La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, après un mois de mobilisation étudiante contre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, vous venez d'annoncer l'accélération de deux réformes très attendues concernant les bourses et la lutte contre l'échec en premier cycle universitaire.
Vous avez également signé, hier, avec le Premier ministre et le président de la Conférence des présidents d'université, un protocole-cadre en vue de la conclusion d'un contrat national pour la réussite des universités, qui prévoit notamment l'augmentation progressive du budget de l'enseignement supérieur de 50 % d'ici à 2012.
Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous nous indiquiez ce que vous envisagez d'inscrire dans ce contrat et les mesures que vous comptez prendre pour lutter contre l'échec en premier cycle universitaire.
Je souhaiterais également, alors même que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche pour 2008 est en cours d'examen dans notre assemblée, que vous nous disiez comment vous comptez financer toutes ces réformes et en particulier l'augmentation, dès janvier 2008, de 7 % des bourses en faveur des étudiants les plus défavorisés.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez dit, j'ai reçu voilà quelques jours l'ensemble des organisations représentatives des étudiants à la fois pour les écouter et pour répondre aux craintes et aux préoccupations qui se sont exprimées depuis quelques semaines dans les universités, à propos de l'application de la loi du 11 août dernier sur l'autonomie des universités et des chantiers qui vont être menés par mon ministère.
Hier, le Premier ministre, le président de la Conférence des présidents d'université et moi-même avons signé un protocole-cadre, qui marque l'engagement pluriannuel de l'État vis-à-vis de l'université, conformément aux engagements pris par Nicolas Sarkozy durant la campagne pour l'élection présidentielle de 2007.
Le budget de l'enseignement supérieur passera ainsi de 10 milliards d'euros à 15 milliards d'euros, soit une augmentation de 50 %. Cela signifie que si, en 2007, nous consacrions 7 000 euros par an à un étudiant, en 2012, nous lui consacrerons 10 500 euros.
Pour répondre aux préoccupations des étudiants, qui nous ont dit qu'ils voulaient un changement très rapide dans leurs conditions de vie et d'études, j'ai souhaité accélérer un certain nombre de chantiers de réforme.
La première accélération concerne le plan « Réussite en licence », car l'échec en première année universitaire, vous le savez, est la plaie de l'université. Ce plan sera présenté sous une dizaine de jours à l'ensemble des organisations représentatives de la communauté universitaire. Il comprendra plusieurs volets : l'orientation active, l'entrée à l'université, le contenu de la licence, les compétences et les connaissances que les jeunes doivent acquérir, et l'insertion professionnelle.
Comment accélérer l'entrée en vigueur de ce plan ? Tout simplement avec l'aide des présidents d'université, qui, compte tenu de l'augmentation de leurs budgets pour l'année 2008, ont accepté de prendre sur leur fond de roulement des moyens permettant de mettre en oeuvre ce plan dès le mois de janvier prochain.
Concernant le plan « Bourses », il a aussi été décidé d'accélérer les choses, avec notamment une mesure emblématique : les 100 000 étudiants les plus défavorisés verront le montant de leur bourse augmenter en janvier 2008 de 7 % par rapport à janvier 2007. Cette mesure sera financée par redéploiement budgétaire dans le cadre de mon budget « Bourses ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
universités
Madame la ministre, depuis plusieurs semaines, chacun le constate, le mécontentement grandit dans nos universités parmi les étudiants, les enseignants et les personnels, et ce mouvement s'étend aujourd'hui dans les lycées.
Nous comprenons ces inquiétudes qui s'expriment contre votre loi en faveur d'une fausse autonomie des universités.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
M. Jean-François Voguet. Nous avons combattu cette loi que vous avez fait voter « à la hussarde », en plein été et dans l'urgence.
Protestations sur les mêmes travées.
Même si le pire n'est jamais assuré, cette loi porte en elle, malgré vos démentis, la mise en concurrence des universités et le désengagement de l'État. Il y aura les facultés d'élites sélectionnant leurs étudiants et la grande masse des universités devant se contenter de maigres subventions d'État et du soutien toujours plus nécessaire des collectivités locales.
Cette loi casse aussi la vie démocratique universitaire au seul profit des places offertes aux entreprises et d'un pouvoir renforcé des présidents. Elle précarise, enfin, l'ensemble des personnels universitaires.
Pendant des semaines, vous avez parié sur le pourrissement du mouvement. §Ce dernier est pourtant toujours là, et il vous a contraint à formuler une série de propositions pour, dites-vous, encadrer votre loi.
Vous reconnaissez donc là les risques qu'elle portait. Nous vous invitons à aller plus loin dans sa remise en cause.
Vous avez aussi fait un petit geste concernant la vie étudiante, admettant ainsi l'urgence sociale que vous refusiez d'entendre.
Mais tout cela reste très insuffisant, d'autant qu'il ne s'agit que de promesses.
Alors, et c'est ma première question, allez-vous augmenter votre budget pour 2008, ...
...trop faible pour faire face aux besoins ? Vos annonces d'augmentation ne servent qu'à boucher les trous de dépenses déjà engagées.
Enfin, madame la ministre, plutôt qu'un protocole, sans valeur, signé par le Premier ministre avec les présidents d'université, êtes-vous prête - c'est ma seconde question - à engager la nation dans une réelle réforme démocratique de l'université, ...
M. Jean-François Voguet. ...en proposant un projet de loi d'orientation et de programmation qui pourrait être préparé par des États généraux de l'enseignement supérieur ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.
Monsieur le sénateur, vous avez parlé de démocratie, c'est donc que vous êtes un démocrate et que vous respectez le suffrage universel et la démocratie représentative.
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités a fait l'objet d'une concertation de soixante heures
Applaudissements sur les travées de l'UMP
Vingt-cinq universités ont déjà voté les nouveaux statuts et les nouveaux conseils d'administration de trente universités ont d'ores et déjà fait connaître leur volonté de devenir autonomes au 1er janvier 2009. Je vous demande donc de respecter une loi de la République. §
Cela dit, j'entends bien les craintes et les préoccupations qui s'expriment. Je n'ai jamais pris des mesures pour encadrer ma loi, comme vous le dites, mais j'ai donné des garanties : il n'y aura pas de désengagement de l'État, ...
...et, comme M. le Premier ministre l'a dit, c'est un engagement financier et historique de l'État. Dès cette année, 1 milliard d'euros supplémentaires...
...sera consacré au simple enseignement supérieur, soit 8 % d'augmentation du budget.
Celui-ci croîtra de 50 % en cinq ans ! C'est historique ! Jamais l'État français n'a fait un tel investissement dans son enseignement supérieur.
Par ailleurs, les étudiants se disent très préoccupés de la privatisation. C'est évidemment une peur irrationnelle, puisque les conseils d'administration des universités, où siègent les étudiants, les personnels et les enseignants farouchement attachés à leur indépendance, auront la totale maîtrise des fonds qui seront investis à l'université.
Mme Éliane Assassi s'exclame.
Quant aux chantiers de réforme que nous allons poursuivre, ils sont extrêmement concrets : la réussite en licence, les aides sociales et les bourses, l'immobilier universitaire, les carrières des personnels et l'attractivité de la recherche.
Monsieur le sénateur, vous souhaitez connaître les moyens financiers. Je vous réponds : 15 milliards d'euros !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Ma question s'adresse à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Le département de l'Orne connaît depuis ces dernières années un désenclavement autoroutier exceptionnel.
Après l'autoroute A28, le tronçon Argentan-Sées a été ouvert au public le 26 novembre dernier, sans que cet événement donne lieu à une inauguration officielle, ce qui est tout de même curieux pour une réalisation très attendue et dispendieuse ! Notre département rural n'est pas coutumier d'une telle discrétion à la veille d'une consultation électorale.
Chacun, dès lors, s'interroge...
Ce même département a vécu une expérience désastreuse avec l'autoroute A28, laquelle a mis plus de trente ans à voir le jour, et il a fallu toute la persévérance du sénateur Daniel Goulet et du président René Garrec, qui est ici présent, pour venir à bout des différents obstacles.
C'est pourquoi les élus d'Argentan s'inquiètent légitimement de tout retard qui pourrait différer la signature du contrat et l'achèvement de cet axe autoroutier essentiel pour le développement économique du bassin d'Argentan.
Madame le secrétaire d'État, pouvez-vous aujourd'hui nous donner toute assurance que le concessionnaire sera connu en temps et en heure et que rien ne viendra entraver l'achèvement de ce tronçon de l'A88 et le désenclavement définitif du département de l'Orne ?
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. - MM. René Garrec et Jean-Claude Carle applaudissent également.
Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Dominique Bussereau, qui est retenu au Conseil « Transports » à Bruxelles.
La liaison Caen-Le Mans est la seule ouverture de la Basse-Normandie vers le centre et le sud de la France. Cette liaison est constituée de deux sections principales, Caen-Sées et Sées-Le Mans.
La section Caen-Sées, qui totalise soixante-dix-sept kilomètres, est d'ores et déjà en service. Elle a vocation à devenir l'autoroute A88.
À son autre extrémité, entre Argentan et Sées, quinze kilomètres d'autoroute ont été réalisés dans le cadre du contrat État-région et ont été mis en service voilà une semaine. Restent donc quelque vingt kilomètres à aménager.
Afin d'accélérer cet aménagement, l'État, la région Basse-Normandie, les départements de l'Orne et du Calvados sont convenus de recourir à la concession. C'est l'objet de la procédure d'appel d'offres qui est en cours.
Il faut noter que cette autoroute a déjà été déclarée d'utilité publique. Le recours à la concession a pourtant obligé à relancer une enquête publique en vue d'une nouvelle déclaration d'utilité publique.
Cette enquête est terminée depuis plusieurs mois et le projet de décret relatif à la concession est techniquement prêt à être envoyé au Conseil d'État.
Ne pas poursuivre dans les meilleurs délais la procédure d'appel d'offres en cours obligerait à lancer une nouvelle consultation puisque la validité des offres émises par les candidats expire à la fin du mois de janvier 2008. L'échéancier pour aboutir à la publication du décret approuvant la concession avant cette date est d'ores et déjà très tendu.
Par ailleurs, renoncer à la concession conduirait l'État et les collectivités territoriales à devoir financer les travaux sur leurs ressources budgétaires pour un montant de 213 millions d'euros. Gageons que cela les intéressera ! La réalisation de cet aménagement apparaît donc hautement nécessaire.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Des violences ont émaillé la nuit du 26 novembre, dans le Val-d'Oise, à la suite du décès de deux adolescents. Nos pensées vont bien évidemment à leur famille, car la perte de deux enfants est toujours une tragédie.
Mais nos pensées vont également aux forces de l'ordre, qui ont fait preuve d'un sang-froid et d'un courage qui font honneur à la République, alors qu'elles étaient prises pour cible par des tirs de fusils. Peu de police au monde auraient réagi comme la nôtre.
Dans l'immédiat, le rétablissement complet, dans chaque commune, dans chaque quartier, dans chaque rue, de l'ordre républicain est un impératif absolu et non négociable, car l'autorité de l'État ne se partage pas.
Mais à moyen terme, peut-on envisager de tenir davantage compte des problèmes spécifiques de l'ordre public sur ces territoires, notamment avec une police plus adaptée aux différentes formes de violence et de délinquance ?
...qui soit incitée à demeurer dans ses affectations et à être logée autant que possible dans la circonscription où elle travaille.
Une police plus proche...
...qui connaisse bien les particularités de chaque territoire, de chaque population et, surtout, une police plus expérimentée.
Enfin, au-delà des problèmes de l'ordre public, quelle réponse sociale donner...
M. Hugues Portelli. ...afin de leur inculquer des règles de vie commune.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Les milieux pathogènes, c'est là que nous vivons ! Qu'est-ce que ce genre d'insulte ?
Mes chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît !
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé qu'à Villiers-le-Bel un dramatique accident, dont nous ne pouvons que déplorer qu'il ait causé la mort de deux adolescents, a servi de prétexte à des scènes de violences.
Certains ont utilisé la situation pour commettre des vols, des pillages, des dégradations d'équipements publics, notamment une bibliothèque, et se sont attaqués aux forces de l'ordre et aux pompiers en faisant feu à tir tendu avec des armes de chasse.
Je vous remercie et je pense pouvoir dire que nous vous remercions tous d'avoir rendu hommage aux forces de l'ordre auxquelles M. le Premier ministre et moi-même avons rendu visite à plusieurs reprises. Elles ont fait preuve, dans ces circonstances, d'un sang-froid remarquable...
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...alors qu'elles étaient attaquées très directement.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.
Sur le fond, il est évident que, dans un certain nombre de villes, nous avons des problèmes avec de petits groupes d'individus, qu'il ne faut pas confondre avec l'ensemble des habitants de ces cités ou de ces villages...
...qui sont doublement victimes des délinquants.
Victimes, parce qu'ils sont les premiers à être attaqués, volés ou agressés ; victimes aussi, parce que c'est l'image de leur ville, de leur quartier qui est atteinte. Cela rejaillit sur eux et accentue parfois les difficultés qu'ils rencontrent pour trouver un emploi.
Nous devons apporter une réponse globale à ces difficultés. La chaîne de la sécurité doit faire intervenir les maires, qui sont en première ligne, les services éducatifs, les associations, la police, la justice, les acteurs de la réinsertion. C'est ensemble que nous pourrons trouver des solutions pour permettre à ceux qui ne sont pas des délinquants, notamment aux plus jeunes, de s'en sortir.
Mais nous avons aussi besoin que l'autorité de l'État soit toujours affirmée et réaffirmée. Pour cela, il faut agir à plusieurs niveaux.
Tout d'abord, je ne saurais laisser dire qu'il n'y a pas de policiers au contact des habitants.
Nos commissariats, nos gendarmeries, nos postes de police sont là.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Et je rappelle, mesdames et messieurs de l'opposition, que nous, nous avons créé, entre 2002 et 2007, 13 000 postes de policiers et de gendarmes pour renforcer la sécurité qui s'était dégradée au cours des précédentes années.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela nous permet d'avoir une réelle implantation sur le terrain.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Cela dit, il est vrai qu'en région parisienne il y a un problème parce que trop de policiers sortent de l'école sans avoir l'âge ou la maturité suffisants pour faire face à toutes les situations auxquelles ils peuvent être confrontés.
La faute à qui ? S'ils n'ont pas la maturité, pourquoi leur donne-t-on ces affectations ?
C'est pourquoi nous sommes en train de mettre au point, avec le directeur général de la police nationale, une action de fidélisation, qui s'appuie sur nos relations avec les maires.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le logement, par exemple, est un élément essentiel de cette fidélisation et les maires doivent y être associés.
M. Daniel Raoul lève les bras au ciel.
D'ailleurs, je crée 5 000 nouvelles places de logements dans la région parisienne au cours de l'année 2008, sur un budget que vous n'avez pas voté...
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP.
J'ajoute nous nous employons également à créer des crèches, parce que toute la famille doit être bien accueillie.
Au-delà, parce qu'il faut parfois faire face à des poussées de violence, nous avons prévu de créer, sur le budget pour 2008, des unités de sécurisation, qui nous permettront, sur un département ou une zone, de renforcer telle ou telle police locale, sans déshabiller les autres.
Enfin, il est évident que nous aurons toujours besoin, dans les cas les plus graves, des forces mobiles de gendarmerie ou de police.
À tous, nous devons beaucoup de gratitude, de reconnaissance et je pense que nous pouvons les assurer de toute notre confiance.
Bravo ! et a pplaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme le secrétaire d'État chargée de la politique de la ville applaudit également.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Si je rappelle ici que je suis élue de Villiers-le-Bel depuis trente ans, personne ne sera surpris par l'objet de ma question.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes venu à plusieurs reprises à Villiers-le-Bel, ainsi que Mme Alliot-Marie. Vous avez vu une ville dévastée, des écoles, des commerces et une bibliothèque brûlés, les policiers et les pompiers pris pour cible. Vous avez rencontré deux familles qui pleurent leurs enfants.
Tandis que d'aucuns étaient sincèrement bouleversés par la mort de leurs deux amis, d'autres laissaient libre cours à leur haine et utilisaient ce drame pour justifier destructions et agressions. Le déchaînement de la violence a atteint un niveau inouï et plusieurs dizaines de policiers en ont été directement victimes. Nous condamnons tous cette brutalité sans nom.
Mais au-delà de ce constat, ce qui nous explose au visage est la conséquence d'un abandon. Dans nos quartiers vivent 6 millions de personnes, 10 % de la population, et c'est là que se cumulent toutes les difficultés et toutes les impasses de notre société. Ces quartiers sont depuis bien longtemps des ghettos où jamais ne se concrétisent les promesses de notre pacte républicain.
Certes cette semaine, pendant les émeutes, l'État était présent et le déploiement considérable des forces de police a été déterminant dans l'arrêt des violences. Mais au quotidien, la République a déserté, et ce constat n'est pas récent.
L'image des banlieues suscite le rejet alors même que c'est le désespoir et le sentiment d'être méprisé qui alimentent la colère, nourrissent la haine et attisent la violence.
Les émeutes de 2005 n'ont rien changé. Certains jeunes qui, depuis bien longtemps, n'avaient plus d'horizon n'ont maintenant plus de limite.
Pourtant, les maires de villes de banlieues ont depuis longtemps préconisé des solutions concrètes. Ici, au Sénat, droite et gauche rassemblées, nous avons travaillé dans le cadre d'une mission d'évaluation des politiques de la ville. Nous nous sommes retrouvés sur un diagnostic commun et sur des propositions d'action.
À l'époque, nous étions plusieurs à dire : « Ne croyez pas que novembre 2005 est derrière nous, il est toujours devant nous » parce que le niveau d'échec scolaire désespère les familles et fait fuir celles qui le peuvent, accentuant l'effet de ghetto. Parce que le niveau de chômage et la discrimination à l'embauche renforcent encore le sentiment de rejet. Parce que la concentration des familles les plus fragiles dans les mêmes lieux entraîne tout le monde vers le bas.
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas utile aujourd'hui de parcourir à nouveau l'ensemble du territoire, comme si nous manquions d'informations et d'outils d'analyse. Le travail est déjà fait, le diagnostic est posé, les actions concrètes à mettre en oeuvre sont identifiées. Ne manquent que la volonté et les moyens.
Je la pose, monsieur le président !
Afin de rétablir les fondements de la République et de dégager des perspectives d'espoir pour ces 6 millions d'habitants, êtes-vous prêt à écouter enfin les maires de ces communes ?
Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.
Cette semaine, comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, des phénomènes de violences urbaines ont éclaté dans Villiers-le-Bel - commune que vous connaissez particulièrement - à la suite d'un dramatique accident de la route qui a causé la mort de deux jeunes adolescents.
Après avoir assisté à des actes de violences inouïs et condamnés par tous, la situation semble revenir à la normale grâce à l'important travail des forces de l'ordre, auxquelles je tiens, moi aussi, à rendre hommage.
Le Président de la République a parlé d'un plan Marshall.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
L'élaboration de ce plan traduit sa détermination, ainsi que de celle de tous les membres du Gouvernement, à changer la situation dans les banlieues.
Sa seule ambition, sa détermination, c'est, et je sais que cela vous agréera, de reconstruire la République au coeur de nos cités. Ce défi nous engage tous. Il nous oblige à revisiter nos pratiques, à améliorer notre gouvernance. C'est pourquoi, dès ma prise de fonctions, j'ai engagé une vaste concertation.
Certes, madame la sénatrice, il y a déjà eu des concertations.
Pour ma part, je considère qu'il faut aller là où les gens ne parlent pas, là où ils n'assistent pas aux concertations. C'est pour cette raison que, dès le 1er août, sur Skyblog, j'ai ouvert un blog, qui, il est vrai, a fait polémique, ...
...mais qui a permis à une certaine jeunesse de prendre la parole, de libérer sa parole pour présenter des propositions en vue de l'élaboration du plan « Respect et égalité des chances ».
De la même manière, les réunions d'appartements ont permis à un très grand nombre de personnes qui ne participent pas aux concertations classiques, à des papas et à des mamans des quartiers difficiles, de libérer leur parole et de participer, eux aussi, à l'élaboration du plan « Respect et égalité des chances » en présentant des propositions concrètes ou en disant simplement que, dans leurs quartiers, il existe, malheureusement, un vrai problème, un vrai souci.
Outre l'emploi des jeunes, qui les touche particulièrement, ils sont inquiets devant l'insécurité et souhaitent avec force que la police soit présente dans les quartiers populaires.
Depuis le 1er septembre, j'ai demandé à tous les préfets d'organiser ces concertations territoriales. Dans chaque département, j'ai tenu à organiser des réunions d'appartements. L'attente, nous le savons tous, est considérable.
Madame la sénatrice, je partage votre constat d'une évolution encore trop timide dans nos quartiers. Les inégalités sociales et territoriales se sont accentuées au fil des années, comme le montrent toutes les statistiques.
Ces quartiers, où vivent plus de 6 millions de personnes, connaissent des difficultés structurelles qui demeurent fortes, au point d'alimenter les sentiments d'exclusion de leurs habitants. Mais je ne peux pas laisser dire que rien n'est fait.
L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, agit sur le cadre bâti. Depuis sa création, ce sont, concrètement, 9, 8 milliards d'euros qui sont d'ores et déjà programmés sur 200 opérations dans les quartiers. Je rappelle que l'engagement total de l'État pour la période 2004-2012 est de 12 milliards d'euros.
En même temps que nous conduisons la rénovation urbaine, il nous faut oeuvrer à la rénovation sociale. Pour cela, le travail de l'ACSÉ, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, est énorme.
Elle bénéficiera donc, en 2008, de 794 millions d'euros de crédits de paiement.
M. le président. Madame, par respect pour les autres intervenants, je vais me voir obligé de couper votre micro !
Protestations sur les travées de l'UMP.
Je terminerai en évoquant l'élaboration du plan banlieues.
Nous travaillons principalement sur trois axes extrêmement importants : le désenclavement des quartiers ; l'éducation et les pôles de réussite, dont tout le monde attend beaucoup ; ainsi que, tout simplement, l'emploi des jeunes, un axe fort qui, justement, permettra de faire reculer le chômage des jeunes, notamment la déshérence de certains d'entre eux.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Si les intervenants ne font pas l'effort de respecter la durée convenue, certains d'entre eux ne pourront pas bénéficier de la retransmission télévisée. Or c'est ce qu'ils souhaitent ! Je tiens à le signaler.
Il ne faudra pas, ensuite, adresser de reproches à la présidence !
Par conséquent, je demande un peu de discipline, un peu de correction, un peu de fraternité !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 2 décembre prochain vont se dérouler en Russie des élections législatives.
L'opinion publique a été alertée à plusieurs reprises par des atteintes graves et répétées à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression, et même par l'incarcération des opposants.
Or la Russie appartient au Conseil de l'Europe et à l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Il entre dans la vocation de ces organisations internationales de contrôler les élections dans les pays membres.
Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme, ou BIDDH, qui est une émanation de l'OSCE, s'est vu imposer par la Russie des restrictions sans précédent : limitation de la période d'observation, plafonnement draconien du nombre des observateurs, prétention à influer sur la composition de la mission.
Devant ces obstructions répétées, le BIDDH a dû renoncer à exercer sa mission.
Quant à l'assemblée parlementaire de l'OSCE, elle s'est vu proposer 30 postes d'observateurs pour 95 000 bureaux de vote. Dans ces conditions, le président de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OSCE comme le président de la délégation britannique ont refusé de se rendre en Russie.
Parallèlement, le gouvernement français, comme d'autres gouvernements européens, a reçu une invitation bilatérale du gouvernement russe à envoyer des observateurs. Il a également été invité à prier son ambassadeur à Moscou d'assister à une réunion où le président de la commission de contrôle présenterait les observations de ladite commission et de se présenter le jour de l'élection pour observer la légalité dans les bureaux de vote.
Madame la secrétaire d'État, ma question est la suivante.
Le gouvernement français va-t-il accepter l'invitation des Russes, au risque de cautionner des élections antidémocratiques ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.
...le gouvernement français est-il disposé à intervenir auprès de la Russie pour qu'elle respecte ses engagements internationaux ?
Troisièmement, et enfin, le gouvernement français est-il disposé à intervenir pour qu'on libère les opposants qui ont été injustement incarcérés ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le sénateur, le 2 décembre, vous venez de le rappeler, de nouvelles élections législatives se tiendront en Russie. Ce scrutin marquera une étape essentielle avant l'élection présidentielle du 2 mars prochain.
Vous le savez également, le seuil minimal pour qu'une formation puisse siéger à la Douma a été récemment relevé de 5 % à 7 % des suffrages.
Compte tenu des conditions strictes fixées à l'enregistrement des partis politiques et des difficultés faites à des forces d'opposition divisées, ces élections opposeront pour l'essentiel le parti présidentiel « Russie Unie » et le parti communiste.
Ce tête-à-tête n'est malheureusement pas un gage de pluralisme politique.
Les conditions dans lesquelles se déroule la campagne électorale ont conduit le mouvement d'opposition « Une autre Russie » aux « marches du désaccord » du week-end dernier, qui se sont soldées par l'arrestation de son chef, Gary Kasparov, condamné depuis à cinq jours de prison ferme.
Ce lundi, la France a exprimé publiquement son inquiétude devant ces événements, comme l'Allemagne et comme l'Union européenne dans son ensemble.
Vous l'avez rappelé, l'OSCE a effectivement dû renoncer à l'envoi d'une mission d'observation. Les autorités russes l'ont en effet invitée tardivement et ont fixé des règles draconiennes qui ne permettaient pas à cette mission d'observation de se dérouler dans de bonnes conditions.
La France, comme la plupart de ses partenaires européens, a décidé de ne pas envoyer d'observateurs dans un cadre bilatéral, parce que, comme l'OSCE, elle considère que les conditions d'un suivi sérieux de ce scrutin - 95 000 bureaux de vote répartis sur un territoire immense de 17 millions de kilomètres carrés - ne sont pas réunies.
Une présence internationale sera néanmoins assurée, et je tiens à remercier les parlementaires français qui y prendront part, soit au titre de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, soit au titre de celle du Conseil de l'Europe.
Sur le terrain, il y aussi des ONG russes, des représentants de petits partis politiques, certes en nombre insuffisant, mais qui auront une part active dans la dénonciation des éventuelles errances du scrutin.
C'est d'ailleurs là que se trouve notre espérance : dans le développement de la société civile. Le combat mené par les avocats, par les journalistes, par les défenseurs des droits de l'homme, par les militants politiques, au péril de leur vie ou de leur liberté, est la preuve manifeste de sa vivacité. Nous avons tous à l'esprit le cas emblématique d'Anna Politkovskaïa.
Certes, ce combat s'accompagne de souffrances, mais nous ne devons pas nous contenter d'espérer que le temps fasse son oeuvre, au prix de nombreux sacrifices. Ici, notre devoir est double : d'une part, favoriser, multiplier les contacts de société civile à société civile et, d'autre part, sur le plan politique, convaincre le président Poutine, dans sa responsabilité d'homme d'État, que la Russie, ce grand pays, a tout à gagner à accélérer sa marche vers la démocratie.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, « la France a un problème de pouvoir d'achat ». Ce sont vos propres termes. Enfin, les difficultés quotidiennes des Français sont arrivées à la connaissance du Gouvernement !
Protestations et rires sur les travées de l'UMP.
Depuis plusieurs semaines, les sénateurs socialistes vous interrogent sans obtenir une réponse qui prenne en compte les inquiétudes des ménages n'arrivant plus à joindre les deux bouts.
Votre réponse se limite à décliner le slogan de campagne « Travailler plus pour gagner plus » et à développer sur les ondes une campagne glorifiant le supposé bonheur futur du salarié qui verrait ainsi son revenu majoré.
Cette propagande sera appréciée à sa juste valeur par ceux dont les revenus stagnent...
...ou baissent.
« Gagner moins et payer plus » est un slogan plus illustratif des conséquences de votre politique.
Que proposez-vous pour augmenter les salaires des travailleurs postés qui ne peuvent pas faire d'heures supplémentaires ?
Que proposez-vous pour augmenter les salaires des travailleurs auxquels leur patron n'accorde pas d'heures supplémentaires ?
Que proposez-vous pour améliorer la situation des chômeurs, qui demandent non pas à travailler plus, mais, tout simplement, à travailler ?
Les choix de votre gouvernement ont aggravé la situation. Vous avez refusé de donner un coup de pouce au SMIC. Vous avez refusé d'augmenter la prime de rentrée scolaire.
M. Bernard Frimat. Vous ignorez la vie difficile des bénéficiaires des petites retraites et vous ne leur proposez dans le budget prochain qu'une augmentation de 1, 1 %.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Aucune négociation salariale sérieuse n'a été engagée ni dans le privé ni dans le public. Vous maltraitez les fonctionnaires.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
M. Bernard Frimat. Vous répétez, monsieur le Premier ministre, qu'il n'y a pas d'argent à distribuer. Vous devriez dire que vous n'avez plus d'argent, puisque vous avez préféré arroser généreusement les plus favorisés.
Protestations sur les mêmes travées.
Les Français ont besoin de mesures concrètes et rapides pour améliorer le pouvoir d'achat. Le parti socialiste a fait des propositions
Oh ! sur les travées de l'UMP
Ma question sera simple : l'action du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat se limite-t-elle à attendre passivement que le Président annonce à la télévision des recettes miracles ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Nicolas Alfonsi applaudit également.
Eh bien non, monsieur le sénateur : nous ne sommes pas restés dans l'attente.
Mme Christine Lagarde, ministre. En revanche, j'ai l'impression que vous, vous n'étiez pas dans l'écoute ! Car la préoccupation du pouvoir d'achat a été au coeur de la campagne de Nicolas Sarkozy pendant des mois.
Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
J'ai déjà indiqué quel était l'ensemble des mesures qui avaient été prises, et je vous rappellerai un certain nombre des principes qui fondent la logique de notre action.
Je vais, puisque après tout je suis ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, vous raconter une histoire de chiffres : 1, 2, 3, 4, 5.
1 : c'est moins 1 % en termes de salaires.
2 : ce sont 2 années, les années 1999 et 2000.
3 et 4 : c'était la croissance au cours de ces deux années-là.
5 : c'est un chiffre qui était à mon avis une erreur historique, celui qui a été accolé au chiffre 3 pour faire les 35 heures.
Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées de l'UMP ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Cette logique était celle du « travailler moins pour gagner moins ». §
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Et 1, et 2, et 3, et 4, et 5...
Rires.
Mme Christine Lagarde, ministre. La logique que nous avons adoptée...
Le brouhaha persiste.
M. le président. Mes chers collègues, laissez le calme revenir, s'il vous plaît ! Ce n'est pas sérieux !
Le brouhaha continue.
Le brouhaha s'éteint lentement.
La logique que nous avons adoptée était une logique exactement inverse puisqu'elle consiste non pas à travailler moins et à gagner moins, mais à travailler plus et à gagner plus.
À nouveau quelques chiffres rapides : quatre heures supplémentaires par semaine, c'est la possibilité d'un treizième, parfois même d'un quatorzième mois pour les salariés.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Vous nous reprochez de ne pas nous occuper du chômage. Eh bien, le chômage, et depuis des mois, continue de baisser : actuellement, il est de 8, 1 %. Qui plus est, aujourd'hui, les chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, indiquent une poursuite de la baisse du nombre de chômeurs en France.
C'est à cause de la démographie ! Il n'y a pas d'emplois nouveaux, vous le savez bien !
Ce combat-là, nous sommes en train de le gagner.
Vous nous reprochez également de ne rien faire non plus en matière de négociation salariale. Je me contenterai de faire de nouveau appel à votre mémoire. Oh ! je ne remonterai pas très loin : le 23 octobre dernier, lors de la conférence « emploi-pouvoir d'achat », qui portait également sur le coût du travail, nous avons posé au nom du Gouvernement, sous la direction du Premier ministre François Fillon, le principe que l'allégement des charges serait subordonné à l'engagement de la négociation annuelle des salaires.
C'est un principe fondamental, et il devra s'appliquer dans les entreprises.
Nous en entendrons certainement parler de nouveau !
Alors, ne nous dites pas que nous ne faisons rien en matière de salaires et de pouvoir d'achat !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la table ronde « Mobilité et transports » organisée dans le cadre du Grenelle de l'environnement a conclu, à la fin du mois d'octobre dernier, au lancement de programmes de développement d'autoroutes maritimes sur la Méditerranée et la façade Atlantique.
Étant ligérienne, cette partie du territoire m'intéresse plus particulièrement. Le « merroutage », on le sait, participe à la protection de l'environnement. Il s'inscrit dans une perspective d'alternative au transport routier.
Cette décision a été fort bien accueillie par tous les acteurs qui travaillent depuis plusieurs années sur cette troisième voie autoroutière dédiée au trafic de marchandises à longue distance pour plusieurs raisons. En effet, la voie maritime est d'une durée plus courte. Par exemple, sur un parcours donné nécessitant vingt-deux heures de route, la voie maritime restreint ce laps de temps à quinze heures. En outre, cette option coûte deux fois moins cher que la route, ce même parcours revient à 400 euros au lieu de 810 euros. De plus, cela permet de décongestionner les axes terrestres, notamment pour le franchissement des Pyrénées. En outre, ce mode de transport présente l'énorme avantage - il va de soi - d'être beaucoup moins polluant.
Il existe déjà une ligne régulière avec plusieurs rotations par semaine entre Montoir, près de Saint-Nazaire, et Vigo, au nord de l'Espagne. Celle-ci connaît une progression de 16 % depuis le début de l'année.
Reste le coût des lignes financées, majoritairement, par les armateurs.
Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais savoir si le Grenelle de l'environnement peut contribuer à apporter un concours financier, et surtout à quelle hauteur ?
Par ailleurs, afin d'assurer la continuité à terre du transport par mer, il est nécessaire que soient réalisées des infrastructures ferroviaires et terrestres pour l'acheminement des camions et, bien sûr, des remorques.
Madame la secrétaire d'État, vous est-il possible de m'indiquer la participation financière que l'État prévoit d'apporter, avec l'Europe, dans ce dossier ?
Au-delà d'éventuelles aides espérées au lancement des lignes, il serait souhaitable d'imaginer de simplifier les formalités administratives et douanières afin de permettre aux remorques et aux bateaux d'opérer rapidement. Je vous remercie de répondre à ces questions.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je ferai un petit aparté.
Mes collègues et moi-même apprécions beaucoup que les membres du Gouvernement qui répondent aux dix questions qui ont été posées aujourd'hui soient toutes des femmes.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
C'est un moment historique ! Je voudrais vous féliciter, mesdames. Je remercie également MM. les ministres qui sont à leurs côtés, et en particulier le premier d'entre eux, auquel je rends hommage.
Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la sénatrice, je vous remercie de ce bel hommage.
Le Président de la République, en tirant les conclusions du Grenelle de l'environnement, a fixé un objectif de deux millions de trajets de camions en moins traversant la France en 2020, objectif, me semble-t-il, que nous pouvons tous partager.
La mise en place d'autoroutes de la mer fait partie de cette politique de report modal au côté du transport ferroviaire et fluvial.
Le transit de camions en provenance et à destination de l'Espagne et de l'Italie est, en effet, de moins en moins supportable, et c'est un constat que nous pouvons également tous partager. C'est la raison pour laquelle le Grenelle de l'environnement préconise « un programme de développement massif d'autoroutes maritimes ».
Sur la façade Atlantique, plusieurs lignes de cabotage existent déjà, comme la ligne maritime que vous avez citée, entre Nantes et Vigo.
Dans le cadre de l'appel à projets lancé conjointement par la France et par l'Espagne pour le projet d'autoroutes de la mer, les États ont choisi d'apporter un soutien financier sous forme d'une aide au démarrage, c'est-à-dire en fait de subventions aux opérateurs pendant les premières années d'exploitation. Plusieurs offres de qualité ont déjà été déposées début novembre et elles sont actuellement en cours d'examen conjointement avec l'Espagne.
Les conditions de financement - je le précise pour être exhaustive sur ce sujet - sont encadrées de façon très stricte par des règles communautaires auxquelles il nous faut, bien entendu, nous conformer. Les autoroutes de la mer figurent dans les projets prioritaires du réseau transeuropéen de transport, le programme Marco Polo II, elles sont éligibles aux fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional, le FEDER, et à la coopération transfrontalière. Nos dispositifs nationaux de financement s'inscrivent donc dans ce cadre, qui est à la fois utile et contraint.
En matière de financement, la France a d'ores et déjà programmé, pour commencer, un budget de 41 millions d'euros. L'Espagne a, pour sa part, prévu un montant maximal de 15 millions d'euros.
Pour ce qui est des simplifications douanières et administratives pour le trafic maritime, le constat que vous faites est partagé à travers l'Europe et la Commission européenne travaille d'ores et déjà à des éléments de simplification qui nous seront proposés prochainement.
Pour conclure, dans les suites du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement compte aller plus loin. C'est la raison pour laquelle, avec Jean-Louis Borloo, un comité opérationnel a été mis en place sur ce sujet comme sur d'autres, visant à mettre en oeuvre de façon concrète les propositions du Grenelle de l'environnement. Ce comité opérationnel accueillera tous les acteurs concernés pour faire des propositions très concrètes afin d'aller plus loin en matière technique et en matière financière, au-delà des 41 millions d'euros que j'ai déjà cités.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
...puisque c'est aujourd'hui la série et je m'en réjouis.
Madame le ministre de l'intérieur, après déjà deux questions et deux réponses concernant les dramatiques événements et la disparition tragique de Moushin et de Larami, après les violences faites aux policiers et aux pompiers - que je ne saurais oublier -, j'aimerais évoquer aussi les violences faites aux enseignants - il y a quinze jours, l'agression à l'arme blanche d'un principal-adjoint de collège -, tout cela nous indiquant - tous mes collègues l'ont dit quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cet hémicycle - qu'un climat de contestation de l'autorité, de l'ordre ou de la cohésion sociale peut être observé.
À cela, beaucoup de réponses sont possibles. Il va de soi qu'il s'agit - Fadela Amara y a très bien répondu, nous semble-t-il - de changer les mentalités, de résorber un problème d'éducation, de passer à l'emploi des jeunes ; nous nous en occupons dans nos villes, nos départements et nos régions. C'est une tâche qui nécessite des mesures d'urgence, madame le ministre, car les premières victimes sont les Français les plus modestes.
À cet égard, j'aimerais vous interroger sur le développement de la vidéosurveillance.
À l'image de ce qui se pratique en Grande-Bretagne avec des résultats encourageants, c'est un des moyens de confondre les auteurs de violences ou de dégradations. Et je voudrais le relier à l'assassinat il y a quelques jours dans le RER D d'Anne-Lorraine Schmitt car la vidéosurveillance a joué un rôle important pour confondre son meurtrier. Cette jeune femme s'est d'ailleurs comportée d'une façon héroïque, puisqu'elle s'est défendue contre son agresseur et c'est ainsi qu'il a pu être arrêté.
Madame le ministre, vous avez installé voilà quelques semaines au sein de votre ministère une commission nationale de la vidéosurveillance, dont font partie nos excellents collègues Jean-Paul Alduy et Christian Cambon.
Je souhaiterais que vous indiquiez au Sénat où en est cette commission et quels seraient les obstacles qui s'opposeraient à ce qu'elle aboutisse à des résultats concrets.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. André Vallet applaudit également.
Monsieur le sénateur, s'il est vrai que notre attention a été attirée principalement sur les événements ponctuels mais très violents de ces derniers jours dans certains endroits, c'est au quotidien et sur tout le territoire national que le ministère de l'intérieur doit assurer la protection de nos concitoyens.
La sécurité, c'est la première des libertés des Français, celle qui conditionne toutes les autres et c'est aussi la première obligation de l'État.
Or nous sommes dans une société qui bouge : la délinquance bouge, la violence bouge, les technologies bougent et il est normal que nous utilisions au mieux ces technologies à la fois pour essayer de prévenir les éléments d'insécurité de nos compatriotes, pour élucider, pour intervenir quand c'est possible. Et il est vrai que si le train où Anne-lorraine Schmitt a été sauvagement agressée et mortellement blessée avait été équipé de vidéosurveillance, on aurait sans doute pu intervenir tout de suite.
D'ailleurs, nos compatriotes ne s'y trompent pas. Alors que voilà quelques années ils étaient réticents à la pose de caméras, aujourd'hui plus de 78 % d'entre eux estiment que la vidéosurveillance les protège. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est important de parler, en effet, de vidéoprotection dans tous les endroits sensibles.
Il existe, en effet, un certain nombre de textes à l'élaboration desquels vous avez participé les uns et les autres et qui encadrent la vidéoprotection, mais il faut maintenant développer les moyens.
La mise en place de la commission n'est qu'un élément pour accompagner une politique qui a commencé dès aujourd'hui. Actuellement, nous sommes très en retard sur d'autres pays. Nous avons en effet très peu de caméras.
J'ai décidé de mettre en place sur la voie publique trois fois plus de caméras. Il y en a vingt mille aujourd'hui, l'objectif, qui n'est pas énorme, est de passer à soixante mille dans les deux ans car la protection doit se faire rapidement.
Mais ce qui est important aussi, c'est que nombre de communes et d'institutions se sont déjà dotées de caméras, et pour développer nos possibilités d'action, j'ai décidé de réaliser des raccordements avec les mairies et les institutions qui le souhaitent.
D'ores et déjà cette année, alors que vingt-deux communes sont reliées au commissariat national dans leur ville, vingt et une autres communes se sont inscrites pour être raccordées dans les prochaines semaines ou au début de 2008. L'objectif est d'en raccorder quatre-vingts d'ici à 2009. Nous aurons ainsi, avec tous les investissements de la RATP et de la SNCF, accompli de véritables progrès pour la protection de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ma question s'adresse à M. le Président de la République
...puisqu'il se veut et est responsable de la situation, en particulier de l'appauvrissement croissant de celles et ceux qui, parce qu'ils sont les plus nombreux, se voient réclamer tous les sacrifices.
Il est curieux d'ailleurs que le même Président de la République n'aspire pas encore à répondre aux questions d'actualité.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce que nous voulons savoir, c'est ce que nous devons répondre à toutes celles et à tous ceux que nous rencontrons et qui nous interrogent. À celles et à ceux qui nous demandent comment faire devant l'augmentation de 15 % depuis le début de l'année du prix du carburant, soit en moyenne 150 euros de plus par ménage, doit-on répondre que, pour aller travailler, ils n'ont qu'à prendre une bicyclette, selon votre originale suggestion, madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, même si vous vous gardez bien de renoncer à l'usage de votre propre voiture de fonction ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.
Que répondre à celles et à ceux qui se chauffent au fioul ? De changer de chaudière ou de s'installer à Agadir ?
Que répondre à celles et à ceux qui se plaignent que les loyers augmentent de 3 % par an depuis cinq ans, ce qui représente une dépense supplémentaire de 380 euros en moyenne pour un couple avec deux enfants ?
Que répondre aux 780 000 personnes âgées qui, dorénavant, paieront 116 euros par an de redevance audiovisuelle, alors qu'elles en étaient jusqu'à présent exonérées ?
Que répondre à celles et à ceux qui ont déjà du mal à vivre et à se soigner et qui, avec les franchises médicales, subiront, dès le 1er janvier 2008, un véritable impôt santé ?
Que répondre à celles et à ceux dont la retraite ne progresse pas et qui doivent faire face à de considérables augmentations des prix alimentaires, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...soit, depuis l'été, 8 % pour le pain - c'est ce qui s'appelle « mener les gens à la baguette » !
Exclamations sur les travées de l'UMP
Aujourd'hui, consommer 400 grammes de fruits et légumes par personne et par jour coûte, chaque mois, 60 euros pour un couple et 115 euros pour une famille avec deux enfants !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que pouvez-vous nous répondre, monsieur le Président de la République ? Nous le saurons ce soir !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.
Sourires.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis dans l'impossibilité de demander à M. le Président de la République de répondre à votre question !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Murmures sur diverses travées.
Sourires.
M. le président. Mes chers collègues, je sais que vous êtes nombreux à vouloir prendre ma place, mais, pour l'instant, c'est moi qui préside !
Nouveaux sourires.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, la retransmission télévisée étant achevée, je vais prendre le temps de répondre point par point à chacune de vos propositions, en vous rappelant quelques-unes des mesures que nous avons déjà prises.
Pour ce qui concerne l'augmentation des carburants, qu'avons-nous fait ?
Nous avons doublé, pour les ménages les plus modestes, la prime à la cuve, qui est passée de 75 euros à 150 euros.
C'est le bénéfice que les ménages modestes retireront de cette mesure lorsqu'ils rempliront leur cuve à fioul.
Par ailleurs, nous avons demandé à toutes les compagnies pétrolières de prendre l'engagement de lisser les hausses et de répercuter immédiatement les baisses des prix.
Il s'agit de mesures concrètes. Nous leur avons également demandé d'être transparentes et de nous communiquer en permanence l'ensemble des augmentations et des diminutions des prix à la pompe.
Vous pouvez toujours demander ! Mais ne vous faites pas trop d'illusions !
Voilà pour ce qui est des carburants.
S'agissant de la TIPP flottante, puisque vous m'incitez à vous répondre sur ce point, j'indique que ce mécanisme a coûté à la France 2, 7 milliards d'euros, pour une diminution du prix à la pompe d'à peine trois centimes !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce n'est donc pas véritablement une mesure efficace !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Vous avez ensuite parlé, monsieur le sénateur, de la conditionnalité des aides à l'ouverture de négociations sur les salaires. C'est une bonne mesure, que nous avons préconisée, et nous nous sommes mis d'accord avec un certain nombre d'organisations syndicales, lors de la conférence du 23 octobre dernier, pour lier les allégements de charges à la négociation annuelle sur les salaires, pour laquelle le sénateur Gérard Larcher avait beaucoup oeuvré en son temps...
...et que nous nous engageons à poursuivre.
Pour ce qui concerne les baisses des prix à la consommation, que proposez-vous ? Le blocage, une économie administrée ? Ce sont des recettes d'un autre âge !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Le Gouvernement vous proposera prochainement d'examiner le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Voilà qui est tout de même un peu plus innovant et plus moderne, et qui permettra, là aussi, de faire bouger les prix au bénéfice des consommateurs, la grande distribution devant répercuter dans ces prix de vente les baisses dont elle profitera sur les prix des produits.
Mme Christine Lagarde, ministre. J'en ai terminé, monsieur le président, mais je n'ai cité que quelques-unes des multiples actions que tous les membres du Gouvernement ont engagées, sous l'autorité de François Fillon, dans l'intérêt des Français.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation du Haut Conseil des collectivités du Mali, conduite par son président M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara.
M. le Premier ministre, Mmes, MM. les ministres, Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.
L'objet de cette mission est notamment de renforcer les compétences des conseillers nationaux et des cadres du Haut Conseil des collectivités du Mali en vue de sa transformation en Sénat, en s'inspirant du Sénat français.
Bravo ! et applaudissements
Je me réjouis de cette perspective, et je les encourage vivement dans cette voie.
Je formule enfin des voeux pour que cette visite contribue également à renforcer, d'une façon plus générale, les relations entre nos deux pays.
Je salue également la présence d'une délégation de parlementaires membres du groupe d'amitié du Sénat du Burundi
Applaudissements
, pays avec lequel nous entretenons des relations de coopération soutenues et particulièrement amicales. Mes chers amis, soyez les bienvenus ici au Sénat de la République française.
Nouveaux applaudissements.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous allons commencer l'examen des missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission : « Aide publique au développement », du compte spécial : « Prêts à des États étrangers » et du compte spécial : « Accords monétaires internationaux ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec une part du revenu national brut de 0, 42 % en 2007, la France ne respectera pas l'objectif fixé par le précédent président de la République d'un seuil de 0, 5 % du RNB pour notre aide publique au développement, APD.
Toutefois, mes chers collègues, cette inflexion n'est pas propre à la France, puisque l'APD des membres de l'OCDE a diminué de 5 % en 2006 pour la première fois depuis dix ans. Les prévisions pour 2008 tablent sur une augmentation de près de 1 milliard d'euros de l'aide française, mais rien n'est moins sûr.
Baisse de l'aide, préoccupation moins marquée lors des sommets du G8, report de l'objectif de 0, 7 % à une date lointaine, c'est-à-dire au moins 2015, essoufflement des initiatives d'annulations de dettes... Le contexte a bel et bien les apparences d'une fin de cycle. Pourtant, alors que nous sommes à mi-parcours de la trajectoire vers les Objectifs du millénaire pour le développement, OMD, nous savons déjà qu'il sera très difficile, voire impossible, de les remplir tous.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, fait son entrée dans l'hémicycle.
Madame le ministre, bonjour !
Les facilités internationales pour la vaccination et l'achat de médicaments et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, FMLSTP, auxquels la France contribue largement, donnent toutefois des raisons d'espérer sur les objectifs 4, 5 et 6, qui concernent la santé.
Comme vous le savez, la mission interministérielle que nous examinons aujourd'hui ne constitue qu'une fraction minoritaire de l'effort global d'APD notifié à l'OCDE. Elle en représenterait ainsi un peu plus du tiers en 2008. Une douzaine d'autres programmes budgétaires contribuent pour environ un tiers de l'APD, et le solde se répartit entre les prêts qui ne sont pas budgétairement comptabilisés, l'aide des collectivités territoriales, la quote-part du prélèvement sur recettes au profit du budget européen, et surtout, mes chers collègues, les annulations de dette, qui devraient encore s'élever à plus de 2 milliards d'euros, après 1, 3 milliard d'euros en 2007.
L'aléa sur ces prévisions d'annulation demeure cependant élevé, j'ajouterai comme tous les ans, car elles concernent en priorité la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo. Or la situation politique instable a conduit à reporter les accords avec le FMI et les annulations de dette bilatérale, notamment dans le cadre des contrats de désendettement-développement, que l'on appelle aussi C2D. Messieurs les ministres, madame le ministre, le Gouvernement a-t-il à présent une vision plus claire de ces perspectives d'annulation ? Mais je ne lui en voudrai pas s'il me répond qu'il n'en sait rien, puisque cela ne dépend pas que de nous.
En outre, le financement des C2D est désormais intégralement débudgétisé, en particulier par prélèvement sur le résultat de l'Agence française de développement, AFD. Je ne suis pas certain que cette procédure, qui s'apparente un peu, et même beaucoup, à une contraction de recettes et de dépenses, soit bien conforme aux principes du droit budgétaire français, notamment de la loi organique relative aux lois de finances.
La complexité de la comptabilisation est une donnée structurelle de l'APD, mais je m'interroge sur plusieurs points.
Sur le plan de la « nomenclature LOLF », je pense que certaines actions devraient sortir de la mission APD, telles la promotion de la culture française, la francophonie multilatérale et les dotations à trois fonds de dépollution et sécurité nucléaires. Inversement, d'autres pourraient y figurer, comme la quote-part de subvention aux organismes de recherche. Où en sont les réflexions des ministères concernés ? J'écouterai avec attention ce que nous dira le Gouvernement à ce sujet.
Il subsiste de réelles zones d'ombre sur les critères de notification à l'OCDE de dépenses qui comptent pour une part substantielle dans l'APD : écolage et aide aux réfugiés, qui représentent 15 % de notre aide en 2008, prise en compte des dépenses de recherche, forte hausse de l'aide à Mayotte et Wallis-et-Futuna.
Les explications très sommaires ou inexistantes, tant dans le document de politique transversale que dans les réponses aux questionnaires budgétaires, créent un malaise. Ces instruments ne sont-ils pas un moyen commode de « gonfler » notre aide dans une logique d'affichage ?
Les chiffres sont-ils fiables et conformes aux directives du Comité d'aide au développement, CAD, en particulier sur l'écolage ? Mes chers collègues, le Parlement doit en tout cas être mieux informé.
En termes d'organisation administrative et de mesure de l'impact de la politique d'APD, je relève les tendances suivantes.
Premièrement, la réduction et la clarification des intervenants de l'aide relevant pour l'instant de la gageure, les outils de pilotage et de coordination ont au moins été étoffés, ce qui était indispensable compte tenu du caractère fondamentalement interministériel de l'aide. Les documents-cadres de partenariat deviennent des instruments de référence, mais je m'interroge sur leur portée juridique et sur le respect de réelles priorités dans certains pays, par exemple à Madagascar.
Deuxièmement, l'externalisation auprès d'opérateurs publics est croissante et leurs relations avec le Quai d'Orsay sont de plus en plus structurées : regroupements d'organismes, par exemple au sein de CulturesFrance et de CampusFrance, conventions d'objectifs et de moyens, recours aux partenariats public-privé.
J'en tire au moins trois conclusions : l'AFD doit être juridiquement considérée comme un « opérateur LOLF » car elle l'est au moins dans les faits ; les subventions pour charges de service public aux opérateurs doivent être cohérentes avec l'augmentation du volume d'activités ; enfin, la Direction générale de la coopération internationale et du développement, DGCID, doit traduire dans son organisation et ses effectifs son recentrage sur des fonctions de stratégie, de pilotage et de coordination. C'est le sens d'ailleurs de deux des trois amendements que la commission des finances vous proposera tout à l'heure et qui sont relatifs à l'ADETEF, Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières, et au plafond d'emplois de la DGCID.
Troisièmement, la mesure de la performance s'est améliorée au niveau des administrations centrales, et les grands axes de la DGCID sont désormais beaucoup mieux restitués dans la présentation du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Il subsiste cependant des imperfections et incohérences, que je relève dans mon rapport.
De même, l'appropriation par le réseau culturel et de coopération est encore trop lente, même si le futur logiciel unique de gestion devrait contribuer à l'accélérer. Quand l'expérimentation actuelle pourra-t-elle être généralisée à l'ensemble des services de coopération et d'action culturelle, SCAC, afin que ceux-ci participent pleinement à la recherche, à la mesure et à la restitution de la performance ? C'est la question qui se pose.
Les canaux multilatéraux représentent une part importante de notre aide globale, plus d'un tiers en 2007. Cette fraction est de surcroît sous-évaluée en 2008, puisque la contribution au profit du FED me paraît sous-budgétisée à hauteur d'au moins 60 millions d'euros, chiffre qui a été vérifié avec le rapporteur général du budget puisque nous avions une petite différence d'appréciation à ce sujet. Les décaissements du Fonds européen de développement, FED, s'accélèrent de manière très sensible, et j'ai suffisamment critiqué son inertie dans le passé pour m'en réjouir aujourd'hui. Mais le FED n'agit trop souvent que comme un « sas » pour de nouveaux versements à des initiatives et fonds multilatéraux plutôt aveugles.
De même, le recours croissant à l'aide budgétaire est croissant. Certes, cette aide facilite l'harmonisation entre bailleurs et l'appropriation par le pays bénéficiaire, mais il y a deux écueils à éviter : les détournements faute d'une administration financière solide, et l'anonymat généralisé de l'aide, la dilution des apports de la France alors qu'on ne peut nier que l'APD est aussi un vecteur d'influence. En préalable de l'aide budgétaire, il y a donc la fiabilisation du contrôle financier et de la justice des pays aidés.
Je constate néanmoins que ce projet de budget ne sacrifie pas l'aide-projet, à laquelle, dans cette assemblée, nous demeurons très attachés, puisque c'est celle qui est visible sur le terrain et palpable par les bénéficiaires. L'AFD en est le principal attributaire, puisqu'elle bénéficie d'une hausse de ses subventions de près de 40 %, dans le cadre de ses nouveaux secteurs d'intervention et de son plan stratégique pour 2007-2011. Les administrateurs de l'Agence, à savoir le président Adrien Gouteyron et moi-même, s'en réjouissent !
Si j'approuve les principales orientations de ce plan, je maintiens que l'exposition croissante sur les pays émergents, tels que la Chine, l'Inde, le Brésil ou la Thaïlande, ne doit pas distraire l'Agence de son coeur de métier ni doublonner les instruments d'aide au commerce extérieur. Je serai donc, et la commission avec moi, particulièrement vigilant sur l'indépendance et les conclusions de l'évaluation qui sera conduite en 2008.
Pour terminer, je formulerai quelques observations sur le nouveau programme relatif au codéveloppement.
Je salue l'apparition dans ce débat de mon compatriote auvergnat M. le ministre Hortefeux.
J'avais souhaité la création du programme relatif au codéveloppement voilà quelques mois, au moment de la mise en place de son ministère.
À mon sens, cette approche du développement présente de nombreux avantages. Elle permet notamment de capitaliser sur les compétences des migrants, de les faire participer financièrement au développement de leur pays, de faire converger des intérêts des pays d'origine et d'accueil.
Pas du tout ! De grands Auvergnats ont contribué au développement de l'Afrique, madame !
Le programme budgétaire reçoit une dotation modeste, mais ses axes sont clairs et ses indicateurs peuvent encore être améliorés. Ce sera un succès ou un échec selon que le ministère chargé du codéveloppement saura travailler en étroite liaison avec le ministère de M. Bockel. Il serait en effet dramatique que, sur ces sujets-là, les deux ministères cherchent à se concurrencer ou à se lancer dans une compétition qui serait tout à fait fâcheuse. Nous verrons dans un an ce qu'il en est. Pour l'instant, il nous paraissait bon que chaque ministre dispose quand même de sa dotation propre en crédits.
En tant que membre de la commission des finances, je m'interroge également - le président Arthuis en a été témoin lorsque la commission de finances s'est penchée sur ce sujet - sur les perspectives du compte et du livret épargne codéveloppement.
Ces dispositifs sont techniquement bien calibrés, leur impact est certes positif en termes de communication, mais peut-on garantir que l'épargne ainsi constituée servira bien le développement ? En outre, la dépense fiscale correspondante devrait à mon sens être comptabilisée en aide publique au développement, car les niches fiscales ne sont pas indolores, ...
...elles constituent en réalité de véritables dépenses ! J'espère, madame, messieurs les ministres, que vous saurez faire les démarches nécessaires auprès du CAD pour que l'on parvienne à inclure cette niche fiscale dans nos dépenses d'APD.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sous le bénéfice de ces observations - que je ne compléterai pas en ce qui concerne les deux comptes spéciaux, puisqu'ils n'appellent pas d'autres observations particulières que celles qui figurent dans mon rapport et auxquelles je vous renvoie -, la commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, de voter les crédits de cette mission et ceux des deux comptes spéciaux qui lui sont liés, sous réserve des amendements que la commission a approuvés et que j'aurai l'honneur de vous présenter tout à l'heure.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et au banc des commissions.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen de la mission « Aide publique au développement » recouvre aussi, bien que cela soit loin d'être évident, des crédits consacrés à la francophonie, qui sont inscrits en partie au sein du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement », et en partie dans les missions « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Médias ». C'est une première difficulté, sur laquelle je reviendrai.
Globalement, l'effort financier de la France en faveur de la francophonie demeure important en 2008. Il est proche du niveau des années précédentes, et je m'en réjouis.
Ainsi, 58, 4 millions d'euros sont consacrés à l'organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs, ce qui démontre la constance de l'engagement français.
Plus de 15 millions d'euros sont inscrits dans la sous-action « Langue française et diversité linguistique » du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État ». Ils seront en particulier utilisés pour mettre en oeuvre le plan de relance du français, notamment en Europe, qui est, selon moi, un axe essentiel de notre politique francophone.
TV5 Monde bénéficie d'une légère hausse de ses crédits, qui sont portés à 65, 7 millions d'euros sur le budget de l'État, un dégel récent étant en outre intervenu pour pallier les difficultés. C'est la chaîne de la francophonie, et il faut la soutenir !
Les crédits de la délégation générale à la langue française et aux langues de France sont, quant à eux, maintenus autour de 4 millions d'euros.
En dépit de ces enveloppes satisfaisantes, l'examen des crédits de la francophonie pour 2008 provoque chez moi une certaine impression de déjà vu. En effet, la France, année après année, consacre des sommes importantes à une politique qu'elle pilote mal et dont elle ne semble pas toujours convaincue.
Les majorités changent ; les gouvernements changent ; mais la responsabilité du domaine de la francophonie continue à être confiée à un secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération et de la francophonie.
C'est vrai !
Est-ce bien pertinent ? Comme les années précédentes, je répéterai que je ne le crois pas. La coopération et la francophonie ne concernent pas les mêmes pays. D'une part, ce n'est pas la même géographie et, d'autre part, l'histoire et la force des choses condamnent le secrétaire d'État à s'occuper, pour l'essentiel, de la coopération. Je ne vous en fais pas grief, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous intente pas non plus un procès d'intention, mais vous ne disposez pas d'une autorité directe et totale sur la direction générale de la coopération internationale et du développement, ...
...qui dispose de l'essentiel des moyens. Il est par ailleurs difficile de mener une action concertée avec le ministère de la culture, qui a la responsabilité de la langue française en France. Par conséquent, les secrétaires d'État qui se succèdent, y compris ceux qui sont connus pour leur engagement en faveur de la francophonie, ont du mal à piloter des projets dans une telle situation.
Je répète donc, une fois de plus, qu'un vrai changement nécessiterait de réunir dans une même main les relations culturelles extérieures, la francophonie et l'audiovisuel extérieur de la France, au sein du ministère chargé des affaires étrangères.
Rien n'a bougé non plus quant à l'idée que l'on se fait de la francophonie. Elle attire chaque année des pays supplémentaires. Mais jusqu'où irons-nous dans cette expansion ?
Je considère que la vision de la francophonie à travers le prisme étatique est insuffisante : la francophonie a vocation à concerner le monde entier, parce qu'il y a partout sur la planète des hommes et des femmes qui aiment la langue française, qui la pratiquent, qui souhaitent échanger en français, lire des journaux ou des livres français. La francophonie est ainsi, avant tout, une notion linguistique. Privilégions donc la notion de réseau mondial, plutôt que ce rassemblement d'États plus ou moins francophones.
Ce fut par ailleurs un beau combat que celui auquel a contribué le monde francophone en faisant adopter par l'UNESCO une convention en faveur de la diversité culturelle, et donc linguistique. Mais nous n'en tirons pas toutes les conséquences. Pour défendre la diversité culturelle et linguistique, il faut veiller à ce que les langues gardent la capacité à exprimer les réalités du xxie siècle. Sommes-nous, sur ce point, suffisamment vigilants ?
Nous nous résignons à ce que le français soit de moins en moins utilisé dans le domaine des sciences. Croit-on vraiment - c'est à mon avis un point essentiel - qu'une langue qui n'est plus employée pour exprimer la création nouvelle, la découverte, la modernité, peut rester une langue dont le rayonnement est mondial ? Le débat sur le protocole de Londres a montré que cette évidence est loin d'être toujours comprise.
Beaucoup de Français, surtout ceux qui ont des responsabilités, semblent se résigner au repli de l'usage du français sur la sphère privée. Le prétexte du coût des traductions est souvent mis en avant. Oui, la traduction a un coût, mais il n'est pas aussi élevé qu'on veut bien le dire. Et le recours à la traduction, avec l'apprentissage des langues étrangères, est la seule façon de permettre aux langues de s'exprimer sur tout et de favoriser un véritable dialogue entre les différentes aires linguistiques.
Parce que j'aime et respecte le français, j'aime et respecte toutes les langues : je fais donc le choix d'un monde qui traduit, et c'est dans ce monde-là que la francophonie peut trouver sa raison d'être.
En conclusion, en dépit des réserves que j'ai émises quant à l'absence de vision stratégique de l'action francophone, notamment, la commission des affaires culturelles est favorable à l'adoption de ces crédits, dont le montant, je le répète, est globalement satisfaisant.
Je vous poserai enfin trois questions, monsieur le secrétaire d'État.
Où en est le projet de la Maison de la francophonie, dont les problèmes ne doivent pas être imputés aux services chargés de la francophonie ?
Où en est le chantier de la réforme de l'audiovisuel extérieur et quelle est votre ambition pour TV5 Monde ?
Enfin, le Gouvernement va-t-il inciter l'Assemblée nationale à examiner enfin la proposition de loi de notre excellent collègue Philippe Marini, par ailleurs rapporteur général, adoptée à l'unanimité par le Sénat, qui compléterait heureusement la loi Toubon ? Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous apporter des éclaircissements sur ces points.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Devant notre commission, monsieur le secrétaire d'État, vous avez utilisé l'expression « pause dynamique » pour qualifier l'évolution de l'aide française au développement. Après cinq années de progression, cette aide se stabilise en effet cette année, pour la première fois depuis longtemps.
L'objectif d'y consacrer 0, 7 % de notre richesse nationale reste cependant notre horizon, le Président de la République s'y est engagé, et cet engagement sera tenu. Mais, dans l'immédiat, cette « pause dynamique » nous oblige à faire des choix pour respecter notre impératif d'efficacité.
Nous devons d'abord faire un choix d'organisation : depuis 1998, notre dispositif d'aide est sans cesse revu, toujours dans l'attente d'une réforme ultérieure. Nous devons le stabiliser, conforter les personnels qui le servent et donner une vision claire à tous.
Nous devons ensuite faire un choix géographique : la France ne peut pas tout faire partout. L'urgence est en Afrique et les attentes à l'égard de notre pays sont en Afrique francophone. Concentrons donc nos moyens ; choisissons les secteurs où nous sommes les plus efficaces et les plus demandés.
Il faut enfin effectuer des choix stratégiques, s'agissant des instruments à mettre en oeuvre pour obtenir les résultats attendus.
Ne l'oublions pas, nos contributions multilatérales ne doivent pas répondre à une simple logique de dépense. Ne cédons pas à la facilité de faire des chèques, mais demandons-nous ce que nous attendons exactement de telle ou telle institution. Quelle est celle qui sera la plus positive, la plus réaliste, la plus performante ?
À cet égard, il n'est pas certain que notre contribution au FED, le Fonds européen de développement, soit suffisante : elle pourrait atteindre plus de 860 millions d'euros si la Commission européenne n'accède pas à la demande de lissage sur plusieurs années que les gouvernements allemand et français ont formulée devant la véritable envolée des contributions. Je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le secrétaire d'État, quel accueil a été réservé par la Commission européenne à cette demande.
Dans le même esprit, il serait à tout le moins paradoxal d'augmenter nos contributions volontaires avant l'aboutissement des réformes du système de développement des Nations unies et d'affranchir, dans cette période de difficultés budgétaires pour la France, les organisations multilatérales de la rigueur à laquelle nous soumettons nos propres instruments.
Tout effort supplémentaire devrait s'effectuer au sein même de l'enveloppe multilatérale actuelle, sous peine de mettre en péril nos instruments bilatéraux.
En effet, la préservation des instruments de l'aide-projet ne s'effectue, comme dans le budget de 2007, qu'au prix d'une sollicitation de la totalité du résultat de l'Agence française de développement, l'AFD. Notre budget peine à dégager de l'argent « frais » pour l'aide bilatérale, et ce sont les intérêts des prêts de l'Agence qui financent les subventions.
Je ne suis pas hostile à cette forme de recyclage de l'argent du développement, au contraire, et je ne peux qu'apprécier une fois de plus la parfaite gestion de l'AFD et la qualité de cette direction. Mais justement, pour cette raison, je vous invite à la vigilance pour tout ce que nous demandons actuellement à l'Agence, en nous fondant sur son bilan et en ayant l'impression que ses possibilités sont inépuisables.
L'Agence doit pouvoir prendre des risques, ce qu'elle s'apprête à faire en intervenant de nouveau sur prêts dans le cadre d'une ambitieuse stratégie pour l'Afrique. Mais n'oublions pas que le rôle de l'AFD sera non seulement précieux, mais également indispensable dans le développement de l'union des pays riverains de la Méditerranée, union que la France s'efforce de promouvoir. Nous devons conserver ce point en mémoire et ne pas hypothéquer l'avenir.
Cela étant dit, le déclin de nos instruments bilatéraux, qui semblait inexorable, est enrayé : les crédits progressent de 9, 4 %, et il importe donc désormais de renouer avec une stratégie offensive en matière d'assistance technique. Les coopérants ne font pas obstacle, bien au contraire, à une démarche de partenariat : ils sont désormais recrutés et payés par les pays bénéficiaires. Il y a un grand besoin de renforcement des capacités en Afrique, et le nombre d'assistants techniques devrait être augmenté ; c'est la condition même d'une absorption utile de l'aide et ce serait une faute d'en priver nos partenaires.
Telles sont, madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, les principales observations de la commission des affaires étrangères. Certes, les crédits n'augmentent pas, mais les orientations sont positives. Elles devront être confortées, au service d'une vision claire des besoins et d'une vraie stratégie.
La tâche est gigantesque, mais passionnante, car il faut souligner que nous sommes désormais sortis de la phase d'ajustement structurel en Afrique. Il y a actuellement place pour un nouvel élan, une nouvelle ambition. Il convient maintenant d'optimiser la « pause dynamique » que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État, afin de la rendre réellement dynamique. C'est dans cet esprit que la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Georges Othily applaudit également.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Tasca.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la mondialisation, c'est plus d'échanges de toutes sortes dans le monde. Cela ne signifie pas pour autant, loin s'en faut, moins de conflits et moins d'inégalités. Organiser les solidarités à l'échelle de la planète, en particulier en direction des pays du Sud, c'est une responsabilité qui nous incombe, avec d'autres, mais sans doute aussi plus qu'à d'autres, en raison de notre histoire, du poids de la France et de l'Europe.
La politique française en faveur du développement devrait traduire en actes cette priorité. Or le budget de la mission « Aide Publique au développement », que le Gouvernement nous présente aujourd'hui, constitue à mes yeux une révision à la baisse de cette ambition.
Je souhaite évoquer plusieurs points qui posent particulièrement problème : l'abandon d'objectifs chiffrés qui engageaient la France, le gonflement artificiel de l'aide multilatérale au détriment de l'aide bilatérale, l'insuffisant soutien aux ONG, les organisations non gouvernementales, et le nouveau programme « Codéveloppement », qui risque fort de ressembler à un faux nez.
Je commencerai par les objectifs abandonnés ou différés.
La France s'était engagée à atteindre l'objectif de consacrer au moins 0, 7 % de sa richesse nationale à l'Aide publique au développement d'ici à 2012. Depuis 2005, cet objectif a déjà été revu à la baisse, puisque, avec nos partenaires européens, il a été repoussé à 2015. Le Président Sarkozy a confirmé cet engagement à l'occasion du dernier sommet du G8. Cette annonce repousse encore de trois ans, donc au prochain quinquennat, l'atteinte d'un objectif pourtant adopté par la communauté internationale voilà déjà plus de trente ans. Au rythme actuel, je ne vois pas comment nous parviendrons à tenir effectivement cette échéance.
Après plusieurs années d'augmentation, les crédits de l'APD ont en effet reculé en France, si l'on considère l'exécution du budget 2007 : 0, 42 % du revenu national brut, contre 0, 47 % en 2005 et en 2006. Je rappelle que, en 2002, la France s'était fixé comme objectif intermédiaire 0, 50 % du RNB pour 2007. Ce rendez-vous a également été manqué.
Le budget réel 2007 a donc constitué une rupture regrettable, à rebours des engagements internationaux de la France.
Compte tenu du fait que le montant des annulations de dettes inscrit dans les statistiques de l'APD française entamera une forte décrue à l'horizon 2010 ou 2011, il faudrait que l'APD devienne une véritable priorité budgétaire de l'État, et ce de manière conséquente et régulière tout au long de la législature. On en est très loin.
Bien sûr, le niveau d'APD prévu pour 2008, d'un montant de 8, 77 milliards d'euros, soit 0, 45 % du RNB, est en augmentation de 931 millions d'euros si on le compare aux prévisions d'exécution du budget 2007.
Mais, dans l'hypothèse probable d'un nouveau retard des annulations de dettes de la République démocratique du Congo et de la Côte d'Ivoire, l'APD française en 2008 sera en réalité en stagnation, voire à nouveau en diminution.
Madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour éviter un nouvel écart majeur entre l'objectif affiché et la réalisation effective ?
Plutôt que de préparer la forte progression de l'APD nécessaire au respect de l'engagement des 0, 7 %, votre projet de loi de finances pour 2008, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, aligne la mission APD sur la règle générale de la croissance zéro des dépenses publiques.
Dans ce cas, pourquoi continuer de faire croire à des objectifs dont on sait à l'avance qu'ils ne seront pas respectés ? Cela entame forcément la crédibilité de la France vis-à-vis de nos partenaires du Sud, comme de nos voisins européens.
Le deuxième défaut de ce budget est une mauvaise répartition interne des crédits.
Précisément, la France s'est engagée à contribuer de manière importante à plusieurs fonds multilatéraux d'aide au développement, comme le Fonds européen de développement, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'Agence internationale de développement de la Banque mondiale.
Tout en saluant cet effort, comme l'ont fait de nombreuses ONG, nous regrettons qu'il ne soit guère articulé avec les outils actuels de l'APD française.
En outre, et surtout, l'augmentation de l'aide multilatérale n'est pas additionnelle et s'opère au détriment de l'aide bilatérale. Ainsi, les crédits des programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en voie de développement » sont en baisse par rapport à la loi de finances pour 2007. Malheureusement, l'aide bilatérale semble faire figure de variable d'ajustement afin de tenter d'honorer les engagements européens et multilatéraux de la France.
D'ailleurs, certaines contributions, comme celle du Fonds européen de développement, ont sans doute été sous-budgétisées dans le projet de loi de finances pour 2008, ce qui signifie donc un risque de redéploiement en cours d'exercice, encore au détriment de l'aide bilatérale, j'imagine.
Du point de vue de la politique globale d'aide au développement, je pense pourtant que la France doit garder des instruments d'actions variés et efficaces ; l'aide bilatérale en est un, et il ne faut pas l'abandonner.
En outre, cette baisse de l'aide bilatérale est durement ressentie sur le terrain par les acteurs français de la coopération. Parmi eux figurent naturellement les ONG. Je rappelle que, malheureusement, la France est toujours le dernier pays de l'OCDE pour la part de son aide publique au développement transitant par les ONG : un peu plus de 1 %, contre 8 %, par exemple, pour le Royaume-Uni et pour l'Allemagne.
Certes, le Président de la République a confirmé l'engagement de son prédécesseur de doubler cette part d'ici à 2009, mais, là encore, on a de sérieuses raisons de douter de sa réalisation effective.
Beaucoup d'ONG s'inquiètent à juste titre du fait qu'une partie de leurs crédits n'apparaît plus dans le projet de loi de finances pour 2008. Il y a là une réorientation à faire d'urgence.
La surmédiatisation de la récente mésaventure d'une pseudo-ONG au Tchad ne doit pas occulter l'immense travail effectué par les ONG françaises, particulièrement en Afrique. Beaucoup d'entre elles se sont engagées dans un dialogue sérieux avec les pouvoirs publics, notamment sous le label Coordination Sud. Ne les décevez pas.
J'ai aussi noté une illustration des incohérences de votre projet de budget à propos de la contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
La France est un des principaux contributeurs de ce fonds. Sa contribution a été doublée depuis 2005, ce qui constitue un effort notable. Elle s'est engagée, lors de la conférence de reconstitution du Fonds sida, en septembre dernier, à y contribuer pour 900 millions d'euros par an sur la période 2008-2010.
Pourtant, seuls 280 millions d'euros sont inscrits dans le budget pour 2008 en crédits de paiement, contre 300 millions d'euros en 2007, soit une baisse de 7 %. En outre, il n'est même pas sûr que ces 300 millions d'euros prévus l'année dernière soient réellement affectés cette année dans leur intégralité.
Il est pourtant essentiel que la France honore ses engagements dans ce secteur crucial. Et il n'est pas normal que les recettes levées par le biais de la taxe sur les billets d'avion soient utilisées pour financer la contribution de la France au Fonds sida, alors qu'elles sont en principe destinées à UNITAID, c'est-à-dire au financement et à l'approvisionnement en médicaments des populations qui en ont le plus besoin.
Enfin, les objectifs réels et les moyens du programme dit « Codéveloppement », ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le programme 301 « Codéveloppement » constitue une innovation budgétaire. Il se voit doté de 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros en crédits de paiement, ces crédits provenant d'ailleurs pour une bonne part du redéploiement des programmes 110 et 209 précédemment cités.
Ne nous y trompons pas : les trois actions engagées, « aides multilatérales en faveur du codéveloppement », « aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d'origine », « autres actions bilatérales de codéveloppement », sont, en réalité, presque entièrement centrées sur le contrôle des flux migratoires et l'accompagnement des retours. Ce n'est évidemment pas une surprise quand on connaît l'intitulé de votre ministère et votre politique de l'immigration, monsieur Hortefeux. Le volet « codéveloppement » de chaque accord avec les pays d'origine n'est en fait destiné qu'à « vendre » ces accords aux pays réticents - et l'on peut comprendre leurs réserves.
Pour ma part, je regrette ce mélange très préjudiciable entre une partie de la politique d'aide publique au développement et la politique dite de « maîtrise des flux migratoires ».
C'est ce type de confusion qui pèse, par exemple, sur la gestation du Centre d'information et de gestion des migrations de Bamako. Qu'en est-il de ce projet aujourd'hui, monsieur le ministre ?
Les migrations sont largement dues à la misère, qui sévit dans de trop nombreux pays. La politique française d'aide au développement doit se centrer sur l'éradication de la pauvreté, plutôt que d'empêcher les hommes et les femmes de la fuir.
Je préférerais, madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, que l'on replace le codéveloppement dans le cadre d'une coopération partenariale ambitieuse avec les pays du Sud, dont beaucoup - faut-il le rappeler ? - appartiennent, tout comme nous, à l'ensemble francophone.
Obtenir une réelle implication des pays d'origine est la condition première de la réussite d'une politique d'aide au développement. Ce n'est certainement pas la perspective ouverte par ce budget avec vos engagements revus à la baisse.
Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe socialiste du Sénat et moi-même voterons contre votre projet de budget.
J'ajoute, madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, que l'une des conditions de la réussite du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement est aussi que, dans l'hémicycle, les ministres prêtent attention aux propos des parlementaires !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen de ce projet de budget de la mission « Aide publique au développement », je souhaite attirer votre attention sur un cas particulier, qui nécessite une aide « à l'envers », si je puis dire, c'est-à-dire vers la France. C'est une question de morale et d'éthique, et je m'en explique.
Depuis mon élection au Sénat, voilà neuf ans, ...
Sourires.
...j'attire sans relâche l'attention du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération sur le cas de nos compatriotes retraités d'Afrique, problème que Mme Brisepierre connaît bien.
Alors qu'ils ont travaillé et cotisé aux régimes obligatoires de sécurité sociale locaux, conformément aux conventions bilatérales, ils ne perçoivent pas, en retour, leur pension de retraite des caisses africaines de sécurité sociale.
S'ils résident aujourd'hui généralement en France, ils ont passé la majeure partie de leur vie active en Afrique et ne possèdent bien souvent pas d'autres sources de revenus que ces retraites - qu'ils ne touchent pas -, qui sont déjà réduites de moitié en raison de la dévaluation du franc CFA en 1994. Beaucoup d'entre eux se retrouvent à devoir quémander les minima sociaux, alors qu'ils ont travaillé et cotisé pendant toute leur vie active.
Allons-nous attendre encore des années pour que, une fois tous ces compatriotes retraités décédés, le problème disparaisse avec eux ?
Mes chers collègues, c'est une situation intolérable !
Certes, des solutions ont déjà été apportées dans de nombreux pays. À Djibouti, par exemple, la situation s'est améliorée pour certains de nos ressortissants, et ceux qui attendent encore, et ce depuis des années, la liquidation de leurs droits à pension, le paiement des arriérés ou le versement régulier de leur pension, ne sont plus très nombreux
En revanche, au Congo, ce sont des centaines de personnes qui sont piégées par une mauvaise volonté institutionnalisée. Et malgré tous les efforts déployés depuis une dizaine d'années - Mme Brisepierre s'y était engagée dès avant mon élection au Sénat -, la France n'est pas parvenue à convaincre son partenaire de régler les arriérés et de verser les pensions courantes.
Certes, me direz-vous, le Congo a versé, en septembre dernier, 184 000 euros à une centaine de retraités, mais les arriérés s'élèvent à 16 millions d'euros et concernent 505 retraités français. Il s'agit là des chiffres officiels résultant de l'audit réalisé sur place, au début de l'année, à la demande du ministère des affaires étrangères, par un grand cabinet international d'audit, au-dessus de tout soupçon, et dont je peux vous communiquer le nom hors séance publique.
Nous pensons que ce versement est moins un signe de bonne volonté qu'une manoeuvre dilatoire destinée à empêcher la France de prendre les mesures qui s'imposent.
La preuve en est que le Congo souhaite renégocier le fameux Document-cadre de partenariat, ou DCP, qui le lie France, et qui a été signé voilà quelques mois, en mars, me semble-t-il. On comprend mieux son souhait quand on sait que le calendrier de paiement des arriérés de pension est lié à ce fameux DCP, qui stipule : « En cas de difficulté, la France pourra ajuster en conséquence son aide publique au Congo ».
Je considère qu'il y a une difficulté et que la France doit donc ajuster son aide publique au Congo.
Prélever le montant des arriérés sur l'aide publique accordée au développement du Congo est, en effet, la seule solution dans le cas de ce pays. Le Président de la République ne s'y est d'ailleurs pas trompé, puisqu'il subordonne la renégociation du DCP au paiement total des arriérés de pension.
J'ai donc déposé un amendement en parfaite conformité avec le DCP, visant à la création d'un programme - c'est une nécessité - intitulé « Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement ». Doté de 16 millions d'euros, ce programme est destiné uniquement à l'apurement de la dette de l'État congolais à l'égard de nos retraités.
En effet, il est incompréhensible et inadmissible de continuer à verser de l'argent au Congo, alors que nos ressortissants retraités en sont réduits à mendier le minimum vieillesse parce que le Congo, qui n'est pas aujourd'hui en difficultés financières, bien au contraire, compte tenu de la manne pétrolière et des récentes découvertes sur son territoire, ...
...persiste à ne pas payer les retraites.
Mes chers collègues, l'adoption de cet amendement prouverait la solidarité de la France envers ses ressortissants français du Congo, en permettant de régler enfin et définitivement leurs arriérés de pension grâce à la création d'un programme qui leur est dédié Ce serait également un signal fort, au regard de tous les États défaillants, quant à la volonté de notre pays de faire respecter les obligations réciproques qui découlent des conventions bilatérales. Nous sommes à une époque où la réciprocité devrait être respectée par tous !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Georges Othily applaudit également.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, à la suite de l'Appel mondial contre la pauvreté, lancé à Porto Alegre en 2005, on se souvient que les États européens, notamment la France, avaient, à grand renfort de promesses, annoncé que l'aide en direction des pays les plus pauvres augmenterait.
Deux années se sont écoulées et ce projet de budget, qui affiche un véritable recul, révèle, me semble-il, que tel n'est plus la priorité du Gouvernement.
L'année 2007 aurait dû être une étape décisive, d'autres l'ont dit avant moi, et constituer un palier symbolique. L'aide aurait dû franchir la barre des 0, 5 % du revenu national brut. Il n'en est rien : l'effort de la France est ramené à 0, 42 %, alors que les crédits consacrés par nos amis anglais, allemands et espagnols sont en progression sensible.
Il s'agit là, je le répète, d'un véritable recul. L'Afrique est d'ailleurs le premier continent touché. À ce rythme, il est malheureusement probable que les objectifs du Millénaire pour le développement ne seront pas respectés à l'horizon de 2015.
L'Afrique, dont a parlé le chef de l'État à Dakar au mois de juillet dernier dans un discours empreint de suffisance que beaucoup de nos amis africains ont vécu comme une humiliation, reste au premier rang des continents frappés par la misère, dans un monde qui compte actuellement 800 millions de personnes souffrant de la faim, des milliers d'enfants qui font la guerre ou un travail harassant, tandis que 300 000 d'entre eux meurent de maladies qui pourraient être soignées.
Il est temps d'agir. Sur cette question, le document budgétaire qui nous est soumis ne nous aide pas à cerner la réalité de l'aide de l'État aux pays en voie de développement. Les allégements et les annulations de dettes représentent encore une part non négligeable en volume de crédits, mais ils ne suffisent pas à masquer la réalité d'un budget en baisse.
Que prévoirons-nous, madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, pour maintenir ou augmenter nos efforts quand ces lignes budgétaires n'existeront plus ? Rien n'est fait pour lever nos inquiétudes quant à la clarté et à l'efficacité de notre aide sur le terrain. Ainsi, il est question d'une annulation de dette de 2 milliards d'euros en faveur de la Côte d'Ivoire et de la République démocratique du Congo. Or on sait que la France a été à l'initiative d'une proposition à l'ONU visant à poursuivre la restriction des aides destinées notamment à la Côte d'Ivoire. La question se pose alors : ce budget est-il sincère ?
Pourtant, vous le savez, mes chers collègues, la représentation internationale doit se concentrer sur les objectifs du Millénaire pour le développement, classés comme prioritaires par le Programme des Nations unies pour le développement : éliminer l'extrême pauvreté et la faim, en Afrique subsaharienne, où 50 % de la population vit avec moins d'un dollar par jour ; assurer une éducation primaire pour tous ; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ; réduire la mortalité infantile ; améliorer la santé maternelle ; combattre le sida, le paludisme et autres maladies - bien qu'elle ait doublé dernièrement, grâce à la taxe sur les billets d'avion, la contribution de la France à l'ONUSIDA n'en reste pas moins nettement insuffisante et peu valorisée : 7 millions de personnes dans les pays en voie de développement attendent un traitement contre le sida - ; assurer un environnement durable - en Asie occidentale par exemple, 80 % des habitants n'ont pas accès à l'eau potable - ; mettre en place un partenariat mondial pour le développement, en poursuivant la mise en place d'un système commercial et financier fondé sur des règles non discriminatoires.
Le Fonds européen de développement, principal instrument de la coopération entre la Communauté européenne et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ACP, y participe, de façon moins importante que l'année dernière, la contribution de la France s'élevant cette année à 725 millions d'euros. Je plaide bien sûr pour un renforcement de ce fonds. Nous avons eu l'occasion d'en débattre récemment, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi relatif aux accords de partenariat ACP-CE. J'ai voté contre ce texte, qui ne respecte en aucune façon nos partenaires des pays ACP. Eux-mêmes le disent avec force : accordez-moi que le président Abdoulaye Wade, qui s'est récemment exprimé à ce propos dans Le Monde, n'est pas le dernier recruté d'une cellule communiste de la Seine-Saint-Denis !
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Sourires.
C'est pourquoi il serait infiniment plus réaliste de repousser la signature de cet accord et d'envisager une période transitoire, afin que les négociations puissent continuer.
Même si 984 millions d'euros sont consacrés à l'aide financière aux pays en voie de développement - qui est gérée par le ministère des finances -, ce qui représente une hausse de 13 %, c'est peu, compte tenu des objectifs prioritaires que je viens d'énumérer. Et le problème de la dette est loin, très loin d'être résolu. Ainsi, le Kenya ne pourra pas réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement tant que 40 % de son budget sera consacré au remboursement de la dette.
On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement de l'Agence française de développement, qui n'aurait utilisé que la moitié des 327 millions de crédits qui lui ont été alloués pour 2007.
Je souhaite formuler une observation particulière sur l'aide apportée aux organisations non gouvernementales, les ONG. Dans un contexte particulier, celui de l'affaire de l'Arche de Zoé dont les activités apparaissent condamnables - tout le monde s'accorde sur ce point -, certains voudraient profiter de l'occasion pour jeter l'opprobre sur ces associations.
Je renouvelle donc plus que jamais mon souhait de voir soutenir ce type de coopération qui reste encore trop timide : les ONG reçoivent 1 % du budget total de l'Aide publique au développement. Ces crédits ne sont pas des plus lisibles...
...et influent sur l'action et l'efficacité des ONG sur le terrain. Celles-ci sont terriblement désappointées par la faible évolution des pays en voie de développement, par l'échec des politiques successives mises en place depuis des décennies et par le comportement de certaines élites, peu scrupuleuses du bien-être de leur population. Elles ont donc le sentiment, tout comme nous d'ailleurs, que leur action difficile - je tiens à le souligner - ne profite que très peu aux populations concernées.
Enfin, je terminerai mon propos sur un problème purement politique mais qui ternit néanmoins sensiblement l'image de la France en Afrique et dans le monde, à savoir la délimitation des compétences entre le ministère de la coopération et de la francophonie et le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Ce dernier ministère, nouvellement créé sur fond de politique de l'immigration encadrée par des statistiques ethniques et autres tests ADN
Mme la ministre s'offusque
Les pays riches, quoi qu'on en dise, sont favorisés dans les négociations commerciales face aux pays pauvres. Le Président de la République souhaite un « nouvel ordre mondial ». Soit ! Mais nous exigeons qu'il soit guidé par des motivations d'humanité, de justice et d'équité sociale.
Ne considérant pas que ce soit là la priorité affichée du Gouvernement, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas les crédits que vous nous proposez et demande que la représentation nationale soit saisie plus régulièrement, afin qu'elle exerce son rôle de contrôle de la politique étrangère du Gouvernement.
Le développement des pays du Sud ne peut être lourdement hypothéqué par des choix totalement incompris de nos partenaires africains. La poursuite d'une telle politique briserait la dynamique nécessaire d'un codéveloppement partagé entre la France, l'Europe et l'Afrique.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la continuité, me semble-t-il, prévaut dans notre politique d'aide au développement. Depuis la création du ministère de la coopération au début des années soixante, l'effort français ne s'est jamais démenti.
Certes, il existe toujours un décalage entre les objectifs déclarés et les résultats obtenus : cette mission est sans doute l'une des rares qui peut provoquer l'indignation, dès lors que ses dépenses ne sont pas toutes engagées. Le caractère virtuel des annulations de dettes, qui dépendent des réformes menées par les États - je pense aux opérations financières engagées l'année dernière en faveur de la Côte d'ivoire et de la République démocratique du Congo -, compromet la véracité budgétaire.
De même, le récent rapport du Programme des Nations unies pour le développement indique que l'objectif défini par la déclaration de Paris dans le cadre du Millénaire pour le développement d'atteindre 0, 7 % du revenu rational brut des États développés d'ici à 2015 risque d'être difficilement atteint.
Toutefois, peut-on inverser les termes du problème ? Ne nous focalisons pas autant sur l'état de pauvreté - indéniable - d'une grande partie du monde. Demandons-nous plutôt ce qu'il serait advenu sans les actions menées depuis plus d'une quarantaine d'années. Le principal enjeu porte bien, aujourd'hui, sur l'efficience de notre politique d'aide au développement
Ainsi, les critères de ce que l'on pourrait appeler « l'efficience exogène » doivent être clairement définis. Et l'on ne peut que louer la démarche engagée en ce sens par le Gouvernement le 17 juillet dernier, lors des Journées de la coopération internationale et du développement. Permettez-moi, monsieur le ministre, de préciser les contours d'une réforme que le groupe du RDSE juge envisageable.
D'abord, il ne faut certainement pas se laisser intimider par les canons internationaux, qui ont tendance à laisser croire que la France est un mauvais élève, en raison de son manque de sélectivité et d'une trop grande dispersion de ses aides. Je le dis haut et fort, pour récuser certaines thèses qui prévalent à la Banque mondiale et pour lutter contre certains lieux communs sur une éthique mal comprise : il ne faut aucunement renoncer à aider les pays mal gouvernés.
Le conditionnement de l'aide sur le seul respect des droits de l'homme ou sur une gouvernance clairement établie est un leurre, lorsqu'on sait, comme le rappellent bon nombre d'experts de la transition démocratique, que les conditions économiques favorables sont bien souvent l'une des manifestations des potentialités d'évolution des États. N'inversons pas les choses : il s'agit bien de créer les conditions d'une bonne gouvernance. De même, n'oublions pas que les « mal gouvernés » sont aussi les citoyens des pays les plus pauvres. Une telle politique, inspiré du modèle anglo-saxon, se révélerait contre-productive et conduirait aussi à écarter de l'aide une bonne partie de la population mondiale, alors même que des cas historiques significatifs - je pense à la Corée du Sud - illustrent l'impact des aides sur les réformes économiques et politiques.
Il nous est parfois reproché la trop grande sélectivité des aides françaises centrées sur l'Afrique subsaharienne. Là encore, le maintien de liens étroits avec des pays francophones ne semble aucunement contrevenir à l'efficience de l'action d'aide au développement, dès lors que celle-ci se garde de tomber dans les travers clientélistes.
En revanche, il faut suivre les canons internationaux, dès lors qu'ils nous invitent à nous engager vers une « conditionnalité de performance ». Cette notion, dorénavant usitée sur la scène internationale, vise à rompre avec la pratique facile d'aides conditionnées à des engagements surévalués en faveur de politiques macroéconomiques ou microéconomiques, que les États bénéficiaires se révèlent généralement inaptes à tenir.
Comme les conclusions d'un récent rapport du Conseil d'analyse stratégique, l'ex-commissariat général au Plan, nous y invitent, en rupture avec un relent de néocolonialisme, l'enjeu véritable est une appropriation par les États aidés des politiques suscitées par les États aidants. L'aide devrait être conditionnée à la réalisation d'objectifs finaux mesurés grâce à des indicateurs d'impact tels, en matière d'éducation et de la santé, notamment, la réduction de la mortalité infanto-juvénile et la scolarisation des enfants. L'expérience de la Commission européenne pour promouvoir une culture de résultat a ainsi partiellement manqué son but, du fait de la faiblesse des indicateurs retenus. L'évaluation devrait également laisser le temps à la mise en oeuvre des politiques et tenir compte des « chocs extérieurs » qui influent sur l'échelle de performance.
À cette efficience exogène s'ajoute une efficience endogène, propre à notre circuit de décision : la continuité, là encore, prévaut puisque les réformes de 1998 et de 2004 vont dans le sens d'une meilleure rationalisation de nos circuits de décision et de mise en oeuvre. Reste que l'ensemble des travaux universitaires et des récents rapports d'experts s'accordent pour noter l'inachèvement du processus.
La politique d'aide au développement est historiquement une mission interministérielle et la création de l'Agence française de développement, l'AFD, n'a aucunement résolu le double problème d'une dispersion des centres de décision et d'une tutelle par trop distendue. La sélectivité du champ d'action de l'AFD demeure aussi en contradiction avec son élévation au rang d'«opérateur pivot ».
Dès lors, tournons-nous vers le Royaume-Uni, qui fait office de modèle sur ce point, puisque la réforme entamée, quasiment au même moment qu'en France - respectivement en 1997 et en 1998 - y fut menée à terme dans le sens d'une réelle autonomisation ministérielle. Alors même que par rapport au produit national brut, l'aide du Royaume-Uni s'avère inférieure à celle de la France : là où l'AFD gère moins de 10 % de l'aide brute de l'ADP française, son homologue anglais, le DIFD, en gère près des trois quarts, environ 76 %. Une telle élévation du champ de compétence et budgétaire de l'Agence ne pourrait être mise en oeuvre que si elle s'accompagne bien sûr d'une refondation des liens politico-administratifs.
Car historiquement, au début des années soixante, notre politique d'aide au développement est bien née d'une combinaison, parfois difficile, entre une pluralité de visions portées par divers départements ministériels : la vision « développementaliste », favorable à l'essor des régions aidées, qui émanait du ministère de la coopération, côtoyant une approche en termes de rayonnement économique pour notre pays portée par le ministère des finances, jointe, enfin, à la recherche d'une influence culturelle alors promue par le ministère des affaires étrangères. La création récente du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement semble, au premier abord, ne pas faciliter cette convergence de vues, dès lors qu'elle contribue non pas à clarifier mais à ajouter un nouveau référentiel migratoire fondé sur la régulation des flux migratoires et l'abaissement des tensions entre résidents et citoyens français. Cette voie est-elle la bonne ? Sans nul doute, si la politique menée parvient à abaisser les tensions dans le pays et à protéger ces malheureux candidats de la misère.
Néanmoins les membres de mon groupe, soucieux de rappeler leur attachement aux valeurs humanistes, mettent en garde contre toute dérive qui tendrait à chercher une substitution d'un référentiel devenu global aux diverses visions jusqu'alors portées par l'aide française au développement. Le simple ajout de la ligne budgétaire réservée nous donne pour l'heure satisfaction, de même que la nature des aides du .programme, qui - cela mérite d'être noté - sont aussi consacrées, pour 13 millions d'euros, à des aides de type multilatéral.
Enfin, nous nous félicitons que l'action numéro 1 du programme « Codéveloppement » crée un fonds fiduciaire codéveloppement doté de 3 millions d'euros. Il permettra, nous l'espérons, de mener de nombreux projet plus ambitieux et à long terme.
Celui qui vous parle, ayant bien connu l'Afrique avant et après l'indépendance, pense que le codéveloppement et la coopération peuvent être une réussite pour la France, à condition que les choses soient claires entre nous.
Madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d'État, compte tenu du cadrage de la mission « Aide publique au développement », les membres du groupe RDSE, dans leur majorité, sont enclins à voter les dispositifs budgétaires ainsi proposés pour 2008.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, en dépit de mon goût pour les oxymores, je ne commencerai pas mon discours par une « pause dynamique ».
Sourires.
Je veux d'abord rappeler que l'aide publique française au développement est orientée, à hauteur de 75 %, depuis les indépendances, vers l'Afrique francophone et méditerranéenne. Mais toutes les études et les enquêtes judiciaires mènent à la même constatation : nous continuons à recevoir de l'Afrique beaucoup plus que nous ne lui donnons.
D'après le dernier rapport de la CNUCED du mois de septembre 2007, sur la période 1991-2004, 13 milliards de dollars en moyenne ont été transférés illégalement chaque année de l'Afrique vers l'Europe. En trente ans, ce sont 400 milliards de dollars qui ont été subtilisés aux peuples africains et transférés dans les pays riches, dont le nôtre. Cette somme doit être comparée aux 215 milliards de dollars de la dette de l'Afrique. Mais qui doit, combien et à qui ?
Et à qui la faute ? Certainement à l'instabilité politique et économique des pays qui incitent les entrepreneurs à mettre leurs capitaux à l'abri. Mais surtout, ces détournements de fonds sont le fait des régimes corrompus, nos partenaires gouvernementaux fréquentables, que nous maintenons au pouvoir via notre aide budgétaire, par la mise en oeuvre d'accords de défense obscurs, l'appui de nos forces armées, comme cela a été le cas au Tchad il y a moins d'un an. Nous sommes maintenant piégés par des décennies de politique complaisante et complice avec ces chefs d'État qui font plus ou moins rempart à des anarchies encore plus prédatrices et sanglantes que leur régime. L'impératif de sécurité entre aujourd'hui en conflit avec le développement et le progrès humain.
Ces détournements de fonds sont aussi le fait des entreprises internationales qui emportent des marchés grâce aux pots de vin versés aux responsables politiques et administratifs. La Banque mondiale estime leur montant à 40 % de celui de l'aide publique internationale. Et la situation s'aggrave avec l'arrivée des entreprises et de l'État chinois en Afrique.
« Qui osera rendre un jour au Nigeria, au Cameroun, au Congo, au Congo-Brazzaville ce que la France leur doit ? », s'interroge la magistrate Éva Joly à l'issue de son instruction de l'affaire Elf et sur la base des enquêtes qu'elle mène actuellement.
Le Comité catholique contre la faim et pour le développement, dans son rapport intitulé « Biens mal acquis », évalue à 3 milliards de dollars les fonds arrachés au Liberia par l'ancien président Charles Taylor, à 4 milliards de dollars la fortune amassée par le président Bongo, dont le peuple a une espérance de vie de 53 ans à 55 ans. Pour ce qui concerne Sassou Nguesso, dont nous reparlerons, la fortune est immense ; on a pu retrouver la trace de 472 millions aux Bermudes, un sommet de l'iceberg !
Face à cela, à tout ce qui est entré dans les caisses de la France comme dans celles de la Suisse, du Royaume-Uni, du Luxembourg, que représente notre aide au développement par rapport aux conséquences d'une corruption qui profite aux pays riches, dont fait partie notre pays ? Bien peu de choses ! Les chiffres parlent.
C'est avec gravité que je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, si, dans un tel contexte, il est convenable, honorable, de se servir de montants présumés d'annulation de dette pour masquer la baisse réelle de notre aide au développement. C'est ce procédé qui a permis de « gonfler » la loi de finances initiale de 2007 à 9 milliards d'euros, alors que 7, 84 milliards d'euros seulement ont été réalisés. En 2007, notre aide publique réelle au développement a donc atteint tout juste le montant de l'aide que les migrants essentiellement maghrébins et africains établis en France envoient tous les ans dans leur pays d'origine, d'après les chiffres que vous m'avez communiqués, monsieur le ministre, et dont je vous remercie. Ces sommes s'établissent aux alentours de 8 milliards d'euros dans les deux cas.
Au concours de la générosité, qui gagne ? Notre grand pays généreux ou les migrants méprisés, sous-payés et contrôlés au faciès ?
Je ne reviendrai que brièvement sur les manipulations comptables - dont M. le rapporteur a parlé -, pas toujours conformes aux prescriptions du Comité d'aide au développement, ou CAD, de l'OCDE, qui leur servent d'alibi. Leur montant atteint cette année 1, 68 milliard d'euros, soit près de 20 % de l'aide publique au développement annoncée. Je citerai les principales : les dépenses pour les étudiants sont « gonflées » à près de 900 millions d'euros, alors que les visas d'études accordés aux Africains et aux Maghrébins, en provenance de pays pauvres donc, diminuent très nettement ; les aides à l'accueil des réfugiés bondissent en cinq ans de 201 millions d'euros à 439 millions d'euros, alors que la police de l'air et des frontières refoule les demandeurs potentiels dès la descente des avions. Mes chers collègues, vous devez assister à de telles scènes, comme moi, lorsque vous arrivez à Roissy de bon matin.
Comme Mme le rapporteur pour avis, qui l'avait indiqué lors de nos travaux en commission, je crois que les statistiques établies selon les critères du Comité d'aide au développement, de l'OCDE sont utiles pour effectuer des comparaisons internationales, mais elles ne permettent pas de juger de la réalité de notre contribution.
Notre aide publique au développement réelle ne représente qu'environ un tiers de l'aide publique au développement que nous notifions au CAD.
J'en viens précisément au programme 209. Les crédits diminuent de 13, 6 millions d'euros. Dans ce cadre, les crédits de coopération multilatérale ne peuvent augmenter que par la baisse des crédits de coopération bilatérale. Il est bon que les premiers augmentent, mais cette hausse ne doit pas se faire au détriment des seconds. Au total, 1 milliard d'euros seulement sont donc mobilisables sur le terrain par nos postes et par l'Agence française de développement pour l'aide publique bilatérale au développement. Il est regrettable que, de ce fait, la France - donc les Français - n'apparaisse plus suffisamment aux yeux des populations comme un partenaire actif de la lutte contre la pauvreté, pour la scolarisation et pour la santé.
À titre d'exemple, au Sénégal, selon M. Jean-Michel Severino, l'Agence française de développement dispose de 20 millions d'euros seulement alors que les organismes multilatéraux mettent sur la table 100 millions d'euros, dont une part vient d'ailleurs de la France. Mais qui le sait au Sénégal et qui contrôle l'usage des fonds à Paris ? Je vous pose cette question, madame la ministre.
Quant aux organisations de solidarité internationale, elles restent le parent pauvre, comme mes collègues l'ont dit. Les promesses de 2007 concernant le doublement des crédits mis à la disposition de ces organisations n'ont pas été tenues. Comment le seraient-elles cette année quand le projet de loi de finances ne comporte que 35, 5 millions d'euros de crédits et qu'aucun chiffre n'est communiqué sur les crédits de paiement et les autorisations d'engagement en leur faveur sur le fonds de solidarité prioritaire ? Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, me donner des précisions sur ce point ?
Malheureusement, notre engagement pour le développement baisse et baissera encore plus dans les prochaines années, puisque les autorisations d'engagement de 2008 ne permettent pas d'anticiper une forte croissance des futurs crédits de paiement.
Au moment où les parlementaires des pays ACP et de l'Union européenne, réunis à Kigali, appellent l'Europe à s'engager pour l'accès aux soins de santé et la lutte contre les maladies tropicales, quand précisément les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique s'inquiètent des accords de partenariat régionaux que l'Union européenne veut leur imposer et qui ruineront leurs agricultures non subventionnées, comme la nôtre, ainsi que leurs industries et artisanats non concurrentiels, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de m'indiquer les positions qui seront défendues par la France au sommet Union européenne-Afrique à Lisbonne les 8 et 9 décembre prochains.
Je vous demande aussi de veiller, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, à ce que les moyens que la France affecte au développement ne soient pas réduits en hommes, en structures et en financement. Pouvez-vous, par ailleurs, me dire selon quels axes vous envisagez la réorganisation de vos services ?
Mais tous les efforts des hommes et des femmes de terrain pour juguler la pauvreté dans le cadre de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement sont voués à l'échec si la lutte contre la corruption financière n'est pas sérieusement menée. Je vous demande donc quels moyens emploie notre gouvernement pour aider les peuples africains à mettre un terme à l'hémorragie financière dont ils sont victimes.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous faire part des quatre grands objectifs du Gouvernement en matière d'aide publique au développement, avant de répondre aux questions soulevées par le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis.
Il est inévitable de commencer par une évaluation chiffrée de l'effort d'aide publique au développement rapporté à notre richesse nationale. Toutefois, une appréciation qualitative de l'aide est également indispensable.
De 0, 42 % du revenu national brut attendu pour 2007, l'aide sera portée à 0, 45 % pour 2008. Certains d'entre vous se sont demandés comment on établit ce pourcentage. Comme chaque année, la principale source d'incertitude qui préside à sa détermination sera évidemment le montant des annulations de dettes.
Notre prévision pour 2008 retient la somme de 1, 2 milliard d'euros d'annulations au titre de la Côte d'Ivoire et de la République démocratique du Congo. Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le Club de Paris retiennent la même prévision.
Évidemment, celle-ci reste soumise à des aléas politiques qui peuvent avoir un effet significatif sur le chiffre de l'aide publique au développement. Mais, en l'état, l'hypothèse retenue nous paraît tout à fait raisonnable et plausible.
Au-delà des chiffres que je viens d'évoquer, je crois que l'aspect qualitatif de notre aide se situe au coeur de notre démarche, et je voudrais attirer votre attention sur les quatre grands objectifs qui président à notre action au sein du programme « Aide économique et financière au développement », géré par mon ministère.
Ces objectifs sont la qualité, les priorités, un meilleur ciblage géographique et enfin la nécessité d'établir des relations avec de nouveaux partenaires dans le contexte d'une économie mondialisée où l'aide publique a probablement changé elle aussi de visage.
Premier objectif : nous voulons placer notre action sous le signe de la qualité de l'aide, ce qui signifie mesurer les résultats concrets que nous obtenons pour chaque euro que nous investissons. Cela permettra, nous semble-t-il, d'instaurer une véritable culture du résultat au sein des organismes multilatéraux qui bénéficient de nos financements et qui, pour certains d'entre eux, ont probablement besoin d'une telle culture.
Il faut évidemment évaluer l'impact concret des dépenses réalisées au titre de l'aide au développement, ce qui suppose de mesurer par exemple les effets d'un meilleur accès à l'eau, d'un meilleur niveau de santé ou encore des flux migratoires. C'est ainsi que nous pourrons mieux cibler notre effort. Par ailleurs, notre aide doit non seulement avoir des effets directs, mais aussi un effet d'entraînement sur le développement ; nous devons nous en assurer.
En outre, je crois nécessaire, dans la perspective de la réunion d'Accra en 2008, d'élever encore dans ce domaine notre niveau d'exigence à l'égard des organismes multilatéraux. Je rejoins à cet égard les propos tenus par Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, lorsqu'elle affirme que la reconstitution des fonds multilatéraux ne doit pas échapper à une gestion rigoureuse.
La coordination de l'action des bailleurs, qu'ils soient bilatéraux ou multilatéraux, est également un enjeu central. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de plaider pour une division du travail plus efficace entre acteurs nationaux et acteurs européens.
Deuxième objectif : nous voulons recentrer l'aide publique au développement autour d'un nombre de priorités plus restreint, en cohérence avec, d'une part, les grands enjeux politiques qui guident notre action et, d'autre part, nos domaines d'expertise. À mon sens, l'accent doit être mis sur l'environnement, la santé et le codéveloppement, notamment au travers de la revalorisation des transferts des migrants, qu'évoquera beaucoup mieux que moi M. Brice Hortefeux.
Troisième objectif : nous voulons recentrer l'aide grâce à un meilleur ciblage géographique, reflétant de façon plus précise à la fois nos liens historiques avec certains pays, nos intérêts et l'expertise particulière que nous avons développée.
En effet, à trop vouloir s'étendre un peu partout dans le monde et à vouloir satisfaire chacun, on finit par mécontenter tout le monde. Il apparaît clairement que l'Afrique se verra encore renforcée comme principal continent bénéficiaire de l'APD française. Cela se traduit non seulement par une aide bilatérale, mais aussi par un choix de nos instruments multilatéraux. Aujourd'hui, 57 % de l'aide française sont consacrés à l'Afrique subsaharienne.
Je suis heureuse à cet égard que la reconstitution du fonds de développement de la Banque mondiale s'accompagne d'une augmentation de la part de l'aide de la Banque mondiale qui bénéficiera à l'Afrique subsaharienne. Lorsque Jean-Marie Bockel et moi-même nous trouvions à Washington à l'occasion des assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en tant que représentants de la France, nous avons particulièrement insisté sur ce point.
De même, notre effort au sein du Fonds africain de développement, en augmentation de 6, 5 % par rapport à la précédente reconstitution, nous permet de plaider pour que l'aide soit orientée vers les pays africains qui nous semblent prioritaires, et en particulier, au sein de ces pays, vers les États fragiles.
Nous faisons ainsi jouer un effet de levier de la participation française en proposant des orientations à nos partenaires dans un cadre multilatéral. Au total, que l'action soit bilatérale ou multilatérale, la priorité est donc très clairement donnée à l'Afrique, pour les raisons qu'ont évoquées un certain nombre d'entre vous dans leurs interventions.
Quatrième objectif, lui aussi déterminant : mieux prendre en compte la place croissante de nouveaux acteurs du développement. L'aide, en effet, n'est pas seulement l'affaire des gouvernements. Madame Tasca, vous l'avez dit tout à l'heure : la mondialisation change les circonstances et les acteurs, notamment par l'arrivée des pays émergents sur la scène du développement.
Les organisations non-gouvernementales, les collectivités locales et les fondations privées prennent une importance croissante. Et au-delà des moyens de l'aide publique au développement, nous avons un rôle essentiel à jouer, notamment sur le plan fiscal et sur le plan juridique, pour encourager un certain nombre de ces initiatives et ainsi mettre en place de véritables partenariats public-privé visant à mieux concourir au développement.
Bien sûr, je ne suis pas en train de suggérer que nous créions dès demain des fondations telles que celle de Bill et Melinda Gates, ou que nous attirions tous les Warren Buffet de la terre, mais ce ne serait sans doute pas une mauvaise idée si notre ingénierie fiscale et juridique mettait en place des structures dans lesquelles de tels acteurs pourraient aisément orienter leurs fonds en collaboration avec des fonds publics.
Le monde a changé ! Certains ont évoqué le rôle que jouent dorénavant les autorités chinoises, en particulier par l'intermédiaire du fonds chinois, qui gérera prochainement plus de 200 milliards de dollars. À cet égard, j'attire l'attention de votre Haute Assemblée sur l'action du Président de la République lors de son récent voyage en Chine, durant lequel il a proposé aux autorités chinoises, et notamment à son homologue, de les faire bénéficier de l'expertise française dans le cadre d'actions clairement entreprises par les autorités chinoises au service du développement en Afrique. On peut parfois douter que ces actions servent exclusivement, ou même concomitamment, au développement des pays africains dans les circonstances que vous avez évoquées tout à l'heure.
Je voudrais maintenant répondre à certaines des questions précises posées par les rapporteurs et en particulier à celles de M. le rapporteur spécial.
Le périmètre de la mission « Aide publique au développement » peut faire apparaître quelques différences avec le périmètre des dépenses comptabilisées en aide publique au développement dans le respect des critères stricts du comité d'aide au développement de l'OCDE.
Je crois que ces différences sont normales et il ne me semble pas souhaitable de séparer artificiellement les dépenses qui ne sont pas comptabilisées en aide publique au développement. Un programme est une unité d'exécution de la dépense de l'État qui, pour rester opérationnelle, ne peut recouper exactement le périmètre des dépenses comptabilisées en aide publique au développement, au sens strict de l'OCDE.
Vous avez reconnu la qualité des informations fournies par le document de politique transversale, tout en appelant de vos voeux des améliorations, notamment en ce qui concerne l'impact des prêts et des annulations de dettes. Je veillerai à ce que ces améliorations soient apportées et qu'elles soient rendues visibles dès l'an prochain.
J'ai bien noté la question portant sur les écolages et je propose d'engager une réflexion sur le sujet.
En ce qui concerne l'aide aux réfugiés, sa comptabilisation respecte, je crois, les directives de l'OCDE.
Enfin, je note vos interrogations relatives au statut de l'AFD, qui est un établissement public, financé principalement par ses émissions obligataires, qui ne reçoit aucune subvention pour charge de service public, ni de fiscalité affectée. L'AFD ne peut donc pas être un opérateur au sens de la LOLF. Cependant, elle est soumise aux mêmes obligations de compte rendu en matière budgétaire et de mesures de la performance que les opérateurs.
Telles sont les brèves observations que je souhaitais formuler, mesdames, messieurs les sénateurs.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l'engagement français en matière d'aide au développement doit s'articuler autour de quelques priorités que je vais énumérer.
Tout d'abord, une action forte et constante de solidarité doit être menée envers les pays les plus pauvres, aux premiers rangs desquels figurent les pays africains, afin de maximiser l'efficacité de notre aide. Évidemment, il faudra, comme vous l'avez suggéré, faire un certain nombre de choix, fondés sur des critères de bonne gouvernance - comme l'a fort justement souligné Georges Othily tout à l'heure -, qui conduiront à privilégier quelques pays où l'efficacité pourra être la meilleure, comme cela se fait déjà ailleurs.
Il ne s'agit pas forcément d'aider moins les pays qui rencontrent des difficultés de gouvernance, mais de les aider différemment, d'y développer de l'aide aux projets, d'y favoriser le renforcement des capacités, bref, de sortir des logiques clientélistes.
Ensuite, il convient de mener une action résolue en faveur de la préservation de nos intérêts collectifs tels que la question du réchauffement climatique, la biodiversité ou la gestion concertée des migrations. Sur ce dernier point, je voudrais assurer à M. le rapporteur spécial que je travaille en parfaite intelligence avec Brice Hortefeux et ses services sur les actions de codéveloppement. Nous nous déplaçons même régulièrement ensemble pour porter ces projets, et cela se passe fort bien.
Par ailleurs, il importe d'engager une action de modernisation de notre appareil de coopération au travers de l'impératif d'efficacité de l'aide, que soulignait tout à l'heure Mme Brisepierre. La mise en oeuvre effective des programmes doit être assurée par notre administration, mais également par un nombre limité d'opérateurs, avec des critères d'efficacité.
Je pense bien sûr à l'AFD, notre opérateur-pivot, qui a acquis au fil des années, et notamment à l'international, comme j'ai pu m'en rendre compte, en particulier dans les instances de l'ONU, une grande crédibilité. Cela suppose évidemment un contrôle adapté de cette agence par l'instauration de mécanismes d'évaluation.
Dégagées ainsi de leurs tâches quotidiennes de gestion, nos administrations centrales et nos différents postes devraient pouvoir retrouver leurs capacités d'orientation stratégique et d'arbitrage. À cet égard, je partage plusieurs des observations présentées par M. le rapporteur spécial sur la mission « Aide publique au développement ».
En outre, nous devons accroître la synergie entre nos moyens bilatéraux et les importantes contributions que nous versons dans le système multilatéral. Je serai très franc sur ce point, madame Cerisier-ben Guiga : je trouve insuffisante l'influence réelle que nous exerçons actuellement dans ces instances multilatérales. Nous ne nous comportons pas suffisamment comme des acteurs soucieux de préserver leurs intérêts. C'est aussi l'un des aspects qu'il faudra améliorer dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, ou RGPP.
Ce que nous proposons, c'est aussi une évolution « philosophique » de l'aide, qu'il s'agit de faire passer d'un modèle unique qui est celui de la charité, à un modèle pluraliste de développement, où chacun peut apporter sa contribution, aussi bien les États que les ONG, les fondations, les collectivités ou les associations de migrants. Il ne s'agit pas simplement d'aider les pauvres, mais de bâtir avec eux des modèles de développement économique durables et profitables à tous.
En ce qui concerne l'évolution chiffrée de l'aide publique au développement française, je vous confirme, comme je l'avais dit en commission, qu'elle est revue à la baisse par rapport aux ambitions affichées par le précédent gouvernement. Vous l'avez dit, madame Tasca, notre aide avait atteint 0, 47 % du RNB en 2006 et la réalité, dont le gouvernement actuel ne peut être tenu pour responsable, sera de l'ordre de 0, 42 % en 2007.
Les objectifs qui avaient été fixés n'ont donc pas été atteints.
En 2008, nous pourrions voir notre aide publique au développement se redresser à hauteur de 0, 45 %. L'effet de levier des prêts de l'Agence française de développement à un certain nombre de pays à revenu intermédiaire et de pays émergents devrait jouer un rôle positif dans l'atteinte de cet objectif.
Je plaide aussi pour que la comptabilisation de notre aide publique au développement prenne bien en compte le produit du financement innovant de la taxe sur les billets d'avion, portée par le projet UNITAID. J'approuve d'ailleurs, sur ce point, les observations que vient de formuler M. le rapporteur spécial.
Il faut également accomplir un travail plus en profondeur sur les composantes de l'aide et réaliser un audit sérieux de l'inscription de certaines dépenses en APD. Nous avons sans doute à y perdre dans certains domaines - une estimation plus rigoureuse des écolages - mais nous avons à y gagner sur d'autres points, comme les dépenses de sécurité et de paix, qui sont loin de la caricature qu'évoquait tout à l'heure Mme le sénateur.
Je tiens à souligner que le Président de la République a tenu à réaffirmer clairement l'engagement français de porter l'aide publique au développement à 0, 7 % à l'horizon 2015, cette échéance étant celle qui a été retenue par l'ensemble de nos partenaires européens.
L'aide programmable représente nos moyens d'intervention réels sur le terrain, nos moyens d'influence dans les instances multilatérales. Il est important de souligner qu'en dépit d'un contexte budgétaire très tendu l'essentiel a été préservé. M. Charasse relève avec justesse que l'aide au projet bilatéral, loin d'être sacrifiée, s'inscrit au contraire en forte augmentation pour l'AFD.
Ce sont des moyens que mes collègues membres du Gouvernement et moi-même avons défendus cet été, et nous avons été écoutés.
Pour ces moyens, nous nous inscrivons dans la phase de « pause dynamique » évoquée par Mme Paulette Brisepierre : pause, parce qu'il est vrai que le montant de nos crédits de paiement pour les trois programmes reste stable ; dynamique, parce que, pour l'avenir, mes collègues et moi, notamment ceux qui sont ici présents, avons obtenu une augmentation importante des autorisations d'engagement. Ainsi, les graines de l'aide publique au développement de 2009, 2010 et 2011 sont bien plantées ! Les autorisations d'engagement d'aujourd'hui sont l'APD de demain. L'essentiel est donc préservé. Nous serons au rendez-vous de nos engagements internationaux en 2008.
Je ne rappelle pas la totalité de ces engagements, pour pouvoir consacrer encore quelques instants à répondre aux diverses questions qui ont été posées : je citerai simplement le Fonds mondial de lutte contre le sida, les engagements pris au sommet du G 8, et l'appel à contribution accrue du Fonds européen.
Monsieur le rapporteur spécial, nous étudions, avec les services de la Commission européenne - je m'entretenais ce matin encore avec M. Louis Michel, commissaire européen - la façon dont cette contribution pourrait être lissée dans le temps, afin que soit assurée une augmentation, certes plus modeste, mais constante et régulière, de notre aide passant par les canaux européens.
L'aide bilatérale a longtemps été le parent pauvre, mais l'augmentation des autorisations d'engagement nous aide à progresser.
La préservation et l'accroissement des moyens mis à la disposition des ONG sont conformes aux engagements du Président de la République. Il a été fait allusion, tout à l'heure, à l'Arche de Zoé. Nous nous engageons avec les grandes ONG qui sont volontaires sur un label de qualité.
Madame Cerisier-ben Guiga, la part réservée au projet d'ONG sur le FSP, le Fonds de solidarité prioritaire, sera de 30 millions d'euros ; elle augmente. Nous ferons bien sûr procéder à une évaluation des programmes financés, monsieur le rapporteur spécial.
Monsieur Legendre, concernant les efforts accomplis en faveur de la francophonie, j'approuve tout ce que vous avez dit. C'est un sujet que vous connaissez parfaitement. Nous assistions ensemble à Vientiane, voilà quelques jours, à la vingt-troisième conférence ministérielle de la Francophonie, et, voilà quelques mois, à la trente-troisième session de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, à Libreville.
Pour ce qui est de la Maison de la francophonie, sujet que, monsieur le président, vous connaissez bien, le Premier ministre, à la suite à l'alerte qui a été donnée, a mandaté l'inspection générale des finances et celle des affaires étrangères pour conduire une mission d'évaluation et de prospection, afin qu'une réponse soit donnée à toutes les questions qui ont été posées. Le rapport, qui devait être rendu début novembre, sera remis dans les tout prochains jours. J'ai dit à M. Abdou Diouf que nous serions en mesure d'apporter un début de solution d'ici à la fin de l'année, solution au sujet de laquelle nous aurons alors un débat. En ce domaine, nous avons donc progressé. Je n'en dirai pas plus aujourd'hui pour ne pas préjuger des résultats de ce travail.
Sur l'audiovisuel extérieur, je n'ai pas non plus le temps d'entrer dans le détail ; je ne veux pas empêcher M. Hortefeux de s'exprimer à loisir. Je dirai simplement que nous avons bien travaillé, à Lucerne, avec nos partenaires de TV 5. Ils ont compris notre volonté de moderniser notre audiovisuel extérieur, ils admettent l'idée de la création d'une « marque ombrelle », d'une holding, pour parler le franglais, et ils ont noté qu'un consensus s'était dégagé en faveur du respect de l'esprit et de l'identité de TV 5. Nous avons défini une méthode de travail. Ils désirent être associés aux différentes étapes. C'est un sujet sensible. Il faut privilégier le dialogue, trouver la bonne méthode. Si nous ne réagissons pas, dans quelques années, l'évolution des technologies aura raison de TV 5 elle-même.
Le Gouvernement s'engage à ce que la proposition de M. Marini soit discutée dès que possible.
M. del Picchia nous a alertés sur une question extrêmement sensible, que nous avons tous, à plusieurs reprises, évoquée devant les responsables des différents pays concernés, tout particulièrement devant le Président Sassou Nguesso. Je lui en ai moi-même parlé lorsqu'il était à Paris, le 5 juillet dernier ; le Président de la République a évoqué ce sujet avec lui.
Sur ce dossier, nous avons progressé. Des premiers versements, de 250 millions de francs CFA courants, ont été effectués en septembre, mais il a été clairement indiqué aux autorités congolaises que le document ne serait pas signé tant que le problème du paiement des pensionnés ne serait pas réglé. Il ne faut pas non plus trouver une solution qui serait pour eux une manière de ne pas respecter leur engagement. Le Gouvernement va maintenir la pression et rester vigilant quant à la tenue de ces engagements.
Ayant pris un peu trop de temps pour répondre aux questions, je vais laisser de côté la fin de mon intervention, quitte à ce que ceux d'entre vous qui n'ont pas eu de réponse m'interpellent à nouveau ultérieurement.
Je fais de mon mieux ! Nous ne pouvons pas forcément être d'accord sur tout.
Sur les relations entre l'Union européenne et les pays ACP, monsieur Hue, je rappelle l'accord de Cotonou, ratifié par le Sénat et l'Assemblée nationale, qui vise à la mise en place du dixième FED.
Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporteur, mesdames, messieurs les sénateurs.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après les réponses précises et assez exhaustives de M. Jean-Marie Bockel, je me bornerai à préciser nos ambitions s'agissant du codéveloppement.
Actuellement, 80 % des fonds envoyés par les migrants en France dans leur pays d'origine sont consacrés à la consommation courante. Or l'utilisation, même partielle, de ces transferts à des fins d'investissement productif pourrait devenir un levier essentiel du développement des pays sources d'immigration.
Ces transferts sont estimés à 8 milliards d'euros par an, soit l'équivalent de notre aide publique au développement, qui s'élève, globalement, à 9 milliards d'euros. Ils sont donc considérables !
Je suis convaincu qu'à long terme le développement sera la seule solution qui permettra de maîtriser ces flux migratoires.
Au sein de la mission examinée aujourd'hui, le nouveau programme « codéveloppement » est doté d'une enveloppe de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros de crédits de paiement.
Ce qui est intéressant, c'est de comparer. Je m'étais livré à cet exercice avec M. Josselin, voilà quelques semaines. Il ne faut pas se lancer sur ce terrain-là, mais la réalité est simple : les autorisations d'engagement progressent de 139 % par rapport à 2007 et les crédits de paiement de 85 %.
Grâce à ces nouveaux moyens, nous allons pouvoir passer un certain nombre d'accords - je vais y revenir dans quelques instants, madame Tasca -, accords dont le nombre est désormais impressionnant.
Le ministre d'État Nicolas Sarkozy en avait signé une première partie avec le Sénégal ; j'en ai signé un le 5 juillet avec le Gabon, un autre, plus récemment, le 25 octobre dernier, avec la République du Congo - j'approuve tout à fait les propos de Jean-Marie Bockel ; j'ai eu l'occasion d'évoquer le sujet avec le Président Sassou-Nguesso à Pointe Noire - et, il y a quelques heures à peine, un autre encore avec le Bénin.
Avec ces deux derniers accords, le ministère va consacrer près de 6 millions d'euros par an au soutien à différents projets, dont la création d'entreprises par des professionnels et des étudiants congolais ou l'appui au secteur de la santé et de l'offre de soins au Bénin.
J'en viens maintenant au rapport de M. Michel Charasse - lorsqu'il a évoqué un « axe auvergnat », il a oublié de citer le président de séance, ainsi que M. Juilhard - qui a accompli un travail de grande qualité. Je salue le côté sobre et dépouillé des propositions qu'il a formulées concernant le codéveloppement.
Je le remercie d'avoir souligné l'opportunité de la création du nouveau programme « codéveloppement ». Ce programme traduit une priorité du Gouvernement, avec une hausse substantielle des crédits.
Je ne reviens pas sur les autres initiatives prises par le ministère ; je rappelle simplement la création de deux instruments financiers, le compte et le livret d'épargne codéveloppement.
J'ai signé avec ma collègue Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, la première convention habilitant le groupe Caisse d'épargne à distribuer le compte épargne codéveloppement en janvier 2008. D'autres institutions financières sont intéressées.
Je remercie aussi Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, Mme Paulette Brisepierre, d'avoir insisté, dans les conclusions de son rapport, sur les liens réels - c'est très important - entre codéveloppement, lutte contre la pauvreté et création d'emplois.
Madame Tasca, si j'ai été un peu distrait tout à l'heure, c'est la faute de M. Roger Karoutchi ; il en porte l'entière responsabilité.
Sourires
Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur ce sujet : le codéveloppement n'est pas une annexe de la politique de maîtrise des flux migratoires ; il n'en est pas non plus le faux nez.
J'ai signé hier - c'est le hasard du calendrier ! - avec le Bénin un accord de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement.
Il comporte - ce qui est sans précédent, en tout cas à ma connaissance, mais peut-être M. Josselin a-t-il d'autres faits similaires en mémoire - une série de dispositions sur le codéveloppement et par le codéveloppement en matière de santé.
Vous nous reprochez de n'avoir qu'un seul objectif et de favoriser - je résume à peine - le retour dans leur pays d'origine des migrants présents en France. Il y a dans vos propos une part de vérité.
Pour le Bénin, de quoi s'agit-il ? Il ne s'agit pas du tout de clandestins, ni d'étrangers qui pourraient faire l'objet d'une reconduite à la frontière. Ce sont des médecins, des infirmiers, des pharmaciens. Ces professionnels de santé ne sont pas des déclassés. Ils sont en activité dans notre pays, forts de leur formation, de leurs compétences, mais ils n'ont pas oublié le Bénin, d'autant que, pour la plupart, ils y ont fait leurs études.
Et leur souhait réel serait de pouvoir revenir dans leur pays d'origine, pour y participer à la modernisation du système de santé. Vous avez eu raison de le souligner, ce dernier est dans une situation extrêmement difficile et doit faire face à ces défis, évoqués par plusieurs orateurs, que sont la lutte contre le paludisme ou le sida.
Avec la signature d'un tel accord, nous aidons tous ces professionnels à réussir leur retour. Il s'agit soit d'un retour ponctuel, pour ceux qui effectuent plusieurs semaines par an des missions d'expertise ou de consultation dans les hôpitaux, soit d'un retour définitif, pour ceux qui feront le choix, après plusieurs années d'exercice en France, de se réinstaller au Bénin. Cette politique de retour est ardemment souhaitée par le gouvernement béninois, qui me l'a encore expressément signifié hier.
Notre politique de codéveloppement est à la fois très innovante et très concertée.
Pour ne citer qu'un seul exemple, l'actuel ministre de la santé du Bénin est un chirurgien urologue, formé en France, qui a exercé dans notre pays pendant trente ans. Inutile de vous dire que sa décision est très courageuse dans la mesure où il a renoncé à une partie importante de son salaire, pour ne pas dire l'essentiel, et qu'il a accepté de travailler dans des conditions qui sont sans doute plus difficiles.
Lui-même a souligné hier que l'accord signé était historique. Par ailleurs, il a exprimé son souhait que cette politique innovante de maîtrise des flux migratoires et de codéveloppement devienne un symbole et un exemple de ce que l'on veut faire dans un certain nombre de pays. Comme je viens de vous le rappeler, la France a déjà signé un certain nombre d'accords et elle s'apprête à en signer cinq ou six autres assez rapidement.
Vous m'avez également interrogé sur le centre d'informations et de gestion des migrations à Bamako, où j'étais précisément avant-hier, juste avant de me rendre au Bénin. Au tout début de l'année, en effet, le Gouvernement s'est associé à la Commission européenne pour créer cette structure.
Cependant, la politique que je porte, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, se veut globale.
Évidemment, il peut y avoir des initiatives isolées, mais aussi brillantes, intéressantes et constructives soient-elles, nous avons besoin d'un accord global, permettant de mieux organiser tout ce que je viens de décrire, ainsi, effectivement, que l'immigration professionnelle.
L'organisme auquel vous faites référence peut naturellement y contribuer, mais nous devons aussi réfléchir ensemble, avec les pays d'origine, terres d'émigration, aux moyens de lutter contre l'immigration clandestine.
Le président Amani Touré, qui m'a reçu avant-hier, a parfaitement compris le sens du message que nous lui adressons en menant cette politique, qui, encore une fois, repose sur une volonté de cohérence et sur un équilibre.
La cohérence et l'équilibre, c'est justement le sens du message utile, constructif, et positif que la France a adressé à l'occasion de ces deux déplacements effectués au cours des trois derniers jours.
Avant de conclure, je remercie M. Othily de sa contribution.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le rapporteur spécial applaudit également.
Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l'état B.
§(en euros)
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide publique au développement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
Dont titre 2
243 685 342
243 685 342
Codéveloppement
L'amendement n° II-64, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :
I. Créer le programme : Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement
II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l'égard des pays en développementDont Titre 2
Codéveloppement
Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Robert del Picchia.
J'ai déjà expliqué longuement les raisons qui m'ont conduit à déposer cet amendement destiné à régler la situation des 505 Français qui, aujourd'hui, vivent avec le minimum vieillesse, alors qu'ils ont cotisé pour leur retraite pendant plusieurs dizaines d'années au Congo.
Je propose de créer un programme « Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement » et de le doter de 16 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour apurer tout simplement la dette de l'État du Congo-Brazzaville à l'égard de ces retraités français, conformément au document-cadre de partenariat signé entre la France et ce pays.
Ce dernier, je l'ai cité tout à l'heure, précise que la France pourra ajuster son aide publique au Congo si des difficultés apparaissent. Or, selon nous, c'est bien le cas sur ce sujet.
Le programme est créé par transfert de crédits de l'action n° 03 « Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays de la ZSP et les PMA » du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », pour un montant, je le répète, de 16 millions d'euros en autorisations d'engagement et de crédits de paiement.
Un tel montant, à imputer sur l'aide bilatérale au Congo-Brazzaville, correspond exactement aux besoins constatés. Des calculs précis ont été faits par un cabinet d'audit international très reconnu, à la demande du ministère des affaires étrangères. C'est donc une somme sur laquelle on peut compter.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que 184 000 euros avaient déjà été payés en septembre dernier. Mais le total des arriérés s'élève à 16 millions d'euros, contraignant ces retraités à vivre avec le minimum vieillesse en France.
La commission des finances n'a pas été saisie de l'amendement de M. del Picchia, puisqu'il a été déposé après qu'elle a statué sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » et sur ses propres amendements.
Je m'exprimerai donc à titre personnel, sous le contrôle du président et du rapporteur général, qui sont au banc de la commission en cet instant.
Messieurs les ministres, l'amendement de M. del Picchia me paraît plus qu'utile.
Il est sénateur des Français de l'étranger, et, comme nombre de ses collègues, dont beaucoup sont parmi nous aujourd'hui, il connaît bien le sujet. Moi-même, qui parcours beaucoup ces pays comme rapporteur budgétaire en mission de contrôle de la commission des finances, je peux en témoigner : les uns et les autres, nous recevons constamment les doléances et les questions lancinantes de nos ressortissants âgés, qui n'arrivent pas à percevoir les pensions qu'ils se sont constituées dans ces pays pendant leurs années d'activité, principalement du fait du comportement des gouvernements locaux.
Si M. del Picchia appelle particulièrement l'attention sur le Congo-Brazzaville, il pourrait sans doute tenir le même discours pour toute une série de pays dont la situation est analogue, étant entendu que certains d'entre eux finissent par régler le problème, en tout ou partie. Ainsi le Cameroun est-il récemment venu à résipiscence, même si cela a été très compliqué et très long. En revanche, le problème perdure, notamment au Congo-Brazzaville.
Cela étant - et m'exprimant toujours à titre personnel -, même si, du point de vue technique, je rends hommage à la maestria de l'auteur de l'amendement, il paraît tout de même quelque peu difficile de créer un nouveau programme spécifique, dédié au seul cas du Congo-Brazzaville, et qui disparaîtra aussi vite qu'il apparaîtra, puisqu'il s'agit d'un programme de courte vie. Il faut éviter les programmes « étoile filante » pour ne pas compliquer excessivement la gestion budgétaire. Et je ne pense pas que l'esprit de la LOLF, même si la lettre n'est pas en cause, puisse conduire à admettre une telle pratique, quand bien même elle serait parfaitement conforme à la loi organique.
Je comprends donc tout à fait la démarche de notre collègue Robert del Picchia, et je la soutiens personnellement. Tous les sénateurs des Français de l'étranger auraient d'ailleurs pu faire une proposition analogue et la soutenir de la même manière. Car c'est un drame que de voir ces personnes âgées, souvent isolées et parfois privées de toutes ressources, se heurter à l'indifférence des gouvernements locaux, qui sont pourtant les seuls responsables de cette situation.
Pour autant, il me paraît difficile de demander de prendre des crédits sur le budget que la France consacre aux plus pauvres des habitants de ces pays afin de payer d'autres pauvres gens qui se trouvent lésés. En fait, on demande au budget de la France, dans cette circonstance, de rembourser la dette anormale, injustifiée et immorale d'un État étranger.
Après ces observations, qui sont toutes personnelles, je ne peux, au nom de la commission des finances, que m'en remettre à l'avis du Gouvernement.
Messieurs les ministres, nous n'échapperons plus longtemps à l'obligation de faire un point complet de la situation dans l'ensemble des pays, pour savoir exactement où nous en sommes, pour chiffrer partout le montant de cette dette et pour mettre les gouvernements en demeure d'exécuter leurs obligations.
Nous menons, avec les uns et les autres, des négociations importantes, notamment dans le cadre des C2D, les contrats de désendettement et de développement. Nous devons pouvoir tout de même, à cette occasion, demander aux États bénéficiaires de faire l'effort nécessaire pour ajouter à leurs remboursements de dette, au sens du C2D, le « petit chouïa » - ce ne sont pas toujours des sommes considérables, sauf dans le cas du Congo - permettant d'apurer ces dettes que je qualifierais de « sociales ».
Je ne peux pas aller plus loin au nom de la commission. Si l'amendement était adopté, il faudrait sans doute compléter le DCP par un avenant, ce qui supposerait de se lancer dans une nouvelle négociation avec le gouvernement local. Messieurs les ministres, puisque vous négociez vous-même à longueur de journée avec les différents gouvernements, vous savez bien que de telles discussions sont toujours longues, lourdes, et peu compatibles avec l'urgence sociale du problème posé.
Mon expérience, ancienne, tant gouvernementale que sénatoriale, en particulier sur ce budget, me permet de considérer que, si l'on veut vraiment, on doit pouvoir « convaincre » les États concernés de faire le nécessaire pour régler cette question, qui, du point de vue de la solidarité que nous devons à nos compatriotes habitant ces pays, n'est moralement plus supportable.
Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions. - M. Charles Josselin applaudit également.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, en reprenant totalement à son compte le raisonnement qui vient d'être développé excellemment par M. Charasse.
En réalité, cet amendement est destiné à nous interpeller fortement sur cette question ; c'est une manière de nous dire qu'il est temps d'en finir avec le statu quo et de prendre ce problème à bras-le-corps.
Toutefois, son adoption aurait un effet pervers, que M. Charasse a parfaitement rappelé, car, une fois de plus, les personnes concernées pourraient, d'une certaine manière, fuir leurs responsabilités.
En revanche, au nom du Gouvernement, je prends un engagement précis devant vous. Je m'apprêtais de toute façon à ne pas signer le DCP tant qu'un accord ne serait pas intervenu. Mais j'irai plus loin, car je soutiens l'idée selon laquelle cette question doit être reliée à tous les autres contentieux non réglés.
Si vous en êtes d'accord, je m'engage donc à organiser une réunion dans les prochaines semaines, dès que ce sera possible.
Seront conviés tous ceux qui sont intéressés par la question, notamment les sénateurs des Français de l'étranger et le rapporteur spécial, M. Charasse.
Au demeurant, les termes du problème sont connus de tous : il s'agira non pas d'inventer, mais bien de nous accorder sur la méthode à retenir, afin de progresser véritablement sur ce dossier.
Je considère cet amendement comme un ferme avertissement : nous devons aller jusqu'au bout de la démarche et ne pas nous laisser systématiquement mener en bateau.
Le Gouvernement émet un avis défavorable, dans l'esprit que je viens de rappeler.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Certes, l'amendement de mon collègue Robert del Picchia n'est pas recevable sur le plan technique.
Cela étant, nous partageons son point de vue, car il est impensable de laisser le Congo-Brazzaville utiliser des méthodes dilatoires pour continuer à ne pas payer les pensions de nos compatriotes, alors que celles des Congolais sont versées. Il s'agit vraiment d'une discrimination.
Nous avons déjà eu, au cours des années précédentes, plusieurs réunions au ministère des finances sur ce problème. Pour le Congo-Brazzaville, nous le savons, la question ne peut guère être réglée que dans le cadre de l'annulation de la dette. Il faut donc travailler dans cette direction, en utilisant les divers moyens mis à notre disposition au titre de la coopération.
Je voudrais, pour terminer, rendre hommage à Mme Brisepierre, qui, parmi nous, est celle qui se bat depuis le plus longtemps, avec ténacité et permanence, pour que ce problème des retraites des Français d'Afrique soit enfin réglé.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur le banc des commissions.
Sans doute M. del Picchia va-t-il retirer son amendement, mais j'ai pris acte de l'engagement pris par M. le secrétaire d'État. Il importe en effet que ce problème soit résolu l'année prochaine.
Cette initiative est tout à fait opportune, car il convient d'apporter une réponse à ce problème ancien et lancinant. Nombre d'entre nous ont en effet à l'esprit des cas très difficiles du fait des manquements imputables au Congo-Brazzaville depuis une très longue période.
Comme l'a indiqué Michel Charasse, l'adoption de cet amendement reviendrait, pour la France, à reconnaître qu'elle doit les arriérés.
On ne peut l'admettre, car il s'agit en fait d'un problème de responsabilité de notre partenaire.
Jean-Marie Bockel l'a dit très justement : il faut profiter des négociations qui sont en cours pour trouver un équilibre et poser cette question essentielle, afin que l'on en finisse.
L'appel de notre collègue Robert del Picchia a été entendu et son initiative est extrêmement utile dans le cadre du débat budgétaire. Il lui revient maintenant de prendre une décision sur le sort de son amendement, mais il me semble que celui-ci a déjà porté ses fruits.
Les engagements pris, notamment celui d'associer les sénateurs représentants les Français établis hors de France à l'évolution de ce dossier, sont de nature à permettre le retrait de l'amendement.
Je vous ai bien écouté, monsieur le secrétaire d'État. Ce n'est pas la première fois que j'entends un ministre parler ainsi : les ministres passent, et j'entends toujours les mêmes propos. Comme l'a rappelé Monique Cerisier-ben Guiga, plusieurs réunions de sénateurs ont eu lieu, auxquelles ont participé, entre autres, Mme Brisepierre et M. Cantegrit. Il y en a eu suffisamment, me semble-t-il, et il faut maintenant aller plus loin !
Je veux bien que l'on se préoccupe de l'aspect technique du paiement des retraites, mais je ne pense pas qu'une nouvelle réunion permettrait de progresser en la matière.
Maintenant, les choses sont claires. ! Un audit a été réalisé par un grand institut international, sur la demande du ministère des affaires étrangères, qui dispose de tous les chiffres. S'agissant du Congo, vous pouvez donc agir tout de suite.
Vous dites que l'on ne signera pas le DCP tant qu'un accord ne sera pas intervenu. Je préfèrerais entendre que vous ne verserez rien au Congo tant que la question ne sera pas réglée.
Le DCP prévoit 81 millions d'euros.
Cela dure depuis tellement longtemps ! Le seul moyen est de dire, comme votre prédécesseur l'a fait avec le Cameroun, monsieur le secrétaire d'État : nous n'envoyons pas le chèque tant que les retraites ne sont pas payées. Quatre semaines après cet avertissement, les retraites étaient payées ! Il faut utiliser les mêmes arguments. Je vous renvoie notamment à un discours du Président de la République.
Nous devons être beaucoup plus fermes ! Si vous me donnez cette assurance, monsieur le secrétaire d'État, je veux bien retirer cet amendement.
Monsieur le sénateur, il n'y aura pas de nouveau programme tant que ce problème ne sera pas réglé ! Pour autant, les affaires en cours sur le terrain ne seront pas suspendues ; nous n'irons pas à l'encontre de l'éthique que nous partageons. Je ne parle même pas de la signature du DCP !
La réponse de M. le secrétaire d'État vous satisfait-elle, monsieur del Picchia ?
Cela veut dire : pas de nouvel engagement. Si des programmes sont prévus lors d'une nouvelle réunion de l'Agence française du développement ou du fonds spécial FSP, ils sont renvoyés à la séance ultérieure tant que l'affaire n'est pas réglée.
L'amendement n° II-35, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l'égard des pays en développementDont Titre 2
Codéveloppement
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement vise à réduire de 1 440 660 euros les autorisations d'engagement au titre de la solidarité à l'égard des pays en développement pour les basculer sur le codéveloppement.
Il s'agit de diminuer les moyens de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, qui emploie, en 2007, 485 emplois équivalents temps plein, dont plus des deux tiers sont imputés sur le programme 209 de la mission APD.
L'évolution de l'aide publique au développement française, désormais confiée de manière croissante aux services de coopération et d'action culturelle, les SCAC, dans les ambassades, et à des opérateurs extérieurs au ministère, au premier rang desquels figurent l'AFD, Egide et CulturesFrance, plaide clairement en faveur d'un recentrage de cette direction générale sur des fonctions d'état-major, de pilotage et de coordination des nombreux intervenants.
J'ai souvent décrit, dans le passé, la DGCID comme un monstre ingérable, malgré ou à cause de la réforme de la coopération en 1998, qui n'a pas calibré comme il le fallait - et Charles Josselin s'en rappelle - cette direction énorme, très difficilement gouvernable, quelle que soit, d'ailleurs, la qualité de ceux qui ont été nommés à sa tête, et qui est souvent très grande : je pense, notamment, à M. François Nicoulaud.
Or moins du quart des actions financées sur le programme 209, en 2008, sont ainsi directement conduites par la DGCID, le solde étant « délégué » aux organismes multilatéraux, aux opérateurs LOLF et à l'AFD. Cela fait donc cher pour une si faible part.
Si l'on tient compte des crédits délégués au réseau, la part des actions conduites par la DGCID stricto sensu est en réalité très réduite. Elle repose essentiellement sur les projets FSP mobilisateurs, quelques programmes de bourse et les subventions octroyées par la mission d'appui à l'action internationale des ONG. L'aide d'urgence de la délégation à l'action humanitaire n'est même pas intégrée à la DGCID.
Si la création opportune, en 2006, d'un bureau de la tutelle des opérateurs et du contrôle, au sein du service des moyens et du réseau, répondait à une réelle nécessité, la DGCID ne dispose pas encore d'effectifs cohérents avec cette vocation, calibrés et adaptés au caractère assez restreint de sa mission. En outre, les bureaux géographiques de la Direction des politiques du développement tendent à doublonner les directions et sous-directions régionales du Quai d'Orsay.
Vous avez, d'un côté, les directions du Quai d'Orsay - Asie, Moyen-Orient, Afrique, etc - et, de l'autre, les mêmes sous-directions, ou à peu près, à la DGCID. On ne va pas nous faire croire que ces services ne peuvent pas se parler, se rapprocher et essayer de mutualiser leurs actions et leurs attributions !
Cet amendement prévoit donc une réduction de 20 emplois équivalents temps plein au sein de la DGCID, afin d'initier le mouvement de mutation de cette direction en une administration « de mission », comme va bientôt le réclamer la RGPP en cours, qui sera sans doute beaucoup plus sévère que la commission des finances
Cet amendement va de pair avec celui qui a été présenté par notre collègue Adrien Gouteyron et adopté par la commission des finances au titre des crédits du budget des affaires étrangères que le Sénat examinera samedi matin. Ces 20 emplois représentent seulement 6 % des emplois de la DGCID financés sur le programme 209. On est donc loin de l'objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois.
Cet amendement vertueux va dans le sens de la réforme de l'État. Il est extrêmement modéré et vise à inciter fortement la DGCID à se réformer.
L'heure étant tardive et M. Karoutchi pressé d'en finir, je n'insisterai pas davantage. Mais, tout de même, lorsque l'on regarde l'organigramme de la DGCID et que l'on voit que le bureau de la mobilité étudiante représente onze emplois à plein temps, on se demande ce qu'ils font et à quoi cela sert ! Quant au bureau des questions européennes, il compte cinq emplois. Comme si, monsieur Jouyet, aucun autre service, en dehors de la DGCID, ne traitait des questions européennes !
Soyons raisonnables, ce n'est pas la mort du petit cheval !
Nous renforçons, en outre, les crédits du codéveloppement, car nous avons compris qu'ils sont certainement beaucoup plus utiles et efficaces sur le terrain.
J'ai expliqué très clairement ma position dans la perspective de la révision générale des politiques publiques : j'ai dit pratiquement mot pour mot ce qu'a rappelé Michel Charasse, au début de son propos, sur l'intérêt de concentrer la DGCID sur ses missions stratégiques.
Ce n'est pas un débat facile, et vous pouvez imaginer les tensions et les craintes que suscite chaque changement. Vous pourrez le constater lors de la définition de la mise en oeuvre de cette révision générale : nous sommes engagés dans une démarche qui ira très loin dans ce domaine.
Si nous perturbons aujourd'hui cette démarche en faisant des propositions, certes intéressantes et astucieuses, mais qui peuvent avoir l'effet inverse de celui que nous souhaitons, nous risquons de susciter, alors que cette réforme n'est ni mise en oeuvre ni même organisée, une tension susceptible d'être utilisée pour bloquer toute réforme. Cela ne nous rendra pas service en termes de méthode, bien que je comprenne l'objectif poursuivi.
La question n'est pas de soutenir les actions de codéveloppement ; j'ai dit tout le bien que j'en pensais. Le jour où les crédits alloués, d'un commun accord, auront été consommés de telle manière qu'il faudra les revoir à la hausse, je serai le premier, et Brice Hortefeux le sait, à soutenir cette démarche. Mais nous n'en sommes pas là. Il s'agit, en l'occurrence, d'une question de méthode.
Comme vous l'avez dit, monsieur Charasse, nous avons les mêmes objectifs. Mais, au niveau de la RGPP, les mesures que nous prendrons iront plus loin que celles que vous proposez. Dans ces conditions, votre amendement ne nous facilite pas la tâche. C'est la raison pour laquelle j'émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Je souhaite à mon tour exprimer les réserves que m'inspire l'amendement de Michel Charasse.
J'ai compris qu'il lui était difficile de le retirer. C'est justement en me plaçant dans l'hypothèse où il ne le ferait pas que je souhaite expliquer les raisons de mon opposition.
Tout d'abord, et cela vient d'être dit, cet amendement me paraît prématuré. Le Quai d'Orsay bruisse de projets de réorganisation et de restructuration considérables.
Chacun s'attend, au mois de mars ou un peu plus tard, au vu de la révision générale des politiques publiques, que de grands mouvements soient organisés, dont je ne préjuge ni l'importance ni la qualité. Ce sera certainement le cas au Quai d'Orsay.
Or, avant même que soient rendues les conclusions de la RGPP, on nous dit qu'il faut supprimer vingt emplois à la DGCID !
Disons trente en tout !
Quant aux intervenants extérieurs, notamment l'AFD, ils sont montés en puissance.
Pour autant, n'utilisons pas des arguments comme celui du bureau des actions européennes ! À qui fera-t-on croire que la DGCID, en particulier dans le cadre de ses actions de développement, n'entretient pas, à coté de la Direction des affaires européennes, de relations spécifiques avec l'Europe ? Cette relation est nécessaire dans nombre de dossiers, comme le Fonds européen de développement ou les accords APE.
J'ai eu l'occasion, dans le passé, de regretter que le couloir de la DCE, la Direction de la coopération européenne, soit un passage obligatoire pour établir une relation entre l'administration française et la Direction du développement, à Bruxelles.
Aujourd'hui, les choses vont mieux et une relation directe est possible. Tant mieux ! C'est indispensable, car cette situation nous affaiblit par rapport à nos partenaires britanniques : leurs organisations de développement ont une relation directe avec le commissaire européen au développement.
Je suis opposé à cet amendement pour toutes ces raisons, mais aussi en raison de l'objectif affiché.
Monsieur le ministre de l'immigration, de l'identité nationaleet de la coopération ».
Sourires.
Oui, il l'a dit ! Je voulais l'annoncer avec tristesse à Jean-Marie Bockel, mais peut-être déjà féliciter Brice Hortefeux...
Je ne sais pas ce qui se passera au mois de mars, mais je suis de ceux qui ont encore du mal à faire le lien entre politique migratoire et politique du développement, ...
C'est une nouveauté, et la nouveauté fait parfois peur !
... car elles ne correspondent pas à la même horloge : d'un côté, des milliers de personnes sont concernées par les politiques migratoires, tandis que, de l'autre, les aides au retour ne concernent toujours que quelques cas isolés.
Dans ce domaine, comme dans d'autres, c'est à l'usage que je verrai le résultat de ces politiques, et en particulier celui des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, dont certains viennent d'être signés ; mais il est encore trop tôt pour en mesurer les conséquences concrètes.
J'invite d'ailleurs nos rapporteurs à suivre avec un soin extrême l'application de ces accords et à être attentifs aux résultats qu'ils vont produire, notamment sur le plan des flux migratoires et plus encore celui du développement.
Mais je reviens à mon argumentation de départ, qui me conduit à craindre, au moment présent, l'inopportunité de la mesure et à regretter le caractère probablement un peu trop rapide de la proposition de Michel Charasse, qui, sur beaucoup de dossiers, comme j'aurai l'occasion de le redire dans un instant à propos d'un autre amendement, est plus radical que socialiste...
Sourires
Je voudrais rassurer Charles Josselin : c'est au terme d'une très longue discussion en commission des finances que Michel Charasse a emporté la conviction de la majorité d'entre nous.
Nous considérons que la réforme de l'État est à l'oeuvre, qu'elle est difficile et que c'est aussi la responsabilité du Parlement que d'aider les ministres à mettre leurs services, leurs administrations sous tension.
C'est dans cet esprit très constructif, très positif, que la commission s'est résolue à adopter cet amendement portant suppression de vingt emplois à la DGCID.
J'ajoute que cet amendement est le fruit d'une longue réflexion. Michel Charasse ne s'est pas, en effet, saisi hier du dossier : il rapporte, avec opiniâtreté, depuis des années, les crédits de cette mission, dont il a une large connaissance.
Michel Charasse a, je le disais, emporté notre conviction et, tout en y étant très attentifs, nous ne pouvons nous rendre aux arguments développés par notre ancien collègue Jean-Marie Bockel.
Ce faisant, je crois, monsieur le secrétaire d'État, que nous vous rendons service en créant l'un de ces petits électrochocs dont les administrations ont peut-être parfois besoin.
C'est la raison pour laquelle il me semble judicieux de maintenir cet amendement, que j'invite le Sénat à voter.
J'irai dans le sens de M. Bockel, que j'encourage à maintenir sa position de réserve à l'égard de l'amendement n II-35.
Je m'étonne d'ailleurs que cet amendement provienne de la commission des finances, dont on sait qu'elle a toujours une approche stratégique du budget. S'efforçant d'avoir une vision globale, elle tend à prendre les problèmes de haut, et il est curieux qu'elle présente des amendements qui, au total, portent sur trente emplois à temps plein.
Au contraire ! Mais je vous fais confiance pour faire plus...
Quoi qu'il en soit, je suis étonnée que la commission des finances se livre à un tel travail de broderie et je cherche donc à savoir pour quelles raisons elle emprunte cette voie.
Pour ma part, je rejoins tout à fait les propos de Charles Josselin : cette mesure me paraît très inopportune.
D'abord, il y a l'annonce, à l'issue de la RGPP, d'une réforme de l'État. Fort bien ! Mais ce qui nous importe, à nous partenaires, c'est de comprendre le sens de cette réforme. À l'heure qu'il est, à moins que le Gouvernement n'ait consigné les résultats dans ses tiroirs et ne sache déjà quels changements il va mettre en oeuvre - ce qui signifierait que nous sommes ici dans un jeu d'ombres -, le sérieux voudrait qu'on laisse la démarche se développer avant de déduire quels services de l'État devront voir leur organisation révisée...
...et, évidemment, la DGCID sera alors concernée.
En revanche, une mesure ponctuelle comme celle-ci ne peut être qu'incompréhensible pour les services, mais ce n'est pas le plus grave...
Ce n'est pas notre problème : nous ne sommes pas au service des services !
C'est aussi notre problème, monsieur le rapporteur spécial, car si nous ne sommes pas au service des services, nous devons avoir le souci de la lisibilité des réformes des services par les parlementaires, par les citoyens et, accessoirement, par les services eux-mêmes.
De ce point de vue, cette proposition me paraît absolument injuste.
Et puisque mon collègue et ami Charles Josselin, en citant une petite anecdote, a déjà mis les pieds dans le plat, je ne vais pas hésiter à en faire autant. Une autre question relative à l'organisation des services de l'État ne semble pas avoir été tranchée : quels domaines relèveront demain - ou après-demain - de la politique étrangère et du ministère des affaires étrangères, quels autres relèveront du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ?
Cette proposition laisse en effet présager un transfert plus important des compétences. J'estime que c'est mettre la charrue avant les boeufs. Un tel transfert méritera, dans son principe, un vrai débat au Parlement : le Gouvernement devra, lorsqu'il aura tiré ses propres conclusions de la RGPP, venir, en responsable, exposer ses projets devant celui-ci. En tout cas, ce n'est pas à l'occasion de l'examen de ces crédits et d'une mesure, je le répète, assez peu compréhensible que l'on doit bloquer l'avenir alors même que l'on ne sait pas encore dans quel sens l'on souhaite aller.
Sans vouloir prolonger indéfiniment la discussion, je tiens à dire que, dans cette affaire, je m'insère dans une logique que, dans sa majorité, la commission des finances a décidé d'appliquer et que je le fais loyalement ; je le fais aussi avec conviction lorsque je suis convaincu, et il se trouve que je le suis.
Mes chers collègues, nous ne détournons pas les crédits : nous proposons de les donner aux pays pauvres en supprimant des dépenses administratives qui nous paraissent superflues au sein de cette énorme direction qu'est la DGCID.
Je veux bien que l'on me dise tout ce qu'on voudra, mais il faudra que l'on m'explique à quoi servent le bureau des questions européennes, qui emploie cinq personnes, et le bureau Europe occidentale et communautaire, qui en emploie encore cinq autres, et que l'on m'explique aussi à quoi servent les vingt-huit personnes en poste dans les sous-directions de la DGCID : Europe continentale, Afrique du Nord...
Charles Josselin connaît très bien ce ministère ! Il sait qu'il y a au Quai des directions sectorielles - direction Amérique, direction Asie... - et que la DGCID a ses propres sous-directions identiques. Pour faire quoi ?...
Par conséquent, la commission des finances propose la suppression de vingt emplois à la DGCID et elle proposera de même, avec M. Gouteyron, la suppression de dix postes dans le budget des affaires étrangères, ce qui fera trente en tout, afin de transférer sur l'aide au développement des crédits qui financeront des projets pour les pauvres. Mes chers collègues, vous n'avez donc qu'à choisir entre les bureaux et les pauvres !
C'est justement lorsqu'on les voit avec une certaine hauteur que l'on finit par ne rien décider. Trop souvent, nos discussions budgétaires étaient tellement générales qu'en définitive nous ne changions rien.
La seconde mission naturelle du Parlement est sans doute le contrôle sur place et sur pièces, et c'est parce qu'ils sont allés au contact des réalités que les rapporteurs spéciaux peuvent avoir des convictions, qu'ils tentent alors de faire partager à la commission des finances, laquelle essaie ensuite de les faire partager au Sénat.
Nous nous efforçons, madame Tasca, de tendre vers le terrain et la réalité humaine.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Je tiens à dire d'abord que, si nous ne sommes pas au service des services, nous avons le devoir de les respecter.
La tension est déjà extrême dans les services. La DGCID est complètement dégarnie...
...et, dans un certain nombre de secteurs, elle a beaucoup de mal à réaliser les tâches qui lui sont confiées.
Ensuite, j'ai le souvenir qu'après que nous avons supprimé les directions géographiques il a fallu les reconstituer parce que, dans les postes, on ne savait plus à qui s'adresser ; il n'y avait plus d'interlocuteur.
Prétendre que 300 agents sont en nombre excessif quand il s'agit de gérer trois programmes de la LOLF, d'assurer la coordination avec la DRH sur les personnels, d'évaluer les actions de coopération bilatérale, de réaliser la coordination géographique - qui est indispensable -, d'orienter la politique française de développement dans tous les secteurs d'intervention, d'impulser la coopération pour la gouvernance, de coordonner nos actions avec les organisations européennes et multilatérales est inacceptable. Une fois de plus, il s'agit de dégarnir un ministère des affaires étrangères qui n'y peut mais !
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-34, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l'égard des pays en développementDont Titre 2
Codéveloppement
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
J'espère que cet amendement suscitera moins de controverse que le précédent !
Il vise le groupement d'intérêt public, ou GIP, « assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières », dit ADETEF.
L'ADETEF relève du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, et assure, pour faire simple, la gestion des coopérants en même temps qu'un organisme qui, lui, relève du quai d'Orsay et s'appelle FCI, ou France coopération internationale.
Il s'agit de réduire de 1 million d'euros les crédits alloués à l'ADETEF, qui est l'unique « opérateur LOLF » du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi pour renforcer la dotation « solidarité à l'égard des pays en développement », c'est-à-dire le budget de M. Bockel.
L'ADETEF bénéficie en effet en 2008 de la reconduction d'une subvention de fonctionnement de 4, 2 millions d'euros, imputée sur l'action 2 du programme 110, sans compter la valorisation des avantages en nature - personnel mis à disposition, locaux, informatique, etc. - pour 2, 66 millions d'euros.
Aucun équivalent temps plein relevant du plafond d'emploi du ministère n'est financé sur le programme, mais il est prévu que soixante-quinze emplois hors plafond soient rémunérés par l'ADETEF en 2008.
Cette association déploie une importante activité de coopération dans les pays émergents et son budget prévisionnel en 2007 s'élève à 17, 98 millions d'euros.
Le GIP bénéficie cependant d'un montant nettement supérieur de ressources, montant évalué à 21 millions d'euros en incluant les avantages en nature.
Il en résulte, mes chers collègues, une réelle aisance financière, qui témoigne des succès remportés par l'ADETEF dans plusieurs appels d'offres, en particulier auprès de l'Union européenne.
Dans ces conditions, se pose la question du maintien à un haut niveau de la subvention de l'État, qui, à l'évidence, ne se justifie pas.
Le GIP a vocation à s'autofinancer à terme, comme c'est le cas pour le GIP France coopération internationale, qui a été créé beaucoup plus récemment, qui n'atteint pas encore le même volume d'affaires et dont le ministère des affaires étrangères réduit d'ores et déjà la subvention, qui passe de 500 000 euros en 2007 à 300 000 euros en 2008.
Celui de ces deux organismes qui est dans le « nid » de Bercy voit donc la subvention qu'il reçoit s'accroître alors qu'il n'en a manifestement pas besoin, tandis que celui qui est au quai d'Orsay, qui, lui, peut en avoir besoin, voit sa subvention diminuer !
La commission des finances en a déduit qu'il était possible, sans aucun inconvénient, de réduire la subvention de l'ADETEF à hauteur de 1 000 000 euros, par parallélisme avec FCI.
J'ajoute, cher Charles Josselin, que si l'on appliquait les mêmes critères à FCI, organisme que vous connaissez bien, le niveau actuel de sa subvention devrait être neuf fois plus élevé.
Autrement dit, selon que vous relevez du ministère de l'économie ou du quai d'Orsay, « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements... »
Surtout, mes chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait que, contrairement à ce qui se passe dans nos relations avec les autres ministères, qu'il s'agisse des affaires étrangères ou du codéveloppement, pour ce qui concerne cette partie du budget consacrée à l'aide au développement, je n'ai jamais pu obtenir du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi les renseignements que j'avais demandés - et j'ai pourtant répété mes demandes pendant des mois - sur l'ADETEF : renseignements sur les exercices passés et sur l'exercice actuel, sur les crédits de fonctionnement, sur les crédits d'investissement, sur le fonds de roulement, bref, des renseignements tout à fait « basiques » qu'un rapporteur budgétaire a le droit et le devoir de connaître et que c'est même son rôle de connaître s'il est le rapporteur spécial.
Cette rétention d'informations alliée à la volonté absolue de surdoter cette association alors que France coopération internationale, au Quai d'Orsay, est traitée d'une façon beaucoup plus sévère, a paru intolérable à la commission des finances, qui vous propose de réduire la subvention en question de 1 million d'euros. L'ADEFEF en aura encore suffisamment et ce transfert permettra de renforcer les crédits alloués aux pays pauvres.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L'ADETEF a besoin d'une subvention de l'État. En effet, toutes ses dépenses ne peuvent être couvertes par l'activité commerciale, laquelle se réduira si la subvention de l'État diminue.
M le rapporteur spécial fait un signe dubitatif.
Les excédents de l'ADETEF sont indispensables à sa croissance. Certes, un léger excédent a été constaté en 2007, de 430 000 euros et non pas de 1 million d'euros, mais la croissance de l'activité de l'ADETEF doit impérativement être accompagnée par une croissance du fonds de roulement.
L'ADETEF doit fournir des cautionnements pour mettre en oeuvre les missions. En cas de non-succès de la mission, une pénalité financière est appliquée et l'ADETEF doit provisionner.
La subvention est une dépense publique qui finance un produit d'appel, c'est-à-dire des prestations financées par l'État garantissant la visibilité de l'expertise française sur la scène internationale. Grâce à ces prestations, des appels d'offres sont gagnés et l'activité commerciale se développe.
Vous pouvez réduire la subvention, mais vous feriez alors le choix d'entraver le développement de l'activité commerciale de l'ADETEF, qui est essentielle.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
J'ai écouté M. le secrétaire d'État avec beaucoup d'attention, mais je voudrais redire que les ressources non budgétaires de l'ADETEF augmentent avec le volume de ses activités commerciales. Il n'est donc pas logique de continuer à lui servir une subvention en augmentation, alors que l'Association n'en a pas vraiment besoin.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, si l'ADETEF requiert une dotation en capital, il faut la financer correctement. Or le financement que vous envisagez grâce à cette subvention est irrégulier. Raison de plus pour supprimer un million d'euros !
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-36, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l'égard des pays en développementDont Titre 2
Codéveloppement
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement vise à supprimer un crédit de 620 000 euros du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » pour basculer la même somme sur le programme 301 « Codéveloppement ».
Il s'agit purement et simplement de supprimer les crédits du Haut Conseil de la coopération internationale, dont la commission des finances ignore toujours l'utilité.
Le point d'accord que nous avons avec l'interpellation un peu provocatrice...
...radicale, effectivement, sur la suppression du HCCI, est que nous devons nous demander régulièrement, au-delà même de la RGPP, comment améliorer le fonctionnement de ce Haut Conseil.
En revanche, le faire disparaître sans autre forme de procès en supprimant son budget, pose un certain nombre de questions.
Il a d'ailleurs été dirigé jusque très récemment par l'un des sages du Sénat que nous avons tous beaucoup apprécié, le regretté Jacques Pelletier.
Pour avoir souvent été en relation avec Ce Haut Conseil, je peux témoigner des services qu'il a rendus et, disons-le, de l'utilisation insuffisante que nous avons pu faire de ses avis.
Il doit certainement évoluer, tenir compte d'un certain nombre de critiques, mais la méthode que vous proposez n'est pas forcément la meilleure.
Il faudrait engager une concertation avec tous les partenaires : les ONG, le secteur privé, les entreprises, les élus.
L'adoption d'un amendement de suppression de crédits ne me semble pas être le meilleur moyen de faire progresser cette instance.
Je peux entendre un certain nombre de critiques, mais je ne suis pas favorable à cet amendement.
Jacques Pelletier présidait cet organisme depuis cinq ans, jusqu'au 3 septembre dernier, lorsqu'il a eu la fâcheuse idée de nous quitter. S'il était vivant, je ne suis pas certain que la commission des finances aurait fait cette proposition.
La manière de présenter le dossier me gêne beaucoup. Vous parlez, monsieur le rapporteur spécial, de 620 000 euros de crédits, alors que les frais de fonctionnement du HCCI représentent 61 000 euros ; le reste concerne des actions conduites en application de ses missions.
Mais non, très peu de voyages ; je peux en témoigner ! C'est trop facile !
En la matière, il faut bien voyager !
C'est surtout un organisme de concertation, qui est le seul à réunir tous les acteurs concernés par l'action internationale.
On fait la comparaison avec les ONG, mais on a oublié, dans l'exposé des motifs, la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui est le lieu de dialogue entre le ministre et les collectivités locales. Où se déroule le dialogue avec les syndicats, les entreprises, les universitaires, en matière internationale ? Au HCCI ! Tous ses membres sont nommés pour trois ans par décret, décret qui vient à échéance en mars 2009. Comment leur expliquerez-vous l'interruption de leurs mandats à mi-parcours ?
J'y insiste, le HCCI n'est pas un organisme de recherche. Il a produit, c'est vrai, 10 contributions, 42 avis, 23 rapports, dont le dernier a fait l'objet d'un travail très approfondi sur les accords de partenariat économique entre les pays ACP et l'Europe. Il n'était pas anormal que, sur ce thème-là., on réunisse le patronat, les syndicats, les universitaires et, bien entendu, les collectivités locales.
Dans sa fonction de lieu d'échanges et de concertation, le HCCI n'est pas contournable. Supprimez-le, vous devrez réinventer autre chose dans quelques mois !
Je ne vous demande pas seulement de penser à Jacques Pelletier : c'est le seul lieu qui permet à l'ensemble de la société civile de dialoguer avec l'État sur les questions internationales. Faut-il rappeler l'irruption de la société civile à l'international et la nécessité de dialoguer avec elle ?
Parlons-en quand vous voulez ! Parlons aussi de la façon dont on échauffe l'opinion publique à propos du Darfour !
Je tiens à soutenir Charles Josselin ; sa modestie l'a empêché de rappeler qu'il assume la présidence du HCCI depuis la disparition de Jacques Pelletier. C'est un travail qu'il accomplit sans doute par fidélité à la mémoire de ce dernier, mais surtout en raison de son engagement de longue date en matière de politique internationale.
Il s'agit d'une initiative incompréhensible ! Nous savons tous que le Gouvernement lancera, dans les mois à venir, un grand chantier sur la révision et l'actualisation de l'organisation de nos administrations, en particulier s'agissant de la politique étrangère. Quel est donc le sens d'un acte comme celui-ci à quelques mois de cette réorganisation ?
On nous observe ! Nous le savons tous, la politique étrangère est insuffisamment présente dans le débat national. Nous avons du mal à faire partager les objectifs de la politique étrangère à la société civile, que l'on réquisitionne à certains moments à l'appui de telle ou telle politique, tandis qu'on l'ignore complètement à d'autres moments. Il est aberrant de proposer la disparition du seul organisme qui permet ce dialogue.
Comme l'a souligné Charles Josselin, cette décision surprendra de nombreux partenaires de l'action publique. Faire comprendre l'action publique aux autres composantes de la société française est une difficulté traditionnelle dans notre pays. Nous avons plutôt intérêt à fortifier les quelques lieux au sein desquels on essaie d'inventer un autre mode de relation, quitte à en modifier la composition ou le fonctionnement, plutôt que de les faire disparaître.
On ne va pas attendre les conclusions de la révision générale des politiques publiques pour prendre quelques initiatives.
Nous devons examiner ce projet de budget pour 2008, et il nous est apparu judicieux de faire quelques propositions et de les soumettre au Sénat.
La France a pris l'engagement de consacrer 0, 7 % de son PIB à l'aide au développement. C'est un engagement formidable ! Mais est-il crédible alors que nous votons des budgets avec des déficits de 40 milliards d'euros ? La crédibilité de nos engagements dépend largement de notre capacité à mettre de l'ordre dans nos finances publiques.
C'est dans cet esprit que nous avons fait ces propositions, notamment celle que Michel Charasse vient de vous soumettre, au nom de la commission des finances.
Cela fait dix ans que la commission des finances demande la suppression de cet organisme.
Tous les ans je présente le même amendement, et tous les ans mes amis m'en veulent, mais la commission reste constante dans sa demande. Cela a commencé sous la présidence de Jean-Louis Bianco, qui a précédé Jacques Pelletier à la direction du HCCI.
Je remarque que notre collègue et ami Jacques Pelletier est malheureusement décédé depuis déjà plusieurs semaines. Or si cet organisme était aussi vital qu'on nous le dit, le Gouvernement aurait rapidement trouvé un président pour le remplacer.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l'état B.
Ces crédits modifiés sont adoptés.
Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers » figurant à l'état D.
§(en euros)
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Prêts à des États étrangers
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de cette mission.
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux » figurant à l'état D.
En euros
Mission
Autorisations
d'engagement
Crédits
de paiement
Accords monétaires internationaux
Relations avec l'Union monétaire ouest-africaine
Relations avec l'Union monétaire d'Afrique centrale
Relations avec l'Union des Comores
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de cette mission.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission : « Direction de l'action du Gouvernement » (et article 43 bis).
La parole est à M. Michel Moreigne, rapporteur spécial.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » est hybride : plus qu'une politique publique au sens de la loi organique relative aux lois de finances, elle correspond à un regroupement hétérogène de crédits de services du Premier ministre qui concourent à la politique gouvernementale.
Par rapport à l'an passé, cette mission a été véritablement reformatée. Le programme « Fonction publique », rattaché à la mission en 2007, a été transféré à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » à la suite de la création du ministère du budget, des comptes et de la fonction publique.
Un programme « Présidence française de l'Union européenne » a été constitué afin de recevoir l'ensemble des crédits concourant à la présidence de l'Union européenne, que notre pays exercera au second semestre de l'année 2008.
Enfin, plusieurs actions ont rejoint l'autre programme de la mission, « Coordination du travail gouvernemental ». Il s'agit des crédits correspondant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, à l'Ordre de la Légion d'honneur et à l'Ordre de la Libération.
Les crédits de la mission s'élèvent à 528, 24 millions d'euros en crédits de paiement, répartis entre deux programmes : le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », pour 408, 24 millions d'euros en crédits de paiement, et le programme 306 « Présidence française de l'Union européenne », qui a vocation à disparaître en 2009, pour 120 millions d'euros en crédits de paiement.
Mes chers collègues, vos rapporteurs spéciaux saluent la cohérence de la nouvelle maquette budgétaire. Ainsi, le choix de regrouper l'ensemble des crédits liés à la présidence française de l'Union européenne constitue une initiative heureuse : des décisions différentes avaient été prises lors des deux précédentes présidences françaises de l'Union européenne, en 1995 et en 2000, dont il était résulté un manque de transparence et de cohérence justement dénoncé par la Cour des comptes.
Cette année, ces crédits relèvent du seul secrétaire général de la présidence française de l'Union européenne, placé directement sous l'autorité du Premier ministre.
Toutefois, doit-on considérer l'actuelle maquette budgétaire comme achevée ? Le programme « Coordination du travail gouvernemental » a trop encore l'apparence d'un patchwork : y figurent, pêle-mêle, les crédits du Secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, des fonds spéciaux, du centre d'analyse stratégique et de divers organismes prospectifs, de plusieurs autorités administratives indépendantes, comme le Médiateur de la République et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et des directions d'administration centrale relevant des services du Premier ministre.
Une fois de plus, vos rapporteurs spéciaux observent que le programme « Coordination du travail gouvernemental » regroupe les crédits d'autorités administratives indépendantes qui ne relèvent pas véritablement de fonctions d'état-major de l'action gouvernementale.
Nous reviendrons sur le sujet tout à l'heure et nous vous proposerons un amendement tendant à créer, au sein de la mission « Direction de l'action du gouvernement », un nouveau programme « Protection des droits et des libertés fondamentales ». Deux amendements identiques avaient été adoptés par le Sénat l'an dernier. Nous renouvelons naturellement notre proposition d'amendement cette année encore.
Les crédits proposés pour le programme « Coordination du travail gouvernemental » appellent peu d'observations, car il s'agit, dans une très large mesure, de la reconduction des moyens déjà alloués en 2007 ou de la poursuite de programmes d'investissements antérieurs.
Deux remarques doivent toutefois être formulées sur ce programme, à la suite des missions de contrôle budgétaire effectuées par vos rapporteurs spéciaux.
D'une part, il vous est proposé un amendement de réduction de crédits, à hauteur de 216 300 euros, correspondant à la suppression du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, dont les missions sont aujourd'hui très largement assurées par la Cour des comptes.
D'autre part, la création du secrétariat d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques complexifie encore davantage le paysage des institutions exerçant des missions prospectives auprès du Gouvernement.
Vos rapporteurs spéciaux souhaiteraient que soit enfin conduit un travail de rationalisation des organismes gouvernementaux à vocation prospective, comme ils l'avaient préconisé, en juin 2006, à l'issue de leur mission de contrôle budgétaire sur le centre d'analyse stratégique.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, en tant que co-rapporteur, avec Michel Moreigne, de cette mission « Direction de l'action du Gouvernement », je tenais, en complément des propos tenus par celui-ci, évoquer la création du programme « Présidence française de l'Union européenne ».
Vous le savez, la création, cette année, de ce programme spécifique marque un réel progrès en termes de transparence budgétaire de l'action publique. Pour autant, des interrogations demeurent, dont je souhaite vous entretenir.
S'agissant du montant des dépenses, soit 190 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce programme se situe dans une moyenne haute. À titre de comparaison, les coûts des deux précédentes présidences françaises de l'Union européenne, en 1995 et en 2000, s'étaient élevés respectivement à 14, 1 millions d'euros et à 56, 9 millions d'euros.
Les précédentes présidences de l'Union européenne étaient également sensiblement moins coûteuses, de l'ordre de 70 millions d'euros pour les présidences autrichienne, au premier semestre de l'année 2006, finlandaise, au second semestre de l'année 2006, et portugaise, au second semestre de l'année 2007. En revanche, les dépenses liées à la présidence allemande, au premier semestre de cette année, ont atteint 180 millions d'euros, soit un niveau très proche de celui qui est proposé aujourd'hui pour la présidence française.
Le Gouvernement souligne, à juste titre, que la France doit tenir son rang : notre pays pourrait exercer l'une des dernières présidences semestrielles de l'Union européenne, avant l'entrée en vigueur, attendue en 2009, du nouveau traité institutionnel, et il est effectivement cohérent de le comparer à l'Allemagne, l'un des autres pays moteurs de la construction européenne.
Il est vrai également que l'augmentation du nombre d'États membres et la hausse des dépenses de sécurité après les attentats du 11 septembre 2001 biaisent quelque peu les comparaisons avec la période antérieure.
Néanmoins, l'autorisation budgétaire du Parlement doit se fonder sur des informations claires, précises et vérifiables. Telle est l'exigence que formule aujourd'hui la commission des finances.
Depuis l'examen en commission, toutefois, il y a lieu de se féliciter des explications apportées à vos rapporteurs spéciaux par M. Claude Blanchemaison, secrétaire général de la présidence française de l'Union européenne.
Tout d'abord, vos rapporteurs spéciaux observent que près de la moitié des dépenses du programme, présentées comme des charges obligatoires pour préparer les réunions des institutions européennes, dépassent, à elles seules, le budget de la présidence portugaise ou de la présidence finlandaise.
Ensuite, une grande partie des dépenses consiste en l'organisation de réunions ou de manifestations, dont la plupart sont évaluées à un coût forfaitaire de l'ordre de 1 million d'euros chacune. Ce chiffrage mérite certainement d'être affiné, en fonction des différents postes de dépenses, tels que l'hébergement, la sécurité, ou l'interprétariat.
Enfin, il faudra veiller à ce que les financements par les ministères et les crédits de la présidence française ne soient pas sources de dépenses supplémentaires.
Nous avons déjà évoqué les interrogations qui entourent le budget exact lié à la sécurité des manifestations, lequel a atteint 11 millions d'euros pour la présidence finlandaise. Quel sera le montant des dépenses engagées à ce titre pendant la présidence française ? Cette précision, pour l'instant, ne nous a pas été apportée.
Le budget de la communication s'élève à 15 millions d'euros, soit 8 % du total, ce qui représente un montant supérieur à celui de la seule communication gouvernementale assurée par le service d'information du Gouvernement, soit 6 millions d'euros aux termes du présent projet de loi de finances.
De plus, ce total de 15 millions d'euros n'inclut pas la prise en charge des journalistes qui couvriront les réunions et les manifestations. Quelles actions de communication sont-elles donc précisément envisagées ? Pourrons-nous disposer de coûts consolidés, incluant les frais liés à la communication pour les différentes réunions et manifestations ?
Mes chers collègues, pour conclure sur le programme « Présidence française de l'Union européenne », vos rapporteurs spéciaux sont convaincus que la France doit réaffirmer son ambition européenne, ce qui justifie l'importance du budget alloué. Toutefois, l'affirmation de notre ambition européenne est indissociable de l'exigence de transparence sur la dépense publique.
Telles sont les principales observations que Michel Moreigne et moi-même souhaitions porter à votre connaissance. Sous réserve de ces observations, la commission des finances a proposé l'adoption avec modification des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».
Applaudissements.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la réussite de la présidence française de l'Union européenne représente un enjeu important pour notre pays et pour l'Europe, nous en sommes tous convaincus. Pour le dire de façon familière, la France est attendue au tournant !
La création d'un programme spécifique constitue un progrès notable, notamment au regard des critiques formulées par la Cour des comptes à l'égard de la gestion de la précédente présidence française, en 2000, ce qui méritait d'être souligné.
Le budget de 190 millions d'euros qui nous est proposé est comparable aux dépenses du budget fédéral effectuées par l'Allemagne au cours de sa présidence au premier semestre de cette année. Il paraît donc équilibré.
Ma seule inquiétude, monsieur le secrétaire d'État, porte non pas sur le budget en tant que tel, mais sur la manière d'associer les Français. Cette présidence offre, en effet, une occasion unique de rapprocher les Français et l'Europe, trois ans après le « non » français au référendum sur le traité constitutionnel.
Or, quand je consulte la liste des manifestations qui devraient être organisées sous présidence française, et qui sont sans doute nécessaires, j'avoue nourrir quelques inquiétudes sur l'impact de celles-ci sur nos concitoyens.
Je m'interroge, par exemple, sur la capacité mobilisatrice de réunions comme celle qui est prévue sur l'évaluation des politiques publiques en Europe. Il ne faut pas, me semble-t-il, que la présidence française se résume à des conférences diplomatiques et à une approche trop institutionnelle. Elle doit également associer les assemblées, qui ont un rôle important à jouer, avec, par exemple, les réunions des représentants des parlements nationaux et du parlement européen. Vous le faites d'ailleurs très bien dans le cadre franco-français, monsieur le secrétaire d'État.
Les collectivités locales, le monde économique et la société civile devraient également être impliqués, car ce sont eux, en définitive, qui font vivre l'Europe au quotidien.
Enfin, je crois que la présidence française de l'Union européenne devrait nous donner l'occasion de changer notre manière de parler de l'Europe aux citoyens. Car que demandent les Français ? Ils ne veulent pas seulement être plus informés sur l'Europe. Ce qu'ils souhaitent, en priorité, c'est être davantage écoutés et voir leurs attentes réellement prises en compte.
La présidence française devrait donc non pas se résumer à des campagnes d'information, mais donner lieu à une véritable appropriation par les citoyens ; ainsi, la dynamique créée à l'occasion de la présidence française se prolongerait au cours ses années suivantes.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué l'idée d'organiser durant la présidence française huit conventions régionales et un débat sur l'Europe, avec un forum permanent sur Internet.
C'est très bien si ces différentes manifestations permettent, et je n'en doute pas, un véritable débat contradictoire. Mais si elles ne réunissent que les convaincus et les universitaires, comme cela a été souvent le cas par le passé, elles n'auront que peu d'intérêt.
Il faut en effet aller à la rencontre des citoyens et montrer, notamment à ceux qui ont voté « non », qu'on les écoute et que leurs préoccupations sont prises en compte.
Avec le traité de Lisbonne, la France a effectué son retour en Europe. J'espère, en en étant persuadé, que cette présidence sera l'occasion d'un retour de l'Europe en France.
Je rappelle que notre pays ne devrait exercer à nouveau la présidence de l'Union européenne, probablement sous la forme issue du traité de Lisbonne, qu'en 2022.
Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits du programme « Présidence française de l'Union européenne ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Jean François-Poncet.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, comme l'ont dit MM. les rapporteurs, la France est attendue. Elle aborde cette présidence de l'Union européenne avec de vrais atouts ; je ne pense pas seulement à celui que représente l'excellent secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
La France est à l'origine du traité simplifié : personne ne lui en conteste la paternité. Pour la première fois, elle a établi, ce dont il convient de féliciter le Président de la République, des rapports de confiance avec la Commission et avec son président, comme personne n'en avait jusqu'alors établis. Elle disposera ainsi d'un allié important. Enfin, elle a pu établir avec la plupart des nouvelles démocraties d'Europe centrale et d'autres petits États des rapports nouveaux, rapports qui, jusqu'à présent, n'étaient pas ce qu'ils auraient dû être.
Cela étant, le menu de cette présidence est considérable, au point de susciter de la crainte. Il comporte deux exercices obligés.
Le premier de ces exercices consiste en la mise en place des nouvelles institutions créées par le traité simplifié, c'est-à-dire, d'une part, la présidence durable du Conseil européen à la place de la rotation semestrielle jusqu'alors en vigueur et dont nous sommes les derniers titulaires, d'autre part, le « ministre des affaires étrangères européennes », qui, s'il n'en porte pas le titre, en aura les attributions.
Dans la mesure où ces nouvelles institutions devraient entrer en vigueur le 1er janvier, du moins nous l'espérons, il conviendra de les doter des services leur permettant de fonctionner. De ces dotations dépendra leur capacité à jouer un rôle plus ou moins important. Il s'agit donc là d'une décision politique très importante.
Le second de ces exercices concerne la programmation budgétaire. Le budget sera exécuté jusqu'en 2013, mais une remise à plat devra intervenir. Il appartiendra alors à la France d'expliquer quelles sont ses idées sur la politique agricole commune.
Notre pays est attendu sur les questions de l'énergie et de l'environnement, de la défense, des relations entre l'OTAN et l'Union européenne, sur la manière dont elle considère que la communauté peut protéger ses citoyens.
Ce dernier thème a souvent été développé par le Président de la République : que faut-il entendre exactement par « protection » ? Pour notre part, nous évoquons la préférence communautaire, bien que nos partenaires ne l'entendent pas de cette oreille. La France devra s'expliquer.
En outre, le Président sera sûrement interrogé sur le projet d'Union méditerranéenne.
Je le répète, le menu de la présidence française de l'Union européenne est chargé. De nombreux contacts seront utiles. Aussi, les crédits qui y sont consacrés, d'un montant important, sont nécessaires et, j'en suis persuadé, seront bien employés.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous voici, avec ce budget destiné à financer l'action du Gouvernement, en présence d'un véhicule budgétaire à contenu fort variable, ce qui pose d'ailleurs une petite question initiale quant au sens de la loi organique.
En effet, l'an dernier, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » réunissait les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental », ce programme recoupant également les crédits des très diverses autorités administratives indépendantes qui existent en France, ainsi que le programme « Fonction publique », aujourd'hui déplacé vers la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Et comme il y avait un peu de place dans une mission soudainement devenue plus étroite, les 220 millions d'euros du programme « Fonction publique » ayant migré, on vient d'y ajouter un programme « Présidence française de l'Union européenne » doté de 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros en crédits de paiement.
Nous ne remettons pas en question le fonctionnement des autorités administratives indépendantes et approuvons même l'amendement tendant à spécifier les dépenses ouvertes au titre du fonctionnement de ces autorités. Notons juste qu'il faudra un jour se demander si telle ou telle instance de régulation et de contrôle est nécessairement, dans tous les cas de figure, la solution la plus adaptée et la plus économe des deniers publics pour assumer telle ou telle fonction.
Mon intervention portera donc sur le sens que l'on entend donner à la présidence française de l'Union européenne, dont on peut se demander, soit dit en passant, pourquoi elle figure ici et non dans la mission « Action extérieure de l'État », où il nous semble qu'elle aurait eu toute sa place.
Pour en revenir à son contenu, ce programme vise à permettre le financement des conseils européens, prévus obligatoirement par le fonctionnement même de l'Union. Le seul problème est que la majorité des crédits ouverts au titre de ce programme porte sur les manifestations organisées sur l'initiative du pays exerçant la présidence et sur les dépenses de communication pouvant en découler.
En clair, on crée avec ce programme une ligne budgétaire de plus de 100 millions d'euros en autorisations de programme destinée à populariser, en quelque sorte, l'action de la France et, peut être, surtout, celle du Président de la République et du Gouvernement.
Nous pouvons partager l'avis de la Cour des comptes qui, pour des raisons de lisibilité budgétaire, avait recommandé de spécifier les dépenses liées à la présidence française. Mais est-il bienvenu de consacrer une ligne de 100 millions d'euros à ce qui risque de n'être que de simples actions de propagande en faveur de l'adoption du pseudo-minitraité européen, dont on sait qu'il ressemble assez fortement au traité constitutionnel, que nos compatriotes ont massivement rejeté le 29 mai 2005 ?
Ou alors, consacrons ces crédits à une consultation des Français par référendum sur ce minitraité.
La présidence française de l'Union européenne pourrait avoir un impact positif sur la construction européenne et la définition des politiques de l'Union.
Nous pourrions faire valoir, entre autres exemples, des choix nouveaux en matière de définition de la convergence des politiques publiques, nous interroger sur le rôle de la Banque centrale européenne, poser les jalons d'une Europe sociale par le renforcement des droits des salariés sur le territoire de l'Union.
Nous pourrions prendre de grandes initiatives dans la lutte pour la protection de l'environnement ou dans la constitution de puissants services publics, de réseaux à échelle européenne... Que sais-je encore ?
Mais une telle perspective semble pour le moment assez peu probable.
En tout état de cause, nous ne voterons pas, bien évidemment, les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier l'ensemble des orateurs. Jean-Pierre Jouyet interviendra sur tout ce qui concerne la présidence française de l'Union européenne. Pour ma part, je répondrai essentiellement aux propos de M. Moreigne.
Les deux programmes de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ne sont pas les mêmes que ceux des deux années précédentes, puisque le programme « Fonction publique » n'y figure plus en raison du changement d'organisation gouvernementale qui conduit à le rattacher à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Il ne vous aura pas échappé que les crédits de personnel et de fonctionnement de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, la DGAFP, sont maintenus, à titre conservatoire, au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental », dans l'attente des réformes institutionnelles appelées à mettre en oeuvre la nouvelle organisation gouvernementale et des conclusions de la révision générale des politiques publiques.
Des mesures seront prises à cet effet au cours de la première partie de l'année 2008 ; leurs conséquences seront tirées dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2009.
En outre, un nouveau programme est créé, « Présidence française de l'union européenne », qui fera l'objet d'une présentation par Jean-Pierre Jouyet.
Le programme « Coordination de l'action gouvernementale » n'est pas consacré au financement d'une ou de plusieurs politiques publiques, mais regroupe plusieurs entités.
Il comprend, d'une part, les services aidant le Premier ministre dans sa fonction de direction de l'action du Gouvernement. Ces services peuvent être classés entre les trois fonctions suivantes : la fonction d'état-major liée à la direction du Gouvernement - Secrétariat général du Gouvernement, Secrétariat général de la défense nationale, Secrétariat général des affaires européennes, Service d'information du Gouvernement -, la fonction de stratégie et de prospective - - Centre d'analyse stratégique, Conseil d'analyse économique, Conseil d'orientation de l'emploi, Conseil d'orientation des retraites, Conseil d'analyse de la société - et la coordination sectorielle, qui regroupe deux directions rattachées au Premier ministre, à savoir la DGAFP et la Direction du développement des médias.
Ce programme « Coordination de l'action gouvernementale » comprend, d'autre part, des autorités administratives indépendantes que le législateur a rattachées budgétairement aux services du Premier ministre - le Médiateur de la République, la Commission d'accès aux documents administratifs, le Comité consultatif national d'éthique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE.
Ledit programme ne comporte pas de services déconcentrés et très peu de crédits d'intervention.
Compte tenu de sa structure, le périmètre de ce programme est sujet à modifications, même si j'entends les commentaires et les critiques de M. Hue. En 2008, trois entités le rejoignent : la HALDE et les ordres de la Légion d'honneur et de la Libération.
À la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale, en seconde délibération, d'amendements du Gouvernement, il convient désormais d'y ajouter le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, créé par la loi du 30 octobre 2007, dont l'article 13 prévoit l'inscription des crédits de cette autorité indépendante au programme 129.
Il faut également ajouter la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont les crédits de personnel et de fonctionnement seront inscrits à ce programme, même si les crédits d'intervention continueront de figurer au programme 136 de la mission « Santé ».
Ce projet de budget vise prioritairement à poursuivre les efforts entrepris afin de garantir la qualité de la réglementation, la progression de la sécurité des systèmes d'information et le renforcement des fonctions de stratégie et de prospective.
La progression des moyens en faveur de la lutte contre les discriminations confiée à la HALDE figure également désormais parmi les priorités du programme.
Les crédits hors personnel enregistrent, quant à eux, une hausse sensible : presque 10 %.
Cette progression est destinée, d'une part, à l'action « Coordination de la sécurité et de la défense », afin de permettre au Secrétariat général de la défense nationale et au Groupement interministériel de contrôle d'assurer la poursuite de leurs programmes d'investissement.
Elle est destinée, d'autre part, à l'action « Coordination sectorielle », afin d'assurer la contribution de l'État en 2008 au fonctionnement du groupement d'intérêt public « France Télé numérique », et à l'action « Stratégie et prospective », pour l'acquisition d'études d'évaluation des politiques publiques.
Les crédits hors personnel des autres entités du programme restent stables ou sont en légère baisse.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais vous apporter sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, au lendemain des riches débats que nous avons eus hier soir, ici même, sur le budget européen et, plus largement, sur la politique européenne de la France, je suis très heureux de vous retrouver si rapidement pour vous parler d'Europe.
Comme l'a souligné Jean François-Poncet, la France est attendue. Elle dispose d'un certain nombre d'atouts : son rôle dans la mise en place du traité simplifié, ses relations nouvelles avec les institutions européennes, notamment la Commission, ses relations renouées avec les pays d'Europe centrale.
Le menu est copieux, mais le temps est compté. En effet, sous la présidence française, qui aura lieu au second semestre de l'année 2008, les enjeux seront extrêmement importants et le calendrier international substantiel - je le dis à l'intention de M. Marc -, au-delà de ce qu'il a été sous d'autres présidences.
Ces enjeux sont les suivants : la mise en place des nouvelles institutions, les perspectives financières, la politique agricole, la défense, la protection des citoyens, l'Europe du futur, monsieur Hue, dans les domaines aussi bien de la recherche que de l'environnement et de l'énergie.
Les attentes sont également fortes en ce qui concerne, d'une part, nos actions sur les services publics, et, d'autre part, les relations sociales : les enjeux sociaux à l'échelon européen sont en effet très importants, et nous aurons à faire vivre l'agenda social ; je tenais à le dire à Robert Hue.
Tout en remerciant MM. les rapporteurs spéciaux, Michel Moreigne et François Marc, ainsi que M. le rapporteur pour avis, Hubert Haenel, de la qualité de leurs travaux, je voudrais vous indiquer quelques ordres de grandeur sur ce programme et souligner que les crédits correspondant à la préparation et à l'exécution de la présidence française ont vocation à couvrir exclusivement la prise en charge des réunions et manifestations qui incombent à la présidence de l'Union.
Ce sont des dépenses qui, vous le savez, revêtent un caractère exceptionnel. Compte tenu de l'expérience de la présidence de 2000, de l'examen des opérations réalisées par la Cour des comptes et des exigences de la loi organique relative aux lois de finances, nous avons regroupé ces crédits dans un budget spécifique, pour plus de lisibilité, de traçabilité et d'efficacité dans la gestion.
Tel est le sens de la création de ce programme budgétaire, dont la responsabilité est confiée par décret au secrétaire général en charge de la présidence française, qui est placé sous l'autorité du Premier ministre et dont la mission est de responsabiliser l'ensemble des acteurs et de faciliter le suivi et le contrôle de l'utilisation des crédits.
Le fait que ce programme soit rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement » me paraît parfaitement logique. En effet, si aujourd'hui l'action européenne a, que cela plaise ou non, pour une part une dimension extérieure, elle a pour l'essentiel une nature interministérielle. C'est la raison pour laquelle il est parfaitement logique que cette action soit rattachée à l'action plus générale des services du Premier ministre.
Comme l'a indiqué M. Marc, le chiffre de 180 millions d'euros est très vraisemblablement inférieur au coût de la présidence allemande, la plus comparable à la nôtre sur la période la plus récente, si l'on ne tient pas compte des autres participations, qui sont souvent en nature. C'est le véritable point de comparaison dont nous disposons pour déterminer le coût de cette présidence.
Dans vos commentaires, vous avez établi des comparaisons avec les présidences précédentes. Je n'y reviens pas, dans la mesure où les analyses que vous avez réalisées sont justes et précises ; elles ont montré en quoi cette présidence était différente des présidences antérieures, eu égard notamment à l'accroissement des exigences en matière de sécurité.
J'en viens aux questions que vous avez posées plus spécifiquement sur un certain nombre de dépenses.
Monsieur le rapporteur spécial, s'agissant des dépenses de sécurité, les exigences se sont effectivement accrues. Pour l'heure, nous disposons de 10 % d'évaluations forfaitaires, sachant que les évaluations les plus précises concernent un certain nombre de manifestations particulières comme les Conseils européens ou les sommets auxquels participe le Président de la République, qui font l'objet d'une budgétisation spécifique.
Les dépenses de communication, qui s'élèvent à 15 millions d'euros, concernent les actions interministérielles globalement liées à la présidence française et un certain nombre de manifestations relevant de la communication. Pour être clair, je dirai que, à chaque présidence - ceux qui y ont participé le savent -, des cadeaux sont offerts aux étrangers, à hauteur de 4 millions d'euros. En outre, un certain nombre de brochures sont éditées, pour un coût de 1, 5 million d'euros, et un budget de l'ordre de 5 millions d'euros est prévu pour la campagne de communication.
Les invitations des journalistes ne figurent pas dans cette action, et les sommes correspondantes sont inscrites dans les crédits des manifestations, au même titre que la sécurité, pour identifier le coût complet de chaque manifestation.
J'en viens à l'observation de Robert Hue sur les 100 millions d'euros et aux indications de Hubert Haenel. Il s'agit effectivement d'un débat de fond. Un certain nombre de dépenses n'ont pas, aux termes du règlement du Conseil, de caractère obligatoire dans l'exercice de chacune des présidences.
Mais il est extrêmement important qu'il y ait des manifestations, des conseils et des réunions qui associent à la fois les responsables européens, les représentants de la Commission et nos partenaires européens, et que nous puissions donner, au travers de ces actions, une image de ce qu'est le savoir-faire technologique, industriel, culturel et universitaire de la France.
Les rencontres et manifestations informelles ont pour but, comme l'a souligné M. Haenel, de favoriser une appropriation plus forte de cette présidence par nos concitoyens. Cela n'a rien à voir avec le jugement que l'on peut porter sur le mode de ratification du traité. L'objectif est, à l'instar de chaque présidence de l'Union européenne, qu'un contact direct s'établisse entre les Français et l'Union européenne au travers d'un certain nombre de manifestations.
Je tiens à vous rassurer : avec le secrétaire général de la présidence française de l'Union européenne, Claude Blanchemaison, je prends l'engagement que le compte rendu de l'emploi de ces crédits vous sera présenté avec la même exigence et comportera des indicateurs de performance. Ils sont sans doute plus difficiles à mettre en oeuvre dans le domaine des relations internationales, mais ils peuvent tout à fait être traduits pour que vous disposiez d'un bilan des actions qui auront été entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le succès d'une présidence se mesure à la qualité de son organisation ; il importe donc d'être irréprochable. Cela suppose une gestion particulièrement rigoureuse de ces crédits. En même temps, une présidence, c'est l'image de marque d'un pays. Il est donc important de saisir cette occasion unique de montrer à nos partenaires quelles sont nos traditions, nos exigences, et quel est le potentiel de notre pays. Il est aussi fondamental de réussir ce rendez-vous entre les Français et les Européens, qui est le gage d'un véritable retour de l'Europe en France.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » figurant à l'état B.
En euros
Direction de l'action du Gouvernement
Coordination du travail gouvernemental
Dont titre 2
165 955 175
165 955 175
Présidence française de l'Union européenne
L'amendement n° II-28, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Créer le programme : Défense et protection des droits et des libertés fondamentales
II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2
Présidence française de l'Union européenne Dont Titre 2
Défense et protection des droits et des libertés fondamentales Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Cet amendement vise à bien identifier dans un programme spécifique, au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », les crédits de plusieurs autorités administratives indépendantes qui concourent à la défense et à la protection des droits et des libertés fondamentales.
Dans la maquette du présent projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, ces dépenses relèvent du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », alors qu'elles ne dépendent manifestement pas des fonctions d'état-major de l'action gouvernementale.
En revanche, le programme qu'il est proposé de créer serait conforme à la définition posée par l'article 7 de la LOLF, qui dispose notamment : « Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation. »
Le présent amendement s'inscrit dans la continuité des propositions faites par notre collègue Patrice Gélard, dans son rapport d'information de juin 2006, sur les autorités administratives indépendantes au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.
Un certain nombre de crédits, dont je ne reprendrai pas la liste complète, relèvent de ces autorités administratives indépendantes et seraient inscrits dans ce programme spécifique.
Je propose donc, au nom de la commission des finances, la création de ce programme dans les conditions que je viens d'indiquer.
Le Gouvernement comprend la préoccupation de M. le rapporteur spécial, mais une telle décision serait prématurée dans la mesure où nous envisageons une révision constitutionnelle.
Le Président de la République et le Premier ministre ont engagé des consultations pour faire évoluer la situation afin que figurent, dans la révision constitutionnelle à venir, des propositions relatives à l'organisation des institutions en charge de la protection des droits et libertés.
Dans ces conditions, il est évidemment difficile de regrouper aujourd'hui un certain nombre de fonctions et de les identifier si cette révision constitutionnelle devait comporter des éléments relativement différents.
Par conséquent, l'idée est peut-être bonne et pourrait être mise en oeuvre après la révision constitutionnelle, une fois que l'organisation de ces institutions aura été mieux identifiée.
Cet amendement est une proposition récurrente de la commission des finances depuis que nous sommes en format LOLF. Lorsque la matrice des missions a été arbitrée, la commission des finances avait exprimé le souhait de réserver un statut particulier aux autorités indépendantes, de telle sorte qu'elles puissent échapper à certaines régulations budgétaires. Ce statut les rapprochait non pas de celui des pouvoirs publics, mais de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Monsieur le secrétaire d'État, ce n'est qu'un programme ! Par conséquent, sa création n'est pas gravée dans le marbre. Vous comprenez que nous attachons un certain prix à ce que ces autorités reçoivent quelques gages de leur indépendance. Il n'y a pas si longtemps, nous avions vu l'une de ces autorités indépendantes faire l'objet d'une régulation budgétaire, alors même que son président avait pris une position qui n'était peut-être pas tout à fait dans la ligne du Premier ministre de l'époque.
Et il est toujours fâcheux d'établir une présomption de lien entre cette prise de position d'une autorité indépendante et une régulation budgétaire tendant à réduire les moyens de ladite autorité. C'est pour nous mettre à l'abri de telles situations que nous vous proposons, avec conviction, cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-26, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2
Présidence française de l'Union européenne
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet de supprimer les crédits du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.
En effet, à la suite du rapport que Michel Moreigne et moi-même avions présenté, ...
...reposant notamment sur une enquête demandée à la Cour des comptes par la commission des finances du Sénat, en application de l'article 58-2 de la LOLF sur les commissions et instances consultatives ou délibératives placée auprès du Premier ministre, la commission des finances avait préconisé la suppression de ce comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.
Si ce comité a joué un rôle historique et significatif à la Libération et pendant les Trente Glorieuses, il est apparu que ses missions d'audit avaient aujourd'hui vocation à être exercées par la Cour des comptes.
D'ores et déjà, le comité d'enquête est présidé par le Premier président de la Cour des comptes et ses travaux sont régis par le code des juridictions financières.
La diminution des crédits proposée s'élève à 216 300 euros, répartie comme suit : 200 300 euros en dépenses de personnel et 16 000 euros sur les autres titres, principalement des frais de déplacement, relevant de l'action n° 10 « Soutien ».
Cet amendement va dans le sens des exigences formulées par la commission des finances, qui souhaite une extrême rigueur dans l'approche de ces questions.
Je ne voudrais pas m'attirer des ennuis avec mon ancien patron politique, le comité en question dépendant directement de la Cour des comptes. (Sourires.)
Ce comité recherche et propose des mesures propres à réduire le coût et à améliorer la qualité, le rendement des ministères, des collectivités territoriales, des organismes. Sa composition tripartite et sa sobriété budgétaire en font un outil précieux pour contribuer dans le dialogue à enraciner la réforme de l'État.
Dans un rapport au Parlement d'octobre 2006 sur les commissions consultatives placées auprès du Premier ministre, la Cour des comptes avait recommandé que le comité d'enquête lui soit formellement rattaché compte tenu des synergies évidentes. Ce changement de rattachement institutionnel, enjeu de simplification administrative, contribuerait à la volonté du Président de la République de donner à la Cour des comptes les moyens de devenir le grand organisme d'audit et d'évaluation des politiques publiques dont notre État a besoin.
Cette question sera naturellement arrêtée dans le cadre des conclusions de la révision générale des politiques publiques. Des mesures seront prises à cet effet dans la première moitié de l'année 2008 et leurs conséquences tirées dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2009.
Tout à l'heure, M. Arthuis a rappelé que, sur le sujet précédent, j'avais probablement suivi la commission des finances dans les années antérieures. Mais, en l'occurrence, je ne suis pas convaincu qu'il faille faire un geste de cette nature. Cela pourrait laisser supposer que nous n'avons pas une pleine et totale confiance dans la Cour des comptes.
Je vous rassure, monsieur le secrétaire d'État, la commission des finances entretient des relations excellentes, de confiance, avec la Cour des comptes. Nous avons besoin de la Cour des comptes, nous en sommes conscients, pour nous assister et nous aider dans la conduite des enquêtes ; son expertise nous est précieuse.
Vous comprendrez aisément que si la commission des finances avait le moindre doute que le vote de cet amendement pourrait entraîner une altération de ses bonnes relations avec la Cour des comptes, elle ferait tout pour écarter ce risque.
Les deux rapporteurs spéciaux, François Marc et Michel Moreigne, après un excellent travail, sont arrivés à la conclusion que ce comité faisait partie, en termes archéologiques, des instruments que l'on n'a sans doute pas le courage de supprimer.
Je considère qu'il est de la responsabilité du Parlement d'aider le Gouvernement à faire avancer certaines réformes, même si elles sont modestes.
Mes chers collègues, hier soir, le Sénat a voté l'article d'équilibre. Nous avons alors pris l'engagement d'extraire au moins 20 millions d'euros d'économies à l'occasion de l'examen des crédits des différentes missions.
Certes, avec 216 300 euros, nous sommes loin du compte, mais c'est une première contribution.
Nous avons pris cet engagement afin d'assurer le financement de l'aménagement de l'article 12. C'était la quadrature du cercle : porter la dotation aux collectivités territoriales à 51 milliards d'euros, en progression de 1, 6 % par rapport à 2007, tout en maintenant, à l'intérieur de cette enveloppe normée, une dotation globale de fonctionnement en hausse de plus de 2 %.
Il en résultait deux variables d'ajustement dont les effets étaient extrêmement abrasifs, notamment pour les départements ruraux et pour nombre de collectivités attributaires de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP.
Avec l'aide du Gouvernement, nous sommes parvenus à trouver, je le crois, un heureux compromis. Nous avons « repackagé », si vous me permettez l'expression, 103 millions d'euros, mais nous avons pris l'engagement d'extraire 20 millions des différentes missions dont les crédits vont être examinés à compter d'aujourd'hui.
Telles sont les raisons qui nous incitent à maintenir cet amendement. Toutefois, je ne voudrais pas que cette décision soit de nature à troubler les bonnes relations que nous entretenons avec le Gouvernement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-27, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2
Présidence française de l'Union européenne
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
Ce dernier amendement a pour objet de transférer les crédits du Secrétariat général des affaires européennes, le SGAE, constituant l'action n° 3 « Coordination de la politique européenne » du programme « Coordination du travail gouvernemental », vers le programme « Présidence française de l'Union européenne ». En effet, la mission du SGAE participe davantage de l'action européenne de la France que de la coordination du travail gouvernemental stricto sensu.
Cette modification de la maquette budgétaire se justifie également par le rôle qu'est appelé à jouer le SGAE dans la préparation de la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008, et dont rend compte le renforcement de ses moyens, en hausse de 2, 5 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, soit une création de 13 emplois temps plein travaillé, dont six postes contractuels.
Ces arguments suffisent, à nos yeux, à justifier cet amendement.
Je comprends les préoccupations qu'a clairement exprimées M. François Marc.
Le secrétariat général pour les affaires européennes est une structure pérenne des services du Premier ministre. Il a été créé en 1948 et il a fonctionné jusqu'en 2005 grâce à la mise à disposition d'agents par les différents ministères.
Dans le cadre de la loi organique, en 2006, des emplois ont été transférés sur le programme « Coordination du travail gouvernemental », en particulier sur l'action « Coordination de la politique européenne » : 137 emplois.
En 2007, il a fallu procéder à la sécurisation d'un certain nombre d'emplois mis à disposition. Le nombre d'emplois du secrétariat général pour les affaires européennes est alors passé à 143, sans qu'il s'agisse pour autant d'une véritable augmentation.
En 2008, ce même phénomène porte sur treize emplois. Il s'agit, là encore, de pérenniser des emplois mis à disposition par d'autres ministères et qui sont affectés pour partie à la mise en place du site relatif à la présidence française de l'Union européenne, site qui regroupe des actions interministérielles : on fait appel aux spécialistes de l'agriculture pour les affaires agricoles, aux spécialistes des finances pour les affaires financières, etc.
Selon nous, ces emplois doivent être regroupés au sein du secrétariat général pour les affaires européennes. Cela correspond à l'activité propre du SGAE. Il ne nous paraît pas opportun de transférer ce qui est relatif à une mission pérenne vers une structure dont la durée est par nature temporaire et qui a pour vocation principale d'organiser les manifestations relatives à la présidence française de l'Union européenne.
Sous le bénéfice de ces explications, je souhaite le retrait de cet amendement.
Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-27 est-il maintenu ?
Eu égard à la nécessité d'assurer la pérennité des emplois visés et de les sécuriser dans le temps, il semble opportun de retirer cet amendement.
L'amendement n° II-27 est retiré.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », modifiés.
J'appelle en discussion l'article 43 bis qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Direction de l'action du Gouvernement
I. - Le premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le Médiateur de la République est ordonnateur principal de l'État ; il peut donner délégation de sa signature par décision publiée au Journal officiel. »
II. - Le Médiateur de la République conserve à titre transitoire, et jusqu'au 31 décembre 2008, le compte de dépôt de fonds au Trésor dont il dispose, sans qu'il lui soit possible de l'abonder. Le Médiateur de la République rendra compte au 31 décembre 2008 de l'utilisation des fonds directement à la Cour des comptes.
Adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures cinq.