Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous faire part des quatre grands objectifs du Gouvernement en matière d'aide publique au développement, avant de répondre aux questions soulevées par le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis.
Il est inévitable de commencer par une évaluation chiffrée de l'effort d'aide publique au développement rapporté à notre richesse nationale. Toutefois, une appréciation qualitative de l'aide est également indispensable.
De 0, 42 % du revenu national brut attendu pour 2007, l'aide sera portée à 0, 45 % pour 2008. Certains d'entre vous se sont demandés comment on établit ce pourcentage. Comme chaque année, la principale source d'incertitude qui préside à sa détermination sera évidemment le montant des annulations de dettes.
Notre prévision pour 2008 retient la somme de 1, 2 milliard d'euros d'annulations au titre de la Côte d'Ivoire et de la République démocratique du Congo. Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le Club de Paris retiennent la même prévision.
Évidemment, celle-ci reste soumise à des aléas politiques qui peuvent avoir un effet significatif sur le chiffre de l'aide publique au développement. Mais, en l'état, l'hypothèse retenue nous paraît tout à fait raisonnable et plausible.
Au-delà des chiffres que je viens d'évoquer, je crois que l'aspect qualitatif de notre aide se situe au coeur de notre démarche, et je voudrais attirer votre attention sur les quatre grands objectifs qui président à notre action au sein du programme « Aide économique et financière au développement », géré par mon ministère.
Ces objectifs sont la qualité, les priorités, un meilleur ciblage géographique et enfin la nécessité d'établir des relations avec de nouveaux partenaires dans le contexte d'une économie mondialisée où l'aide publique a probablement changé elle aussi de visage.
Premier objectif : nous voulons placer notre action sous le signe de la qualité de l'aide, ce qui signifie mesurer les résultats concrets que nous obtenons pour chaque euro que nous investissons. Cela permettra, nous semble-t-il, d'instaurer une véritable culture du résultat au sein des organismes multilatéraux qui bénéficient de nos financements et qui, pour certains d'entre eux, ont probablement besoin d'une telle culture.
Il faut évidemment évaluer l'impact concret des dépenses réalisées au titre de l'aide au développement, ce qui suppose de mesurer par exemple les effets d'un meilleur accès à l'eau, d'un meilleur niveau de santé ou encore des flux migratoires. C'est ainsi que nous pourrons mieux cibler notre effort. Par ailleurs, notre aide doit non seulement avoir des effets directs, mais aussi un effet d'entraînement sur le développement ; nous devons nous en assurer.
En outre, je crois nécessaire, dans la perspective de la réunion d'Accra en 2008, d'élever encore dans ce domaine notre niveau d'exigence à l'égard des organismes multilatéraux. Je rejoins à cet égard les propos tenus par Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, lorsqu'elle affirme que la reconstitution des fonds multilatéraux ne doit pas échapper à une gestion rigoureuse.
La coordination de l'action des bailleurs, qu'ils soient bilatéraux ou multilatéraux, est également un enjeu central. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de plaider pour une division du travail plus efficace entre acteurs nationaux et acteurs européens.
Deuxième objectif : nous voulons recentrer l'aide publique au développement autour d'un nombre de priorités plus restreint, en cohérence avec, d'une part, les grands enjeux politiques qui guident notre action et, d'autre part, nos domaines d'expertise. À mon sens, l'accent doit être mis sur l'environnement, la santé et le codéveloppement, notamment au travers de la revalorisation des transferts des migrants, qu'évoquera beaucoup mieux que moi M. Brice Hortefeux.
Troisième objectif : nous voulons recentrer l'aide grâce à un meilleur ciblage géographique, reflétant de façon plus précise à la fois nos liens historiques avec certains pays, nos intérêts et l'expertise particulière que nous avons développée.
En effet, à trop vouloir s'étendre un peu partout dans le monde et à vouloir satisfaire chacun, on finit par mécontenter tout le monde. Il apparaît clairement que l'Afrique se verra encore renforcée comme principal continent bénéficiaire de l'APD française. Cela se traduit non seulement par une aide bilatérale, mais aussi par un choix de nos instruments multilatéraux. Aujourd'hui, 57 % de l'aide française sont consacrés à l'Afrique subsaharienne.
Je suis heureuse à cet égard que la reconstitution du fonds de développement de la Banque mondiale s'accompagne d'une augmentation de la part de l'aide de la Banque mondiale qui bénéficiera à l'Afrique subsaharienne. Lorsque Jean-Marie Bockel et moi-même nous trouvions à Washington à l'occasion des assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en tant que représentants de la France, nous avons particulièrement insisté sur ce point.
De même, notre effort au sein du Fonds africain de développement, en augmentation de 6, 5 % par rapport à la précédente reconstitution, nous permet de plaider pour que l'aide soit orientée vers les pays africains qui nous semblent prioritaires, et en particulier, au sein de ces pays, vers les États fragiles.
Nous faisons ainsi jouer un effet de levier de la participation française en proposant des orientations à nos partenaires dans un cadre multilatéral. Au total, que l'action soit bilatérale ou multilatérale, la priorité est donc très clairement donnée à l'Afrique, pour les raisons qu'ont évoquées un certain nombre d'entre vous dans leurs interventions.
Quatrième objectif, lui aussi déterminant : mieux prendre en compte la place croissante de nouveaux acteurs du développement. L'aide, en effet, n'est pas seulement l'affaire des gouvernements. Madame Tasca, vous l'avez dit tout à l'heure : la mondialisation change les circonstances et les acteurs, notamment par l'arrivée des pays émergents sur la scène du développement.
Les organisations non-gouvernementales, les collectivités locales et les fondations privées prennent une importance croissante. Et au-delà des moyens de l'aide publique au développement, nous avons un rôle essentiel à jouer, notamment sur le plan fiscal et sur le plan juridique, pour encourager un certain nombre de ces initiatives et ainsi mettre en place de véritables partenariats public-privé visant à mieux concourir au développement.
Bien sûr, je ne suis pas en train de suggérer que nous créions dès demain des fondations telles que celle de Bill et Melinda Gates, ou que nous attirions tous les Warren Buffet de la terre, mais ce ne serait sans doute pas une mauvaise idée si notre ingénierie fiscale et juridique mettait en place des structures dans lesquelles de tels acteurs pourraient aisément orienter leurs fonds en collaboration avec des fonds publics.
Le monde a changé ! Certains ont évoqué le rôle que jouent dorénavant les autorités chinoises, en particulier par l'intermédiaire du fonds chinois, qui gérera prochainement plus de 200 milliards de dollars. À cet égard, j'attire l'attention de votre Haute Assemblée sur l'action du Président de la République lors de son récent voyage en Chine, durant lequel il a proposé aux autorités chinoises, et notamment à son homologue, de les faire bénéficier de l'expertise française dans le cadre d'actions clairement entreprises par les autorités chinoises au service du développement en Afrique. On peut parfois douter que ces actions servent exclusivement, ou même concomitamment, au développement des pays africains dans les circonstances que vous avez évoquées tout à l'heure.
Je voudrais maintenant répondre à certaines des questions précises posées par les rapporteurs et en particulier à celles de M. le rapporteur spécial.
Le périmètre de la mission « Aide publique au développement » peut faire apparaître quelques différences avec le périmètre des dépenses comptabilisées en aide publique au développement dans le respect des critères stricts du comité d'aide au développement de l'OCDE.
Je crois que ces différences sont normales et il ne me semble pas souhaitable de séparer artificiellement les dépenses qui ne sont pas comptabilisées en aide publique au développement. Un programme est une unité d'exécution de la dépense de l'État qui, pour rester opérationnelle, ne peut recouper exactement le périmètre des dépenses comptabilisées en aide publique au développement, au sens strict de l'OCDE.
Vous avez reconnu la qualité des informations fournies par le document de politique transversale, tout en appelant de vos voeux des améliorations, notamment en ce qui concerne l'impact des prêts et des annulations de dettes. Je veillerai à ce que ces améliorations soient apportées et qu'elles soient rendues visibles dès l'an prochain.
J'ai bien noté la question portant sur les écolages et je propose d'engager une réflexion sur le sujet.
En ce qui concerne l'aide aux réfugiés, sa comptabilisation respecte, je crois, les directives de l'OCDE.
Enfin, je note vos interrogations relatives au statut de l'AFD, qui est un établissement public, financé principalement par ses émissions obligataires, qui ne reçoit aucune subvention pour charge de service public, ni de fiscalité affectée. L'AFD ne peut donc pas être un opérateur au sens de la LOLF. Cependant, elle est soumise aux mêmes obligations de compte rendu en matière budgétaire et de mesures de la performance que les opérateurs.
Telles sont les brèves observations que je souhaitais formuler, mesdames, messieurs les sénateurs.