...qui dispose de l'essentiel des moyens. Il est par ailleurs difficile de mener une action concertée avec le ministère de la culture, qui a la responsabilité de la langue française en France. Par conséquent, les secrétaires d'État qui se succèdent, y compris ceux qui sont connus pour leur engagement en faveur de la francophonie, ont du mal à piloter des projets dans une telle situation.
Je répète donc, une fois de plus, qu'un vrai changement nécessiterait de réunir dans une même main les relations culturelles extérieures, la francophonie et l'audiovisuel extérieur de la France, au sein du ministère chargé des affaires étrangères.
Rien n'a bougé non plus quant à l'idée que l'on se fait de la francophonie. Elle attire chaque année des pays supplémentaires. Mais jusqu'où irons-nous dans cette expansion ?
Je considère que la vision de la francophonie à travers le prisme étatique est insuffisante : la francophonie a vocation à concerner le monde entier, parce qu'il y a partout sur la planète des hommes et des femmes qui aiment la langue française, qui la pratiquent, qui souhaitent échanger en français, lire des journaux ou des livres français. La francophonie est ainsi, avant tout, une notion linguistique. Privilégions donc la notion de réseau mondial, plutôt que ce rassemblement d'États plus ou moins francophones.
Ce fut par ailleurs un beau combat que celui auquel a contribué le monde francophone en faisant adopter par l'UNESCO une convention en faveur de la diversité culturelle, et donc linguistique. Mais nous n'en tirons pas toutes les conséquences. Pour défendre la diversité culturelle et linguistique, il faut veiller à ce que les langues gardent la capacité à exprimer les réalités du xxie siècle. Sommes-nous, sur ce point, suffisamment vigilants ?
Nous nous résignons à ce que le français soit de moins en moins utilisé dans le domaine des sciences. Croit-on vraiment - c'est à mon avis un point essentiel - qu'une langue qui n'est plus employée pour exprimer la création nouvelle, la découverte, la modernité, peut rester une langue dont le rayonnement est mondial ? Le débat sur le protocole de Londres a montré que cette évidence est loin d'être toujours comprise.
Beaucoup de Français, surtout ceux qui ont des responsabilités, semblent se résigner au repli de l'usage du français sur la sphère privée. Le prétexte du coût des traductions est souvent mis en avant. Oui, la traduction a un coût, mais il n'est pas aussi élevé qu'on veut bien le dire. Et le recours à la traduction, avec l'apprentissage des langues étrangères, est la seule façon de permettre aux langues de s'exprimer sur tout et de favoriser un véritable dialogue entre les différentes aires linguistiques.
Parce que j'aime et respecte le français, j'aime et respecte toutes les langues : je fais donc le choix d'un monde qui traduit, et c'est dans ce monde-là que la francophonie peut trouver sa raison d'être.
En conclusion, en dépit des réserves que j'ai émises quant à l'absence de vision stratégique de l'action francophone, notamment, la commission des affaires culturelles est favorable à l'adoption de ces crédits, dont le montant, je le répète, est globalement satisfaisant.
Je vous poserai enfin trois questions, monsieur le secrétaire d'État.
Où en est le projet de la Maison de la francophonie, dont les problèmes ne doivent pas être imputés aux services chargés de la francophonie ?