Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, il est difficile d’intervenir en tant qu’avant-dernier orateur – et pour cinq minutes ! -, alors que tout a été dit, et fort bien dit.
Au risque donc de la répétition – mais n’est-elle pas l’outil de la pédagogie ? – je dirai à mon tour combien je suis conscient de la nécessité d’adopter le texte de la commission.
Le marché du livre occupe une place majeure en France. Je n’insisterai pas sur le chiffre d’affaires qu’il génère, ni sur le nombre d’éditions par an. Avec des milliers de points de vente, notre réseau de librairies est l’un des plus denses au monde. Aux côtés des bibliothèques, il permet un accès au livre aisé et constitue un atout important pour l’aménagement du territoire et pour l’animation culturelle et commerciale des centres-villes. Aussi doit-il être protégé.
Non, en effet, le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Il présente une singularité : s’il est un bien marchand de consommation, il est également un bien culturel participant grandement à l’édification de la pensée.
Votée à l’unanimité par le Parlement, la loi du 10 août 1981, dont il a déjà beaucoup été question, avait infléchi les règles du marché, en instituant un « prix unique du livre ».
Ainsi, que l’on soit à Paris, dans une grande ville, une petite ville ou une zone rurale, dans une librairie, une grande surface alimentaire ou une station-service, le même livre sera vendu au même prix. On peut parler d’un modèle culturel français, car notre dispositif a été repris en Europe et dans le monde.
Ce système permet d’éviter une guerre des prix sur les best-sellers – pardonnez-moi, monsieur Legendre §–, une guerre qui ne permettrait ni aux librairies de présenter une offre de titres diversifiée ni aux éditeurs de prendre des risques sur certains ouvrages qui ont besoin de temps et de visibilité dans les librairies pour trouver leur public.
À la règle du prix unique vient s’ajouter le principe de délais de paiement longs.
Les conventions en vigueur dans le secteur du livre prévoient en effet des délais de paiement particulièrement longs – de l’ordre d’une centaine de jours – correspondant, en moyenne, au temps de diffusion du livre. La création littéraire a besoin de temps pour trouver son public. La longueur du délai de paiement garantit, de fait, l’équilibre du secteur.
Je rappellerai à mon tour un certain nombre d’éléments contenus dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui est venue contrarier ce principe.
Cette loi visait, à juste titre, à protéger nos PME de délais de paiement trop longs en plafonnant ces derniers à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires.
Mais si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre, où elles sont, à l’inverse, principalement du côté des détaillants.
La réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la chaîne de distribution du livre, et à mon tour je citerai le rapport publié en mars dernier à la demande du Gouvernement par Hervé Gaymard, qui conclut que « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit, soit autant de conséquences qui apparaîtraient comme contraires à l’esprit même de la loi du 10 août 1981 ».
Certes, la loi de modernisation de l’économie donnait la possibilité de déterminer des délais de paiement supérieurs par le biais d’accords interprofessionnels ; l’ensemble de la filière a ainsi pu en bénéficier. Mais ces accords étaient de nature précaire, car leur fin était programmée pour 2012. Ils auront permis d’attendre une initiative législative – nous y sommes - visant à sanctuariser un régime dérogatoire au nom même de l’exception culturelle.
C’est ce que prévoit le présent texte, dont l’objet est d’autoriser le secteur du livre à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients, contrairement à ce qui prévaut pour les autres secteurs de l’économie. Je tiens à souligner que le texte a été adopté à l’unanimité par nos collègues députés.
Notre rapporteur, notre excellente collègue Colette Mélot, s’est prononcée pour une adoption conforme, avec le maintien des quelques modifications apportées par l’Assemblée nationale.
Je pense qu’à l’heure où le secteur du livre doit relever de nouveaux défis et s’adapter au numérique, il faut s’attacher à protéger la filière.
Le groupe UMP votera bien évidemment un texte qui doit nous rassembler, au-delà de nos clivages politiques, pour marquer notre attachement au livre.