Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Si je rappelle ici que je suis élue de Villiers-le-Bel depuis trente ans, personne ne sera surpris par l'objet de ma question.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes venu à plusieurs reprises à Villiers-le-Bel, ainsi que Mme Alliot-Marie. Vous avez vu une ville dévastée, des écoles, des commerces et une bibliothèque brûlés, les policiers et les pompiers pris pour cible. Vous avez rencontré deux familles qui pleurent leurs enfants.
Tandis que d'aucuns étaient sincèrement bouleversés par la mort de leurs deux amis, d'autres laissaient libre cours à leur haine et utilisaient ce drame pour justifier destructions et agressions. Le déchaînement de la violence a atteint un niveau inouï et plusieurs dizaines de policiers en ont été directement victimes. Nous condamnons tous cette brutalité sans nom.
Mais au-delà de ce constat, ce qui nous explose au visage est la conséquence d'un abandon. Dans nos quartiers vivent 6 millions de personnes, 10 % de la population, et c'est là que se cumulent toutes les difficultés et toutes les impasses de notre société. Ces quartiers sont depuis bien longtemps des ghettos où jamais ne se concrétisent les promesses de notre pacte républicain.
Certes cette semaine, pendant les émeutes, l'État était présent et le déploiement considérable des forces de police a été déterminant dans l'arrêt des violences. Mais au quotidien, la République a déserté, et ce constat n'est pas récent.
L'image des banlieues suscite le rejet alors même que c'est le désespoir et le sentiment d'être méprisé qui alimentent la colère, nourrissent la haine et attisent la violence.
Les émeutes de 2005 n'ont rien changé. Certains jeunes qui, depuis bien longtemps, n'avaient plus d'horizon n'ont maintenant plus de limite.
Pourtant, les maires de villes de banlieues ont depuis longtemps préconisé des solutions concrètes. Ici, au Sénat, droite et gauche rassemblées, nous avons travaillé dans le cadre d'une mission d'évaluation des politiques de la ville. Nous nous sommes retrouvés sur un diagnostic commun et sur des propositions d'action.
À l'époque, nous étions plusieurs à dire : « Ne croyez pas que novembre 2005 est derrière nous, il est toujours devant nous » parce que le niveau d'échec scolaire désespère les familles et fait fuir celles qui le peuvent, accentuant l'effet de ghetto. Parce que le niveau de chômage et la discrimination à l'embauche renforcent encore le sentiment de rejet. Parce que la concentration des familles les plus fragiles dans les mêmes lieux entraîne tout le monde vers le bas.
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas utile aujourd'hui de parcourir à nouveau l'ensemble du territoire, comme si nous manquions d'informations et d'outils d'analyse. Le travail est déjà fait, le diagnostic est posé, les actions concrètes à mettre en oeuvre sont identifiées. Ne manquent que la volonté et les moyens.