Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 14 janvier 2010 à 22h20
Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous abordons aujourd’hui un débat important dans la plus grande sérénité. L’examen de la proposition de loi de notre collègue député Hervé Gaymard a recueilli une honorable unanimité des parlementaires, d’abord à l’Assemblée nationale, puis devant la commission de la culture de la Haute Assemblée. Ma voix ne détonnera donc pas dans ce concert.

Cette proposition de loi, en apparence technique et peut-être un peu secondaire, revêt, en réalité, un caractère essentiel, vital même, pour tout un secteur, déjà fragile et pourtant primordial dans la vie de notre nation : celui du livre et, par extension, de la création.

La loi de modernisation de l’économie, en plafonnant les délais de paiement entre les entreprises, affichait un objectif respectable de soutien au développement des PME. Prémunir les fournisseurs contre des demandes de délais de paiement beaucoup trop longues émanant de leurs clients permet le plus souvent de protéger de petits commerçants face à de plus puissantes enseignes. Le secteur de l’alimentation, dans lequel les petites et moyennes entreprises se trouvent essentiellement du côté des fournisseurs, est principalement concerné par cette mesure. Tous les secteurs économiques sont désormais soumis à ces nouvelles conditions de délais.

Ces dispositions sont particulièrement inappropriées pour la filière du livre. Loin de renforcer les entreprises du secteur, elles les fragiliseraient considérablement du fait des délais de paiement très longs traditionnellement prévus pour permettre aux librairies de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.

Il s’agit, en effet, du premier secteur culturel français, avec 3 milliards de chiffre d’affaires et près de 70 000 éditions par an.

Au-delà de cet aspect économique, il est de notre devoir de protéger le livre, ainsi que les valeurs qu’il transmet. Pour cela, l’État intervient en régulant le secteur. Nous avons déjà légiféré à plusieurs reprises, notamment sur la fixation du prix unique du livre, toujours avec succès et dans un grand consensus politique. La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre avait été adoptée à l’unanimité, je le rappelle.

Nous avons tous pris conscience, peut-être un peu tard, des problèmes posés par les délais de paiement. Mais, aujourd’hui, nous mesurons bien l’importance de la mesure que nous allons adopter.

Contraindre les librairies à réduire leurs délais de paiement reviendrait à les pousser à diminuer le nombre de titres qu’elles proposent à leurs clients, en privilégiant uniquement les best-sellers, les succès assurés. Cela annoncerait la fin d’une richesse et d’une diversité qui nous sont chères. De même, cela contribuerait à la fragilisation et à la disparition des librairies indépendantes, qui sont déjà en danger, leur rentabilité étant l’une des plus faibles de l’ensemble des commerces de détail. L’extrême faiblesse des marges et des rémunérations rend ce secteur fragile.

C’est la raison pour laquelle nous devons régler durablement le problème des délais de paiement entre les librairies et les éditeurs.

L’article unique de la proposition de loi que nous allons examiner permettra à l’ensemble de la filière du livre de déroger au nouveau droit commun en matière de délais de paiement des fournisseurs. Ces délais pourront être définis conventionnellement entre les parties.

Cependant, avec les membres de mon groupe, suivant la proposition de notre collègue Anne-Marie Escoffier, nous avons choisi de déposer un amendement. Nous nous sommes inquiétés de la rédaction de l’article issu de l’Assemblée nationale. L’équilibre de la phrase retenue pourrait donner à penser que la vente de livres n’est pas directement visée, alors même qu’il s’agit de l’objet premier de la proposition de loi initiale. Les modifications apportées ont inclus les imprimeurs et les façonniers dans le dispositif. Il en résulte, selon nous, une phrase dans laquelle « la vente de livres » n’est malheureusement plus assez explicitement désignée.

Nous paraissons unanimes sur l’interprétation de l’article, mais il serait bon aujourd’hui de conforter la bonne lecture du texte dès le débat parlementaire. La dérogation s’applique d’abord aux ventes de livres et, par extension, aux autres activités de fabrication et de commercialisation, ce qui correspond au périmètre couvert par la loi de 1981 relative au prix unique du livre.

Bien sûr, nous sommes conscients de l’urgence qu’il y a à légiférer. La situation économique doit être clarifiée au plus vite. L’application d’un statut dérogatoire pour le monde du livre, dès ce début d’année, serait bienvenue.

À l’heure de la révolution numérique et des débats sur la numérisation de notre patrimoine culturel, il est fondamental de ne pas délaisser notre politique du livre. Il y va non seulement de la viabilité économique d’un secteur tout entier, mais aussi du maintien et du développement de l’accès de chacun à la culture sur l’ensemble de notre territoire.

C’est pourquoi le groupe RDSE, dans son ensemble, votera cette proposition de loi.

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