation à l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie de 2008 pour le secteur du livre.
Je réaffirme d’abord que le bilan global de la LME, effectué mardi par notre assemblée, est très contestable.
À l’heure de la crise financière, la libéralisation à outrance que porte cette loi doit être dénoncée avec vigueur, d’autant qu’elle confond tous les secteurs, sans inscrire les biens culturels dans ce principe indispensable et consacré en France : l’exception culturelle.
Oui, les biens culturels ne peuvent être traités comme des biens marchands. Les biens culturels sont des œuvres de l’esprit, dont la variable d’ajustement principale doit être la qualité.
Le projet de loi d’Hervé Gaymard instaure pour les acteurs du secteur du livre un régime dérogatoire aux délais de paiement fixés à un maximum de 60 jours calendaires.
Cette réduction des délais de paiement est en effet inadaptée aux secteurs dont le cycle économique est long, comme le livre.
Le secteur du livre s’est ainsi empressé de signer deux accords interprofessionnels rendus possibles par la LME jusqu’en 2012 et il entend, avec ses spécificités et son fonctionnement propres, voir pérennisés ces accords.
La loi sur le prix unique du livre de 1981 confère à celui-ci un régime et une place particulière dans notre droit. Elle régule ce secteur par la qualité plutôt que par les prix, en instaurant un prix unique fixé par l’éditeur.
Cela favorise l’égalité d’accès des citoyens au livre, un réseau de diffusion diversifié sur l’ensemble du territoire, avec 3 500 librairies indépendantes, et une vitalité et une diversité du secteur de l’édition, le tout assumant une offre de livres large et variée.
La LME est donc un danger pour le livre, ses acteurs et, de manière plus générale et essentielle, pour la diversité et la qualité de l’offre culturelle française. Elle va à l’encontre de la loi sur le prix unique. Les délais de paiement dans le secteur du livre sont de 100 jours en moyenne, parfois de 180 jours ! Les éditeurs permettent ainsi aux libraires de présenter l’ensemble de la production éditoriale, dont les nouveautés, sans coûts de trésorerie supplémentaires.
Il faut savoir que les livres publiés depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en librairie.
La réduction de la durée de paiement aboutirait alors à une réduction de la durée de vie des livres et favoriserait la grande diffusion, les best-sellers, au détriment d’ouvrages plus récents et moins connus. Finalement, l’offre de livres serait très appauvrie.
Les petits libraires indépendants seraient les plus gravement touchés. Déjà en proie à un équilibre économique fragile, ils seraient amenés à fermer en nombre, comme en Angleterre avec la fin du Book Price Agreement. En conséquence, les petits éditeurs spécialisés, qui travaillent avec ces petites librairies dont l’offre est plus « pointue », ne trouveraient plus de distributeurs et seraient également menacés.
En matière de livres, je veux évoquer des thèmes liés à cette proposition de loi qui occupent l’actualité.
Les récents rapports « Création et Internet » et « Numérisation du patrimoine écrit » introduisent une problématique qui, vous le savez, monsieur le ministre, me tient à cœur : le livre numérique et la numérisation.
L’extension du prix unique du livre aux ouvrages numériques, soutenue par tous les acteurs du secteur du livre, est un principe qui a été repris par le rapport « Création et Internet » ainsi que par le Président de la République lors de ses vœux au monde de la culture, le 7 janvier.
Cependant, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis s’opposant à sa mise en œuvre en invoquant une régulation par le marché. C’est réguler ce secteur par les prix, favoriser les grands groupes, imposer des prix plus compétitifs, permettre le quasi-monopole de quelques-uns, voire le monopole d’un seul.
Cette même Autorité de la concurrence va-t-elle agir pareillement à propos de la « taxe Google » ? La question mérite d’être posée…
Nous sommes tous, monsieur le ministre, mes chers collègues, attachés à ne pas faire du livre un simple bien marchand. La proposition de loi dont nous débattons, votée unanimement à l’Assemblée nationale, l’atteste.
Je suis certain qu’aucun d’entre nous ne saurait critiquer la pertinence d’un prix unique du livre numérique. Ce qui est important pour le livre, c’est son contenu, son esprit, son « immatériel », et non son support, même s’il appelle des pratiques et des usages différents.
Quant au rapport Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit, il est louable en ce qu’il dote la numérisation du livre de certaines protections nécessaires, à compléter.
Oui, l’initiative publique doit être au cœur de la numérisation des livres et du livre numérique, en Europe comme en France, et Google doit être stoppé dans sa démarche monopolistique qui bafoue le droit d’auteur – il suffit pour s’en convaincre de se référer aux procès qu’il vient de perdre en France comme aux États-Unis ! – et nous dépossède de notre « grenier de la mémoire humaine » par l’exclusivité imposée, consentie et cachée sur les ouvrages numérisés.
Permettez-moi d’exprimer mon sentiment sur certaines réactions consécutives à la publication de ce rapport. L’intérêt de ce document réside dans le fait qu’il conçoit une démarche nationale et européenne à la numérisation des livres, là où Gallica et Europeana, initiatives si heureuses, avaient été – disons-le ! – délaissées. Il favorise, par l’élaboration d’une réponse publique, la sortie de cette situation que l’entreprise privée Google exploitait à son profit.
Le mérite de ce rapport tient à ce qu’il légitime la possibilité de se passer de Google et de ses pratiques hors-la-loi, sans pour autant abandonner un projet de numérisation digne de notre patrimoine. Google n’est ni un acteur inévitable ni le seul acteur viable de la numérisation du livre. Sa force est de parvenir à le faire croire et à l’imposer dans les esprits. Il est temps de cesser de considérer Google comme un monstre sacré de la numérisation et d’ouvrir nos esprits aux autres acteurs, y compris privés, car ils existent !
À ce propos, la grande presse a beaucoup titré sur Google.
Mieux : Google fait du tapage autour des concessions qu’il avait consenties en matière de censure partagée lors de son installation en Chine et ose écrire dans un court communiqué, cité dans Le Monde du 14 janvier : « La proposition du rapport Tessier de partenariat s’inscrit dans une logique de coopération que nous avons toujours promue ». La justice l’a prouvé, il s’agit d’une contre-vérité. Devient désormais insupportable la pratique des autorités. Il en est ainsi, par exemple, de la mise en œuvre ségrégative de la taxe carbone et du tour de passe-passe de Mme Lagarde dans la taxation des bonus bancaires.
J’en reviens plus spécifiquement à notre débat d’aujourd’hui.
Des imperfections du texte méritent d’être soulignées : ce système de convention collective présente l’inconvénient d’accorder, dans les faits, un poids de négociation plus important aux grands groupes qu’aux petits, alors même que l’objectif affiché est de protéger ces derniers, c’est-à-dire les petits libraires... Car ce texte part du principe que les éditeurs sont de grands groupes. Or, sur les 10 000 éditeurs français, seuls 20 publient plus de 5 000 titres annuels chacun, alors que plus de la moitié publient moins de 10 titres annuels ! Les 12 plus grands éditeurs concentrent, certes, 80 % du chiffre d’affaires de l’édition, mais il faut prêter une attention particulière aux éditeurs indépendants, qui représentent un poids économique moindre, mais dont la présence est essentielle à la qualité et la diversité du paysage littéraire de notre pays. C’est une ardente obligation démocratique.
Ces réserves faites, et dans la foulée du rapport présenté par Mme Mélot, dont je me plais à noter la convergence avec vos propos, monsieur le ministre, nous estimons que cette proposition de loi est indispensable, et nous la voterons.
M. Gaymard a fait une proposition constructive et positive, et publié un rapport d’une grande finesse et d’une non moins grande clarté d’esprit ; nous voterons son texte. Nombre de propositions faites par MM. Toubon, Zelnick, Cerutti et Tessier sont intéressantes et constructives, et vous n’y êtes pas étranger, monsieur le ministre. Si elles venaient en discussion, nous les voterions. Mais, de grâce, ne laissez-pas, ne laissons-pas Google polluer, avec ses arguments suaves, mais truqués et souvent violents, le débat culturel autour du livre et pour le livre.
Malraux disait du cinéma qu’il était aussi une industrie. Il faudrait dire aujourd’hui qu’il est d’abord une création, comme l’est le livre.
Robert Darnton, président de la bibliothèque de l’université de Harvard, Américain de grande culture, notamment française, expliquait vendredi dernier, sous les applaudissements du grand auditorium archicomble de la Bibliothèque nationale de France, que la situation monopolistique de Google était incompatible avec la responsabilité publique qu’appellent la création et la culture sous toutes ses formes, depuis le livre papier jusqu’au livre numérique, en passant par le livre numérisé. Je le crois aussi ; j’agis et j’agirai toujours en ce sens avec passion.
Michelet écrivait : « [...] notre siècle par ses grandes machines - l’usine et la caserne - attelant les masses à l’aveugle, a progressé dans la fatalité [...]. » « La merveille du machinisme, ce serait de se passer des hommes », mais l’homme « n’a pas encore été mécanisé assez profondément ».
Je ne me résoudrai jamais à adhérer à ce défi symbolique et à me faire ainsi le compagnon de l’argent-roi.
Le livre et la littérature sont dans le champ de la solidarité. Je dis : pas touche ! Nous votons sincèrement pour ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le livre n’est pas un produit comme les autres. Vecteur historique du savoir et de la culture, il ne peut être traité en simple marchandise.
Rien d’étonnant, en conséquence, à ce que son secteur soit régi par des règles dérogatoires du droit commun, ce qui est le cas dans notre pays : le marché du livre est en effet régulé, en France, depuis des siècles, sur le fondement d’une logique de qualité et de conseil, et non de prix.
La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui fixe un prix unique du livre, n’a fait que retranscrire dans l’arsenal législatif de la Ve République la pratique constante d’un prix du livre administré. Un tel sanctuaire économique est-il toujours justifié ? Oui, à n’en pas douter.
Je ne reviendrai pas longuement sur le bilan extrêmement positif de la loi de 1981, Colette Mélot l’ayant très bien fait. Mais il faut bien constater que, sans cette loi, jamais le secteur de l’édition n’aurait pu conserver la richesse et le dynamisme qui le caractérisent.
C’est à l’aune de ce constat consensuel que doit être regardée la proposition de loi dont nous sommes saisis, un texte, lui aussi, consensuel.
Cette proposition de loi a été déposée par des représentants de trois des quatre groupes composant l’Assemblée nationale. Elle y a été votée à l’unanimité. Et c’est encore à l’unanimité que notre commission de la culture l’a adoptée.
Le présent texte tend à exempter l’ensemble de la filière du livre de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises, instaurée par l’article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi LME, pour revenir au système conventionnel antérieurement en vigueur. Autrement dit, il s’agit d’autoriser par la loi le secteur du livre à continuer de définir, de manière conventionnelle, les délais de paiement entre fournisseurs et clients.
L’article 21 de la loi LME, devenu l’article L. 441-6 du code de commerce, auquel il est demandé de déroger, est parfaitement justifié dans le domaine de la grande distribution. Il permet de protéger les fournisseurs face à des demandes de délais de paiement démesurément longues venant de leurs clients, qui sont les grandes enseignes. Cet article protège en l’occurrence les petits, les fournisseurs, contre les gros, les grandes centrales de distribution.
Or, dans le secteur du livre, le rapport entre fournisseurs et points de vente est exactement inverse : le petit est non plus le fournisseur, mais le libraire qui se trouve en bout de chaîne.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : compte tenu de l’extrême étroitesse des marges et des rémunérations en librairie, un tiers des libraires indépendants seraient menacés en cas d’application stricte de la loi LME, alors qu’ils représentent 25 % des ventes et maintiennent un peu d’humanité entre le vendeur et l’acheteur.
De plus, les délais standards fixés par la loi LME ne correspondent absolument pas à ceux qui sont pratiqués dans le secteur du livre, où ils sont, en général, beaucoup plus longs.
C’est la raison pour laquelle toutes les parties prenantes à la chaîne du livre se sont saisies de la possibilité ouverte par l’article 21 de la loi LME de conclure un accord dérogatoire sectoriel. Cet accord a été signé le 18 décembre 2008 et étendu par décret du 26 mai 2009. Il ne s’agit cependant que d’une solution transitoire, puisque le secteur devra progressivement réduire les délais prévus par l’accord, pour entrer dans le cadre de la loi d’ici à 2012.
Dans ces conditions, la seule solution est celle qui est proposée par le présent texte : une mesure d’exemption complète en faveur du secteur du livre. Ainsi, ce secteur, et uniquement celui-ci, compte tenu de sa spécificité, sera-t-il autorisé par la loi à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients.
C’est donc sans réserve que le groupe de l’Union centriste votera ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », a instauré en France le principe d’un prix unique de vente du livre, fixé par l’éditeur ou l’importateur. Votée à l’unanimité par le Parlement, cette loi a été renforcée en 2003 lors de la transposition en droit français de la directive européenne sur le droit de prêt, les rabais consentis aux collectivités ayant notamment été plafonnés.
Or, si la loi sur le prix unique du livre a été consolidée, elle a également fait l’objet d’attaques frontales lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie. Certaines de ces attaques, motivées par les évolutions juridiques, technologiques et concurrentielles récentes, se sont finalement révélées salvatrices.
Elles ont été salvatrices, tout d’abord, car les interrogations suscitées par le dépôt, puis le retrait, par deux de nos collègues députés, de deux amendements tendant à réduire le délai pendant lequel les libraires ne peuvent procéder à des rabais importants sur le prix du livre furent à l’origine de la création, au sein du Conseil du livre, du groupe de travail piloté par notre collègue Hervé Gaymard, et spécifiquement dédié à l’évaluation de la loi sur le prix unique du livre.
Les conclusions de ce groupe de travail, au sein duquel j’ai eu l’honneur, avec notre collègue rapporteur Colette Mélot, de représenter notre assemblée, sont sans appel : la loi du 10 août 1981 instaurant le prix unique du livre reste pertinente, y compris à l’ère de l’Internet.
L’objectif principal de la loi, qui était de permettre l’égalité d’accès des citoyens au livre, a été satisfait, tout en permettant le maintien et le développement d’un réseau de diffusion et de distribution des livres diversifié sur l’ensemble du territoire, avec plus de 3 500 librairies indépendantes. Parallèlement, le marché du livre a connu un dynamisme ininterrompu puisqu’il a progressé de 3 % en moyenne par an, le nombre d’exemplaires vendus ayant progressé de 50 % entre 1986 et 2007.
Enfin, la loi relative au prix unique du livre a clairement soutenu la vitalité et la diversité de l’édition, avec la création de nouvelles entreprises innovantes et réactives, indispensables au paysage éditorial français, tout en permettant une offre de livres large et diversifiée.
En instaurant un marché du livre régulé par la qualité et la compétence des libraires, et non par les prix, la loi sur le prix unique du livre fait aujourd’hui l’objet d’une quasi-unanimité de la part des professionnels du livre, comme nous en avons eu confirmation, au sein de ce groupe de travail.
En évitant d’avoir à se battre sur les prix, les librairies, tous réseaux confondus, ont pu maintenir les ventes d’ouvrages de grande diffusion, les best-sellers, tout en préservant dans leurs stocks la présence d’ouvrages plus difficiles. Dans ces conditions, le vote par la majorité de la loi de modernisation de l’économie fut ressenti par les professionnels du livre comme un véritable coup de semonce.
L’article 21 de la loi LME plafonne en effet, tous secteurs confondus, à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les fournisseurs, d’un côté, et les distributeurs, de l’autre.
Pour comprendre l’émoi suscité – certes, à rebours –parmi les professionnels du livre par un tel raccourcissement uniforme et unilatéral des délais de paiement entre entreprises, il faut avoir à l’esprit deux caractéristiques essentielles du marché du livre.
Tout d’abord, l’un des objectifs de la loi de modernisation de l’économie, dont le Sénat débattait voilà quarante-huit heures du bilan d’application, était de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises.
Or si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre où, à l’inverse, elles se situent principalement du côté des détaillants.
Le premier circuit de diffusion du livre, la librairie, est en effet essentiellement composé de petites entreprises, alors que leurs principaux fournisseurs, les groupes d’édition ou leurs filiales, ont une taille nettement plus importante. Les deux premiers groupes d’édition, Hachette Livre et Éditis, représentent à eux seuls 35 % des ventes de livres. En élargissant le spectre, on se rend compte que les douze premiers groupes de l’édition française réalisent près de 80 % du chiffre d’affaires de l’édition.
La loi de modernisation de l’économie n’était donc pas du tout adaptée au secteur du livre.
Une autre caractéristique essentielle de l’économie du livre, totalement ignorée par l’article 21 de la LME, réside dans la longueur des délais de paiement pratiqués entre les éditeurs et les libraires. Le commerce de librairie se caractérise en effet par des délais de paiement longs, qui permettent aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.
Les livres publiés depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié du chiffre d’affaires des libraires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans.
Une étude réalisée par le Syndicat national de l’édition auprès des principaux distributeurs démontre in fine que le délai de paiement moyen dans le secteur du livre se situe à 94 jours.
C’est cette lenteur, propre au livre, de son écriture à sa diffusion, qui lui permet, avec l’aide du libraire et de ses conseils avisés, de trouver son lectorat.
Comme je l’indiquais déjà dans le cadre de mon dernier rapport budgétaire sur la création et le cinéma, la réduction des délais de paiement appliquée au secteur du livre aurait pour conséquence d’amplifier les difficultés de trésorerie que rencontrent de nombreuses librairies, de réduire leurs achats de nouveautés, ainsi que la durée d’exposition des titres, favorisant à terme une « best-sellérisation » du marché du livre.
En soumettant la filière du livre au raccourcissement des délais de paiement, on prend le risque de fragiliser le secteur de la distribution de livres, d’affaiblir celui de l’édition et donc d’entraîner un appauvrissement de l’offre éditoriale adressée aux lecteurs.
C’est toute la chaîne du livre, y compris les imprimeurs, qui serait donc menacée si aucun dispositif correcteur n’était appliqué.
Conformément à la disposition de la loi de modernisation de l’économie selon laquelle un secteur d’activité peut échelonner la réduction des délais de paiement jusqu’au 1er janvier 2012, trois accords interprofessionnels ont été signés par les différentes parties prenantes à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009. Comme nous l’a rappelé notre collègue rapporteur, Mme Collette Mélot, un décret, paru le 26 mai 2009, a validé ces accords et étendu cette mesure dérogatoire à tous les acteurs du secteur du livre, depuis l’édition et l’imprimerie jusqu’à l’ensemble des réseaux de distribution.
Toutefois, ces accords permettent seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement, cette dernière devant être ramenée à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires au plus tard le 1er janvier 2012.
Cependant, outre le fait que cette règle demeure structurellement en contradiction avec l’économie du livre en général et de la librairie en particulier, sa mise en œuvre, même progressive, aurait rapidement créé des difficultés.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste du Sénat soutient et votera sans hésitation la présente proposition de loi, déposée par M. Gaymard et cosignée par plusieurs de nos collègues du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, qui, je le rappelle, avaient déposé un texte analogue.
Mes chers collègues, en exemptant définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, nous nous inscrivons dans la continuité de la loi relative au prix unique du livre et nous confortons l’économie, fragile, du livre physique.
Pour l’avenir, il nous faudra rapidement traiter la question de la numérisation du livre. Elle recouvre deux problématiques, certes distinctes, mais cependant liées : la numérisation du patrimoine, dont nous avons débattu dans cette enceinte, et la commercialisation du livre numérique sous droits.
Dans les deux cas se pose le délicat problème des relations avec les opérateurs privés, notamment avec Google, d’autant plus que, sur les 10 millions de livres numérisés par ce dernier, 8 millions sont sous droits. L’intervention publique se pose néanmoins dans des termes différents : elle s’impose dans le premier cas, et le groupe socialiste du Sénat sera particulièrement attentif aux suites qui seront réservées aux conclusions du rapport que vient de remettre M. Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit, alors qu’elle ne peut qu’accompagner l’action conduite par les éditeurs dans le second cas. Cet accompagnement, dont est chargé le Centre national du livre, reste cependant essentiel.
Pour l’instant, le marché du livre numérique, en France comme à l’étranger, est très restreint. Aux États-Unis, les ventes ne représentent que 3 % de l’édition américaine, pour un chiffre d’affaires d’environ 120 millions d’euros par an. Cette proportion atteint à peine 1 % en France. Le secteur du livre numérique souffre donc peu du piratage. Il est aujourd’hui davantage préoccupé par la constitution et par le développement de l’offre légale, qui se trouve freinée par la question de l’interopérabilité des matériels et des ouvrages.
Il est toutefois urgent que les acteurs anticipent les évolutions à venir, l’expérience du secteur musical, qui a tardé à s’adapter aux nouveaux modes de consommation rendus possibles par l’explosion des nouvelles technologies, devant servir de leçon.
Nous prenons acte à ce sujet de l’intérêt manifesté par M. Sarkozy pour le rapport de la mission « Création et Internet », dont les propositions viennent d’être publiées. M. Président de la République souhaite étendre aux livres numériques la règle du prix unique. Le récent avis de l’Autorité de la concurrence refusant de donner son aval à la transposition immédiate du prix unique au livre numérique devra être pris en compte.
Le Président de la République a également préconisé, lors de la présentation de ses vœux au monde de la culture, la création d’une plateforme commune à tous les éditeurs et le passage à un taux de TVA à 5, 5 %. Nous espérons que cela se traduira rapidement par des décisions concrètes.
En 2008, M. Bruno Patino, dans son rapport sur le livre numérique, préconisait déjà le maintien de la maîtrise de la valorisation du droit d’auteur par les éditeurs, qui sont les titulaires de droits. Cette question est essentielle si l’on veut éviter que le marché ne soit capté par les acteurs multinationaux du secteur.
Il est évident qu’en cas de dumping sur les prix, toute la chaîne française du livre se trouverait fragilisée, des éditeurs jusqu’aux libraires.
C’est pourquoi il est urgent d’agir auprès de la Commission européenne, pour éviter d’opposer les consommateurs et les acteurs des filières économiques.
En des temps bien différents, Montesquieu considérait que « les livres anciens sont pour les auteurs ; les nouveaux, pour les lecteurs ». Il est aujourd’hui indispensable de concilier les intérêts des auteurs et des lecteurs, quels que soient l’œuvre, son ancienneté et son support.
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous abordons aujourd’hui un débat important dans la plus grande sérénité. L’examen de la proposition de loi de notre collègue député Hervé Gaymard a recueilli une honorable unanimité des parlementaires, d’abord à l’Assemblée nationale, puis devant la commission de la culture de la Haute Assemblée. Ma voix ne détonnera donc pas dans ce concert.
Cette proposition de loi, en apparence technique et peut-être un peu secondaire, revêt, en réalité, un caractère essentiel, vital même, pour tout un secteur, déjà fragile et pourtant primordial dans la vie de notre nation : celui du livre et, par extension, de la création.
La loi de modernisation de l’économie, en plafonnant les délais de paiement entre les entreprises, affichait un objectif respectable de soutien au développement des PME. Prémunir les fournisseurs contre des demandes de délais de paiement beaucoup trop longues émanant de leurs clients permet le plus souvent de protéger de petits commerçants face à de plus puissantes enseignes. Le secteur de l’alimentation, dans lequel les petites et moyennes entreprises se trouvent essentiellement du côté des fournisseurs, est principalement concerné par cette mesure. Tous les secteurs économiques sont désormais soumis à ces nouvelles conditions de délais.
Ces dispositions sont particulièrement inappropriées pour la filière du livre. Loin de renforcer les entreprises du secteur, elles les fragiliseraient considérablement du fait des délais de paiement très longs traditionnellement prévus pour permettre aux librairies de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.
Il s’agit, en effet, du premier secteur culturel français, avec 3 milliards de chiffre d’affaires et près de 70 000 éditions par an.
Au-delà de cet aspect économique, il est de notre devoir de protéger le livre, ainsi que les valeurs qu’il transmet. Pour cela, l’État intervient en régulant le secteur. Nous avons déjà légiféré à plusieurs reprises, notamment sur la fixation du prix unique du livre, toujours avec succès et dans un grand consensus politique. La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre avait été adoptée à l’unanimité, je le rappelle.
Nous avons tous pris conscience, peut-être un peu tard, des problèmes posés par les délais de paiement. Mais, aujourd’hui, nous mesurons bien l’importance de la mesure que nous allons adopter.
Contraindre les librairies à réduire leurs délais de paiement reviendrait à les pousser à diminuer le nombre de titres qu’elles proposent à leurs clients, en privilégiant uniquement les best-sellers, les succès assurés. Cela annoncerait la fin d’une richesse et d’une diversité qui nous sont chères. De même, cela contribuerait à la fragilisation et à la disparition des librairies indépendantes, qui sont déjà en danger, leur rentabilité étant l’une des plus faibles de l’ensemble des commerces de détail. L’extrême faiblesse des marges et des rémunérations rend ce secteur fragile.
C’est la raison pour laquelle nous devons régler durablement le problème des délais de paiement entre les librairies et les éditeurs.
L’article unique de la proposition de loi que nous allons examiner permettra à l’ensemble de la filière du livre de déroger au nouveau droit commun en matière de délais de paiement des fournisseurs. Ces délais pourront être définis conventionnellement entre les parties.
Cependant, avec les membres de mon groupe, suivant la proposition de notre collègue Anne-Marie Escoffier, nous avons choisi de déposer un amendement. Nous nous sommes inquiétés de la rédaction de l’article issu de l’Assemblée nationale. L’équilibre de la phrase retenue pourrait donner à penser que la vente de livres n’est pas directement visée, alors même qu’il s’agit de l’objet premier de la proposition de loi initiale. Les modifications apportées ont inclus les imprimeurs et les façonniers dans le dispositif. Il en résulte, selon nous, une phrase dans laquelle « la vente de livres » n’est malheureusement plus assez explicitement désignée.
Nous paraissons unanimes sur l’interprétation de l’article, mais il serait bon aujourd’hui de conforter la bonne lecture du texte dès le débat parlementaire. La dérogation s’applique d’abord aux ventes de livres et, par extension, aux autres activités de fabrication et de commercialisation, ce qui correspond au périmètre couvert par la loi de 1981 relative au prix unique du livre.
Bien sûr, nous sommes conscients de l’urgence qu’il y a à légiférer. La situation économique doit être clarifiée au plus vite. L’application d’un statut dérogatoire pour le monde du livre, dès ce début d’année, serait bienvenue.
À l’heure de la révolution numérique et des débats sur la numérisation de notre patrimoine culturel, il est fondamental de ne pas délaisser notre politique du livre. Il y va non seulement de la viabilité économique d’un secteur tout entier, mais aussi du maintien et du développement de l’accès de chacun à la culture sur l’ensemble de notre territoire.
C’est pourquoi le groupe RDSE, dans son ensemble, votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, il est difficile d’intervenir en tant qu’avant-dernier orateur – et pour cinq minutes ! -, alors que tout a été dit, et fort bien dit.
Au risque donc de la répétition – mais n’est-elle pas l’outil de la pédagogie ? – je dirai à mon tour combien je suis conscient de la nécessité d’adopter le texte de la commission.
Le marché du livre occupe une place majeure en France. Je n’insisterai pas sur le chiffre d’affaires qu’il génère, ni sur le nombre d’éditions par an. Avec des milliers de points de vente, notre réseau de librairies est l’un des plus denses au monde. Aux côtés des bibliothèques, il permet un accès au livre aisé et constitue un atout important pour l’aménagement du territoire et pour l’animation culturelle et commerciale des centres-villes. Aussi doit-il être protégé.
Non, en effet, le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Il présente une singularité : s’il est un bien marchand de consommation, il est également un bien culturel participant grandement à l’édification de la pensée.
Votée à l’unanimité par le Parlement, la loi du 10 août 1981, dont il a déjà beaucoup été question, avait infléchi les règles du marché, en instituant un « prix unique du livre ».
Ainsi, que l’on soit à Paris, dans une grande ville, une petite ville ou une zone rurale, dans une librairie, une grande surface alimentaire ou une station-service, le même livre sera vendu au même prix. On peut parler d’un modèle culturel français, car notre dispositif a été repris en Europe et dans le monde.
Ce système permet d’éviter une guerre des prix sur les best-sellers – pardonnez-moi, monsieur Legendre §–, une guerre qui ne permettrait ni aux librairies de présenter une offre de titres diversifiée ni aux éditeurs de prendre des risques sur certains ouvrages qui ont besoin de temps et de visibilité dans les librairies pour trouver leur public.
À la règle du prix unique vient s’ajouter le principe de délais de paiement longs.
Les conventions en vigueur dans le secteur du livre prévoient en effet des délais de paiement particulièrement longs – de l’ordre d’une centaine de jours – correspondant, en moyenne, au temps de diffusion du livre. La création littéraire a besoin de temps pour trouver son public. La longueur du délai de paiement garantit, de fait, l’équilibre du secteur.
Je rappellerai à mon tour un certain nombre d’éléments contenus dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui est venue contrarier ce principe.
Cette loi visait, à juste titre, à protéger nos PME de délais de paiement trop longs en plafonnant ces derniers à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires.
Mais si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre, où elles sont, à l’inverse, principalement du côté des détaillants.
La réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la chaîne de distribution du livre, et à mon tour je citerai le rapport publié en mars dernier à la demande du Gouvernement par Hervé Gaymard, qui conclut que « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit, soit autant de conséquences qui apparaîtraient comme contraires à l’esprit même de la loi du 10 août 1981 ».
Certes, la loi de modernisation de l’économie donnait la possibilité de déterminer des délais de paiement supérieurs par le biais d’accords interprofessionnels ; l’ensemble de la filière a ainsi pu en bénéficier. Mais ces accords étaient de nature précaire, car leur fin était programmée pour 2012. Ils auront permis d’attendre une initiative législative – nous y sommes - visant à sanctuariser un régime dérogatoire au nom même de l’exception culturelle.
C’est ce que prévoit le présent texte, dont l’objet est d’autoriser le secteur du livre à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients, contrairement à ce qui prévaut pour les autres secteurs de l’économie. Je tiens à souligner que le texte a été adopté à l’unanimité par nos collègues députés.
Notre rapporteur, notre excellente collègue Colette Mélot, s’est prononcée pour une adoption conforme, avec le maintien des quelques modifications apportées par l’Assemblée nationale.
Je pense qu’à l’heure où le secteur du livre doit relever de nouveaux défis et s’adapter au numérique, il faut s’attacher à protéger la filière.
Le groupe UMP votera bien évidemment un texte qui doit nous rassembler, au-delà de nos clivages politiques, pour marquer notre attachement au livre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Maryvonne Blondin souhaitait intervenir dans ce débat. Elle est empêchée, je reprends donc le flambeau, mais j’ai bien conscience qu’il me sera difficile de tenir des propos originaux.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, similaire, je le rappelle, à la proposition de loi n°1422 déposée par nos collègues députés du groupe SRC, a pour but d’exempter l’ensemble de la filière du livre de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises instaurée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, et de revenir au système conventionnel qui était antérieurement en vigueur.
En effet, l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, qui modifie l’article L. 441-6 du code de commerce, plafonne à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises, et ceux qui y contreviennent s’exposent à des sanctions.
Or tout le monde s’accorde à dire, et nous l’avons entendu maintes fois ce soir, que cette disposition est particulièrement inadaptée au secteur du livre, et qu’il est nécessaire d’aller plus loin que les accords dérogatoires à la loi de modernisation de l’économie, qui n’étaient pas satisfaisants.
La diffusion du livre s’appuie sur des cycles d’exploitation lents, un ouvrage ayant besoin de trouver son public. Les livres parus depuis plus d’un an représentent ainsi 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié du chiffre d’affaires de ces commerces.
Pour maintenir cette création puis cette diffusion éditoriales, les délais de paiement sont actuellement d’une centaine de jours. Et l’ensemble des acteurs de la filière reconnaissent la nécessité d’un tel délai pour la pérennité de leur activité !
L’application de l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie aurait donc des conséquences catastrophiques pour le secteur du livre.
Compte tenu de l’extrême faiblesse des marges et des rémunérations des librairies, on estime que la survie d’au moins d’un tiers d’entre elles serait ainsi menacée.
Cette application provoquerait également un appauvrissement certain de la qualité de l’offre éditoriale, les libraires se trouvant dans l’obligation de favoriser les livres de grande diffusion et autres best-sellers au détriment des petites publications pour pouvoir régler leurs factures à temps.
Cela contreviendrait donc aux objectifs de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui a permis de maintenir un réseau de librairies dense et diversifié.
Notre pays peut ainsi se féliciter de compter davantage de points de vente de livres que sur l’ensemble du territoire des États-Unis. Si nous voulons que ce constat perdure, nous devons continuer à nous orienter vers la promotion de la diversité des publications, et ne pas céder au règne de la rentabilité et du « tout-libéral » !
Le prix unique du livre a prouvé son utilité et son efficacité pour la structuration et le développement de la filière, tant et si bien que de nombreux pays ont aujourd’hui mis en place un tel système.
Il est en effet primordial de préserver le livre du diktat économique et de la concurrence à tous crins, car le livre n’est tout simplement pas un produit de consommation comme un autre !
Il nous faut absolument défendre à la fois les petites librairies et les petites maisons d’édition face à la grande distribution culturelle et aux géants de l’édition, qui exercent bien souvent une concurrence impitoyable. Il y va de la survie de la filière et donc de l’intérêt général !
En effet, nous nous devons ici de rappeler toute l’importance du livre en tant que vecteur fondamental d’accès à la culture. Il est du devoir des politiques publiques de favoriser l’accès du plus grand nombre à cet outil indispensable tant à la compréhension du monde qu’à l’évasion.
La démocratisation de la culture et l’accès des plus défavorisés au livre : tels sont, mes chers collègues, les vrais enjeux de notre discussion et de la nouvelle disposition que nous examinons aujourd’hui !
À l’heure des débats autour de la numérisation du livre et du devenir de ce support face aux nouvelles technologies, il s’agit de s’interroger sur les opportunités de diffusion du livre au plus grand nombre. Tout comme la création, par exemple, des collections de poche, qui, par leur coût moins élevé, permettent à un nombre croissant de personnes – en particulier des jeunes – d’accéder à la lecture, Internet a sans conteste un grand rôle à jouer dans la réalisation de cet objectif.
Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler également l’importance du rôle joué par les collectivités territoriales dans la démocratisation de la culture et l’accès du plus grand nombre au livre.
Notre collègue Maryvonne Blondin, élue du Finistère, signale ainsi l’exemple du conseil général du Finistère qui, ayant pour mission d’assurer l’égalité territoriale dans l’accès à la lecture, à l’information et à la documentation, a voté en janvier 2004 un plan de développement de la lecture publique prenant en compte les évolutions des technologies de l’information et de la communication et le développement des intercommunalités. Il préconise une action forte en direction des publics, spécifiquement auprès des jeunes et des personnes défavorisées, et renforce les services et l’offre de proximité de la Bibliothèque du Finistère.
Ce plan a eu un réel impact sur l’ensemble des 220 bibliothèques du réseau représentant 283 communes et 880 000 habitants.
Précisons enfin que le ministère de la culture a choisi pour 2010 la Bibliothèque du Finistère comme l’un des cinq sites pilotes pour la mise en place d’un observatoire de la lecture publique. Un réel maillage territorial est ainsi essentiel pour favoriser l’accès à la lecture pour tous les publics et transmettre le goût de la lecture aux jeunes générations.
Cette proposition de loi permettra donc non seulement de maintenir un réseau de librairies indépendantes dense et décentralisé, mais aussi de soutenir la richesse et la diversité culturelles qui font notre fierté ; c’est là toute son utilité.
Nous pourrons ainsi favoriser la liberté d’expression et de création, tandis que se forgeront des générations de lecteurs éclairés au gré des livres « dévorés ». En effet, la lecture est une expérience culturelle unique et rien ne saurait la remplacer.
Pour conclure, je citerai les mots de l’écrivain québécois Michel Bouthot : « Un livre, c’est un navire dont il faut libérer les amarres. Un livre, c’est un trésor qu’il faut extirper d’un coffre verrouillé. Un livre, c’est une baguette magique dont tu es le maître si tu en saisis les mots. »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Nonobstant les dispositions prévues aux huitième alinéa et suivants de l'article L. 441-6 du code de commerce, pour les opérations d'achat, de vente, de livraison, de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres, ainsi que pour la fourniture de papier et autres consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d'édition de livres, le délai est défini conventionnellement entre les parties.
L'amendement n° 2, présenté par Mme Escoffier, M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres
par les mots :
de commission de livres ou de façon concourant à leur fabrication
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
L’amendement proposé est rédactionnel, et ne vise pas à mettre à mal un texte dont, monsieur le ministre, madame le rapporteur, et vous tous, chers collègues, avez dit tout le bien qu’il faut penser.
Le périmètre de la proposition de loi initiale déposée par notre collègue député Hervé Gaymard a été élargi par les travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Les ajouts ont notamment permis d’inclure dans la dérogation au nouveau délai de paiement la façon concourant à la fabrication de livres.
Malheureusement, à mon sens, ce nouveau texte n’a pas la clarté d’une œuvre de Boileau, et ressemble bien davantage à l’une de ces longues et belles pages de Proust..) De ce fait, sa rédaction nous préoccupe : elle pourrait laisser penser que le mot « livres » se rapporte non pas aux activités d’achat, de vente, de livraison, de commission, autrement dit à l’ensemble de la chaîne du livre, mais uniquement à la fabrication.
Dès lors cette interprétation ne correspondrait pas du tout à l’intention du législateur, sur laquelle nous sommes tous d’accord. La vente de livres est évidemment au cœur de notre motivation, et devrait être directement visée par le texte sur lequel nous allons nous prononcer.
C’est la raison pour laquelle je propose cette formulation, qui me paraît plus claire et sans équivoque quant au champ d’application de la dérogation ici accordée.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, madame le rapporteur, que vous apaiserez mon inquiétude et celles des professionnels à propos de cette régulation des délais de paiement.
Madame Escoffier, la commission a examiné votre amendement, qui est tout à fait recevable.
Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, j’avais moi-même envisagé sur ce point une clarification rédactionnelle, car l’ajout de l’Assemblée nationale me semblait superfétatoire.
Toutefois, compte tenu de l’urgente nécessité de sécuriser les pratiques commerciales dans le secteur du livre, notre commission a fait le choix de ne pas modifier la proposition de loi, afin de ne pas susciter de navette pour une question rédactionnelle, et elle a donc émis un avis défavorable.
Par conséquent, je vous demanderai, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, afin, je le répète, de ne pas gêner l’adoption de cette proposition de loi.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, je suis très impressionné par l’affrontement de Boileau et de Proust que vous convoquez dans notre débat !
Sourires
Toutefois, au-delà de ce conflit de générations entre deux géants de la littérature, mon principal souci est de vous rassurer, puisque vous paraissez inquiète, ce qui est tout à fait votre droit, d'ailleurs.
Si, par définition, une rédaction peut toujours être améliorée, le texte proposé me paraît en réalité tout à fait explicite et la lecture qui doit en être faite sans ambiguïté.
Grâce à la mesure aujourd’hui proposée, les délais de paiement seront définis conventionnellement et librement entre tous les acteurs de la chaîne du livre, pour l’ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et aux livraisons d’ouvrages, y compris celles qui sont rémunérées sous forme de commissions.
Cette mesure s’appliquera également à toutes les opérations de façonnage concourant à la fabrication de livres, notamment la composition, la photogravure, l’impression, le brochage, ou encore la reliure.
Enfin, cette exception au plafonnement des délais de paiement concernera également les achats de consommables dédiés à une activité d’impression, de brochage, de reliure ou d’édition de livres.
L’adoption d’un amendement de clarification rédactionnelle entraînerait un délai supplémentaire dans l’application de ce texte.
Or cette mesure d’exemption doit être votée au plus vite, pour que la chaîne du livre ne soit pas pénalisée plus longtemps. En effet, celle-ci se trouve aujourd’hui, du fait des accords dérogatoires, confrontée à des délais de paiement plafonnés à 150 jours.
Si leur moyenne constatée est de 100 jours environ, ces délais de paiement négociés entre éditeurs et détaillants peuvent être beaucoup plus importants, c'est-à-dire dépasser 150, voire 180 jours, notamment en cas de création ou de reprise de librairie, de développement d’un nouveau fonds éditorial, de publication d’ouvrages de fonds, de difficultés de trésorerie conjoncturelles – nous en avons longuement discuté – ou d’opérations commerciales de l’éditeur.
Enfin, les débats parlementaires à l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, au Sénat permettront, le cas échéant, de lever toute ambiguïté quant à l’interprétation de ce texte.
Ainsi, madame la sénatrice, nous quittons Du côté de chez Swann pour rejoindre Le Lutrin, ce qui ne saurait manquer de vous satisfaire, vous qui semblez préférer Boileau à Proust.
Sourires
Je vous demande en conséquence de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, c’est avec des vers de Ronsard que j’aimerais vous répondre !
Nouveaux sourires.
J’accepte volontiers de retirer cet amendement, compte tenu des explications, clarifications et précisions que vous avez eu la gentillesse de nous apporter et qui, j’en suis sûre, rassureront aussi pleinement les professionnels !
M. le président de la commission de la culture applaudit.
L'amendement n° 2 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission de la culture.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que, ce soir, le Sénat apporte la preuve, comme l’a fait auparavant l’Assemblée nationale, que nous croyons en l’avenir du livre et que nous ne pourrions pas vivre dans un monde qui ne lui ferait pas toute la place qu’il mérite.
À travers les dispositions que nous allons adopter, nous allons montrer, une fois encore, la volonté qui est la nôtre de faire en sorte que jamais dans notre pays le livre ne puisse être menacé, lui qui est au cœur de notre culture.
Applaudissements
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée définitivement.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des présents.
La parole est à M. le ministre.
Je souhaite remercier les membres de la Haute Assemblée et saluer Mme le rapporteur pour l’analyse extrêmement précise et détaillée qu’elle a réalisée à l’occasion de la préparation de notre discussion.
Traduisant les vœux de chacun d’entre vous et revenant sur une préoccupation dont je sais qu’elle est partagée notamment par M. le président de la commission, je voudrais également me faire l’interprète de cette assemblée et saluer avec émotion un pays qui vient d’être ravagé par un séisme épouvantable.
Nous le savons, la poésie, la peinture et les diverses expressions artistiques, transcendant des conditions de vie déplorables, ont assuré le rayonnement de tout un peuple aujourd’hui terriblement éprouvé. Nous ignorons encore dans quelle situation se trouvent les habitants, les artistes, mais aussi dans quel état la catastrophe aura laissé le patrimoine de ce pays.
À l’heure où, par-delà des clivages politiques bien naturels, nous sommes unanimes pour défendre l’un des secteurs les plus importants de notre expression culturelle et artistique, saluer les créateurs éprouvés d’Haïti, c’est aussi, en quelque sorte, faire preuve de solidarité transatlantique, de respect et d’estime pour d’autres créateurs, d’autres artistes et un autre patrimoine.
Applaudissements
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (n° 223 rectifié, 2008-2009, n° 173 et 172).
Dans la discussion des articles, le Sénat a entamé hier l’examen de l’article 1er.
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l’intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés – », sont insérés les mots : « Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie – » ;
2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE
« Art. L. 822-1. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes qui accompagnent à domicile une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, et qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° soit être bénéficiaire du congé de solidarité familiale ou l’avoir transformé en période d’activité à temps partiel comme prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l’article L. 4138-6 du code de la défense ;
« 2° soit avoir suspendu ou réduit son activité professionnelle et être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur, une personne de confiance au sens de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique ou partager le même domicile que la personne accompagnée.
« Art. L. 822-2. –
Supprimé
« Art. L. 822-3. –
Supprimé
« Art. L. 822-3-1 (nouveau). – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est également versée dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1.
« Art. L. 822-4. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, la période de versement de l’allocation inclut, le cas échéant, les journées d’hospitalisation, sans dépasser la durée maximale de trois semaines.
« Le montant de cette allocation est fixé par décret.
« L’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.
« L’allocation peut être versée à plusieurs bénéficiaires, au titre d’un même patient, dans la limite totale maximale fixée au premier alinéa.
« Art. L. 822-5. – Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.
« Art. L. 822-6. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est financée et gérée par le régime d’assurance maladie dont relève l’accompagnant.
« Lorsque l’intervention du régime d’assurance maladie se limite aux prestations en nature, l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est financée et servie par l’organisme compétent, en cas de maladie, pour le service des prestations en espèces ou le maintien de tout ou partie de la rémunération. »
Lors de la précédente séance, nous avions commencé l’examen de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, les amendements n° 13 et 8. Le Gouvernement avait in fine déposé un amendement n° 13 rectifié.
Je suis saisi d’un amendement n° 13 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, qui est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 822-4. - Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. L'allocation est versée pour chaque jour ouvrable ou non. Lorsque la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, l'allocation continue d'être servie les jours d'hospitalisation.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez d’adopter un texte à l'unanimité. J’espère que le pli est pris et qu’il en ira de même pour cette proposition de loi !
Sourires
Vous vous en souvenez sans doute, la version initiale de cet amendement posait des problèmes rédactionnels, que M. le rapporteur avait très justement relevés.
Nous avons travaillé ensemble sur ces dispositions – M. Godefroy dira si la présente rédaction lui convient – et proposons d’exprimer la durée de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie en nombre d’allocations.
En effet, compte tenu de la diversité des modalités de calcul des rémunérations des travailleurs, selon que ceux-ci appartiennent aux secteurs public et privé ou qu’ils sont indépendants, et afin de respecter une stricte égalité de traitement, il est préférable de fixer un nombre maximal d'allocations.
En outre, cette formulation est compatible avec la modulation du montant et de la durée du versement de l’allocation.
Nous avons donc réalisé un travail en amont qui, me semble-t-il, est de nature à répondre aux observations très justement présentées au début de l’examen de cet article.
Pour la clarté du débat, je rappelle que l'amendement n° 8, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
trois semaines
par les mots :
vingt et un jours
Monsieur Godefroy, qu’en est-il en définitive de cet amendement ?
Les dispositions que vient de nous présenter Mme la ministre nous donnent satisfaction.
Toutefois, nous voulons nous assurer que, le nombre maximum d’allocations journalières étant fixé à 21, les travailleurs à temps partiel ne seront pas exclus du bénéfice de l’allocation.
Dans ces conditions, nous voterons l’amendement n° 13 rectifié bis, et je retire l’amendement n° 8.
L'amendement n° 8 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 13 rectifié bis ?
Tout d'abord, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser notre rapporteur, M. Gilbert Barbier, qui n’a pu nous rejoindre ce soir et que je vais donc remplacer.
Pour ce qui est de l’amendement n° 13 rectifié bis, j’allais poser la même question que M. Godefroy. Puisqu’il y a été répondu, j’émettrai un avis favorable.
L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le bénéficiaire a réduit sa quotité de travail et travaille à temps partiel, ce montant est réduit dans des conditions prévues par décret.
La parole est à Mme la ministre.
Il est souhaitable que l'allocation journalière d'accompagnement des personnes en fin de vie ne soit pas en totalité cumulable avec le revenu tiré d'une activité à temps partiel.
En effet, il serait discriminatoire qu'une personne qui interrompt totalement son activité perçoive le même montant que celle qui conserve une rémunération partielle.
Le présent amendement tend donc à fixer par décret les conditions de réduction de l'indemnité en fonction de la durée de l’activité à temps partiel.
Le sous-amendement n° 20, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 12
Après les mots :
ce montant
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et la durée de l'allocation sont modulés dans des conditions prévues par décret.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Nous sommes favorables à l’amendement n° 12 du Gouvernement.
Dès lors que l'allocation journalière d'accompagnement en fin de vie ne serait pas en totalité cumulable avec le revenu tiré d'une activité à temps partiel, il importe, pour les mêmes raisons d'équité, de prévoir que ladite allocation pourra être servie pour une durée supérieure à 21 jours.
En d'autres termes, si nous prenons l'exemple d'une activité à mi-temps, il s'agirait à la fois de réduire de moitié l'allocation et de multiplier par deux la durée de son versement, soit 42 jours.
Si le présent sous-amendement était adopté, les conditions de modulation du montant et de la durée de l'allocation en cas d'activité à temps partiel seraient fixées par décret.
Le sous-amendement n° 19, présenté par M. About et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 12
Après les mots :
est réduit
insérer les mots :
et la durée de versement de l'allocation allongée
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 12 et le sous-amendement n° 20 ?
La souplesse que tend à introduire ce sous-amendement est légitime et sert l’objectif du Gouvernement, qui est d’aider ces accompagnants. Toutefois, elle risque de rendre la gestion du dispositif trop complexe et de nuire à son efficacité comme à son développement.
Cette réflexion faite, le Gouvernement s’en remet, par précaution, à la sagesse de la Haute Assemblée.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 20.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je comprends la position de Mme la ministre. Je fais cependant observer que, dans notre sous-amendement, nous nous en remettons, nous, à la sagesse du Gouvernement, puisque nous renvoyons à un décret !
Sourires
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Que de sagesse !
Nouveaux sourires.
Le sous-amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 1, présenté par M. Autain, Mme Pasquet, M. Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les conditions de désignation du ou des bénéficiaires sont définies par décret.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
1° Remplacer le mot :
gérée
par le mot :
servie
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, après accord du régime d'assurance maladie dont relève l'accompagné
La parole est à Mme la ministre.
Afin d'éviter que plusieurs personnes ne perçoivent en même temps l'allocation journalière d’accompagnement au titre d'une même personne malade, il est logique de prévoir l'organisation d'un circuit de gestion du droit à cette allocation.
Cet amendement tend donc à placer au cœur de ce circuit le régime d'assurance maladie dont relève l'accompagné. Les modalités de mise en œuvre de ce circuit de gestion du droit seront définies par décret, comme le précise l'article L. 822-5 relatif aux modalités de versement de la prestation.
Il s’agit d’une mesure de précaution qui me paraît légitime.
L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 822-7 - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie n'est pas cumulable avec :
« 1° L'indemnisation des congés de maternité, de paternité ou d'adoption ;
« 2° L'indemnité d'interruption d'activité ou l'allocation de remplacement pour maternité ou paternité, prévues aux articles L. 613-19 à L. 613-19-2 et L. 722-8 à L. 722-8-3 du présent code, aux articles L. 732-10 à L. 732-12-1 du code rural et à l'article 17 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines ;
« 3° L'indemnisation des congés de maladie ou d'accident du travail ;
« 4° Les indemnités servies aux demandeurs d'emploi ;
« 5° L'allocation parentale d'éducation ou le complément de libre choix d'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant ;
« Toutefois, l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est cumulable en cours de droit avec l'indemnisation mentionnée au 3° perçue au titre de l'activité exercée à temps partiel. »
La parole est à Mme la ministre.
L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est due à condition, pour l’accompagnant, d’avoir suspendu tout ou partie de son activité professionnelle. Nous en avons déjà parlé abondamment.
Cet amendement vise à empêcher, par analogie avec l'allocation journalière de présence parentale, que l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie ne puisse être cumulée avec certaines autres prestations ayant également pour objet de compenser la perte de ressources liée à l'absence d'activité professionnelle.
Nous voterons cet amendement, même si nous regrettons qu’aient été incluses les indemnités liées aux accidents du travail, qui sont versées de façon forfaitaire – 65 % dans les vingt-huit premiers jours et 80 % ensuite – et qui sont, en outre, fiscalisées depuis peu.
Il eût peut-être été préférable de laisser les personnes victimes d’accidents du travail choisir la prestation la plus favorable : l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ou l’indemnisation de l’accident du travail.
Nous trouvons tout à fait légitime d’empêcher le cumul des allocations, mais, pour l’indemnisation des accidents du travail, cela ne semble guère pertinent au regard de la modicité des sommes.
Nous avons déjà largement débattu de ce point. Dans un souci de parallélisme des formes, nous avons calqué ce dispositif sur celui de l’allocation journalière de présence parentale, qui est également un revenu de remplacement.
L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'article 1 er est adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 10, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de soulager les proches qui prennent en charge un malade en fin de vie à domicile, une expérimentation visant à développer des structures d'hospitalisation de répit est organisée dans certains départements et au sein de structures de soins volontaires, désignés par arrêté du ministre de la santé.
Cette expérimentation est menée pour une période de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Le Gouvernement remet au Parlement au plus tard six mois avant la fin de cette période, un rapport d'évaluation de la présente expérimentation.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Cet amendement est directement inspiré de la proposition n° 16 du rapport d’information de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Les auditions menées par cette mission ont fait apparaître combien il était important de soutenir et de soulager les proches d’une personne en fin de vie.
L’objet de cet amendement est de prévoir une expérimentation visant à développer des structures de répit afin d’apporter des solutions transitoires efficaces face aux risques d’épuisement et d’isolement de ceux qui font le choix de prendre en charge à domicile la fin de vie d’un proche.
Certes, des expériences concernant des centres de répit ou de relais sont déjà en cours dans certains territoires, mais prévoir spécifiquement une expérimentation dans la loi permettrait, non seulement d’analyser les essais déjà menés, mais aussi d’élargir ces pratiques à de plus larges échelles et d’améliorer l’appréhension des besoins.
Ainsi, la restructuration de certains hôpitaux prévue dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires pourrait s’inscrire dans cette perspective : les hôpitaux locaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, peuvent par exemple devenir des lieux d’accueil momentané pour les personnes atteintes d’une maladie longue.
Les proches étant souvent les premiers acteurs de l’aide au malade et du maintien à domicile, il est essentiel de ne pas les laisser seuls et livrés à eux-mêmes face à des difficultés de toute nature, difficultés rendues plus criantes du fait des carences en soins palliatifs ou de l’insuffisance des dispositifs d’aides aux aidants.
Sur ces questions, je rappelle au Gouvernement l’urgence de publier le décret prévu à l’article L. 162-1-10 du code de la sécurité sociale, qui devra déterminer les conditions de rémunération des professionnels de santé pratiquant des soins palliatifs à domicile, et l’importance de les rendre incitatives.
Soutenir ceux qui accompagnent les personnes en fin de vie est indispensable si l’on veut à la fois favoriser le maintien à domicile et mettre en place une politique d’accompagnement de la fin de vie aussi efficace qu’humaine.
Tel est l’enjeu de cet amendement important, mes chers collègues.
Cet amendement a pour objet d’organiser une expérimentation, avec la création de structures d’hospitalisation de répit pour soulager durant un temps les proches d’un malade en fin de vie.
Un projet de ce type existe dans le département dont Gilbert Barbier est élu : s’il avait été présent, il aurait pu l’évoquer plus longuement. Il s’agit de construire des logements permettant l’hébergement, dans un environnement médicalisé, d’un malade et de sa famille pendant une courte durée.
Ces structures peuvent apporter un certain nombre de bienfaits, tant pour le patient que pour sa famille, et permettre à l’assurance maladie de réaliser des économies, si elles permettent de limiter les hospitalisations.
Pour autant, il n’est pas certain qu’une base législative soit indispensable, puisque des projets, soutenus par le Gouvernement, existent d’ores et déjà.
En conséquence, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je ne vois pas d’inconvénient à inscrire ce genre d’expérimentations dans la loi : en cette matière, il est toujours important de manifester sa volonté d’expérimenter et d’évaluer. Reconnaissez cependant que ce n’est pas du tout de nature législative.
Mme le rapporteur l’a rappelé, des travaux sont en cours et les premières expérimentations, qui se dérouleront en Franche-Comté, en Rhône-Alpes et en Midi-Pyrénées, commenceront au cours du premier trimestre. Le Gouvernement a mobilisé un financement de 500 000 euros par expérimentation et par an.
La preuve de la volonté politique, ce n’est pas l’inscription de l’expérimentation dans la loi, c’est la mobilisation effective de l’argent nécessaire pour sa mise en œuvre. Soyez donc assuré, monsieur Godefroy, de la détermination du Gouvernement !
Vous l’avez compris, madame la ministre, il s’agissait d’un amendement d’appel sur un sujet très important.
Dans ma commune a été ouvert un établissement destiné à accueillir momentanément les personnes souffrant d’Alzheimer. Il est en effet absolument indispensable de soulager les familles.
Fort des assurances de Mme la ministre, je retire cet amendement, monsieur le président.
L’amendement n° 10 est retiré.
L'amendement n° 11, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au parlement avant le 1er février 2012, un rapport sur les modalités d'organisation de formations pour les accompagnants en lien avec les établissements de santé, les professionnels de santé et les associations.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Cet amendement vise, lui aussi, à favoriser la mise en œuvre d’une politique de soutien et d’accompagnement des aidants, en prévoyant la remise d’un rapport sur les modalités d’organisation de formations pour les accompagnants.
Là encore, l’idée est de ne pas laisser l’accompagnant livré à lui-même face à toutes les difficultés, organisationnelles, administratives, psychologiques.
Pour permettre le maintien à domicile de la personne en fin de vie, il est essentiel de favoriser la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne de soins.
Il s’agit non pas de former un proche à être un proche mais de l’aider dans l’accompagnement, car cela ne devrait pas s’improviser. Il est donc important de développer des lieux d’accueil, d’écoute et de réponses identifiés au sein des établissements de santé ou auprès d’associations.
Cet amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur les modalités d’organisation de formations pour les accompagnants.
Je suis un peu perplexe sur des demandes de ce type, souvent peu convaincantes. De plus, la formulation de l’amendement est peu précise sur l’objet de telles formations.
Il s’agit certainement d’un amendement d’appel. C’est pourquoi la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
Je ne suis pas défavorable, sur le fond, à cet amendement, mais, en réalité, il est satisfait par les dispositions existantes et les travaux correspondants ont débuté, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Après l’article L. 161-9-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-9-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-9-3. – Les personnes bénéficiaires du congé prévu à l’article L. 3142-16 du code du travail, au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et à l’article L. 4138-6 du code de la défense conservent leurs droits aux prestations en nature de l’assurance maladie et maternité de leur régime d’origine aussi longtemps qu’elles bénéficient de ce congé.
« Lors de la reprise de leur travail à l’issue du congé, ces personnes retrouvent leurs droits aux prestations en nature et en espèces de l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès pendant une période fixée par décret.
« En cas de non reprise du travail à l’issue du congé, en raison d’une maladie ou d’une maternité, les personnes retrouvent leurs droits aux prestations en nature et en espèces du régime antérieur dont elles relevaient. Ces dispositions s’appliquent pendant la durée de l’arrêt de travail pour cause de maladie ou du congé légal de maternité.
« Lors de la reprise du travail à l’issue du congé de maladie ou de maternité, les personnes retrouvent leurs droits aux prestations pendant une période fixée par décret. »
L'amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après les mots :
en nature
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et en espèces de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès de leur régime d'origine aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé.
II. - Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes ayant bénéficié de ces dispositions, conservent leurs droits aux prestations en nature et en espèces d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès auprès du régime obligatoire dont elles relevaient avant et pendant ce congé, dans les situations suivantes :
« 1° Lors de la reprise de leur travail à l'issue du congé ;
« 2° En cas de non reprise du travail à l'issue du congé, en raison d'une maladie ou d'une maternité ;
« 3° Lors de la reprise du travail à l'issue du congé de maladie ou de maternité.
« Les périodes pendant lesquelles les bénéficiaires conservent leurs droits sont fixées par décret et sont applicables, sans préjudice des dispositions de l'article L. 161-8 du présent code. »
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement tend à sécuriser la couverture sociale des bénéficiaires du congé de solidarité familiale, objectif visé par la commission des affaires sociales, et à permettre aux personnes bénéficiant d'un tel congé de percevoir les prestations en espèces de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès de leur régime d'origine aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé, si elles en remplissent les conditions d'ouverture de droit.
Cet amendement a également pour objet de prévoir le régime d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès applicable à l'issue de ce congé dans trois situations : reprise du travail, maladie ou maternité.
Cet amendement du Gouvernement tend à approfondir les dispositions que nous avons introduites. Je tiens à saluer cette initiative, car la commission des affaires sociales avait fait preuve d’une certaine audace sur cette question.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'article 1 er bis est adopté à l'unanimité des présents.
I. – Au premier alinéa de l’article L. 3142-16 du code du travail, les mots : « ou une personne partageant son domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » sont remplacés par les mots : «, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».
I bis. –
Supprimé
II. – À la première phrase du 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : «, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».
III. – À la première phrase du 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : «, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».
IV. – À la première phrase du 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : «, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».
V. – À la première phrase de l’article L. 4138-6 du code de la défense, les mots : « ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : «, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».
L'amendement n° 18, présenté par M. Barbier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
I bis. - Le même article L. 3142-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce droit bénéficie, dans les mêmes conditions, aux salariés ayant été désignés comme personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique. »
II. - Alinéas 3, 4, 5 et 6
Remplacer les mots :
ou une personne partageant le même domicile
par les mots :
, une personne partageant le même domicile ou l'ayant désigné comme sa personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique
La parole est à Mme le rapporteur.
Selon le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales, l'allocation journalière d'accompagnement d’une personne en fin de vie bénéficie également aux personnes de confiance, au sens du code de la santé publique.
Cet amendement tend à tirer les conséquences de cette mesure, en élargissant le droit au congé de solidarité familiale à ces mêmes personnes.
Excellent travail parlementaire !
Le Gouvernement émet un avis très favorable.
L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'article 2 est adopté à l'unanimité des présents.
I. – La deuxième phrase du 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi rédigée :
« Ce congé non rémunéré est accordé, sur demande écrite du fonctionnaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »
II. – La deuxième phrase du 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigée :
« Ce congé non rémunéré est accordé, sur demande écrite du fonctionnaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »
III. – La deuxième phrase du 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi rédigée :
« Ce congé non rémunéré est accordé, sur demande écrite du fonctionnaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »
IV. – La deuxième phrase de l’article L. 4138-6 du code de la défense est ainsi rédigée :
« Chacun de ces congés est accordé, sur demande écrite du militaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »
I. – L'article L. 3142-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Avec l’accord de l’employeur, le congé peut être fractionné, sans pouvoir dépasser la durée maximale prévue au premier alinéa. Dans cette hypothèse, le salarié qui souhaite bénéficier du congé doit avertir son employeur au moins quarante-huit heures avant la date à laquelle il entend prendre chaque période de congé. Les modalités de ce fractionnement, notamment la durée minimale de chaque période de congé, sont fixées par décret. »
II. – Il est inséré, après la deuxième phrase du 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »
III. – Il est inséré, après la deuxième phrase du 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »
IV. – Il est inséré, après la deuxième phrase du 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »
V. – Il est inséré, après la deuxième phrase de l’article L. 4138-6 du code de la défense, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »
I. – Le 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale » ;
2° §(nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».
II. – Le 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale » ;
2° §(nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».
III. – Le 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale » ;
2° §(nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».
IV. – Au d du 1° et au onzième alinéa de l’article L. 4138-2 du code de la défense, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale ».
V. – L’article L. 4138-6 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale » ;
2° §(nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».
Le Gouvernement remet chaque année, avant le 31 décembre, un rapport aux commissions parlementaires compétentes faisant état de la mise en œuvre du versement de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.
Ce rapport établit aussi un état des lieux de l’application de la politique de développement des soins palliatifs à domicile.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Autain, Mme Pasquet, M. Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Le Gouvernement remet chaque année, avant le 31 décembre, un rapport aux commissions parlementaires compétentes, faisant état des conditions de la mise en œuvre de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
Ce rapport analyse les conséquences d'une augmentation de la durée du versement de cette allocation, ainsi que de son éventuelle extension aux accompagnants des personnes hospitalisées.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 4.
L'article 4 est adopté à l'unanimité des présents.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
Nous voterons ce texte, tout en regrettant, comme nous l’avons dit dans la discussion générale avec beaucoup d’autres de nos collègues, que le bénéfice de ses dispositions ne soit pas étendu à la fin de vie à l’hôpital. Ce texte constitue néanmoins une avancée très importante pour les personnes en fin de vie à domicile.
Mme la ministre, Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur ayant accepté un certain nombre de nos amendements, et nous les en remercions, c’est sans états d’âme que nous voterons cette proposition de loi.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je tiens à remercier ceux de nos collègues encore présents à cette heure tardive et, au-delà, tous ceux qui, au sein de la commission, notamment notre rapporteur, ont apporté leur contribution à cette discussion en nous présentant des amendements de qualité.
Je me réjouis que nous puissions voter cette proposition de loi à l’unanimité et, de cette façon, contribuer à l’amélioration de la qualité de la fin de vie des personnes qui seront accompagnées.
Je précise que le groupe CRC-SPG, comme il l’avait annoncé dès la discussion générale, votera ce texte.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité des présents.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis qu’un texte aussi important et emblématique ait fait l’unanimité sur vos travées.
Je tiens à remercier la commission et plus précisément son rapporteur et sa présidente du travail effectué. Je sais qu’un empêchement majeur a retenu M. Barbier, mais je compte sur vous, madame la présidente, pour lui transmettre mes compliments et je vous félicite du brio avec lequel vous avez suppléé votre rapporteur. Mais vous ne nous avez pas habitués à moins !
Oui, le travail a été consensuel, mais très approfondi, aussi. Je salue M. Jean Leonetti et d’autres députés de la majorité comme de l’opposition qui ont contribué à enrichir ce texte, comme je salue la commission des affaires sociales, l’ensemble des sénateurs et des sénatrices, sur toutes les travées, pour le travail qui a été fait, en soulignant la qualité des amendements du Sénat, qui sont venus à leur tour enrichir la rédaction de l’Assemblée nationale.
Je ne saurais terminer sans remercier le président de séance de sa hauteur de vues, lui qui devait sans doute souffrir, au fauteuil qu’il occupe, de ne pouvoir joindre son suffrage à celui de ses collègues pour l’adoption de cette proposition de loi.
M. le président le confirme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait ce soir !
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 janvier 2010 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
À quatorze heures trente :
2. Projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur le plan de relance et l’emploi.
À dix-huit heures et le soir :
4. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 15 janvier 2010, à zéro heure vingt.