Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 29 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : « accords monétaires internationaux »

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie :

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l'engagement français en matière d'aide au développement doit s'articuler autour de quelques priorités que je vais énumérer.

Tout d'abord, une action forte et constante de solidarité doit être menée envers les pays les plus pauvres, aux premiers rangs desquels figurent les pays africains, afin de maximiser l'efficacité de notre aide. Évidemment, il faudra, comme vous l'avez suggéré, faire un certain nombre de choix, fondés sur des critères de bonne gouvernance - comme l'a fort justement souligné Georges Othily tout à l'heure -, qui conduiront à privilégier quelques pays où l'efficacité pourra être la meilleure, comme cela se fait déjà ailleurs.

Il ne s'agit pas forcément d'aider moins les pays qui rencontrent des difficultés de gouvernance, mais de les aider différemment, d'y développer de l'aide aux projets, d'y favoriser le renforcement des capacités, bref, de sortir des logiques clientélistes.

Ensuite, il convient de mener une action résolue en faveur de la préservation de nos intérêts collectifs tels que la question du réchauffement climatique, la biodiversité ou la gestion concertée des migrations. Sur ce dernier point, je voudrais assurer à M. le rapporteur spécial que je travaille en parfaite intelligence avec Brice Hortefeux et ses services sur les actions de codéveloppement. Nous nous déplaçons même régulièrement ensemble pour porter ces projets, et cela se passe fort bien.

Par ailleurs, il importe d'engager une action de modernisation de notre appareil de coopération au travers de l'impératif d'efficacité de l'aide, que soulignait tout à l'heure Mme Brisepierre. La mise en oeuvre effective des programmes doit être assurée par notre administration, mais également par un nombre limité d'opérateurs, avec des critères d'efficacité.

Je pense bien sûr à l'AFD, notre opérateur-pivot, qui a acquis au fil des années, et notamment à l'international, comme j'ai pu m'en rendre compte, en particulier dans les instances de l'ONU, une grande crédibilité. Cela suppose évidemment un contrôle adapté de cette agence par l'instauration de mécanismes d'évaluation.

Dégagées ainsi de leurs tâches quotidiennes de gestion, nos administrations centrales et nos différents postes devraient pouvoir retrouver leurs capacités d'orientation stratégique et d'arbitrage. À cet égard, je partage plusieurs des observations présentées par M. le rapporteur spécial sur la mission « Aide publique au développement ».

En outre, nous devons accroître la synergie entre nos moyens bilatéraux et les importantes contributions que nous versons dans le système multilatéral. Je serai très franc sur ce point, madame Cerisier-ben Guiga : je trouve insuffisante l'influence réelle que nous exerçons actuellement dans ces instances multilatérales. Nous ne nous comportons pas suffisamment comme des acteurs soucieux de préserver leurs intérêts. C'est aussi l'un des aspects qu'il faudra améliorer dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, ou RGPP.

Ce que nous proposons, c'est aussi une évolution « philosophique » de l'aide, qu'il s'agit de faire passer d'un modèle unique qui est celui de la charité, à un modèle pluraliste de développement, où chacun peut apporter sa contribution, aussi bien les États que les ONG, les fondations, les collectivités ou les associations de migrants. Il ne s'agit pas simplement d'aider les pauvres, mais de bâtir avec eux des modèles de développement économique durables et profitables à tous.

En ce qui concerne l'évolution chiffrée de l'aide publique au développement française, je vous confirme, comme je l'avais dit en commission, qu'elle est revue à la baisse par rapport aux ambitions affichées par le précédent gouvernement. Vous l'avez dit, madame Tasca, notre aide avait atteint 0, 47 % du RNB en 2006 et la réalité, dont le gouvernement actuel ne peut être tenu pour responsable, sera de l'ordre de 0, 42 % en 2007.

Les objectifs qui avaient été fixés n'ont donc pas été atteints.

En 2008, nous pourrions voir notre aide publique au développement se redresser à hauteur de 0, 45 %. L'effet de levier des prêts de l'Agence française de développement à un certain nombre de pays à revenu intermédiaire et de pays émergents devrait jouer un rôle positif dans l'atteinte de cet objectif.

Je plaide aussi pour que la comptabilisation de notre aide publique au développement prenne bien en compte le produit du financement innovant de la taxe sur les billets d'avion, portée par le projet UNITAID. J'approuve d'ailleurs, sur ce point, les observations que vient de formuler M. le rapporteur spécial.

Il faut également accomplir un travail plus en profondeur sur les composantes de l'aide et réaliser un audit sérieux de l'inscription de certaines dépenses en APD. Nous avons sans doute à y perdre dans certains domaines - une estimation plus rigoureuse des écolages - mais nous avons à y gagner sur d'autres points, comme les dépenses de sécurité et de paix, qui sont loin de la caricature qu'évoquait tout à l'heure Mme le sénateur.

Je tiens à souligner que le Président de la République a tenu à réaffirmer clairement l'engagement français de porter l'aide publique au développement à 0, 7 % à l'horizon 2015, cette échéance étant celle qui a été retenue par l'ensemble de nos partenaires européens.

L'aide programmable représente nos moyens d'intervention réels sur le terrain, nos moyens d'influence dans les instances multilatérales. Il est important de souligner qu'en dépit d'un contexte budgétaire très tendu l'essentiel a été préservé. M. Charasse relève avec justesse que l'aide au projet bilatéral, loin d'être sacrifiée, s'inscrit au contraire en forte augmentation pour l'AFD.

Ce sont des moyens que mes collègues membres du Gouvernement et moi-même avons défendus cet été, et nous avons été écoutés.

Pour ces moyens, nous nous inscrivons dans la phase de « pause dynamique » évoquée par Mme Paulette Brisepierre : pause, parce qu'il est vrai que le montant de nos crédits de paiement pour les trois programmes reste stable ; dynamique, parce que, pour l'avenir, mes collègues et moi, notamment ceux qui sont ici présents, avons obtenu une augmentation importante des autorisations d'engagement. Ainsi, les graines de l'aide publique au développement de 2009, 2010 et 2011 sont bien plantées ! Les autorisations d'engagement d'aujourd'hui sont l'APD de demain. L'essentiel est donc préservé. Nous serons au rendez-vous de nos engagements internationaux en 2008.

Je ne rappelle pas la totalité de ces engagements, pour pouvoir consacrer encore quelques instants à répondre aux diverses questions qui ont été posées : je citerai simplement le Fonds mondial de lutte contre le sida, les engagements pris au sommet du G 8, et l'appel à contribution accrue du Fonds européen.

Monsieur le rapporteur spécial, nous étudions, avec les services de la Commission européenne - je m'entretenais ce matin encore avec M. Louis Michel, commissaire européen - la façon dont cette contribution pourrait être lissée dans le temps, afin que soit assurée une augmentation, certes plus modeste, mais constante et régulière, de notre aide passant par les canaux européens.

L'aide bilatérale a longtemps été le parent pauvre, mais l'augmentation des autorisations d'engagement nous aide à progresser.

La préservation et l'accroissement des moyens mis à la disposition des ONG sont conformes aux engagements du Président de la République. Il a été fait allusion, tout à l'heure, à l'Arche de Zoé. Nous nous engageons avec les grandes ONG qui sont volontaires sur un label de qualité.

Madame Cerisier-ben Guiga, la part réservée au projet d'ONG sur le FSP, le Fonds de solidarité prioritaire, sera de 30 millions d'euros ; elle augmente. Nous ferons bien sûr procéder à une évaluation des programmes financés, monsieur le rapporteur spécial.

Monsieur Legendre, concernant les efforts accomplis en faveur de la francophonie, j'approuve tout ce que vous avez dit. C'est un sujet que vous connaissez parfaitement. Nous assistions ensemble à Vientiane, voilà quelques jours, à la vingt-troisième conférence ministérielle de la Francophonie, et, voilà quelques mois, à la trente-troisième session de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, à Libreville.

Pour ce qui est de la Maison de la francophonie, sujet que, monsieur le président, vous connaissez bien, le Premier ministre, à la suite à l'alerte qui a été donnée, a mandaté l'inspection générale des finances et celle des affaires étrangères pour conduire une mission d'évaluation et de prospection, afin qu'une réponse soit donnée à toutes les questions qui ont été posées. Le rapport, qui devait être rendu début novembre, sera remis dans les tout prochains jours. J'ai dit à M. Abdou Diouf que nous serions en mesure d'apporter un début de solution d'ici à la fin de l'année, solution au sujet de laquelle nous aurons alors un débat. En ce domaine, nous avons donc progressé. Je n'en dirai pas plus aujourd'hui pour ne pas préjuger des résultats de ce travail.

Sur l'audiovisuel extérieur, je n'ai pas non plus le temps d'entrer dans le détail ; je ne veux pas empêcher M. Hortefeux de s'exprimer à loisir. Je dirai simplement que nous avons bien travaillé, à Lucerne, avec nos partenaires de TV 5. Ils ont compris notre volonté de moderniser notre audiovisuel extérieur, ils admettent l'idée de la création d'une « marque ombrelle », d'une holding, pour parler le franglais, et ils ont noté qu'un consensus s'était dégagé en faveur du respect de l'esprit et de l'identité de TV 5. Nous avons défini une méthode de travail. Ils désirent être associés aux différentes étapes. C'est un sujet sensible. Il faut privilégier le dialogue, trouver la bonne méthode. Si nous ne réagissons pas, dans quelques années, l'évolution des technologies aura raison de TV 5 elle-même.

Le Gouvernement s'engage à ce que la proposition de M. Marini soit discutée dès que possible.

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